SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2005)
ÉTATS-UNIS
En mettant fin à la conscription dans les années 1970, les États-Unis ont fait le choix de forces armées uniquement composées de volontaires, militaires de carrière ou réservistes . Depuis la fin de la guerre du Vietnam et l'apparition du concept de « force totale », la réserve joue un rôle important au sein des forces armées. À la fin de la guerre froide, le recours à la réserve a encore augmenté du fait de la réduction du budget militaire et de la diminution de l'effectif des forces armées professionnelles, alors même que les États-Unis s'engageaient dans des opérations extérieures. Actuellement, les membres de « la réserve disponible » représentent presque la moitié du potentiel militaire. La loi de 1994, plusieurs fois amendée, relative à l'emploi et au droit à la réintégration professionnelle des personnels en uniforme, dite loi USERRA, qui fait l'objet du titre 38 du code fédéral, offre un statut protecteur aux réservistes. Depuis 1972, une agence auprès du ministre délégué aux affaires de la réserve est chargée de promouvoir la coopération entre les réservistes et les employeurs civils. |
1) L'organisation de la réserve militaire
Les réservistes peuvent servir non seulement dans les différentes armes, mais aussi dans la garde nationale (1 ( * )) ou chez les garde-côtes. Ces deux dernières catégories ne sont toutefois pas prises en compte dans la présente étude.
La réserve militaire est formée de trois composantes : la réserve disponible, la réserve en attente et la réserve retraitée , chacune de ces composantes se divisant en plusieurs groupes, qui eux-mêmes se subdivisent. La présentation qui suit se limite aux principaux groupes.
En dehors des périodes où ils sont intégrés aux forces armées, les réservistes peuvent avoir différents statuts. On distingue principalement les réservistes opérationnels et les réservistes non opérationnels . La plupart des réservistes sont opérationnels. À ce titre, ils suivent des entraînements, payés ou non, qui donnent droit à des points de retraite et qui sont pris en compte pour l'avancement. En revanche, les réservistes non opérationnels ne peuvent pas participer à de tels entraînements.
En application de l'article 12301 du titre du 10 du code fédéral, si le Congrès déclare l'état de guerre ou l'état d'urgence, le Président peut ordonner la mobilisation de tous les réservistes pendant toute la durée de la guerre ou de l'état d'urgence, ainsi que pendant les six mois qui suivent.
a) La réserve disponible
Elle est constituée des réservistes qui sont susceptibles d'être appelés en service actif pour renforcer l'armée régulière en cas de besoin, c'est-à-dire non seulement lorsque l'article 12301 du titre du 10 du code fédéral est mis en oeuvre, mais aussi dans les situations où le Président recourt aux articles 12302 ou 12304.
L'article 12302 énonce que si le Président déclare l'état d'urgence , il peut ordonner la mobilisation d'un contingent de membres de la réserve disponible pouvant atteindre 1 000 000 hommes pour une période ne dépassant pas 24 mois. Dans sa déclaration de l'état d'urgence du 14 septembre 2001 consécutive aux attaques terroristes, le Président a annoncé le recours à cet article, qui justifie l'envoi de réservistes en Irak.
En application de l'article 12304, le Président peut, sans avoir à déclarer l'état d'urgence , ordonner la mobilisation d'un contingent de membres de la réserve disponible pouvant atteindre 200 000 hommes pour une durée ne dépassant pas 270 jours, pour toute mission opérationnelle. Cette disposition a été utilisée pour les opérations menées en Bosnie et au Kosovo.
La réserve disponible se divise en deux groupes : la réserve sélectionnée, mobilisable en priorité, et la réserve disponible individuelle.
• La réserve
sélectionnée
Elle est constituée d'individus et d'unités considérés comme essentiels pour remplir les missions de « la première heure » lorsque l'intervention des forces armées est nécessaire. Forte d'environ 900 000 hommes, elle est la première réserve sollicitée . Les membres de la réserve sélectionnée ont un statut opérationnel et sont mobilisables en 24 heures . Ils sont liés à l'armée par des contrats particuliers de « réservistes sélectionnés ». Ces contrats, d'une grande diversité, ont une durée maximale de cinq ans et sont renouvelables. Pour être envoyés hors du territoire national, ces réservistes doivent avoir achevé leur entraînement.
La réserve sélectionnée se subdivise en trois sous-ensembles.
Les unités de la réserve sélectionnée sont composées de réservistes qui s'entraînent avec leur unité : chaque année, ils doivent accomplir au moins 48 périodes d'instruction, ainsi qu'un entraînement d'au moins quatorze jours. Elles comprennent aussi la plupart des réservistes en formation.
