III. AIDES PUBLIQUES, FONDS DE COMPENSATION ET MESURES DE RECONSTRUCTION

1. Une indemnisation publique complémentaire de l'assurance

L'existence d'une couverture assurantielle large et répandue dans la population n'est pas toujours suffisante pour absorber le choc que représente une catastrophe naturelle. Les pouvoirs publics doivent alors compléter leur soutien au régime assurantiel par une prise en charge financière complémentaire.

En France , des mesures exceptionnelles peuvent être prises le cas échéant pour procéder à la reconstruction de zones sinistrées ou procurer une aide financière complémentaire. Il existe également certains dispositifs pérennes qui ciblent des secteurs (agriculture) ou des zones déterminées (outre-mer) , qui sont exposées à des risques spécifiques et où la couverture assurantielle est moins répandue. Cela comprend notamment le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) qui assure la couverture des dommages non assurables subis par les exploitations agricoles et reconnus par arrêté du ministre de l'agriculture. Ce fonds créé par la loi n°64-706 du 10 juillet 1964 codifiée aux articles L. 361-1 et s. du code rural et de la pêche maritime est géré par la Caisse centrale de réassurance (CCR). En outre, est prévu un Fonds de secours pour l'outre-mer alimenté par les crédits du ministère de l'outre-mer. Une circulaire interministérielle du 12 juillet 2012 encadre sa mise en oeuvre.

En Belgique , la Caisse nationale des calamités prend le relais des assureurs privés, sans se substituer à eux, après déclaration de l'état de calamité publique . Aux termes des articles 34 et suivants de la loi belge sur la réparation des dommages du 12 juillet 1976, elle permet d'indemniser les dommages aux biens qui ne sont pas couverts par l'assurance-incendie simple ou de compléter l'indemnisation des biens assurés, lorsque les limites d'intervention des assureurs privés sont atteintes. La garantie complémentaire apportée ainsi par les pouvoirs publics n'est cependant pas illimitée . Le calcul de l'indemnité de réparation est précisé par la loi (art. 10). Après le transfert de la compétence aux régions en 2014 , ces dispositions ont été reprises dans les décrets des gouvernements flamand et wallon des 3 juin et 26 mai 2016. Depuis lors, le Fonds wallon des calamités naturelles et le budget du gouvernement flamand sont mis à contribution.

En Espagne , la couverture assurantielle des risques extraordinaires est également complétée par le versement d'aides sur le budget de la protection civile, conformément au décret royal 307/2005 du 18 mars 2005. Le caractère subsidiaire de ces aides par rapport à tout autre dispositif de couverture des dommages, public ou privé, national ou international est expressément posé. Lorsque ces dispositifs d'indemnisation ne couvrent pas la totalité des dommages, une subvention complémentaire qui ne peut excéder la valeur du dommage subi peut être toutefois octroyée sous conditions (art. 2). Peuvent en bénéficier (art. 5) :

- les familles qui ont souffert des dommages et dont les revenus sont trop faibles pour faire à une situation catastrophique ou d'urgence. Un barème est précisé pour déterminer le seuil d'éligibilité en fonction des revenus et du nombre de membres de la famille (art. 16) ;

- les collectivités locales qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour supporter les coûts des actions à mener pour remédier à un risque grave ou à une catastrophe ;

- les personnes physiques ou morales qui sur réquisition des autorités compétentes ont réalisé une prestation en raison d'une situation d'urgence.

Le ministère de l'Intérieur dispose de six mois pour se prononcer sur les demandes d'aide adressées aux services déconcentrés de l'Etat. 22 ( * ) Sa décision motivée s'appuie sur le rapport du directeur général de la protection civile et des urgences. L'octroi de l'aide nécessite que soient avérés la situation d'urgence ou de catastrophe, un lien direct et déterminant entre les faits générateurs et les dommages et le caractère incontournable ( ineludible ) et inéluctable ( inaplazable ) des actions palliatives qui doivent être financées. L'aide doit être proportionnée à l'intensité des dommages, et conserver un caractère complémentaire par rapport aux autres aides ou indemnisations dont peut bénéficier le demandeur.

