Le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Antoine Lefèvre (LR – Aisne), président, le groupe interparlementaire d’amitié France-États-Unis a auditionné les représentants de Republicans overseas France et de l’International Republican Insitute pour faire suite aux élections de mi-mandat, dites « midterms », du 8 novembre.
Republicans overseas France était représenté par son président, M. Randy YALOZ, et par M. Nicolas CONQUER. L’International Republican Institute était lui représenté par M. Thibault MUZERGUE, directeur des programmes, Mme Antonia FERRIER, vice-Présidente pour les relations extérieures et ancienne porte-parole de Mitch McConnell, et M. Kevin McLAUGHLIN, stratège politique ayant participé à de nombreuses campagnes électorales nationales pour les Républicains.
À droite, M. Antoine Lefèvre, avec à sa droite les représentants de Republicans overseas France et de l’International Republican Insitute
M. André GATTOLIN (RDPI – Hauts-de-Seine), Mme Sonia DE LA PROVÔTE (UC – Calvados) et M. Thierry MEIGNEN (LR – Seine-Saint-Denis) ont également participé à l’audition.
M. Antoine LEFÈVRE, président, a d’abord rappelé l’importance de ces élections, qui ont vu le renouvellement de l’intégralité de la Chambre des représentants et de 34 Sénateurs, l’élection de 35 gouverneurs, ainsi que de nombreux référendums locaux, portant notamment sur la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Alors que le contexte économique était particulièrement défavorable aux démocrates – l’inflation est de 8% et la cote de popularité du président Biden de 40% –, ce scrutin n’a pas vu se matérialiser la « vague rouge » annoncée par les médias, permettant aux démocrates de conserver le contrôle du Sénat. La majorité républicaine à la Chambre des Représentants s’annonce bien plus serrée que prévu, et la position de l’ancien président Donald Trump, en passe d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle de 2024, fragilisée. Ces résultats invitent à s’interroger sur le rôle du vote par correspondance, les ambitions de Ronald DeSantis, largement réélu à son poste de gouverneur de Floride, la mobilisation des électrices sur le thème de l’avortement, ou encore le vote des minorités noires et hispaniques.
M. Randy YALOZ a regretté l’emploi par certains médias, au sujet des candidats républicains, de qualificatifs dénigrants, rappelant que son parti avait attiré les suffrages de plus de 74 millions d’Américains.
Il a par ailleurs relativisé le revers enregistré par les républicains lors de ces élections, le vote populaire leur ayant conféré une avance de 5 millions de voix par rapport aux démocrates. Il a également mis en lumière le rôle joué par les médias dans la « diabolisation » du Grand Old Party, ainsi que les biais informationnels des algorithmes des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Google aurait supprimé plusieurs millions de courriels envoyés à des sympathisants par son parti, occasionnant le dépôt d’une plainte par ce dernier. Selon M. YALOZ, 84% des Américains sont convaincus que les médias sont responsables de la division gauche-droite. La « saturation médiatique pro-démocrate » a été décisive, à ses yeux, pour emporter le vote de certains électeurs indépendants. Ces derniers, représentant 40% du corps électoral, constituent un enjeu électoral majeur lors de chaque élection.
Les démocrates ont été bien plus efficaces dans la collecte de fonds et ont disposé d’une enveloppe deux à trois fois supérieure à celle des républicains pour ces midterms, notamment grâce à la mobilisation de petits donateurs, a poursuivi M. YALOZ. Les conservateurs ont par ailleurs peu appelé au vote par correspondance, ce qui a pu entraver la mobilisation de leur électorat. Il a rappelé que 30 États ont modifié leur code électoral depuis la pandémie de Covid-19, et que 75 actions en justice pour irrégularités ont été engagées par les républicains.
Concernant les revers enregistrés par son parti, M. YALOZ a fait remarquer que les démocrates avaient défendu peu de sièges risqués au Sénat, à l’inverse des républicains, qui avaient plus à y perdre. Sur les 240 candidats soutenus par Donald Trump aux sénatoriales comme à la Chambre, 220 ont été élus et seuls 18 battus, soit un taux de succès de 90 %.
M. YALOZ a regretté les divisions du Parti républicain lors de ces midterms. M. McDonald leader au Sénat, n’a pas apporté de financements à des candidats trumpistes, ce qui questionne, selon lui, sa légitimité à diriger ce parti.
M. Nicolas CONQUER a affirmé que l’annonce par les médias d’une « vague rouge » a eu pour effet principal de mobiliser l’électorat démocrate. Vu le faible nombre de sièges gagnables au Sénat, le maintien du statut quo constitue déjà une victoire républicaine. Le parti sera toujours en mesure de faire contrepoids à l’administration démocrate, et la vice-présidente, Kamala Harris, devra continuer à faire jouer son droit de vote décisif (en tant que vice-présidente des États-Unis, elle est, de droit, présidente du Sénat avec voix prépondérante en cas de partage), ce qu’elle a fait avec une grande régularité (une première depuis John Adams). Selon M. CONQUER, la « vague rouge » a bien eu lieu, avec une progression constante du parti à la Chambre des Représentants, une avance de près de 5 millions de voix au niveau national auprès de l’électorat et une « très probable victoire en 2024 ».