Les renforts individuels sont destinés à jouer un rôle précis. Chaque année, ils doivent accomplir un nombre de périodes d'instruction fixé par le ministère de la défense dans la limite de 48, ainsi qu'un entraînement de douze à quatorze jours.
Les réservistes chargés d'organiser, de recruter, d'instruire et d'entraîner la réserve font également partie de la réserve sélectionnée.
Certains civils qui apportent un soutien à plein temps aux unités de réserve dans le domaine de la gestion, de l'entraînement et de la maintenance sont employés comme techniciens militaires dans la réserve sélectionnée.
• La réserve disponible individuelle
Elle compte environ 300 000 personnes :
- des individus qui ont été entraînés, parce qu'ils ont servi préalablement dans l'armée régulière ou dans la réserve sélectionnée, qui sont encore soumis à des obligations militaires et qui ont un statut opérationnel, bien qu'ils ne s'entraînent pas régulièrement, leur entraînement annuel ne pouvant du reste pas excéder trente jours ;
- des individus qui participent à des programmes de formation d'officier ou dans le domaine de la santé militaire, la durée minimale de l'entraînement annuel étant en général prévue par le programme (à titre indicatif, elle est de 45 jours pour ceux qui suivent une formation dans le domaine de la santé) ;
- des individus qui se sont portés volontaires pour être mobilisés en application de l'article 12304 du titre 10 du code fédéral, mais qui ne peuvent rester dans cette catégorie que 48 mois après la fin de leur service actif.
b) La réserve en attente
Elle comprend des individus qui ont suivi un entraînement régulier dans le passé et qui peuvent être mobilisés en cas de nécessité, notamment pour satisfaire des besoins en personnels ayant des qualifications techniques spécifiques. Ils n'appartiennent à aucune unité de réserve et n'ont pas d'obligation d'entraînement .
La réserve en attente se subdivise en deux listes : la première regroupe environ 3 000 réservistes opérationnels, qui s'entraînent à titre volontaire, et la seconde quelque 20 000 réservistes non opérationnels.
•
Les réservistes
opérationnels en attente
Il s'agit :
- de membres de la réserve sélectionnée qui connaissent des difficultés temporaires ;
- de réservistes qui ne se sont pas acquittés de la totalité de leurs obligations militaires ;
- de réservistes maintenus en statut opérationnel parce qu'ils ont accompli entre 18 et 20 années de service ;
- de certains membres du Congrès et de certains personnels désignés par leur employeur comme « employés civils clés ».
En application de l'article 12301 du titre 10 du code fédéral, le Président peut ordonner la mobilisation des réservistes opérationnels en attente pendant la durée de la guerre ou de l'état d'urgence, ainsi que pendant les six mois qui suivent.
• Les réservistes non
opérationnels en attente
Ce groupe se compose de :
- volontaires qui ne peuvent plus participer activement à la réserve ;
- personnes ayant des qualifications particulières susceptibles d'être utilisées dans le futur ;
- personnes ayant accompli vingt ans de service et qui ont une incapacité reconnue de moins de 30 %, qui attendent de percevoir leur pension de retraite à l'âge de soixante ans.
Les réservistes non opérationnels en attente ne peuvent être mobilisés que si le ministre compétent constate que les réservistes opérationnels immédiatement disponibles (dans la réserve disponible et parmi les réservistes opérationnels en attente) sont en nombre insuffisant.
c) La réserve retraitée
Elle est composée de :
- réservistes qui reçoivent une pension pour services effectués dans la réserve, dans le cadre de missions opérationnelles ou d'exercices ;
- réservistes qui ne peuvent faire valoir leurs droits à la retraite parce qu'ils n'ont pas atteint l'âge de soixante ans, mais qui n'ont pas demandé à quitter la réserve.
Les membres de la réserve retraitée n'ont pas d'obligation d'entraînement. Comme les membres non opérationnels de la réserve en attente, ils ne peuvent être mobilisés que si le ministre compétent constate qu'il n'y a pas assez de réservistes qualifiés immédiatement disponibles dans les autres réserves.
2) Le statut des réservistes volontaires
a) La rémunération
Pour chaque séance d'instruction durant au moins quatre heures, les réservistes reçoivent un trentième de la solde de base des militaires professionnels de grade et d'ancienneté équivalents. Ils reçoivent également des primes liées par exemple à la maîtrise d'une langue étrangère, à des activités de plongée, à la responsabilité exercée, etc.
