ÉTATS-UNIS
La loi sur l'agriculture de 2014 est la plus récente des modifications législatives de grande ampleur en matière agricole aux États-Unis.
Aux termes de l'article 1601 de ce texte, le ministre fédéral de l'agriculture utilise les fonds, les moyens et les instances de la Commodity Credit Corporation (CCC) pour mener à bien les missions qui lui sont dévolues au titre I de la loi précitée.
Agence gouvernementale rattachée au ministère fédéral de l'Agriculture créée en 1933, la CCC aide les producteurs par des prêts, des acquisitions, des subventions et toute autre opération, et rend disponible des matériels et des moyens nécessaires à la production et à la commercialisation des produits agricoles.
Elle dispose d'un budget de 100 millions de dollars (89 millions d'euros), et peut emprunter jusqu'à 30 milliards de dollars (26,9 milliards d'euros) auprès du Trésor à tout moment.
On examinera successivement :
- l'indemnisation publique des dommages occasionnés par les calamités agricoles résultant de la réorganisation du système américain d'assurances agricoles après l'entrée en vigueur de la loi de 2014 ;
- et les dispositifs d'assurance relatifs aux récoltes.
A. L'INDEMNISATION PUBLIQUE DES DOMMAGES OCCASIONNÉS PAR LES CALAMITÉS AGRICOLES
1. La réorganisation du système américain d'indemnisation publique
Cette réorganisation s'est traduite par la suppression des versements directs aux agriculteurs et la création de « filets de sécurité ».
a) Fin des versements directs aux agriculteurs
Les articles 1101, 1102 et 1103 de la loi sur l'agriculture de 2014 reviennent sur des dispositions de la loi relative à l'alimentation, la conservation et l'énergie de 2008. Sont ainsi supprimés :
- les versements directs aux agriculteurs ;
- les paiements anticycliques ;
- et le programme « ACRE » (Average Crop Revenue Election) 15 ( * ) .
b) La mise en place de « filets de sécurité »
Les agriculteurs américains doivent opérer, pour la période 2014-2018, un choix irrévocable entre deux « filets de sécurité » (article 1115(a)) :
- le système price loss coverage ;
- ou le système agricultural risk coverage .
• Le système price loss coverage
Aux termes de l'article 1116 de la loi sur l'agriculture, un paiement au titre de la « couverture des pertes résultant du prix » (price loss coverage) est effectué à destination des producteurs ayant opté pour ce système lorsque le prix de marché (effective price) est inférieur au prix de référence (reference price) . Ce prix de référence est fixé par la loi (article 1111(18)).
La superficie faisant l'objet d'un paiement (payment acres) , pour chaque culture couverte, est égale à 85 % de la superficie totale de la culture couverte (article 1114).
• Le système agriculture risk coverage
L'article 1115 de la loi sur l'agriculture dispose que tout agriculteur optant pour le système de la « couverture du risque agricole » (agriculture risk coverage) doit choisir entre le « county coverage » , opérant par productions et prenant en considération des données observées au niveau du comté, et l' « individual coverage » , prenant en compte des données concernant l'agriculteur.
Aux termes de l'article 1117 de la même loi, le versement est effectué lorsque le rendement effectif des récoltes (actual crop revenue) est inférieur à la garantie de la protection du risque agricole (agriculture risk coverage guarantee) , elle-même égale à 86 % du chiffre d'affaires de référence (benchmark revenue) .
2. Les aides publiques versées en cas de catastrophe
L'article 1501 de la loi précitée prévoit quatre types d'indemnités en cas de catastrophe 16 ( * ) :
- les indemnités pour le bétail ;
- les aides en cas de catastrophe pour le fourrage destiné au bétail ;
- l'aide d'urgence pour le bétail, les abeilles mellifères et les poissons d'élevage ;
- et l'aide au titre des dommages survenus aux arbres.
a) Indemnités pour le bétail (livestock indemnity payments)
Les éleveurs dont le troupeau a subi une mortalité anormalement élevée peuvent prétendre à une indemnisation, si ces pertes sont le fait :
- d'attaques d'animaux réintroduits dans la nature par le Gouvernement fédéral ou protégés par la loi fédérale, y compris les loups et les prédateurs aviaires ;
- du mauvais temps (adverse weather) , selon la définition du ministre de l'Agriculture, incluant les ouragans, les inondations, les tempêtes de neige, les maladies, les incendies de forêt, la chaleur et le froid extrêmes.
