MONOGRAPHIES PAR PAYS
ALLEMAGNE
Le régime de prescription des poursuites (Verfolgungsverjährung) résulte du titre 1 er du chapitre 5 du code pénal allemand.
Ce texte prévoit que l'homicide volontaire commis avec des circonstances aggravantes (Mord) 10 ( * ) est insusceptible de prescription.
Il établit une liste des actes de nature à interrompre la prescription et précise les modalités de cette interruption.
1. Le choix d'inscrire une liste d'actes d'interruption dans le code pénal
L'exposé des motifs de la loi sur le code pénal de 1960 a précisé les raisons pour lesquelles le législateur allemand a, à cette époque, tranchant un débat qui avait cours depuis les années 1920 outre-Rhin, choisi d'avoir recours à une liste pour déterminer les actes interruptifs de prescription :
« Des projets antérieurs ont supprimé l'interruption du délai de prescription en matière de poursuite et d'exécution (Vollstreckung) (articles 68, 72 du code pénal) et l'ont remplacé par l'institution d'une prolongation juridictionnelle du délai ainsi que par une disposition relative à la suspension (Ruhen) de la prescription pour la période de litispendance (Rechtshängigkeit) . En supprimant l'interruption, le projet de 1930 a aussi renoncé, à la possibilité d'un allongement des délais par le tribunal. Ce qui a déterminé ce dispositif dans les projets antérieurs, était l'idée qu'une réforme devait éviter les inconvénients résultant, en vertu du droit en vigueur, de l'interruption du délai. L'effet de l'interruption de la prescription est lié, dans ces projets, en vertu de la loi, à certains actes du juge ou de l'autorité d'exécution (Vollstreckungsbehörde) , qui, en eux-mêmes (an sich) , servent d'autres buts. Par conséquent, la prescription est fréquemment interrompue même si le report de son terme n'est ni indiqué ni souhaité. Si, en vertu du droit en vigueur, l'interruption était la seule possibilité pour reporter le terme de la prescription, il en résulterait, d'un autre côté, la situation insatisfaisante que l'on devrait effectuer un acte juridictionnel d'enquête ou un acte d'exécution, pour parvenir au report, même s'il n'existait pas de besoin du fait des autres aspects de l'état de la procédure. Il serait particulièrement problématique que la prescription puisse souvent être interrompue ad libitum, du fait que, en contradiction avec l'idée fondamentale de la prescription, cette dernière ne s'applique pas à un acte réprimé pénalement ou à une peine.
Ces réserves à l'encontre des articles 68 et 72 du code pénal sont justes. Cependant le projet conserve l'interruption en matière de prescription applicable aux poursuites. Il douteux qu'une disposition sur la suspension de la prescription durant le cours de la litispendance soit seule en mesure de satisfaire au besoin pratique auquel pourvoit l'interruption de la prescription dans le cas de la prescription des poursuites, surtout quand il apparaît nécessaire de limiter la suspension dans le temps. D'un autre côté, l'institution de l'allongement du délai par le tribunal, sur le modèle des projets antérieurs, suscite des réserves. Ceci est en contradiction avec l'idée fondamentale de la prescription qui n'est justement pas basée sur les particularités du cas d'espèce, et qui, sur le modèle des projets de 1925 et 1927, devrait toujours être permise si les circonstances particulières de l'espèce l'exigent. D'un autre côté, il n'est pas possible de décrire ces conditions de manière à conjuguer le besoin pratique d'un report du terme de la prescription dans certains cas et l'exigence de la sécurité juridique. C'est pourquoi le projet considère ne pas pouvoir renoncer à l'institution de l'interruption dans le cas de la prescription des poursuites, mais supprime toutefois pour l'essentiel les défauts du droit en vigueur en énumérant un par un les actes qui entraînent l'interruption et de façon exhaustive. [...] On peut se passer de la prescription en ce qui concerne les cas d'exécution. » 11 ( * )
2. La liste des actes interruptifs de la prescription
La prescription, qui court dès la commission de l'acte, et au moment où il « réussit » (Erfolg) si ses conséquences surviennent après qu'il a été commis (article 78a du même titre), peut être interrompue par des actes dont la liste résulte de l'article 78c du même code, à savoir :
- la première audition (Vernehmung) de la personne soupçonnée (Beschuldigter) ;
- la signification qu'une procédure d'instruction/d'enquête est ouverte contre cette personne ;
- l'ordonnance permettant de procéder à la première audition ou à cette signification du fait qu'une procédure d'instruction ou d'enquête est ouverte ;
- toute audition par le juge de la personne soupçonnée, et l'ordonnance qui y a trait ;
- le fait que le juge ou le procureur mandate un expert, lorsque la personne soupçonnée a été auditionnée préalablement ou que l'ouverture d'une procédure d'instruction à son encontre lui a été signifiée ;
- tout ordre judiciaire de saisie ou de perquisition ainsi que la décision judiciaire qui le(s) prolonge ;
- un mandat d'arrestation, un mandat d'internement, un mandat d'amener et les décisions judiciaires qui les prolongent ;
- l'ouverture de l'action publique ;
- l'ouverture de la procédure principale (Hauptverfahren) ;
- toute convocation à une « audience principale » (Hauptverhaltung) ;
- l'ordonnance pénale 12 ( * ) (Strafbefehl) rendue dans le cadre d'une procédure simplifiée s'appliquant aux infractions pénales sanctionnées par une amende ou une peine d'emprisonnement inférieure à un an, la condamnation définitive intervenant sans audience orale, ou décision équivalente ;
- la clôture provisoire par le juge de la procédure à cause de l'absence de la personne mise en examen ainsi que toute ordonnance du juge ou du procureur, rendue après une telle décision de clôture ou dans la procédure contre la personne absente pour déterminer son lieu de séjour ou pour sécuriser des preuves ;
- la clôture provisoire de la procédure pour cause d'incapacité de la personne mise en examen à assister à l'audience ainsi que toute ordonnance du juge ou du procureur, rendue après une telle décision de clôture pour vérifier sa capacité à assister à l'audience ;
- et toute demande du juge de procéder à un acte d'enquête à l'étranger.