Les réservistes qui sont en service actif reçoivent la même solde de base que leurs homologues professionnels, les mêmes primes, ainsi que des indemnités compensatoires non imposables similaires (logement, coût de la vie, séparation familiale...).
Le 15 mars 2004, le ministère de la défense a remis au Congrès un rapport qui analyse les compensations financières offertes aux réservistes, y compris le système de retraite, dans le contexte d'une mobilisation importante des réserves disponibles. Il y constate notamment que la perte de revenu pouvant résulter de la différence entre la solde militaire et la rémunération civile concerne peu de personnes et n'entame pas la motivation des réservistes. Le problème est donc présenté comme n'appelant pas de réforme dans un proche avenir.
b) La garantie du maintien de l'emploi civil
La loi USERRA , codifiée au titre 38 du code fédéral, donne aux réservistes une triple protection : ils bénéficient du droit à la réintégration professionnelle, ne peuvent pas être licenciés pendant les quelques mois qui suivent celle-ci, et toute discrimination fondée sur leur appartenance à la réserve est interdite.
•
La garantie du maintien de
l'emploi civil est prévue par les articles 4312(e) et 4343(a) du titre
38 du code fédéral :
les réservistes doivent
être réemployés
«
promptement
» par leur employeur.
Après une absence de moins de 31 jours , le salarié réserviste peut faire valoir son droit en se présentant à son poste.
Dans les autres cas, il doit adresser une demande écrite à son employeur dans des délais qui varient selon la longueur de l'absence. Le poste dans lequel il est réintégré dépend également de celle-ci.
Pour une absence d'une durée supérieure à 31 jours, mais inférieure ou égale à 90 jours , le réserviste doit être réemployé :
- en priorité dans le poste qui lui aurait été confié s'il avait été présent de manière continue, à condition d'être qualifié pour cet emploi ou de pouvoir le devenir en suivant une formation aux frais de l'employeur ;
- subsidiairement, dans le poste qu'il occupait avant son départ ;
- à défaut, dans le poste le plus proche des deux postes précédents, mais en conservant l'ancienneté acquise avant son départ.
L'employeur n'a pas le droit de lui proposer d'autres postes, même équivalents en termes d'ancienneté, de paye et de statut.
Pour une absence d'une durée de plus de 90 jours , l'ordre de priorité est le suivant :
- le poste que l'intéressé aurait eu s'il avait été présent de manière continue, ou un poste de statut et de rémunération équivalents, à condition d'être qualifié pour cet emploi ou de pouvoir le devenir en suivant une formation aux frais de l'employeur ;
- le poste qu'il occupait avant son départ, ou un poste de statut équivalent, assorti de la même ancienneté et de la même rémunération ;
- le poste le plus proche des deux postes précédents, sans perte d'ancienneté.
•
En outre, l'article 4316(c) du
titre 38 du code fédéral
protège le
réserviste d'un licenciement sans cause
(2
(
*
))
pendant un an après sa
réintégration si son absence a été
supérieure à 180 jours, et pendant six mois si son absence a
été comprise entre 31 et 180 jours.
•
Par ailleurs, en application de
l'article 4311 du titre 38 du code fédéral, les
réservistes sont protégés contre toute
discrimination liée à l'emploi
et contre les
« sanctions déguisées ».
c) la protection sociale
L'article 4317 du titre 38 du code fédéral prévoit la prolongation de la couverture par l'assurance maladie du réserviste et de sa famille, à la demande de l'intéressé. Celui-ci peut choisir de la prolonger pendant dix-huit mois après la date de son départ ainsi que pendant le délai au cours duquel il peut faire valoir son droit à réintégration professionnelle.
Pour l'année 2004, le Congrès a accordé, à titre temporaire, aux réservistes mobilisés pour une mission de plus de trente jours, ainsi qu'à leurs familles, la possibilité de bénéficier de l'assurance maladie des militaires professionnels.
S'agissant de l'assurance vieillesse , le réserviste réintégré doit, selon l'article 4318 du titre 38 du code fédéral, être traité comme s'il ne s'était pas absenté. L'employeur est tenu de payer la cotisation patronale correspondante, et le temps passé dans la réserve compte pour l'acquisition des droits liés à la retraite. Toutefois, le réserviste réintégré doit s'acquitter du paiement des cotisations salariales dans un délai maximal de cinq ans.
Par ailleurs, tout réserviste peut prétendre à la retraite de la réserve , dès lors qu'il a accompli vingt années de « bons et loyaux services », mais il doit attendre l'âge de soixante ans pour percevoir effectivement sa pension. Une année n'est validée que si l'intéressé a acquis pendant les douze mois en question un nombre minimum de 50 points. Les réservistes en service actif gagnent un point par jour, tandis que les autres acquièrent des points selon les activités auxquelles ils participent (exercices, instructions, entraînements, etc.), chacune d'elles étant créditée d'un ou deux points.