Des règles de calcul et de plafonds sont fixées pour chaque type d'aides. Par exemple, pour les familles frappées par des dommages personnels, des aides peuvent être octroyées à hauteur de 17 150 euros par personne décédée ou sujette à une incapacité absolue et permanente dès lors que la famille dépendait de ses revenus (art. 18). En matière de dommages matériels, l'aide maximale est fixée à 12 600 euros en cas de destruction complète de l'habitation, et sinon à 50 % du montant des dommages subis par l'habitation avec des plafonds à 8 600 € pour les dommages structurels et 4 300 € pour les dommages non structurels. La réparation ou le remplacement des équipements domestiques de première nécessité endommagés sont couverts jusqu'à 2150 € (art. 17). En cas de sécheresse, les coûts de fourniture d'eau potable assumés par les collectivités locales peuvent être pris en charge par l'État espagnol à hauteur de 50 %, voire 100 % si le coût dépasse 20 % des dépenses courantes annuelles de la collectivité (art. 23).

Aux États-Unis , l'agence fédérale de gestion des urgences ( Federal Emergency Management Agency, FEMA ), outre l'administration du programme national d'assurance inondation (NFIP, cf. supra), coordonne les actions du gouvernement fédéral en matière de gestion des catastrophes, que cela soit les aides aux particuliers que l'aide au secteur public (État fédéré, gouvernement tribal, administrations locales ...) pour les travaux urgents et la réparation ou le remplacement des installations endommagées par l'évènement. Sont notamment inclus le ramassage des débris, les travaux sur les routes et les ponts et les installations de contrôle des eaux.

Ces aides en cas de catastrophe, procurées au titre du Stafford Act de 1988, sont par nature considérées comme supplémentaires , le niveau de la couverture assurantielle, souscrite par ailleurs, étant prise en compte, principalement pour qualifier la portée de l'assistance nécessaire. Les dispositifs fédéraux sont mis en oeuvre lorsque l'état de catastrophe naturelle est déclaré par le Président américain.

Plus précisément, le programme d'aide aux petites entreprises offre des prêts financiers à taux bas et de long-terme pour les pertes qui ne sont pas complètement couvertes par les assurances. Les petites entreprises peuvent ainsi emprunter jusqu'à 2 millions de dollars pour réparer ou remplacer des biens fonciers endommagés ou détruits, la machinerie et les équipements ou encore les actifs commerciaux.

Le programme d'assistance et de secours suite à une catastrophe, pour les particuliers et les entreprises, permet d'obtenir une aide financière de la part de l'agence fédérale collectant l'impôt sur le revenu (IRS) . Autant les particuliers que les entreprises situés dans une zone déclarée en état de catastrophe naturelle peuvent y prétendre en déclarant les pertes dues au désastre sur leur déclaration de revenus de l'année précédente ou en la corrigeant pour qu'elle puisse en tenir compte.

Le programme d' aide au logement pour les particuliers fournit une aide financière pour les dépenses nécessaires liées au logement, à l'instar du logement temporaire, de la réparation ou du remplacement du logement existant ou de la construction d'un logement permanent ou semi-permanent. Cette aide n'est possible qu'à l'égard des personnes vivant dans une zone déclarée en état de catastrophe naturelle, pour les personnes n'ayant pas souscrit d'assurance ou dont l'assurance ne prend pas en charge tout ou partie du dommage, si le logement concerné est la résidence principale et est inhabitable en l'état et enfin si une des personnes du ménage est citoyen américain, résident non-citoyen ou un étranger autorisé.

Le programme d'assistance pour les autres besoins fournit une aide financière aux ménages pour faire face aux dépenses nécessaires et besoins impératifs sans lien avec le logement. Sont compris les dépenses médicales et dentaires, les coûts funéraires, l'aide à l'enfance, les biens personnels ou encore les transports.

