Réuni le jeudi 3 mars 2022, sous la présidence de M. Antoine LEFÈVRE (LR, Aisne), le groupe interparlementaire d’amitié France-États-Unis s’est entretenu avec Mme Michèle RAMIS, directrice des Amériques et des Caraïbes et M. Marin SIRAKOV, sous-directeur Amérique du Nord du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Étaient également présents : M. Vincent CAPO-CANELLAS (UC, Seine-Saint-Denis), Mme Laure DARCOS (LR, Essonne), M. Vincent ÉBLÉ (SER, Seine-et-Marne), M. Fabien GENET (ratt. LR, Saône-et-Loire), M. Jean-Yves LECONTE (SER, représentant les Français établis hors de France), Mme Catherine PROCACCIA (LR, Val-de-Marne), Mme Sylvie VERMEILLET (UC, Jura).
Les échanges ont principalement porté sur la relation bilatérale à la suite de la crise dite des sous-marins, la situation en Ukraine, et la politique intérieure à l’approche des élections de mi-mandat aux États-Unis.
Mme Michèle RAMIS a rappelé que l’arrivée de l’administration du président Joe Biden avait insufflé un nouvel espoir pour la relation bilatérale. Cette nouvelle administration signait le retour d’une plus grande coopération entre nos deux pays, une prise en compte des intérêts européens et un engagement renouvelé des États-Unis au sein des institutions internationales, laissant entrevoir la fin de l’isolationnisme caractéristique de l’ère précédente. Malgré des objectifs communs et une coopération dense entre Paris et Washington, l’administration Biden s’est davantage concentrée sur les enjeux intérieurs et ce, notamment en raison de la pandémie de COVID-19. Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, avait fait valoir une politique étrangère américaine au service des classes moyennes. L’administration Biden n’a pas rompu avec la politique du pivot stratégique dans l’espace indopacifique.
La crise « Aukus », survenue à la suite de la rupture du contrat avec la société française Naval Group et l’annonce de la formation d’une alliance entre Washington, Londres et Canberra, a mis à mal la relation bilatérale. Les autorités françaises ont exprimé leur mécontentement, avec comme point d’orgue le rappel de l’ambassadeur français à Washington pour consultation. À la suite d’une série de discussions et d’entretiens bilatéraux, la déclaration du 29 octobre 2021 a été adoptée par les deux parties. Celle-ci dépasse la crise des sous-marins et vise à rebâtir la relation bilatérale. Elle met en avant l’importance des consultations. En outre, les États-Unis reconnaissent tant la valeur d’une défense européenne que la place de la France dans la région indopacifique. La France a obtenu de son allié américain un soutien appuyé dans plusieurs régions. Selon Mme RAMIS, grâce à ce maillage de pôles d’instances de discussion, la relation bilatérale est sortie par le haut de la crise.
Cette étroite coopération s’est traduite par des visites de hauts fonctionnaires américains en France pour préparer les sanctions à destination de la Russie. Après le déploiement des troupes russes dans les régions séparatistes de Donetsk et Lougansk, le président Joe Biden a annoncé une première série de sanctions à l'encontre de la Russie et a interdit tout nouvel investissement ou commerce par des Américains à destination de ces deux régions. En lien avec l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni, les États-Unis ont adopté un deuxième volet de sanctions visant à geler les réserves à l’étranger de la Banque centrale russe. Ces mesures se sont accompagnées de l’exclusion de banques russes clés du réseau interbancaire Society for worldwide interbank financial telecommunication (SWIFT) et du gel des avoirs de personnalités et d’oligarques russes. Ces derniers ont été déclarés persona non grata aux États-Unis. Malgré les réticences de la Hongrie et de l’Allemagne dans l’application des sanctions, l’Union a su montrer un front uni et s’affirmer dans son rôle de puissance. Mme RAMIS a fait observer que la défense européenne était devenue pertinente pour la relation transatlantique.

La guerre en Ukraine a bouleversé la politique étrangère du président des États-Unis. Mme RAMIS a précisé que l’objectif de la nouvelle administration était de stabiliser ses relations avec la Russie afin de se consacrer davantage à la région indopacifique. Dans son discours sur l’état de l’Union, le président Biden a mis en avant le front uni qui s’était constitué face à la Russie.

S’agissant de la politique intérieure, Mme RAMIS a fait part des difficultés rencontrées par le président Biden dans la mise en œuvre de son programme. Le gouvernement fait face à une opposition républicaine virulente et une division dans son camp, créée par les Démocrates modérés. Alors que l’administration est parvenue à faire adopter le plan d’investissements dans les infrastructures, elle fait face à des résistances au Congrès quant aux réformes sociales. En un an, la popularité du président Biden a baissé, passant de 57 à 37% d’opinions favorables. Mme RAMIS a expliqué que les élections de mi-mandat se traduisaient toujours par une perte de la majorité pour le président au pouvoir. Malgré les difficultés rencontrées lors de la première partie de son mandat, le président Biden a à cœur de réunir un pays fracturé, frappé de plein fouet par la pandémie de COVID-19, a précisé Mme RAMIS. La politique étrangère de l’administration Biden est conditionnée par l’actualité nationale. Aussi, selon Mme RAMIS, face aux électeurs de Floride, État charnière dit Swing State, Joe Biden dispose de peu de marge de manœuvre sur le dossier cubain.

