Colloque sur le Caucase (19 mai 2005)
Actes du colloque CAUCASE : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie
Jeudi 19 mai 2005
En présence de :
Christian PONCELET
, Président du Sénat
Sous l'égide de :
Ambroise DUPONT
, Président du Groupe interparlementaire France-Caucase, Président délégué pour l'Azerbaïdjan
Alain GOURNAC
, Président délégué pour la Géorgie
Bernard PIRAS
, Président du Groupe interparlementaire France-Arménie
Avec la participation de :
Son Exc.
Roland BLATMANN
, Ambassadeur de France en Azerbaïdjan
Ouverture
Christian PONCELET,
Président du Sénat
Messieurs les Présidents,
Madame et Messieurs les Ambassadeurs,
Mes Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Bonjour à tous et à toutes. Le Sénat est particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur les trois États du Caucase méridional : l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, trois pays avec lesquels nous entretenons des relations des plus cordiales. Il m'est spécialement agréable de vous exprimer mes souhaits de bienvenue. Cette région, carrefour du monde, riche d'atouts et de potentialités qu'elle doit résolument - avec notre soutien - mettre en valeur, me tient particulièrement à coeur.
Commençons par un retour sur le proche passé : depuis 1999, année de notre précédent « colloque Caucase », cette région a connu des changements, des chantiers et des révolutions parfois. En Arménie tout d'abord, les indicateurs macro-économiques sont maintenant encourageants. La croissance est rapide, l'inflation maîtrisée et les revenus réels en augmentation. En conséquence, le pouvoir d'achat progresse. Par ailleurs, les autorités ont courageusement entrepris des réformes structurelles. L'activité bancaire a été réformée, assainie et consolidée. Aujourd'hui, la banque centrale joue un rôle actif pour s'aligner sur les standards européens et poursuivre l'indispensable réforme bancaire. Cette politique a conduit à un assainissement du secteur et à une augmentation de la demande de crédit, même si la défiance règne encore dans une économie insuffisamment bancarisée. Cependant, il est à noter qu'une première société de leasing a été créée en 2003. Cette activité doit être encouragée, car elle favorise le développement des PME, qui souffrent actuellement d'une expansion trop lente.
L'Azerbaïdjan, pays pétrolier, gazier et de transit, connaît l'une des meilleures situations macro-économiques de la région. La croissance est de 10 % par an, quand l'inflation, le déficit et la dette sont maîtrisés. Les réserves de change et l'excédent commercial sont substantiels. En outre, le pays s'était déjà doté d'un fonds pétrolier, notamment pour financer la diversification de l'économie. De plus, il avait adopté un programme de réduction de la pauvreté et de développement économique. Depuis 2003, les réformes se sont poursuivies avec l'adoption de la loi bancaire et de la loi garantissant l'indépendance de la banque centrale. Elles ont également été marquées par la création d'une société d'État pour améliorer l'accès de la population aux ressources hydrauliques et par l'élaboration d'un plan d'utilisation des moyens pétroliers.
En Géorgie, la situation se caractérise par une croissance maintenue (à un niveau de 8,5 %) et la restauration des finances publiques. Les réformes structurelles se poursuivent, marquées notamment par des transformations dans l'administration, par la réorganisation du secteur énergétique et par la poursuite active des privatisations. La gestion de la banque centrale est considérée comme excellente et le secteur bancaire est sain.
Rappelons que la Géorgie va percevoir des revenus importants pour le transit - par son territoire - du pétrole et du gaz azerbaïdjanais. Et que l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) sera inauguré dans quelques jours, le 25 mai...
Ce rapide panorama, encourageant certes, ne serait pas complet si j'omettais d'évoquer les handicaps dont souffrent encore diversement ces trois pays et de mentionner les réformes inachevées ou à entreprendre.
Tout d'abord, il faut dire un mot de la difficile question de la pauvreté. Dans toute la région, on trouve des poches d'indigence même si elles tendent à se résorber. Les autorités se sont saisies de ce problème. Elles doivent plus que jamais veiller strictement à une répartition harmonieuse des fruits de la croissance.
N'oublions pas non plus le rôle considérable des PME, instrument précieux dans la lutte contre la pauvreté et contre l'exode des populations. Il faut donc créer un environnement favorable à l'implantation de ces entreprises.
