ALLEMAGNE
I - LE REGIME JURIDIQUE
1) La notion d'entreprise artisanale
En vertu
de l'article 1 du code de l'artisanat, l'exercice d'une profession artisanale
n'est en principe autorisé qu'après inscription au
Répertoire des métiers.
La notion de profession artisanale ne se définit pas en fonction de
la taille de l'exploitation, mais suivant des critères
matériels
dont le plus important est l'exploitation de l'un des
" métiers " (
Gewerbe
) énumérés
à l'annexe A du code de l'artisanat, dans la mesure où ce
" métier " est exploité " de façon
artisanale ".
Les entreprises artisanales ne sont pas limitées
par une taille maximale.
Au cours des dernières années, la
jurisprudence
a
circonscrit dans une série de décisions la notion d'exploitation
artisanale, en la distinguant notamment de l'activité industrielle. Ce
faisant, elle a souligné qu'en raison de la multiplicité des
professions artisanales, il était impossible de définir des
critères uniformes, valables pour tous les métiers. Il faut tenir
compte, dans chaque cas, de l'ensemble du processus de production, sous son
aspect technique et commercial. Le critère essentiel qui a
été dégagé est le suivant : l'activité ne
doit pas se limiter à l'usage de machines, mais doit au contraire
permettre
la mise en oeuvre des aptitudes techniques individuelles
considérées comme la principale caractéristique de
l'artisanat. On tient compte également du degré atteint de
division du travail, de la spécialisation du processus de production et
de la qualification des personnes qui participent à l'exploitation. Par
contre, il importe peu que le propriétaire de l'exploitation y travaille
lui-même ou non.
L'annexe A du code de l'artisanat énumère 125
métiers
de production et de prestation de services groupés
dans les catégories suivantes : bâtiment (gros oeuvre et menus
ouvrages) ; travail des métaux ; travail du bois ; habillement, textiles
et cuirs ; soins hygiéniques et corporels, ainsi que les
activités chimiques et de nettoyage ; travail du verre, du papier, de la
céramique et autres. Les activités, connaissances et techniques
caractéristiques de chaque métier artisanal peuvent être
déterminées par voie d'ordonnance, dans le cadre d'une
description d'ensemble de la profession. Des descriptions de ce type ont
déjà été édictées pour une
série de métiers.
Une activité ne figurant pas à
l'annexe A n'est en aucun cas une profession artisanale, même si elle est
exercée " de façon artisanale ".
A l'inverse, il n'existe aucune disposition légale réservant
à l'artisanat l'exercice des activités
énumérées à l'annexe A du code de l'artisanat.
Toutefois, l'exercice non artisanal de certaines activités doit
être exclu en raison de leur nature même (par exemple, coiffure).
En principe, le propriétaire de l'exploitation doit être inscrit
lui-même au Répertoire des métiers. Il doit remplir
lui-même les conditions d'ordre professionnel, même lorsqu'il
exploite son fonds par l'intermédiaire d'un remplaçant. Ne
peuvent être inscrites au répertoire des métiers que les
personnes titulaires d'un
diplôme de maîtrise
. En
général, on ne peut se présenter à l'examen de
maîtrise qu'après un apprentissage de trois années,
sanctionné par l'examen de compagnonnage et suivi de cinq années
passées comme compagnon (dans certains métiers, les
périodes minima sont respectivement de trois années et demie et
de cinq années et demie).
Les artisans indépendants et les propriétaires d'exploitations
artisanales appartiennent de droit à la Chambre des métiers
localement compétente
. Les Chambres des métiers, au nombre de
56, sont des
personnes morales de droit public
et ont pour mission de
défendre les intérêts de l'artisanat. Entre autres
tâches, elles tiennent le Répertoire des métiers,
réglementent la formation des apprentis dans le cadre des dispositions
légales, ainsi que les examens de compagnonnage et de maîtrise.
Des artisans indépendants exerçant le même métier ou
des métiers voisins peuvent constituer des groupements corporatifs, qui
sont des personnes morales de droit public.
Le code de l'artisanat contient en outre des règles applicables aux
40 métiers proches
de l'artisanat
. Les activités en
question sont énumérées dans l'
annexe B
. Il faut
qu'elles soient exercées d'une façon qui les rapproche de
l'artisanat. Toutefois, leur exercice n'est subordonné, selon le code de
l'artisanat, à aucune condition particulière, concernant
notamment la qualification professionnelle, ce rattachement n'a comme
intérêt pratique que l'appartenance à l'organisation
consulaire : ceux qui exercent ces professions n'appartiennent pas à la
Chambre de commerce et d'industrie, mais à la Chambre des
métiers. Le début d'exploitation d'un métier proche de
l'artisanat doit être déclaré à la Chambre des
métiers localement compétente.
