Réuni le mardi 23 mars 2021, sous la présidence de M. André REICHARDT (Les Républicains – Bas-Rhin), le groupe d’amitié France – Afrique de l’Ouest s’est entretenu, par visioconférence, avec S.E. M. Marc VIZY, Ambassadeur de France au Bénin.

Ont également participé à la réunion, en présentiel ou en visioconférence : Mme Hélène CONWAY-MOURET (Socialiste, Écologiste et Républicain – Français établis hors de France), présidente déléguée pour le Bénin, MM. Guillaume CHEVROLLIER (Les Républicains – Mayenne), vice-président, Bruno BELIN (Les Républicains-R – Vienne), François BONNEAU ( Union centriste-A – Charente), Mme Corinne IMBERT (Les Républicains-R – Charente-Maritime) et M. Victorin LUREL (Socialiste, Écologiste et Républicain – Guadeloupe).

M. Marc VIZY a rappelé que le Bénin apparaissait comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest depuis la réunion, en 1990, de la conférence nationale souveraine, la première en Afrique francophone, qui a lancé un processus de démocratisation dans cette région. Toutefois, à bien des égards, la démocratie béninoise présentait des lacunes auxquelles il convenait de remédier. C’est que le Président TALON a entrepris de faire, mais certaines réformes adoptées depuis son élection en mars 2016, apparaissent à certains comme une régression démocratique.

L’Ambassadeur a rappelé le contexte de ces réformes. Le Président TALON, quoique homme d’affaires souvent qualifié de « roi du coton », est en réalité un acteur de l’ombre de longue date de la vie politique béninoise. Il en connaît donc très bien les limites, en particulier le rôle jugé excessif de l’argent et les interrogations que celui-ci ne manque pas de susciter sur la réalité de la démocratie béninoise – il a pu exister près de 200 partis politiques, dont certains avaient un programme incertain… Le Président TALON a entrepris de rationaliser ce système en limitant le nombre de partis politiques et en instaurant un système de parrainages pour la prochaine élection présidentielle qui doit se tenir le 11 avril 2021. L’objectif de ces réformes est largement soutenu, y compris dans l’opposition. Toutefois, la méthode est critiquée et des interrogations apparaissent sur leur objectif véritable. Force est en effet de constater que l’opposition est absente de l’Assemblée nationale, où seuls siègent des députés issus des deux blocs de la majorité présidentielle, et qu’une situation semblable peut être observée à l’issue des élections municipales de 2020, avec six maires d’opposition sur 77 municipalités. Seuls trois binômes (président/vice-président) se présenteront à l’élection présidentielle, mais les principales formations d’opposition n’y concourront pas.

Sur le plan économique, M. Marc VIZY a indiqué que, malgré les conséquences de la pandémie de Covid-19, la situation restait bonne, le taux de croissance étant toujours positif. Le gouvernement a lancé un plan d’investissement ambitieux, reposant notamment sur la création de routes et l’amélioration de l’accès à l’énergie. Le pays se transforme, a noté l’Ambassadeur. Les autorités sont également déterminées à lutter contre la corruption et des résultats sont observés (condamnation de fonctionnaires corrompus ou numérisation de nombreuses démarches administratives). L’Ambassadeur a fait observer que les entreprises françaises étaient très présentes dans le pays, particulièrement dans le bâtiment-travaux publics, dont le carnet de commande pour les entreprises françaises s’établit à environ un milliard d’euros. Les Franco-béninois sont très présents au sein du milieu dirigeant politique et économique, où ils utilisent des méthodes de gestion modernes et efficaces, à l’exemple du ministre de l’énergie, cadre d’EDF en disponibilité, de celui des finances, qui avait travaillé chez Deloitte en France, et qui pilote la dette nationale de façon rationnelle et dynamique, ou encore du directeur général de l’agence de promotion des investissements, qui est un cadre dirigeant de la SNCF en disponibilité. Les autorités béninoises mènent une politique de promotion des ressources humaines de haut niveau du pays.

L’actualité culturelle au Bénin est dominée par la restitution de 26 œuvres du trésor royal d’Abomey, actuellement conservées par le musée du quai Branly – Jacques Chirac. Il s’agissait d’un engagement du Président MACRON, et une loi en ce sens a été promulguée en décembre 2020. Le musée international de la mémoire de l’esclavage de Ouidah accueillera temporairement ces œuvres, le temps de la rénovation des palais royaux d’Abomey. Les relations de travail en vue de cette restitution se déroulent dans un bon esprit de collaboration entre la partie béninoise et la partie française, dont le musée du quai Branly.