Enfin, le programme d' aide juridique , gratuit, est destiné aux sinistrés ayant un faible revenu. La FEMA fournit ce service grâce à un accord conclu avec l'association des jeunes avocats , branche de l'association du barreau américain. Ces derniers fournissent des conseils et des avis, une orientation vers les services juridiques adéquats voire une représentation juridique.

Le cas particulier de la Suisse :
une indemnisation hors assurance par une fondation privée

Le Fonds suisse de secours pour dommages non-assurables , dénommé fondssuisse depuis 2016 peut être saisi en cas de dommages causés par des phénomènes naturels imprévisibles contre lesquels il est impossible de s'assurer et uniquement si aucun autre service ou organisation n'apporte son secours. Il a été créé en 1901 par la Société suisse d'utilité publique, organisation de bienfaisance privée indépendante elle-même constituée en 1810. Il bénéficie du statut de fondation.

Ses directives relatives aux conditions de contribution et à la procédure en cas de dommage précisent qu'il n'existe aucun droit à prestation (article 5) et que la décision d'octroi d'une indemnité se fait en prenant en compte des critères tels que le montant du dommage, la situation financière du sinistré et de son impossibilité à avoir pu empêcher la survenance du dommage (article 8).

La directive précise également les objets endommagés pouvant être indemnisés, les dommages assurables et ceux exclus, ainsi que le taux d'indemnisation, la contribution du fonds et les déductions pouvant intervenir.

2. Une mobilisation des fonds publics comme substitut au mécanisme assurantiel

Dans les pays où la couverture assurantielle est peu répandue faute de soutien public comme en Allemagne, en Suède ou en Italie, et dans ceux où les assureurs refusent largement de garantir les risques naturels comme aux Pays-Bas, la gravité des dommages causés par les catastrophes naturelles et le désarroi des populations imposent aux pouvoirs publics d'intervenir pour offrir aux particuliers et aux entreprises une compensation financière. La charge en incombe alors directement au budget de l'Etat .

Aux Pays-Bas , les inondations catastrophiques de 1953 ont conduit les compagnies d'assurance à déclarer ce risque naturel inassurable. C'est l'Etat néerlandais qui assure seul l'indemnisation financière des pertes subies, en décidant en opportunité d'activer le mécanisme prévu dans la loi d'indemnisation ( tegemoetkoming ) des dommages du 25 mai 1998. Seules les inondations catastrophiques donnent lieu à une indemnisation ; les risques habituels sont à la charge des personnes lésées. L'indemnisation couvre les zones protégées par le système de digues et de barrages, mises en place sous la responsabilité de l'État néerlandais. Entre 1998 et 2016, le dispositif d'indemnisation des catastrophes a été activé seulement cinq fois. 23 ( * )

La liste des pertes couvertes, établie à l'article 4.1 de la loi de 1998, est longue et précise : dommages aux habitations, aux véhicules, aux bateaux servant d'habitation ; dommages aux biens meubles ; dommages aux infrastructures publiques ; pertes de capital fixe et d'actifs circulants ; pertes financières dues à des dommages aux cultures et aux élevages qui affectent le rendement habituel ; coûts de remise en activité ; coûts d'évacuation ; coûts de préparation à la catastrophe incluant les mesures de prévention et de limitation des effets de la catastrophe, coûts de déblayage et de nettoyage. Un arrêté ministériel peut étendre cette liste à d'autres pertes et dommages, le cas échéant, sauf aux pertes de chiffre d'affaires qui demeurent exclues (art. 4.2). Les personnes n'ont aucun droit à l'indemnisation lorsque les dommages sont assurables ou qu'une compensation financière est obtenue à un autre titre, ainsi qu'en cas de faute de la personne lésée ou de défaut de prévention ou de mitigation suffisante des dommages par la personne lésée (art. 4.3).