3) Les relations entre l'armée et les employeurs
a) Le droit d'absence des réservistes
Sauf circonstances exceptionnelles, l'employeur est tenu d'autoriser le salarié réserviste à s'absenter, quelle que soit la cause de son absence, volontaire ou non (périodes d'exercices, camp annuel, entraînement ou autre), dès lors que l'intéressé ou une autorité militaire l'a préalablement informé, oralement ou par écrit.
Toutefois, l'article 4312(c) du titre 38 du code fédéral précise que la durée cumulée des absences du salarié réserviste ne doit pas excéder cinq ans chez un même employeur. Certaines absences ne sont cependant pas comptabilisées. C'est notamment le cas des absences liées aux exercices d'entraînement, au camp annuel et aux périodes de mobilisation. Au-delà de la limite de cinq ans, le salarié réserviste perd son droit à s'absenter et à être réintégré.
Le salarié réserviste n'est pas tenu d'utiliser ses congés payés pour s'absenter, mais l'employeur n'est pas tenu de le payer . Certains employeurs accordent à leurs salariés réservistes un certain nombre de jours de congés militaires payés.
b) Le partenariat entre l'armée et les employeurs
Depuis 1972, une agence auprès du ministre délégué aux affaires de la réserve, le Comité national pour le soutien des employeurs à la réserve et à la garde nationale , ( Employment Support for the Guard and Reserve : ESGR), est chargée de faciliter le recrutement des réservistes en favorisant la coopération et la compréhension entre ceux-ci et leurs employeurs civils et en facilitant la résolution des conflits.
L'ESGR a mis en place un réseau de 55 agences réparties sur l'ensemble du territoire et dans lesquelles 4 500 volontaires agissent localement en faveur du partenariat entre l'armée et les employeurs en mettant en oeuvre les programmes élaborés au niveau national.
Des forums sont ainsi organisés dans lesquels les employeurs locaux, les commandants d'unités de réserve, les volontaires de l'ESGR, les responsables des collectivités locales se rencontrent pour nouer des relations et discuter des questions soulevées par l'emploi de réservistes.
Les employeurs sont également invités à se rendre sur des sites d'entraînement militaire, où ils peuvent voir les actions menées par les réservistes et ainsi mieux comprendre la mission de ces derniers.
Par ailleurs, l'ESGR délivre des certificats de déclaration de soutien : l'employeur qui s'engage à soutenir la réserve reçoit un document qu'il peut afficher dans son entreprise.
L'ESGR a également créé un programme de récompenses , destiné à apporter une certaine reconnaissance publique aux employeurs qui mettent en place des politiques du personnel favorables aux réservistes et qui sont reconnus comme tels par leurs employés réservistes. Il existe plusieurs types de récompenses en fonction de l'importance du soutien apporté à l'emploi des réservistes : le certificat de patriote, la récompense « Plus haut et plus loin », la récompense « Pro patria » et la récompense de la Liberté, la plus prestigieuse, remise chaque année par le ministre de la défense aux cinq employeurs les plus méritants au cours d'une cérémonie à Washington.
Depuis 1974, il existe un service de médiation . Son objet est de fournir aux employeurs et aux réservistes des informations, des conseils sur les problèmes auxquels ils sont confrontés, du fait notamment de l'application de la loi USERRA. Le service de médiation intervient essentiellement de manière informelle, et la plupart des questions soulevées devant lui n'entraînent pas de contentieux. Chaque agence locale dispose d'un ou plusieurs médiateurs, qui sont le plus souvent issus des milieux d'affaires.
* (1) Il y a une garde nationale dans chaque État. Elle est composée de civils qui servent l'intérêt collectif à temps partiel. En temps de paix, le gouverneur peut réquisitionner la garde nationale en cas d'urgence, notamment à la suite de graves intempéries. Le Président des États-Unis peut également mobiliser la garde nationale pour qu'elle remplisse une mission fédérale : ce fut le cas pour les opérations de maintien de la paix en Bosnie et au Kosovo.
* (2) En règle générale, les employeurs peuvent librement licencier leur personnel. Les salariés bénéficient toutefois des dispositions fédérales qui interdisent les discriminations et protègent certaines catégories de salariés (syndicalistes, handicapés...), de la législation des États, des conventions collectives et de la jurisprudence, qui a dégagé de nombreux principes permettant de contester un licenciement sans cause.