Les indemnités versées aux éleveurs éligibles s'élèvent à 75 % de la valeur du marché de l'animal.
b) Aides en cas de catastrophe survenues sur le fourrage destiné au bétail (livestock forage disaster program)
Les éleveurs ayant subi des pertes de fourrage destiné au bétail peuvent prétendre à une aide si le dommage est dû :
- à une situation de sécheresse ;
- ou à des incendies.
• Aides pour les pertes dues à la sécheresse
Un éleveur ayant subi des pertes de fourrage pour son bétail peut prétendre à une indemnisation si le phénomène est survenu sur un pâturage naturel ou aménagé, doté d'une couverture végétale permanente, ou sur un terrain spécifiquement dédié à la production de fourrage destiné au bétail.
Le taux d'indemnisation, pour un mois, doit être égal à 60 % du plus bas coût mensuel pour nourrir tout le bétail possédé par l'éleveur ou de celui calculé par l'utilisation de la capacité de charge normale des terrains destinés au fourrage des éleveurs éligibles à cette aide.
• Aides pour les pertes dues aux incendies
Un éleveur peut prétendre à une indemnisation si la perte de fourrage survient sur un pâturage géré par une agence fédérale et si l'éleveur a eu l'interdiction de faire brouter son bétail, autorisé en temps normal, sur le pâturage en question du fait d'un incendie.
Le taux d'indemnisation est de 50 % du coût mensuel d'alimentation du nombre total d'animaux concernés par le bail fédéral (federal lease) . L'indemnisation commence le jour où l'éleveur est exclu des terres de fourrage et se termine en même temps que le bail, dans une limite de 180 jours par an.
c) Aide d'urgence pour le bétail, les abeilles mellifères et les poissons d'élevage
Une aide d'urgence est prévue pour les éleveurs de bétail, d'abeilles mellifères et de poissons d'élevage, s'ils sont éligibles, afin de réduire les pertes causées par les maladies (dont la fièvre de la tique du bétail), le mauvais temps ou d'autres facteurs, tels que les tempêtes de neige ou les feux de forêt, définis par le ministre de l'Agriculture, et non couverts par les aides précédentes.
Cette aide est au maximum de 20 000 000 dollars par année fiscale, soit environ 17 974 000 euros, prélevés sur le budget de la CCC .
d) Aide versée à raison des dommages aux arbres
Chaque année fiscale, le ministre fédéral de l'Agriculture a la possibilité de prélever les sommes nécessaires sur les fonds du CCC pour aider les arboriculteurs et les pépiniéristes au titres des pertes qu'ils ont subies, si celles-ci sont dues à une catastrophe naturelle, si les arbres (y compris les buissons et les vignes) ont été plantés dans un but commercial. L'aide ne peut être demandée que si les conséquences du mauvais temps excèdent de 15 % la mortalité « normale ». Le demandeur peut ainsi obtenir :
- un remboursement de 65 % du coût de la replantation des arbres perdus du fait de la catastrophe naturelle lorsqu'ils dépassent de 15 % la mortalité « normale » ou suffisamment de jeunes plants pour pouvoir rétablir une plantation d'arbres ;
- et un remboursement de 50 % du coût d'élagage, de suppression et d'autres coûts occasionnés pour sauver les arbres existants ou pour préparer le terrain à la replantation.
Le montant total des aides versées ne peut excéder 125 000 dollars par année agricole ou l'équivalent en jeunes plants, soit 112 319 euros. La superficie des terrains d'arbres ou de jeunes plants pour lesquels une indemnisation peut être demandée ne peut excéder 500 acres.
B. LES « ASSURANCES » FÉDÉRALES CONCERNANT LES RÉCOLTES (CROP INSURANCE)
Les Etats-Unis disposent également d'un système d'assurance applicable, d'une part aux récoltes, et, d'autre part aux autres productions.
1. Le programme fédéral d'« assurance sur les récoltes »
Le programme fédéral d'« assurance sur les récoltes » (Federal crop insurance) , géré par l'agence de gestion du risque (Risk Management Agency) 17 ( * ) , vise à protéger les producteurs contre :
- les risques inévitables liés aux mauvaises conditions météorologiques ;
- et les maladies touchant les plantes et les invasions d'insectes liées aux mauvaises conditions météorologiques.
A ce titre, les producteurs ne versent pas de prime ex ante.
Tous peuvent recevoir une indemnisation en cas de catastrophe. Lorsqu'ils présentent une demande d'indemnisation, ils doivent toutefois acquitter des frais (fees) 18 ( * ) de 300 dollars (269 euros) par culture couverte pour chaque comté. Ils reçoivent une indemnisation équivalente à 55 % du prix de marché estimé au-delà du seuil de perte 19 ( * ) .