Le taux de remboursement partiel est fixé par l'État après un constat effectué par des agents privés des compagnies d'assurance mais rémunérés par l'État pour cette tâche . Une franchise à la charge des personnes, un seuil de prise en charge ainsi qu'une enveloppe globale contraignant l'indemnisation peuvent être définis par arrêté ministériel. Le fait qu'une personne a déjà été indemnisée dans les deux années précédentes peut également être pris en compte.

En Italie , l'absence de système assurantiel soutenu par les pouvoirs publics et la faible pénétration de l'assurance privée rendent inévitable la mobilisation directe des ressources de l'État pour indemniser les populations frappées par des catastrophes naturelles. Les derniers séismes 24 ( * ) de forte amplitude, qui se sont succédé rapidement en Italie centrale, ont occasionné de très fortes destructions. Pour y faire face, deux types de mesures compensatoires pour venir en aide aux particuliers en urgence et préparer la reconstruction sont retenues : des mesures générales permanentes prévues par la loi instituant le service national de protection civile de 1992 et des mesures ponctuelles prévues dans une série de textes spécifiques pris après chaque événement catastrophique .

Dans la première catégorie, celles des dispositifs généraux et permanents, il convient de relever :

- la mobilisation du Fonds pour les urgences nationales (art. 5.5- quinquies Legge 225/1992). Les sommes tirées du Fonds national sont notamment destinées à la gestion de l'urgence ; elles doivent servir à couvrir les débours liés à la mise en oeuvre des interventions de première nécessité telles que l'organisation des secours et l'aide à la population, le rétablissement des services publics et des infrastructures de réseaux stratégiques, les opérations de réduction des risques résiduels directement connectés à l'événement, ainsi que l'évaluation des besoins et des dommages (art. 5.2.) ;

- la suspension ou un délai de paiement des contributions fiscales et sociales pour 6 mois au plus (art. 5.5- ter ) 25 ( * ) ;

- la suspension temporaire des remboursements d'emprunts immobiliers sur des immeubles détruits ou endommagés ou d'emprunts contractés pour des activités commerciales installés dans des immeubles détruits ou endommagés ( art. 5.5- quinquies ) ;

- la prise en charge par l'État italien depuis le 1 er janvier 2015 du paiement de l'amortissement de certains emprunts, y compris obligataires, contractés à la suite de catastrophes naturelles (art. 5.5- septies).

Ces dispositifs nécessitent comme préalable la déclaration de l'état d'urgence en Conseil des ministres, ainsi qu'une série d'arrêtés pour spécifier les personnes morales et physiques concernées et préciser les modalités de suspension de charges ou de prise en charge financière sur le budget de l'État.

Dans la seconde catégorie regroupant les mesures ponctuelles on trouve notamment des décrets-lois, qui permettent à l'exécutif de prendre des dispositions d'ordre législatif sans habilitation préalable du Parlement dès lors que l'urgence le justifie. Une loi ultérieure les ratifie.

On peut ainsi faire référence aux décrets-lois n.74 du 6 juin 2012, n.189 du 17 octobre 2016 et n.8 du 9 février 2017 prévoyant des interventions urgentes en faveur des populations touchées par les séismes. Ces textes contiennent une grande quantité de dispositions de tout ordre sur la constitution et l'utilisation d'un Fonds pour la reconstruction des zones de séismes, sur l'accélération des procédures d'aide, sur les structures d'habitation d'urgence, sur le paiement des entreprises de sous-traitance engagées dans la reconstruction, sur le bon déroulement des activités éducatives et scolaire, sur le soutien aux entreprises agricoles et agroalimentaires, sur la remise en état de la voirie, etc.