La corruption, ensuite : en décourageant malheureusement l'initiative privée, elle constitue un obstacle puissant au développement économique. Les gouvernements, qui ont entrepris une lutte active contre ce fléau, avec quelques résultats encourageants, doivent poursuivre résolument leurs efforts. Le Sénat a organisé en 2004 une visite d'étude sur ce sujet pour une délégation géorgienne : il est prêt à poursuivre cette coopération.
Les pouvoirs publics doivent également veiller à la disparition des entraves fiscales et douanières qui rebutent les investisseurs étrangers. La prochaine entrée en vigueur des conventions fiscales avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan - récemment soumises à l'examen du Parlement français - devrait encore consolider et améliorer un cadre redevenu, ces dernières années, plus favorable aux investissements, grâce aux mesures successives adoptées.
Les infrastructures, enfin, demeurent encore insuffisantes. L'économie arménienne est particulièrement pénalisée par l'enclavement du territoire, qui engendre des contraintes et des coûts de transports décourageants. La sensibilité des autorités à cette réalité devrait, avec la réalisation d'initiatives régionales, de nombreux projets ferroviaires, routiers ou portuaires et avec la construction de réseaux gaziers et pétroliers, ouvrir et dynamiser les économies caucasiennes.
Gardons-nous cependant de pêcher par excès d'optimisme, voire de candeur...L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie ont des destins liés. En raison de leur situation géographique, du fait de l'étroitesse de leurs territoires comme de leurs populations, leur avenir ne peut s'inscrire que dans la coopération régionale. Ces trois pays doivent se rapprocher et unir leurs efforts pour ériger un marché commun. Là est la clé de leur essor et de leur prospérité.
Mais tant que les conflits et les différends territoriaux entraveront leur destin, leur réussite économique demeurera incomplète et inachevée. C'est une recommandation que j'adresse inlassablement à mes interlocuteurs caucasiens, car elle répond à ma conviction profonde. J'essaye d'y contribuer en réunissant régulièrement mes homologues, les présidents Aleskerov, Baghdassarian et Bourdjanadze.
Lors de notre dernière rencontre, à Versailles au mois de novembre dernier, je leur ai proposé de travailler ensemble sur deux thèmes fédérateurs et interdépendants, aux retombées économiques certaines : le développement du tourisme et la mise en valeur du patrimoine.
A ma demande, le Sénat finance un audit des capacités touristiques des trois pays du Caucase méridional et l'établissement d'un plan stratégique de développement régional. Je compte sur la bonne volonté de tous pour l'aboutissement de ce projet qui contribuera, certes modestement, au développement économique de cette grande région.
Je reste persuadé que celui-ci favorisera l'établissement de la paix. Je vous souhaite de studieux et fructueux travaux.
Elsa LOCKE
Chef du Département Séminaires et Evénements multisectoriels, Ubifrance
Je vous remercie pour cet exposé préliminaire très complet. Laissez-moi vous présenter le programme de cette journée. Dans un premier temps, Monsieur Smessow présentera son analyse de la région. Cette dernière dispose d'un réel potentiel économique, qui a été freiné jusqu'à présent. Nous nous devons de l'apprécier à sa juste valeur, sans le surévaluer, comme ce fut le cas au milieu des années 90.
Quoi qu'il en soit, le Caucase aura un rôle essentiel à jouer dans le développement de l'Asie centrale, en particulier dans le domaine des hydrocarbures. Tel sera le sujet de l'intervention de Michel Gélénine. Jean-Claude Nawrot se penchera ensuite sur l'exploitation des hydrocarbures en Azerbaïdjan. Monsieur Januard, qui lui succédera, évaluera les retombées économiques de cette exploitation pour l'ensemble du Caucase.
Plus généralement, le Caucase est une région d'investissements stratégiques. En conséquence, il offre à nos entreprises de nouveaux créneaux. Dans cette optique, trois représentants d'entreprises apporteront leurs témoignages. La matinée se poursuivra par une présentation du cadre juridique des investissements dans les trois pays.
Enfin, cette matinée s'achèvera par une présentation du Forum d'affaires français, qui aura lieu à Bakou en juin 2005, et par une présentation du forum Eurasie. L'après-midi, nous aurons trois ateliers consacrés respectivement à la réalité des affaires en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie.