LE DROIT D'IMAGE DES SPORTIFS PROFESSIONNELS
Table des matières
NOTE DE SYNTHESE
En décembre
1995, à l'occasion de l'examen de l'affaire
BOSMAN,
la Cour de Justice des
Communautés
Européennes (CJCE) a considéré comme incompatibles avec le principe de la libre
circulation des travailleurs les règles édictées par les sociétés ou associations
sportives, selon lesquelles :
- un joueur professionnel de football ressortissant d'un Etat membre ne pouvait, à
l'issue du contrat qui le liait à un club, être employé par un club d'un autre Etat
membre que si ce dernier avait versé au club d'origine une indemnité de transfert ;
- les clubs de football ne pouvaient faire jouer qu'un nombre limité de joueurs
ressortissants d'autres Etats membres dans les matches de compétition.
La CJCE a en effet estimé que ces règles constituaient une entrave à la libre
circulation des travailleurs. Cet arrêt est à l'origine de l'exode massif des
footballeurs français vers d'autres pays de la Communauté.
Devant ce constat, le milieu sportif s'est interrogé sur les causes réelles de cette
expatriation. Aussi, l'Union des clubs professionnels de football (UCPF) a-t-elle fait
réaliser une étude, à l'automne 1996, visant à comparer la situation fiscale et les
ressources des clubs et des sportifs professionnels français à celle des allemands, des
espagnols, des italiens et des anglais.
Cette étude fait apparaître qu'outre une différence de puissance économique qui permet
aux clubs étrangers de mieux rémunérer leurs joueurs, il existe, au détriment de la
France, d'importantes disparités de régimes fiscaux et sociaux, touchant notamment les
charges patronales.
La solution envisagée par l'UCPF afin de remédier à cet état de fait, reprise, à
l'époque, par le ministère de la Jeunesse et des Sports, consistait à reconnaître aux
sportifs professionnels un statut particulier prenant en compte la médiatisation de leur
profession. Il était ainsi proposé de "
faire échapper à la législation
du travail et de la sécurité sociale une fraction de la rémunération perçue par le
sportif professionnel, représentative de l'exploitation de son image par son employeur
", qui se serait donc distinguée du salaire au sens habituel.
Il a donc paru utile de rechercher si de telles dispositions, ou d'autres mesures
destinées à améliorer le statut financier des sportifs professionnels, existaient chez
nos proches voisins européens (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni).
Il ressort de cet examen que :
- bien que tous les pays reconnaissent le " droit d'image " des
sportifs professionnels, seule
l'Espagne
les autorise explicitement à percevoir
une participation aux bénéfices obtenus en contrepartie de l'exploitation commerciale de
leur image ;
- dans les autres pays, l'exploitation de cette image s'effectue en dehors du contrat de
travail.
1) En Espagne, les sportifs professionnels peuvent percevoir une participation aux bénéfices obtenus en contrepartie de l'exploitation commerciale de leur image.
Jusque
récemment, les revenus de l'exploitation de l'image des sportifs, qui représentaient
souvent la moitié des sommes versées par les clubs, échappaient en grande partie à
l'impôt.
La loi 13/96 du 31 décembre 1996, entrée en vigueur le 1
er
juillet
dernier, a modifié ce régime d'imposition et instauré un système assez complexe qui
tend à dissuader les clubs de verser aux sportifs qu'ils emploient plus de 15 % de
leurs revenus au titre de l'exploitation de leur image.
2) Dans les autres pays, les sportifs professionnels, dès lors qu'ils sont salariés, sont soumis au régime de droit commun.
En
Allemagne
et au
Royaume-Uni
les sportifs salariés ne bénéficient d'aucune exonération
spécifique.
Aux
Pays-Bas
, dans certains cas isolés, les clubs de football ont été autorisés
à appliquer " la règle des 35 % " qui permet, dans certaines
circonstances, aux employeurs de ne payer aucune charge sur 35 % du salaire de leurs
employés. Cette règle, édictée pour les entreprises employant des salariés de très
haut niveau, vise à les protéger de la concurrence étrangère.
Seule
l'Italie
s'apprête à mettre en place des mesures dérogatoires au régime
de droit commun : une partie des revenus des footballeurs devraient prochainement
être partiellement exonérée de charges sociales.
ALLEMAGNE
Lorsqu'ils sont salariés, les sportifs professionnels sont soumis au régime de droit commun. L'éventuelle exploitation de leur image s'effectue en dehors du contrat de travail.
ESPAGNE
C'est le décret
royal n° 1006/1985 du 26 juin 1985 qui régit les règles relatives aux
relations de travail applicables aux sportifs professionnels.