De multiples mécanismes d'avances de fonds, de subventions, de crédits et d'allègements d'impôts, de suspension de contributions pour les particuliers et pour les entreprises sont mis en place à titre transitoire. En particulier, pour soutenir la reconstruction après le séisme d'Amatrice du 24 août 2016 , des zones prioritaires particulièrement touchées ont été délimitées. Dans ce périmètre, le financement des opérations de réparation et de reconstruction des immeubles endommagés ou détruits, qu'ils soient résidentiels, commerciaux ou industriels, est intégralement pris en charge par l'État italien . Les aides ne sont pas versées directement aux propriétaires : les banques, sur des crédits publics ouverts par l'État, paient les entreprises effectuant les travaux. Aucune avance de fonds n'est nécessaire de la part du propriétaire, qui doit choisir une banque de référence et déposer une demande auprès des bureaux chargés de la reconstruction (cf. point 3 ci-dessous).

Pour éviter les fraudes et le détournement des fonds publics, les entreprises de travaux devront impérativement être inscrites sur une liste blanche ; elles devront avoir satisfait à toutes leurs obligations fiscales et sociales et respecter toutes les dispositions anti-mafia. Au fur et à mesure de l'avancement des travaux, qui fera l'objet de contrôles, l'État enverra à la banque l'ordre de payer l'entreprise.

En outre, certaines mesures proviennent directement de délibérations en Conseil des Ministres. C'est ainsi qu'une délibération du 28 juillet 2016 26 ( * ) actualisant une disposition de la loi de stabilité financière n.208/2015, avait autorisé la création d'aides à la charge entière de l'Etat par le biais d'un crédit d'impôt pour les particuliers et les entreprises touchés depuis mai 2013 par une catastrophe naturelle. La clôture des demandes était fixée au 29 septembre 2016. Un plafond d'aide était fixé, pour la résidence principale, à 80 % de la valeur déterminée lors de la phase d'instruction ou 187 500 euros si elle était à reconstruire ou 150 000 euros si elle était à réparer, et pour la résidence secondaire à 50 % de la valeur ou 150 000 euros. Ces mesures ne se sont pas appliquées aux personnes touchées par les séismes d'août 2016 auxquelles s'appliquait le régime plus favorable décrit précédemment.

En Allemagne , l'absence d'un système généralisé et obligatoire et l'inexistence d'un fonds fédéral ou national destiné à aider les victimes de catastrophes naturelles nécessite des interventions ponctuelles en cas de survenance d'un évènement particulièrement important. Après les inondations de l'Elbe , en 2002, les pouvoirs publics sont intervenus à hauteur de 7,1 milliards d'euros .

Toutefois, certains Länder ont pu créer des fonds d'intervention. Tel est le cas de la Bavière qui a adopté le 6 septembre 2011 des lignes directrices relatives au fonds de secours pour l'octroi d'une aide financière en cas de situation de crise du fait de phénomènes naturels. Les catastrophes naturelles visées sont les tremblements de terre, les glissements de terrain, les inondations et les avalanches, si aucune couverture d'assurance n'est possible.

Après la catastrophe, l'autorité administrative de la circonscription (Kreisverwaltungsbehörde) informe sans délai, si possible le lendemain, le gouvernement de Bavière. Celui-ci examine immédiatement de sa propre autorité si l'introduction de mesures d'aides étatiques pour le territoire concerné apparaît nécessaire, après une première estimation des dommages éligibles à l'aide financière.

Lorsque la procédure d'examen du gouvernement bavarois conclut que les dommages sont éligibles au fonds d'aide, alors le gouvernement notifie au ministre des finances et du développement territorial du Land le montant des dommages subis pouvant bénéficier de l'aide. Il définit également le champ d'application territorial et temporel de l'opération d'aide.

Les dommages éligibles au fonds d'aide sont les frais visant à supprimer les dommages immédiats pour lesquels les objets sont endommagés, détruits ou perdus par une influence directe de la cause du dommage : actifs d'entreprises agricoles, horticoles, commerciales ou indépendantes, actifs des coopératives, associations ou services sociaux, bâtiments privés et autres ouvrages de construction et articles ménagers, dont la réparation est essentielle et ne peut être différée.