3. La procédure d'interruption de la prescription
La prescription est interrompue, s'agissant d'une ordonnance ou d'une décision écrite, au moment de leur signature.
Si ce document écrit ne parvient pas dans les meilleurs délais au cours de la « marche régulière des affaires » (Geschäftsgang) après sa signature, le moment retenu est celui où il y est effectivement versé.
Après chaque interruption, le délai de prescription commence de nouveau à courir. La poursuite est cependant prescrite au plus tard lorsque s'est écoulé :
- le double du délai légal de la prescription depuis son point de départ mentionné à l'article 78a ;
- et au moins trois ans, lorsque le délai de prescription est, en vertu de lois particulières, inférieur à trois ans.
L'interruption n'a d'effets qu'à l'égard de celui à qui se rapporte l'acte.
Si une loi, applicable lors de la commission de l'acte, a été modifiée par la réduction du délai de prescription avant le jugement, les actes interruptifs de la prescription préalables à l'entrée en vigueur de la loi modifiée restent valables, même si, au moment de l'interruption, la poursuite, aux termes de la loi modifiée, aurait été déjà été prescrite.
* 10 Aux termes de l'article 211(2) du code pénal allemand, est meurtrier celui qui tue une personne : avec l'envie de tuer, pour satisfaire son instinct sexuel, par cupidité ou pour d'autres vils motifs ; de manière perfide, violente ou avec des moyens dangereux, pour permettre la commission d'un autre délit ou pour le couvrir.
* 11 « Frühere Entwürfe haben die Unterbrechung der Frist bei der Verfolgungs- und Vollstreckungsverjährung (§§ 68, 72 StGB) beseitigt und sie durch die Einrichtung der richterlichen Fristverlängerung sowie durch eine Vorschrift über das Ruhen der Verjährung für die Zeit der Rechtshängigkeit ersetzt. Der Entwurf 1930 verzichtete bei Beseitigung der Unterbrechung auch auf die Möglichkeit der Verlängerung der Fristen durch das Gericht. Maßgebend für diese Regelung in den früheren Entwürfen war die Erwägung, daß eine Reform die Mißhelligkeiten, die nach geltendem Recht im Zusammenhang mit der Unterbrechung der Frist auftreten, vermeiden müsse. Die Wirkung der Unterbrechung der Verjährung sei kraft Gesetzes mit gewissen Handlungen des Richters oder der Vollstreckungsbehörde verbunden, die an sich anderen Zwecken dienen. Infolgedessen werde die Verjährung häufig auch dann unterbrochen, wenn der Aufschub ihres Ablaufs nicht geboten und auch nicht beabsichtigt sei. Wenn nach geltendem Recht die Unterbrechung die einzige Möglichkeit sei, den Ablauf der Verjährung hinauszuschieben, so ergebe sich auf der anderen Seite der unbefriedigende Zustand, daß, um Aufschub zu erreichen, immer eine richterliche Untersuchungshandlung oder eine Vollstreckungshandlung vorgenommen werden müsse, auch wenn dazu nach der sonstigen Lage des Verfahrens kein Bedürfnis vorliege. Besonders bedenklich sei es, daß die Verjährung beliebig oft unterbrochen werden könne, weil es dadurch im Widerspruch mit dem Grundgedanken der Verjährung ermöglicht werde, eine Straftat oder eine Strafe der Verjährung überhaupt zu entziehen.
Diese Bedenken gegen die §§ 68 und 72 StGB sind zutreffend. Gleichwohl behält der Entwurf die Unterbrechung bei der Verfolgungsverjährung im Grundsatz bei. Es ist zweifelhaft, ob eine Vorschrift über das Ruhen der Verjährung während der Zeit der Rechtshängigkeit dem praktischen Bedürfnis, das die Unterbrechung bei der Verfolgungsverjährung erfüllt, allein zu genügen vermag, zumal wenn es erforderlich erscheint, das Ruhen zeitlich zu begrenzen. Andererseits erweckt die Einrichtung der Fristverlängerung durch das Gericht nach dem Vorbild früherer Entwürfe Bedenken. Es steht im Widerspruch mit dem gerade nicht auf die Besonderheiten des Einzelfalles abgestellten Grundgedanken der Verjährung, sie nach dem Vorbild der Entwürfe 1925 und 1927 immer dann zuzulassen, wenn es die besonderen Umstände des Falles gebieten". Andererseits ist es nicht möglich, ihre Voraussetzungen so zu beschreiben, daß sowohl dem praktischen Bedürfnis einer Hinausschiebung des Fristablaufs in gewissen Fällen und zugleich der Forderung nach Rechtssicherheit Genüge getan ist. Der Entwurf glaubt deshalb auf die Einrichtung der Unterbrechung bei der Verfolgungsverjährung nicht verzichten zu können, beseitigt jedoch im wesentlichen die Mängel des geltenden Rechtes dadurch, daß die Handlungen, die die Unterbrechung bewirken, im einzelnen und abschließend aufgezählt sind. (...) Bei der Vollstreckungsverjährung ist die Unterbrechung entbehrlich ». Drucksache 2150, Deutscher Bundestag, 3. Wahlperiode, 3 novembre 1960, p. 242-243.
* 12 Le site IATE propose de traduire Strafbefehl par « mandat de répression ».