Ce décret autorise notamment les sportifs professionnels à percevoir une participation
aux bénéfices obtenus en contrepartie de l'exploitation commerciale de leur image.
Les alinéas 2 et 3 de l'article 2 de la loi 13/1996 du 31 décembre 1996
ont modifié le régime d'imposition des revenus que les sportifs professionnels tirent
de l'exploitation commerciale de leur image :
- ces revenus sont désormais considérés comme des
revenus de valeurs mobilières
;
-
la loi a créé un mécanisme qui dissuade les clubs de verser aux sportifs qu'ils
emploient plus de 15 % de leurs revenus au titre de l'exploitation de leur image.
Auparavant, ce pourcentage se montait fréquemment à 50 %. En outre, compte tenu de
la qualification fiscale incertaine de ces revenus, ils échappaient en grande partie à
l'impôt.
L'article 2-2 de la loi qualifie les revenus tirés de l'exploitation du droit d'image de
revenus de valeurs mobilières, ce qui permet aux titulaires de bénéficier d'un régime
fiscal plus avantageux que celui qui s'applique aux salaires, grâce au crédit d'impôt.
Ces revenus échappent également aux cotisations sociales.
L'article 2-3 de la loi définit le régime de transparence fiscale des intermédiaires à
qui le sportif a cédé son droit d'image.
v------------------------------------------------------------------------------ Contrat de travail -----------------------------------------------------------------------------------v |
||||
A |
rémunération
|
B |
rémunération
|
C |
----------------------------->
|
----------------------------->
|
A
:
sportif
B
: personne ou société à qui le joueur cède son droit d'image
C
: club employeur de A
La présence
d'un intermédiaire B entre le joueur A et son club C est nécessaire. Il faut en outre
que B ait à nouveau cédé le droit d'image à C. En pratique, il peut y avoir plusieurs
cessions successives, mais il faut que la cession finale ait lieu en faveur de l'employeur
de A.
Si les revenus perçus par A au titre de l'exploitation de son image dépassent 15 %
de la somme constituée par le salaire que C lui verse et par la rémunération que
perçoit B en contrepartie de sa cession à C du droit d'image, on considère que B est
fiscalement transparente. La totalité des sommes qu'elle reçoit de C en contrepartie de
la cession du droit d'image est alors réintégrée dans le revenu de A où elles sont
imposées au titre de l'impôt sur le revenu.
Dans le cas contraire, il n'y a pas réintégration dans le revenu de A qui bénéfice
donc d'une exemption fiscale.
Le mécanisme est conçu de façon à empêcher qu'un joueur puisse percevoir de la part
de son club plus de 15 % de la totalité des sommes que lui verse ce dernier au titre
de l'exploitation de son image.
Le vote de cette disposition a donné lieu à d'abondantes discussions.
L'opposition socialiste a critiqué la qualification de revenus de valeurs mobilières
donnée aux revenus de l'exploitation du droit d'image, estimant qu'il s'agissait de
revenus du travail qui devaient être imposés au même titre que les salaires.
Le gouvernement a défendu son projet en indiquant que cette disposition permettait de
clarifier la situation dans la mesure où, auparavant, une partie des revenus de
l'exploitation du droit d'image échappait à l'impôt. En effet lorsque le droit d'image
n'était pas exploité directement par son titulaire
(1(
*
))
, la
qualification fiscale des revenus était incertaine (alors que la législation sociale les
considérait comme des salaires), ce qui favorisait l'évasion fiscale dont profitaient
les milieux sportifs, d'autant plus que les revenus de l'exploitation du droit d'image
représentaient fréquemment la moitié de toutes les sommes versées par les clubs
sportifs.
ITALIE
Les rapports
entre les clubs et les sportifs professionnels sont régis par la loi n° 91 du
23 mars 1981. Cette loi définit notamment le domaine du sport professionnel, le
régime de la prestation sportive et les règles applicables aux contrats des sportifs. Il
ressort de ces dispositions que le sportif régulièrement employé par un club doit être
salarié.
Le salaire des sportifs professionnels est soumis à l'impôt sur le revenu au même titre
que celui de n'importe quel salarié de droit commun. Il en est de même en matière de
cotisations sociales.
Cependant, un
régime spécifique vient d'être introduit en faveur des footballeurs
.