À titre d'exemple, dans le cadre des dommages pour les articles ménagers, pour le renouvellement d'un foyer, sont considérés comme appropriés les montants forfaitaires suivants : 13 000 euros si le foyer est composé d'une personne, 13 000 euros pour la première personne auxquelles s'ajoutent 8 500 euros pour le partenaire et 3 500 euros pour toute autre personne supplémentaire lorsque le foyer est composé d'au moins deux personnes.

L'aide peut prendre la forme, unique ou cumulative, d'une aide financière immédiate (Soforthilfe) , d'une aide d'urgence (Notstandsbeihilfe) et d'une garantie gouvernementale (Staatsbürgschaft) .

En Suède et au Royaume-Uni , la recherche n'a pas permis de mettre en évidence l'existence d'un fonds d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles. Toutefois, en Suède , les municipalités ayant dû engager des coûts importants lors d'une opération d'urgence ont le droit de demander une compensation à l'État pour le montant des coûts excédant leur franchise.

3. Des mesures exceptionnelles de gouvernance dans les zones à reconstruire

Lorsque les dégâts sont très importants et les zones touchées très étendues, ce qui est notamment le cas lors de séismes violents, l'État doit prendre en charge la reconstruction. Un schéma de gouvernance exceptionnel concentrant des compétences ordinairement séparées et mobilisant des moyens extraordinaires est parfois retenu.

En Italie, la gouvernance de la reconstruction est confiée avec un Commissaire extraordinaire national , auquel sont associés en tant que vice-commissaires les présidents de région (art. 2 Decreto-Legge 189/2016). La mission du Commissaire est de garantir une reconstruction unifiée et homogène (art. 1.7). À cette fin, il assure la programmation de l'utilisation des moyens financiers et prend par ordonnance, dans le respect de la Constitution et des principes généraux du droit, et avec l'accord du président de la région intéressée, toutes les mesures nécessaires pour faciliter la reconstruction. Il contribue avec la Protection civile à la résorption des situations d'urgence, coordonne les opérations de réparation et de reconstruction des immeubles privés et des ouvrages publics, supervise l'octroi des concours financiers et la mise en oeuvre des mesures destinées à soutenir le tissu économique, établit la liste blanche des entreprises de travaux « propres » et gère le Fonds de reconstruction.

Est également mis en place un bureau dédié , l' ufficio speciale per la ricostruzione , dans chacune des quatre régions (Abbruzzes, Latium, Marches, Ombrie) touchées par les derniers séismes (art. 3). Ces quatre bureaux sont mis en place conjointement par les régions et les communes suivant une convention-type établie par le Commissaire extraordinaire. Ils sont chargés de l'octroi des concours financiers, de l'instruction des dossiers, de la gestion des travaux publics et de la délivrance des permis de construire en soutien aux communes.

En Nouvelle-Zélande , les séismes de Canterbury en 2010 et 2011 ont détruit ou endommagé à plus de 90 % Christchurch, la deuxième plus grande ville du pays. L'EQC a reçu 400 000 demandes d'indemnisation au titre de l'assurance contre les risques naturels mais les 5 milliards $NZ qui devraient au total être versés à ce titre aux particuliers ne suffisent pas à la reconstruction de l'agglomération. C'est pourquoi le Parlement néozélandais a validé le principe d'un soutien public massif en adoptant des mesures exceptionnelles dans le Canterbury Earthquake Recovery Act de 2011, puis dans le Greater Christchurch Regeneration Act du 19 avril 2016, juste avant l'expiration du premier texte.

Une agence gouvernementale, la Canterbury Earthquake Recovery Authority (CERA), a été créée pour définir une stratégie de reconstruction et la mettre en oeuvre. La stratégie devait afficher des objectifs de long terme à l'échelle de l'agglomération. Conçue à l'issue d'une large consultation publique, elle devait être déclinée par les autorités locales en plans plus détaillés ciblant une zone ou une community particulière.