Le parti républicain reste marqué par la figure de Donald Trump qui se prépare pour la prochaine élection présidentielle. Il s’est dit prêt à gracier les protagonistes de l’assaut du Capitole et fait désormais pression sur la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur cet évènement.

Face à la hausse de l’inflation qui a atteint 7% aux États-Unis en 2021, le président Biden a dit vouloir répondre aux exigences des classes moyennes. À la suite de l’application des sanctions à l’encontre du Kremlin, la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a déclaré vouloir éviter les répercussions sur l’économie américaine.

Sur la situation des « Américains accidentels », Mme RAMIS a évoqué les démarches bilatérale et européenne en vue de faciliter les démarches de renoncement à la citoyenneté américaine. Ces démarches ont été ralenties par la fermeture du Consulat des États-Unis à Paris. L’administration américaine a adopté une législation qui accorde aux nationaux américains résidant à l’étranger un abattement sur les revenus de leur travail. Cette question est souvent évoquée lors des Conseils pour les affaires économiques et financières (ECOFIN). Mme RAMIS a rappelé les travaux menés par l’Ambassadeur sur ce sujet.

En réponse à une question de Jean-Yves LECONTE portant sur le départ des États-Unis d’Afghanistan et sur la confrontation entre la Chine et la Russie sur le territoire européen, Mme RAMIS a rappelé le retrait précipité des troupes américaines d’Afghanistan, rapidement occulté par la crise « Aukus ».

Elle a constaté une certaine retenue de la Chine vis-à-vis de la situation en Ukraine. Lors de la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations unies du 1er mars consacrée à l’invasion russe en Ukraine, Pékin a refusé d’approuver la résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) condamnant l’agression russe mais n’a pas non plus voté contre, privilégiant l’abstention. Mme RAMIS a expliqué que la Chine observait avec grande attention la situation en Ukraine. Elle pourrait en tirer des conclusions dans le cadre de sa relation avec Taïwan, en analysant notamment le régime des sanctions mis en œuvre aujourd’hui et ses conséquences sur l’économie russe.

Interrogé sur la situation avec les GAFAM1  par M. Jean-Yves LECONTE, M. SIRAKOV a fait part des échanges constants entre l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne.

En réponse à une question de M. Jean-Yves LECONTE portant sur la politique climatique de l’administration Biden à la suite de la COP 26, M. SIRAKOV a évoqué les objectifs ambitieux annoncés par Washington. Toutefois, une grande partie de ces engagements n’ont pas encore été mis en œuvre. Mme RAMIS a souligné les efforts fournis par le président Biden pour faciliter les échanges avec ses partenaires d’Amérique latine sur les sujets environnementaux et climatiques.

Interrogée sur les conséquences de la guerre en Ukraine sur les négociations avec l’Iran, Mme RAMIS a indiqué que la signature russe n’était plus fiable. La Russie demeure un proche allié de l’Iran. La guerre en Ukraine pourrait toutefois jouer un rôle dans les négociations.

En réponse aux questions de Mme VERMEILLET portant sur la relation entre le Venezuela et les États-Unis au regard de la guerre en Ukraine et sur le poids des sanctions prises contre la Russie sur l’économie des États-Unis, Mme RAMIS a rappelé que le Venezuela est le premier allié de la Russie dans la région. Malgré les menaces de sanction, d’isolement et d’intervention annoncées par le président Donald Trump, le régime de Nicolas Madouro ne s’est pas écroulé. Le président vénézuélien est parvenu à se maintenir grâce à son alliance avec l’armée et à ses liens étroits avec la Chine et la Russie. Mme RAMIS a, à ce titre, évoqué le déplacement au Nicaragua et à Cuba du Vice-premier ministre Iouri Borissov en août 2021. Les deux pays se sont abstenus lors du vote de la résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie à l’Assemblée générale de l’ONU. Nicolas Madouro s’est réjoui de l’opération armée menée en Ukraine.
S’agissant du poids des sanctions sur l’économie américaine, Mme RAMIS a rappelé que ces mesures étaient nécessaires pour retrouver la paix et constituaient un bénéfice politique.

En réponse à une question de M. GENET portant sur le désengagement des États-Unis de certains terrains d’opération, Mme RAMIS a rappelé que l’administration américaine concentrait ses efforts sur la menace chinoise afin de rassurer l’opinion publique.  

Interrogé par Mme DARCOS sur l’absence de leader dans le camp républicain, en dehors de Donald Trump, et sur la politique spatiale des États-Unis à la suite de la guerre en Ukraine, M. SIRAKOV a indiqué que Mike Pompeo et Mike Pence faisaient figure de prétendants. Toutefois, aucune figure n’émerge du camp républicain face à Donald Trump. Ce dernier continue de mobiliser les électeurs mais demeure un poids pour le parti en raison de son instabilité. S’agissant de la politique spatiale de Washington, les conséquences de la guerre en Ukraine ne sont pas encore mesurées. Mme RAMIS a rappelé que nos deux pays entretenaient une coopération étroite dans ce domaine grâce au groupe bilatéral dédié.

1. Google, Apple, Facebook (devenu Meta), Amazon et Microsoft.

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