Désormais la part de leur salaire annuel soumise au taux normal de cotisation (soit en
moyenne 7,23 % à la charge des salariés et 19,38 % à la charge des
employeurs) sera plafonnée à 137 millions de lires par an (environ
470.000 francs). La partie comprise entre 137 millions de lires et
un milliard de lires (environ 3,45 millions de francs) ne donnera lieu qu'à une
retenue de 1,5 % au titre de la contribution de solidarité, répartie pour moitié
entre les joueurs et les clubs. La partie du salaire annuel excédant un milliard de lires
sera exonérée de cotisations.
Le régime de la prestation sportive doit faire l'objet d'un contrat écrit passé
directement entre le sportif et le club. Le contrat est un contrat-type, conforme à
l'accord signé tous les trois ans entre la fédération, les clubs et les sportifs.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1981, des accords collectifs ont été signés au
sein de six fédérations sportives : celles du cyclisme, du golf, du football, du
motocyclisme
,
de la boxe et du basket-ball.
La loi de 1981 ne contenant aucune disposition relative à l'exploitation de l'image des
sportifs professionnels, les règles applicables sont celles des accords collectifs
négociés.
Ces accords prévoient généralement que :
- les
clubs
peuvent exploiter l'image
collective
de leurs joueurs en tant
que membres d'une équipe ;
- le
sportif professionnel
est libre d'exploiter
individuellement
son image
au travers de contrats publicitaires, à condition que les marques et produits qu'il
représente ne soient pas concurrents de ceux des sponsors des clubs.
Toutefois, aucune rétribution spécifique au titre de l'exploitation de l'image des
sportifs par les clubs n'est prévue ni par ces accords, ni par les contrats-type. La
prestation sportive, englobant implicitement l'exploitation par le club de l'image du
joueur ne peut donc donner lieu qu'au versement d'un salaire contractuel.
PAYS-BAS
Le projet de loi
français a suscité des discussions aux Pays-Bas où
les clubs sportifs s'estiment
désavantagés par rapport aux clubs étrangers
à cause du
taux d'imposition de
60 %
qui pèse sur les revenus les plus élevés.
Cependant, deux mécanismes originaux, susceptibles d'améliorer le statut fiscal des
sportifs professionnels néerlandais, méritent d'être analysés :
- la règle des 35 % ;
- les fonds des sportifs professionnels.
I. LA REGLE DES 35 %
Elle vise à
éviter que les entreprises néerlandaises ne se trouvent dans une situation trop
défavorable par rapport à leurs concurrents étrangers.
Dans certaines circonstances, il est admis qu'un employeur n'ait aucune charge à payer
(2(
*
))
sur 35 % du salaire de ses employés.
Pour cela, l'employé doit réunir plusieurs conditions :
- une formation spécialisée et de haut niveau ;
- une expérience et/ou une compétence acquises à l'étranger, compte tenu de
l'impossibilité ou de l'extrême difficulté à l'obtenir aux Pays-Bas ;
- un emploi particulièrement qualifié ;
- un salaire net dans le pays d'origine plus élevé qu'aux Pays-Bas.
Il est arrivé que les services fiscaux acceptent d'appliquer cette réglementation aux
footballeurs
sur la base de la nécessaire expérience acquise à l'étranger.
Cependant, cette application est restée limitée à
quelques cas isolés
.
II. LES FONDS DES SPORTIFS PROFESSIONNELS
Ces fonds,
alimentés par les sportifs pendant leur carrière professionnelle, leur reversent des
prestations quand celle-ci est achevée. Ils sont destinés à faciliter la transition
entre la carrière sportive et la seconde carrière. Il existe deux de ces fonds :
celui des footballeurs a été créé en 1972 et celui des coureurs cyclistes en 1986.
En novembre 1972, le ministère des Finances a adopté une circulaire permettant que les
sommes versées au fonds des footballeurs soient exonérées d'impôt. En revanche, les
allocations fournies ensuite grâce à ce fonds sont imposables. L'avantage fiscal réside
dans la différence du taux d'imposition, conséquence de la différence de revenus. La
circulaire s'applique également au fonds des cyclistes, créé plus tard.
ROYAUME-UNI
Les sportifs
professionnels sont généralement des salariés. A ce titre, il sont redevables de
l'impôt sur le revenu sur l'ensemble de leur rémunération, au même titre que n'importe
quel salarié de droit commun.
L'exploitation de l'image des sportifs professionnels est indépendante des contrats de
travail.
(1) Dans
l'hypothèse où le titulaire exploite directement le droit d'image, les revenus qu'il en
tire sont incontestablement considérés comme faisant partie du salaire.
(2) L'impôt sur le revenu est retenu à la source par l'employeur et les prestations
sociales sont financées par l'impôt.