M. Marc VIZY a ensuite évoqué la situation sécuritaire au Bénin, qui, à ce stade, n’est pas confronté à des problèmes majeurs. Toutefois, en 2019, deux ressortissants français avaient été enlevés, et leur chauffeur béninois assassiné, deux soldats français ayant également trouvé la mort dans une opération lancée au Burkina Faso pour les délivrer. La partie nord du Bénin est parfois traversée par des groupes terroristes qui se rendent au Nigéria. Au sud, le pays est confronté à des actes de piraterie maritime. Dans les deux cas, les autorités béninoises ne sont toutefois pas dans le déni et ont entrepris une restructuration de leurs forces : la police et la gendarmerie ont été fusionnées, et une force de sécurité intérieure unique (la police républicaine) mise en place. Par ailleurs, la coopération franco-béninoise en matière de sécurité est active, en particulier avec des actions de formation, qui bénéficient tant à l’armée qu’aux forces de sécurité intérieure. Si l’armée béninoise est motivée et bien dirigée, elle présente cependant des faiblesses en termes d’équipements (véhicules, moyens de transmission et de protection), surtout pour ses opérations dans le Nord.

À des questions du Président André REICHARDT sur la situation sanitaire au Bénin et sur la coopération décentralisée, M. Marc VIZY a fait observer que le pays, comme l’Afrique en général, était relativement épargné par la pandémie de Covid-19, avec un peu plus de 6 300 cas et moins d’une centaine de décès, dont un nombre très réduit de Franco-béninois. Des mesures sont prises pour lutter contre la propagation du virus, des tests en particulier, mais la situation sanitaire n’est de toute façon pas comparable à celle de l’Europe. La politique de vaccination se met en place : le Bénin a reçu des premiers vaccins de la facilité Covax la semaine dernière, et des vaccins chinois la veille. L’Ambassadeur a indiqué qu’une trentaine de partenariats étaient noués au titre de la coopération décentralisée entre la France et le Bénin. La pandémie les a quelque peu ralentis. Depuis les élections locales de 2020, un nombre croissant de municipalités s’adressent à l’ambassade pour valoriser leurs relations avec des collectivités françaises. La coopération décentralisée franco-béninoise est vivante, par exemple avec la ville d’Orléans, jumelée avec Parakou depuis 1993, la capitale Porto-Novo étant jumelée avec Cergy. L’Ambassadeur voudrait expérimenter des partenariats de territoires, en jumelant non plus seulement des villes, mais aussi des universités, des établissements scolaires, des clubs sportifs ou des hôpitaux, pour démultiplier la coopération décentralisée en l’axant sur certains sujets ou activités.

En réponse à des questions de Mme Hélène CONWAY-MOURET, présidente déléguée pour le Bénin, M. Marc VIZY a estimé que l’usage de la langue française n’était pas menacé dans ce pays. La France demeure une référence au Bénin – c’est ce qu’a récemment répété le Président TALON à l’Ambassadeur –, et notre pays ne suscite pas d’hostilité – des messages antifrançais peuvent certes exister, mais ils restent marginaux et sont généralement instrumentalisés à des fins de politique intérieure. La Chine est le premier partenaire commercial du pays : les objets du quotidien sont chinois, mais la Chine y investit peu. L’ambassade de Chine est actuellement discrète. La Russie est aussi présente, plus sur le plan diplomatique. Les entreprises turques conduisent quelques chantiers, par exemple celui de l’hôtel Sofitel.

À une question de M. Victorin LUREL relative à l’intérêt géostratégique du Bénin, l’ambassadeur a répondu que le Bénin constituait un corridor ; ses voisins du Nord en ont besoin pour leur approvisionnement et donc leur sécurité alimentaire et logistique. Le risque terroriste est actuellement plus ou moins contenu, mais la situation demeure fragile, ce qui rend la coopération sécuritaire avec la France d’autant plus indispensable. Les relations du Bénin avec ses voisins sont contrastées. Si elles sont équilibrées avec le Niger et le Burkina Faso, elles sont compliquées avec le Nigéria, avec lequel le Bénin fait pourtant beaucoup de commerce, y compris informel. Elles sont « fraiches » avec le Togo. Selon l’ambassadeur, le Président TALON n’est guère friand de grandes réunions diplomatiques avec les pays voisins. La réforme du franc CFA, dont l’un des promoteurs africains n’est autre que le ministre béninois des finances, n’est pas un sujet politique dans le pays.

Enfin, après avoir remercié notre ambassadeur à Cotonou, le Président André REICHARDT a évoqué un possible déplacement du groupe d’amitié au Bénin, qui dépendra bien sûr de l’évolution de la situation sanitaire.

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