Les producteurs peuvent toutefois opter pour une assurance complémentaire auprès d'une compagnie d'assurance privée, afin de bénéficier d'un niveau de protection pouvant atteindre 85 % de la surface et jusqu'à 100 % du prix de marché estimé. Dans ce cas, un producteur spécialisé dans une culture assurable au titre de ce fonds opte pour un niveau de rendement (crop yield) et une couverture (price coverage ), et paie en conséquence une prime, qui augmente en fonction des niveaux choisis.
Cette dernière est partiellement prise en charge, selon un taux défini par le Congrès, par l'Etat fédéral. En fonction des polices d'assurance, le taux de participation de l'État varie entre 38 % et 80 % du montant de la prime, et s'établit en moyenne à 62 % en 2014.
À l'échelle fédérale, le coût total estimé de ce programme s'élève à 8,7 milliards de dollars (7,8 milliards d'euros) pour l'année fiscale 2014.
2. Le programme d'assistance pour les catastrophes touchant les récoltes non assurées
Les éleveurs spécialisés dans une culture non éligible au programme fédéral d'assurances sur les récoltes peuvent bénéficier, le cas échéant, du programme d'assistance pour les catastrophes touchant les récoltes non assurées (noninsured crop disaster assistance program) . Créé par la loi fédérale relative à la réforme de l'assurance sur les récoltes de 1994, ce mécanisme a été pérennisé par la loi fédérale relative à l'amélioration et à la réforme de l'agriculture de 1996.
Les cultures éligibles sont, par exemple, celles cultivées à des fins d'alimentation, l'horticulture, les arbres de Noël, le miel ...
Le demandeur doit payer lors de la demande d'indemnisation des frais (fees) de l'ordre de 250 dollars (environ 224 euros) par culture. Pour bénéficier de l'indemnisation, il doit avoir subi une perte d'au moins 50 % de sa récolte du fait d'une catastrophe naturelle, ou être empêché de planter plus de 35 % de la superficie prévue. Au-delà du seuil de perte, il peut recevoir 55 % du prix de marché moyen de la culture concernée.
Un producteur ne peut recevoir plus de 125 000 dollars par an (112 319 euros), et n'est pas éligible à indemnisation si son revenu brut ajusté est supérieur à 900 000 dollars (806 580 euros).
À l'échelle fédérale, le coût total de ce programme s'élève à 141 millions de dollars (126,5 millions d'euros) pour l'année fiscale 2014.
Au total, selon une étude réalisée pour le Parlement européen en 2014, « Les polices d'assurance aux Etats-Unis sont largement subventionnées. De ce fait, la superficie et le capital assurés ont été multipliés par six au cours des vingt dernières années » dans le cadre d'un dispositif où « [...] l'assurance est un secteur dynamique qui repose sur un partenariat entre les secteurs publics et privés pour développer des bases de données pour l'évaluation des risques, l'expertise des pertes individuelles, des estimations de pertes basées sur des indices bioclimatiques et même une réduction de la Fraude [...]. En outre, les types de produits agricoles susceptibles d'être assurés sont complétés en permanence » 20 ( * ) .
* 15 Ce programme permettait le versement d'une « aide aux producteurs de céréales, d'oléo-protéagineux et de coton lorsque leur chiffre d'affaires tomb[ait] sous le niveau moyen des dernières campagnes » ( in Jean-Christophe Debar, États-Unis : le programme ACRE, nouvelle étape dans l'orientation anticyclique de la politique agricole , Étude réalisée pour le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du Territoire, 2011, p. 2).
* 16 Le nom anglais du dispositif est agricultural disaster assurance programs traduit par « indemnités » dans les développements supra , dans la mesure où les sommes en question sont versées par la puissance publique alors que l'agriculteur n'a pas souscrit de police d'assurance.
* 17 Créée en 1996, l'agence de gestion du risque, rattachée au ministère de l'Agriculture, exploite et gère la compagnie fédérale d'assurance sur les récoltes.
* 18 Il s'agit de frais administratifs demandés à l'ouverture de la demande d'indemnisation, le paiement y est joint, postérieurement à l'évènement. Il ne s'agit donc pas d'une prime, qui serait versée avant le dommage.
* 19 Récoltes perdues dépassant 50 % du rendement normal.
* 20 Parlement, européen Briefing , « Focus on : Analyse comparative des outils de gestion des risques proposés par le farm bil 2014 et la PAC 2014-2020 », citant Id. , Directorate-general for internal policies, Policy department B. Structural and cohesion policies, Comparative analysis of risk management tools supported by the 2014 farm bil and the CAP 2014-2020 , 2015, p. 14.