D’après M. CONQUER, ces midterms actent le renouvellement du Parti républicain, qui enregistre ses plus belles victoires électorales dans les États-Pivots (swing states) – comme l’Ohio – et emporte les suffrages des cols bleus. Le parti est aujourd’hui porté par des figures féminines, afro-américaines – comme en Géorgie – ou latino-américaines, représentant le peuple américain dans sa diversité. Un État comme la Floride, longtemps considéré comme « violet » (à moitié bleue et à moitié rouge), apparaît aujourd’hui durablement ancré comme républicain, ce qu’y illustre la victoire de Ron DeSantis. Ces succès laissent augurer, selon lui, des résultats favorables en 2024.
M. CONQUER est revenu sur le financement des midterms, au cours desquelles des dizaines de milliards de dollars ont été dépensés, dont 350 millions de dollars (environ 343 millions d’euros) pour la seule Pennsylvanie. La collecte de fonds a fait l’objet de véritables batailles. La base de cent millions de contacts et d’un million de militants bénévoles formés est un atout pour le parti conservateur.
Selon M. CONQUER, l’administration démocrate a réussi à mobiliser la « génération Z » (électeurs nés après 1996) et les femmes, grâce notamment à des mesures jugées clientélistes (annulation d’une partie de la dette étudiante par exemple). il juge par ailleurs urgent de mieux réglementer l’organisation des élections au niveau fédéral. Relevant pour partie de la compétence des États, le droit électoral confie à ces derniers la mise en œuvre du vote par correspondance, qui fait l’objet de contrôles a minima. De telles modalités ouvrent la voie au « fauchage » des bulletins, pratique qui permet à une seule personne de collecter et poster les votes de dizaines d’électeurs, avec toutes les dérives potentielles que cela peut engendrer.
M. Randy YALOZ est brièvement revenu sur la progression du vote républicain chez les minorités. En dix ans, la proportion d’Afro-Américains votant conservateur a doublé, pour s’établir à 18 % lors de ces midterms. De la même manière, 30% des Hispano-Américains ont voté républicain.
Si la question de l’avortement a polarisé les élections, son poids dans leur résultat devrait être relativisé, selon M. YALOZ. On assiste par ailleurs à un mouvement de migration de l’électorat républicain, qui quitte les États démocrates aux niveaux élevés d’imposition pour s’établir en Floride ou au Texas. C’est ainsi la première fois depuis la guerre de Sécession que la Floride vote presque entièrement républicain.
Il faut également rappeler les revers significatifs du Parti démocrate dans l’État de New-York, où cinq sièges sont passés entre les mains des républicains, a souligné M. YALOZ.
Mme Antonia FERRIER a brièvement présenté les trois représentants de son groupe de réflexion (« think tank »), avant de laisser la parole à M. Kevin McLAUGHLIN. Stratège politique ayant participé à de nombreuses campagnes électorales depuis la présidence de George W. BUSH, ce dernier a reconnu le caractère décevant des résultats des midterms pour les républicains. Alors que la situation économique aurait dû donner un large avantage à ces derniers, la décision de la Cour suprême sur l’avortement s’est révélée désastreuse dans les Swing states. Selon Mme FERRIER, les primaires ont trop souvent donné l’investiture à des candidats trop peu qualifiés pour remporter les élections.
Si le système électoral est améliorable, il est cependant nécessaire de pleinement l’utiliser pour gagner les élections. L’incapacité du Parti républicain à exploiter le vote par correspondance de façon optimale l’a défavorisé. La collecte de fonds des conservateurs s’est révélée dysfonctionnelle, face à des démocrates capables de recueillir des montants très élevés. Pour le seul New Hampshire, le parti démocrate du Président a dépensé plus que Donald Trump pour l’intégralité des candidats qu’il a soutenus.
Donald Trump, qui a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2024, peut compter sur une base militante toujours très forte, mais gagnerait, selon M. McLAUGHLIN, à cesser d’évoquer sa défaite de 2020. Ron DeSantis, Mike Pence ou Mike Pompeo constitueraient de bons candidats pour le Grand Old Party, mais devront attendre avant d’être investis. Le gouverneur de Floride, notamment, ne devrait pas brûler les étapes mais plutôt continuer à appliquer localement sa politique, très populaire, avant de se lancer dans la course à la Maison Blanche.
M. Antoine LEFÈVRE, président, a questionné les intervenants sur leur analyse des nombreux référendums qui ont été organisés simultanément aux élections, qui constituent une curiosité du point de vue français.
Mme FERRIER et M. McLAUGHLIN ont répondu que les seuls référendums significatifs, portant sur l’IVG, ont été organisés pour stimuler la base électorale des démocrates. Ils ont également indiqué que des référendums de ce type sont régulièrement organisés dans l’Ouest du pays, en particulier en Californie.
M. Thierry MEIGNEN s’est interrogé sur l’incapacité du Parti républicain à détourner l’attention de l’électorat de la question de l’avortement.
M. Kevin McLAUGHLIN a relativisé l’impact de ce sujet sur les élections, les pro et les anti-avortement étant pour la plupart déjà acquis respectivement aux démocrates et aux républicains. La principale faiblesse du Parti républicain résiderait davantage dans la qualité des candidats investis.
M. André GATTOLIN a évoqué son déplacement à Washington DC au moment de la décision de la Cour suprême, qui n’a été suivie d’aucune manifestation sur place.
Mme Antonia FERRIER a précisé que les républicains disposaient désormais d’un pouvoir d’investigation grâce à leur majorité à la Chambre, estimant qu’ils devraient l’utiliser de manière pondérée, au risque de perdre en popularité.
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- M. Benoit HAUDRECHY
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