Colloque Europe centrale du 5 février 2004
L'euro et les pays de l'élargissement : le cas de la République tchèque et de la Slovaquie
Agnès BENASSY-QUERE, Conseiller scientifique, Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII)
L'élargissement de l'Union européenne engendrera, à plus long terme, l'élargissement de la zone euro. Dès le 1
er
mai 2003, les pays entrants adhèreront à l'Union européenne, ils auront ensuite la possibilité d'entrer dans le SME bis. Il ne s'agit évidemment que d'une possibilité, mais cette entrée conditionne en principe l'entrée ultérieure dans l'euro. Ainsi, au 1
er
mai 2006, l'élargissement de la zone euro sera possible, sous réserve que les critères historiques de Maastricht soient satisfaits. Ce calendrier demeure théorique, dans la mesure où il n'est pas question, pour tous les pays entrants, d'entrer dans le SME bis. A terme, le régime monétaire des pays d'Europe centrale et orientale sera l'euro, puisqu'il n'existe pas de clauses d'
opting out.
En ce qui concerne les intentions nationales, il apparaît que les grands pays reculent leur date d'entrée dans la zone euro, alors que les petits pays, très probablement, y entreront rapidement. Ainsi, les petits pays entreraient dans la zone euro en 2007, la Hongrie en 2008, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie en 2009-2010.
Les évolutions des monnaies tchèque et slovaque ont été similaires. Pour la République tchèque, après un régime de changes fixes jusqu'en 1996, l'élargissement de la zone de fluctuation a été décidé, engendrant une appréciation de la monnaie. Par la suite, à partir de 1997, le flottement dirigé a été mis en place, engendrant une fluctuation plus forte, tendant clairement vers l'évaluation de la couronne tchèque. En ce qui concerne la Slovaquie, le régime de flottement dirigé a été décidé en 1998 ; a suivi une appréciation de la monnaie, puis une dépréciation.
En ce qui concerne les critères de Maastricht, les points suivants doivent être remarqués.
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· La convergence des taux d'intérêt et le critère de la dette publique ne posent pas problème.
· Le déficit public, en revanche, s'est creusé en République tchèque, il excède largement la barre tolérée des 3 % du PIB.
· L'inflation a énormément diminué en République tchèque, peut-être même trop, en revanche l'inflation en Slovaquie demeure encore trop élevée.
En ce qui concerne le solde extérieur courant, l'enjeu principal concerne le flux potentiel d'investissements directs, en-dehors des politiques de privatisation. Un risque de crise des balances des paiements existe, notamment lors de la période précédant l'entrée dans la zone euro, caractérisée par un régime de changes fixes.
Le coût du travail est plus bas en République tchèque et en Slovaquie. Il est évidemment promis à se rapprocher des autres pays de l'Union européenne. Nous ne connaissons pas encore le rythme de ce rattrapage. Les prix, quant à eux, devront connaître également un rattrapage. La vitesse de ce dernier conditionnera mécaniquement le niveau d'inflation. Il apparaît aujourd'hui qu'il sera relativement lent, mais ira néanmoins de pair avec un taux d'inflation de 2 %, ne respectant donc pas les critères de Maastricht.
La surévaluation des monnaies doit être évoquée. En 2001, la surévaluation des monnaies de la République tchèque et de la Slovaquie s'élevait à 10 %. Logiquement, nous pouvons conclure que cette surévaluation est encore plus forte aujourd'hui.
Quel peut être l'intérêt de la République tchèque et de la Slovaquie d'entrer dans la zone euro ? Les avantages et les inconvénients peuvent être mesurés par la question de l'intégration. Plus elle sera forte, plus les échanges se développeront, plus il sera intéressant de disposer de la même monnaie. En revanche, l'abandon de la monnaie nationale a un coût. Pour la République tchèque et la Slovaquie, il semble nécessaire, dans une optique de moyen et long termes, de ne pas adopter trop vite l'euro. En outre, République tchèque et Slovaquie ne sont pas les pays les mieux placés pour entrer dans la zone euro, en raison d'une forte asymétrie des cycles. En revanche, des avantages de court terme existent : ils concernent un ajustement de la balance des paiements. Par ailleurs, les ajustements de prix relatifs se feront par les prix et/ou par le taux de change nominal. Il faut enfin ne pas exclure l'hypothèse que le rattrapage n'ait pas lieu.