La principale modification apportée au code de l'artisanat au 31
décembre 1993 porte sur la
possibilité offerte aux entreprises
artisanales enregistrées de travailler dans d'autres
spécialités
. Le législateur a ainsi voulu prendre en
compte le désir manifesté par les clients de faire
réaliser des travaux différents par une seule entreprise.
Dans les faits, la distinction entre artisanat et industrie est assez
floue
, d'autant plus que les entreprises artisanales ne sont soumises
à aucune contrainte relative aux techniques mises en oeuvre ou à
leurs effectifs. Au printemps 1994, il y avait environ
766 000
entreprises artisanales
occupant
5,3 millions de personnes
et
représentant le quart de la valeur ajoutée nationale.
2) La forme juridique de l'entreprise artisanale
L'activité artisanale est exercée essentiellement
à
titre individuel
ou sous forme de société
à
responsabilité limitée
(
GmbH : Gesellschaft
mit beschränkter Haftung
).
La
GmbH
peut ne comporter qu'un seul associé.
Toutefois,
le code de l'artisanat n'exclut aucune possibilité
:
toutes les personnes physiques, toutes les personnes morales ainsi que les
sociétés de personnes peuvent être inscrites au
Répertoire des métiers.
II - LA FISCALITE
1) Les plus-values réinvesties
Une
entreprise qui réalise une plus-value à l'occasion de la cession
d'une immobilisation bénéficie d'un
report d'imposition
si
elle réinvestit cette plus-value dans l'acquisition d'une nouvelle
immobilisation destinée à remplacer celle qui a été
cédée.
Pour les immeubles, le report d'imposition est calculé sur 100 % de la
plus-value. Dans les autres cas, il n'est calculé que sur 50 %.
En pratique, cela signifie que, pour la part de la plus-value ouvrant droit au
report, l'entreprise n'a pas à acquitter l'impôt au titre de
l'année de la cession mais seulement au titre de l'année du
réinvestissement et qu'elle peut alors imputer la plus-value sur le prix
d'acquisition de l'actif de remplacement. Entre-temps, la valeur de la
plus-value reportée constitue pour l'entreprise une
réserve de
réinvestissement
constituée en franchise d'impôt.
Cette possibilité de report d'imposition est ouverte à toutes
les entreprises, quelle que soit leur forme.
En revanche, certaines conditions sont à respecter :
- les biens cédés doivent avoir été inscrits
à l'actif de l'entreprise pendant au moins 6 ans à la date de la
cession ;
- les biens cédés doivent avoir une durée de vie d'au
moins 25 ans, mais les biens acquis en remplacement peuvent avoir une
durée de vie inférieure ;
- les biens acquis en remplacement doivent être acquis au cours de
l'exercice pendant lequel est réalisée la cession, au cours de
l'exercice précédent, ou au cours des quatre exercices suivants.
En ce qui concerne les immeubles, l'acquisition définitive peut
intervenir dans les six ans qui suivent l'exercice de la cession si les travaux
de construction ont débuté avant l'expiration du délai
général de quatre ans.
2) La déduction fiscale pour investissement
La loi
du 9 juillet 1993 tendant à favoriser l'implantation d'entreprises en
Allemagne (
Standortsicherungsgesetz)
contient une mesure destinée
à favoriser les investissements des P.M.E., c'est-à-dire des
entreprises dont la valeur d'actif net est inférieure à
240.000 DM ou, lorsqu'il s'agit d'une exploitation commerciale ou
industrielle, dont le capital d'exploitation n'est pas supérieur
à 500.000 DM.
A partir du 1er janvier 1995, ces P.M.E. peuvent constituer des
provisions
déductibles pour l'acquisition ou la réparation de biens
d'équipement, à condition que les investissements soient
réalisés dans les deux ans suivant la constitution de cette
provision
.
Initialement fixée à 45 % des frais d'acquisition ou de
réparation, cette provision a été portée à
50 % en décembre 1993.
La provision doit être réintégrée dans le
bénéfice à partir du moment où l'entreprise
commence à amortir les investissements pour lesquels elle l'avait
constituée. Si la provision n'a pas été
" utilisée ", en tout ou partie, dans les deux ans, le montant
à réintégrer dans le bénéfice est
augmenté de 6 %.
Par ailleurs,
les P.M.E. bénéficient d'amortissements
accélérés
permettant l'amortissement des biens
d'équipement à un taux de 50 % la première
année.