Le législateur a doté en 2011 la CERA de pouvoirs extraordinaires, lui permettant de s'affranchir largement des droits et titres existants : elle pouvait enjoindre aux conseils municipaux de lui communiquer toute information et d'agir selon ses instructions, amender ou abroger les documents d'urbanisme et de planification environnementale, fermer ou restreindre l'accès à certaines zones, démolir des immeubles et forcer les propriétaires à lui vendre certains terrains. Les démolitions et travaux ordonnés par la CERA ne donnaient lieu à aucune indemnisation. 27 ( * )

La centralisation manifeste et les prérogatives exorbitantes de la CERA ont fait l'objet de nombreuses critiques , si bien que le nouveau dispositif législatif adopté en avril 2016 lui substitue un nouvel organisme baptisé Regenerate Christchurch qui associe la Ville de Christchurch et l'État néozélandais pour prolonger l'élan en mettant l'accent sur le développement économique et le renouvellement du tissu urbain. Le 30 juin 2021, cet organisme sera dissous et remplacé par une agence contrôlée entièrement par la Ville de Christchurch. De même, un mode de collaboration plus équilibré est retenu avec le conseil régional de Canterbury, les représentants des Maoris de l'île du Sud ( Te Runanga o Ngai Tahu ) et les conseils municipaux voisins.

En Suède , les importants dégâts causés par la tempête Gudrun des 8 et 9 janvier 2005 ont conduit le gouvernement suédois à décider de l'octroi d'une aide destinée à compenser les pertes causées par cette catastrophe naturelle en aidant les propriétaires de forêts à reboiser, le montant de l'aide variant selon l'option choisie par le propriétaire forestier pour chacune des zones à reboiser. Les programmes présentés à Bruxelles, pour un coût total d'environ 450 millions SEK (soit environ 47 millions d'euros) et n'ayant pas soulevé d'objection consistent par exemple en la plantation de forêts de conifères ou de forêts constituées essentiellement de conifères, pour un coût estimé à 12 900 SEK par hectare et le montant de l'aide de 3 000 SEK par hectare, la plantation de forêts de feuillus ou de forêts essentiellement constituées de feuillus, pour un coût estimé à 30 000 SEK et une aide d'un montant de 20 000 SEK ou encore à faciliter la régénération naturelle par des clôtures de protection, pour un coût de 18 300 SEK et une aide de 8 000 SEK 28 ( * ) .


* 22 Au-delà des six mois, le silence vaut refus. Toutefois, le ministre a l'obligation de répondre à toutes les demandes. Son silence prolongé ouvre la voie à des recours administratifs (art. 11 RD 307/2005).

* 23 Suykens, Priest, van Doorn-Hoekveld, van Rijswick,  « Dealing with flood damage : Will prevention, mitigation, and ex post compensation provide for a resilient triangle ? », Ecology and Society 21(4), October 2016.

* 24 Emilie-Romagne (20-29 mai 2012), Amatrice (24 août 2016), Norcia (28-30 octobre 2016), l'Aquilée (18 janvier 2017).

* 25 La loi italienne n.290 du 6 décembre 2006 a précisé cette disposition pour en exclure rétroactivement les employeurs publics, les fonctionnaires, les particuliers employeurs domestiques, les employés et les associés individuels d'une entreprise qui a refusé le bénéfice de la suspension. Des récupérations de contributions ont donc été demandées à partir de 2008 pour certaines suspensions de contributions fiscales et sociales accordées depuis 1992.

* 26 La délibération a été publiée au Journal officiel italien n° 183 du 6 août 2016.

* 27 Odlin, Summary and Analysis of The Canterbury Earthquake Recovery Act , Buddle Findlay Law Firm, 4 May 2011.

* 28 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52006XC0511(01)

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