Mardi 8 novembre 2022, le Président du Sénat, M. Gérard LARCHER, a reçu une délégation de parlementaires suisses conduite par M. Thomas HEFTI (Libéral-radical – canton de Glaris), Président du Conseil des États, accompagné de M. Charles JUILLARD (le Centre– canton du Jura), Conseiller des États, Président de la délégation pour les relations avec le Parlement français, Mme Simone de MONTMOLLIN (Libéral-Radical – canton de Genève), Conseillère nationale, Vice-présidente de la délégation pour les relations avec le Parlement français, Mme Nicole PROVIDOLI, Ministre conseillère auprès de l'ambassade de Suisse en France, et M. Jérémie EQUEY, Secrétaire de la délégation.
Étaient également présents M. Roger KAROUTCHI (Les Républicains – Hauts-de-Seine), Premier Vice-président du Sénat, M. Christian CAMBON (LR –Val-de-Marne), Président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, M. Bernard BONNE (LR – Loire), Président du groupe d’amitié France-Suisse, M. Éric Tavernier, Secrétaire général, M. Philippe DELIVET, Directeur des Relations internationales et du Protocole, M. Hubert de CANSON, Conseiller diplomatique du Président du Sénat, et Mme Yvelise LAPASIN, Secrétaire exécutive du groupe d’amitié France-Suisse.
M. Gérard LARCHER a tout d’abord exprimé, au nom du Sénat, son plaisir d’accueillir une délégation de parlementaires helvétiques pour une après-midi consacrée aux relations bilatérales entre la France et la Suisse sous l’égide de M. Bernard BONNE, Président du groupe d’amitié entre les deux pays.
Dans ses propos liminaires, le président du Sénat a rappelé les liens étroits que la France et la Suisse entretiennent depuis des siècles à travers une histoire souvent commune, 570 kilomètres de frontières, 180 000 travailleurs frontaliers français qui chaque jour vont travailler en Suisse, mais surtout par le partage des mêmes valeurs en matière de démocratie et de droits de l’Homme.
Il a toutefois mentionné que depuis deux ans, ce lien étroit avait été quelque peu malmené et qu’il appartenait aux parlementaires suisses et français de contribuer à le rétablir, d’où l’importance d’une telle visite.
Citant l’arrêt des négociations, à l’initiative de la Confédération, de l’accord-cadre avec l’Union européenne en 2021, l’affaire regrettable des Rafales, mais également des dossiers délicats restés en suspens, qu’il s’agisse de la libre-circulation des personnes, du télétravail ou de la gestion des eaux du Léman, le Président a dit une nouvelle fois espérer le rétablissement progressif de bonnes relations et la recherche de solutions dans ces différents dossiers.
Dans un contexte international dominé par la guerre en Ukraine, M. Gérard LARCHER s’est ensuite interrogé sur le sens de la neutralité « coopérative » de la Suisse et a précisé qu’en matière de dépendance énergétique, seule une étroite collaboration entre l’ensemble des partenaires européennes pourrait permettre de faire face à ce nouveau défi.
M Thomas HEFTI a tout d’abord remercié, au nom du Parlement Suisse, M. le Président LARCHER pour son accueil chaleureux et lui a assuré que ses collègues parlementaires souhaitaient renforcer les relations avec les membres de l’Union européenne, et particulièrement avec la France.
Il a indiqué que l’arrêt des négociations de l’accord-cadre n’était pas une volonté délibérée du Gouvernement suisse de cesser le dialogue avec l’Union européenne, mais résultait de sa volonté de respecter le verdict des citoyens suisses qui n’étaient pas favorables à ce rapprochement. Aujourd’hui, le Gouvernement suisse tente de renforcer le dialogue avec l’Union par la voie diplomatique.
M. HEFTI a préféré ne pas s’exprimer sur l’affaire des Rafales, mais a toutefois indiqué que la conclusion d’autres contrats d’achat d’armes à la France restait envisageable à l’avenir.
Puis il a rappelé que, selon la convention de La Haye concernant les droits et les devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre, la Suisse ne pouvait accepter a minima la présence de troupes étrangères sur son territoire, ni de passer des alliances avec des États en guerre, le reste étant selon lui sujet à interprétations, lesquelles ont pu varier au cours des aléas de l’histoire. Il a ainsi rappelé que la Suisse s’était retirée un temps de la Société des Nations.
En matière d’approvisionnement énergétique, la Suisse est très liée au nucléaire français ; c’est pourquoi la mise au ralenti des centrales et la hausse du prix de l’énergie inquiète beaucoup la Confédération, a ajouté le Président du Conseil des États.