3) Le salaire du conjoint
Si le conjoint est effectivement salarié et détient un contrat de travail analogue à celui que pourrait détenir un tiers, ce qui suppose, selon la jurisprudence, des relations de travail " sans ambiguités et sérieuses ", son salaire constitue une charge déductible, comme celui de n'importe quel autre salarié.
III - LA COUVERTURE SOCIALE
Les
artisans sont obligatoirement assurés au
régime
général
. Ils relèvent des 160
caisses
d'assurance maladie corporatives
(
Innungskrankenkassen
) qui
regroupent 2,73 millions d'assurés et d'ayants droit et coexistent
avec les autres caisses du régime général (essentiellement
les caisses locales et les caisses d'entreprises).
Lorsque l'artisan est salarié, en cas de maladie, l'employeur maintient
le paiement de la rémunération pendant 6 semaines. Ensuite, il a
droit aux prestations en espèces de l'assurance maladie si son
état ne lui permet pas de travailler. Le montant de ces prestations est
de 80 % de la rémunération soumise à cotisation. Pour une
même maladie, elles ne peuvent être servies pendant plus de 78
semaines pendant une période de trois ans.
L'artisan qui exerce à titre indépendant ne reçoit pas
d'indemnités journalières à moins qu'il n'ait souscrit une
assurance volontaire.
IV - LES MESURES EN FAVEUR DE L'APPRENTISSAGE
Depuis
de nombreuses années, environ 70 % des 16-19 ans reçoivent une
formation professionnelle au sein du système " dual " qui
associe apprentissage en entreprise et enseignement en école
professionnelle publique. Ce type d'établissement donne les bases
théoriques d'un métier et dispense un enseignement
général.
La loi sur la formation professionnelle
du 14 août 1969
constitue la première intervention législative de l'Etat
fédéral dans ce domaine : les formations dispensées en
entreprise sont , depuis lors, soumises au contrôle de l'Etat.
Cependant, les entreprises sont libres de former ou non et
la loi de 1969 ne
contient aucune disposition sur le financement
.
Les coûts de la
formation professionnelle sont assumés en majeure partie par les
entreprises se chargeant de la formation
. Celles-ci dépensent
actuellement environ 23 milliards de DEM (net) par an, soit approximativement 3
% de la masse salariale de l'économie nationale. Ces coûts sont
considérés comme des coûts absolument normaux, qui minorent
les bénéfices.
En effet, une enquête menée en 1994 par l'Institut
fédéral pour la formation professionnelle estimait que la
contribution des apprentis à la production représentait un peu
moins de la moitié des coûts bruts de formation engagés par
les entreprises artisanales
. En 1991-1992, les frais nets,
c'est-à-dire compte tenu de la contribution des apprentis à la
production pendant leur formation, représentaient en moyenne 12 500 DEM
par an et par apprenti dans le secteur de l'artisanat. La
rémunération des apprentis est très variable d'un
métier à l'autre : actuellement, un apprenti boulanger gagne
environ 570 DEM (nets) par mois alors que, dans la maçonnerie,
l'apprenti gagne plus de 1 300 DEM.
Pour pallier l'insuffisance de leurs équipements ou de leurs ressources
humaines, de nombreuses petites entreprises s'associent pour créer des
ateliers de formation. La Chambre du métier concernée participe
en général au financement de ces ateliers.
Les coûts de l'enseignement en école professionnelle sont
financés sur les ressources publiques. En outre, l'Etat accorde des
aides financières complémentaires pour les jeunes qui en ont
besoin (handicapés, jeunes défavorisés, étrangers
qui ont besoin de cours théoriques de rattrapage...)
A l'inverse,
la loi de 1976 sur la promotion des places de formation
instituait un prélèvement sur les entreprises ne dispensant pas
de formation professionnelle en quantité suffisante
(1(
*
))
. Ce prélèvement devait
être reversé aux entreprises ayant créé un nombre de
postes d'apprentissage supérieur à leur moyenne des trois
dernières années ou ayant préservé des postes
d'apprentissage menacés et d'autre part, aux centres de formation
interentreprises. Cette loi n'a pas été appliquée puis a
été annulée en 1980 par la Cour Constitutionnelle.
Les syndicats ouvriers continuent d'estimer que toutes les entreprises,
publiques ou privées, doivent participer au financement de
l'apprentissage soit en formant les jeunes, soit en versant un pourcentage de
la masse salariale dans un fonds commun à l'image de ce qu'on fait les
entreprises du secteur des B.T.P. en 1975. Cependant, les organisations
professionnelles des autres secteurs sont opposées à une telle
réglementation du financement de la formation professionnelle.