M. Charles JUILLARD a approuvé les propos de M. LARCHER sur le partage des valeurs de démocratie et de droits de l’Homme, précisant que c’était pour cette raison que la Confédération appliquait les sanctions prononcées à l’encontre de la Russie. Il a appuyé la nécessité d’une collaboration entre tous les États européens, au sens large, pour trouver une solution globale dans la crise énergétique liée au conflit en Ukraine, le plus grave depuis 70 ans. Les solutions régionales ou nationales doivent être partagées non seulement en matière d’énergie, mais également dans les domaines de la culture, de l’emploi…
Sur la sécurité, il a regretté que le « droit de poursuite » reste d’un usage difficile, notamment dans le cadre d’affaires judiciaires impliquant des criminels passant facilement les frontières.
Reconnaissant que l’affaire des Rafales constituait un épisode malheureux dans les relations franco-suisses, il a estimé que le plus important était néanmoins de continuer la collaboration entre les États-majors des deux pays, citant les derniers exercices de simulation d’aide à la population civile autour du Lac Léman.
Mme Simone de MONTMOLIN a rappelé l’intensité des relations économiques entre la France et la Suisse, M. Gérard LARCHER précisant que la Suisse est le troisième investisseur en France, après les États-Unis et l’Allemagne. Elle a souligné que les investissements réalisés dans le canton de Genève avaient des répercutions bien au-delà de la région genevoise. Elle a souhaité que se dégage une vision commune sur certains dossiers. En premier lieu, la Vice-présidente a mentionné le développement du télétravail, qui a un impact sur l’économie mais également sur la fiscalité, l’environnement et la mobilité dans les régions frontalières. Dans le même sens, elle s’est dite très inquiète du blocage des accords des programmes scientifiques et de recherches avec l’Union européenne tels que « Horizon Europe ». Pour le bassin genevois et ses start-up, véritable creuset des innovations et des recherches scientifiques, la situation devient très préoccupante a-t-elle ajouté.
Se disant inquiet de l’évolution des démocraties en Europe, M. Roger KAROUTCHI a interrogé la délégation sur la situation en Suisse et la montée des populismes.
M Thomas HEFTI s’est montré confiant dans l’évolution de la situation politique en Suisse, voyant dans la démocratie directe un outil essentiel dans l’expression et l’information des citoyens. Il a rappelé le recours régulier à des référendums populaires et des initiatives, autant de moyens pour les citoyens de se faire entendre par le Gouvernement et le Parlement.
Il a cité pour exemple les deux référendums concernant les mesures prises en matière de protection pendant la période de pandémie de Covid-19qui, malgré la virulence des campagnes anti-vaccin, ont donné raison au Gouvernement.
Estimant que le niveau communal constituait un échelon essentiel à cet égard, M. Gérard LARCHER a rappelé les maires avaient largement contribué au rétablissement de l’ordre et de la paix civile pendant la crise des « gilets jaunes ».
M. Roger KAROUTCHI a demandé à la délégation suisse dans quels domaines la Confédération allait engager une collaboration avec l’Union européenne, à la suite d’un rapport complémentaire du Conseil fédéral sur la sécurité de la Suisse présenté le 7 septembre 2022. De même, il a souhaité avoir des précisions sur le refus de la Suisse de livrer des munitions à l’Allemagne au prétexte qu’elles étaient destinées à l’armée ukrainienne, relayant la déception sur ce point de la délégation de parlementaires ukrainiens qu’il accueillait le même jour.
M Thomas HEFTI a indiqué que la modification dans la loi fédérale sur le matériel de guerre adoptée il y a un an, excluait des exceptions
Confirmant les propos du Président HEFTI, M. Charles JUILLARD a précisé que le cadre actuel de la neutralité datait d’avant la guerre et que seul le recours au droit d’urgence, permettrait aujourd’hui d’évoluer rapidement. Puis il a énuméré les aides à l’Ukraine, parmi lesquelles l’accueil de 80 000 réfugiés, soit davantage que la France. Il a rappelé que la Suisse participait à FRONTEX et que la compagnie suisse (Swisscoy) était intégrée à la mission internationale de promotion de la paix KFOR (Kosovo Force).
Devant les dossiers nombreux à régler, M. Bernard BONNE a réitéré sa proposition de rencontres entre les acteurs locaux des deux pays.
En conclusion, M. le Président du Sénat a estimé que les collectivités constituaient le niveau adéquat pour conforter les relations bilatérales entre la France et la Suisse, avant de remercier le Président du Conseil des États de son invitation à se rendre dans son pays.
MM. Bernard BONNE, Roger KAROUTCHI, Thomas HEFTI, Gérard LARCHER, Mme Simone de MONTMOLLIN, et MM. Charles JUILLARD et Christian CAMBON
À l’issue de la réunion, il a été procédé à la signature du Livre d’Or par M. Thomas HEFTI.
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