Colloque Sénat-UbiFrance sur les Balkans- 25 novembre 2004
Actes du colloque Sénat-UBIFrance
BALKANS :
Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Serbie-et-Monténégro
Jeudi 25 novembre 2004
En présence de :
Christian PONCELET,
Président du Sénat
Sous l'égide des Groupes interparlementaires :
France-Albanie, France-Bosnie-Herzégovine, France-Croatie, France-Macédoine et France-Serbie-et-Monténégro
Avec la participation de :
Michel PERETTI
, Chef d'Unité, Direction des relations extérieures, Commission européenne
Jean-François TERRAL,
Directeur Europe continentale, Ministère des Affaires étrangères
Philippe CRISTELLI,
Conseiller financier pour l'Italie, la Grèce et les Balkans, Mission économique à Rome
Patrick MAGHIN
, Adjoint au Chef de Bureau Pays émergeants, Direction générale du trésor, Minefi
Pierre COSTE,
Chef de la mission économique à Belgrade
Catherine GARDAVAUD,
Chef de la mission économique à Sarajevo
Mirela MATA,
Correspondante pour l'Albanie de la mission économique à Rome
Vincent SCHNEITER,
Chef de la mission économique à Skopje
Véronique PASQUIER,
Chef de la mission économique à Zagreb
Jacques NASSIEU-MAUPAS,
Directeur général, Feni Industries et Silmak, CCEF
Tanguy PECHON,
Responsable du développement, CFPO Orangina
Robert LOVRIC
, Directeur général, Obala Promet
Marie-Chantal FAU
, Adjoint au responsable du Service Europe-Orient, Direction du Moyen Terme, Coface
Jacques LAEBENS
, Responsable des programmes de reconstruction pour l'Europe de l'Est, Schneider electric industries
Jean-François LE ROCH,
Directeur général, Interex, CCEF
Julien ROCHE,
Président du conseil de surveillance, Groupe Ada Holding
Claude AUGUIN
, Responsable du développement Peco, Groupe Bongrain, CCEF
Jean-François BERGER
, Responsable région, Groupe Epis-Centre, CCEF
Edda FABRO-FUAD
, Attachée commerciale, Cellule Entreprises et Coopération, Représentation permanente de la France auprès de l'union européenne
Dominique MENU
, Directeur, Chef du territoire pour les Balkans de l'Ouest, Bureau de représentation de la BNP-Paribas à Belgrade, CCEF
François d'ORNANO
, Avocat, Responsable du cabinet Gide Loyrette Nouel à Belgrade
Charles PARADIS
, Directeur général, Bouygues Construction-concessions
Michel PAVOINE
, Président directeur général, Groupe KLP Industrie.
Ouverture
Christian PONCELET,
Président du Sénat
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Madame l'Ambassadeur, Excellences,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Le Sénat est très heureux de vous accueillir aujourd'hui dans le cadre de ce colloque économique consacré aux Balkans et, plus précisément, à quatre pays issus de l'ex-Yougoslavie (la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, la Serbie-et-Monténégro), ainsi qu'à l'Albanie.
C'est en fait la première fois que nous abordons cette zone avec nos amis d'UBIFRANCE - dont je salue la dynamique et sympathique équipe. Jusqu'à présent, nos colloques économiques sur l'Europe centrale et orientale ont surtout porté sur les pays issus de l'ex-Tchécoslovaquie et sur la Roumanie.
Cette remarque m'amène à constater la diversité des thèmes traités lors de ces rencontres qui, au fil des colloques, doivent fournir aux entreprises et aux investisseurs français un volume d'informations précieux.
Pour m'en tenir au sujet de notre matinée, la première évidence est qu'il existe des différences importantes entre les situations politiques et économiques des cinq pays concernés. Pour ce qui est des Etats de l'ex-Yougoslavie, la stabilisation politique progressive permet d'espérer une accélération du redressement économique, même si des incertitudes continuent de peser sur la région, notamment au Kosovo. La Croatie, en particulier, enregistre déjà des avancées remarquables. L'inflation, qui y atteignait 1 000 % il y a dix ans, a été jugulée pour s'établir aujourd'hui à moins de 3 %, tandis que la croissance, encore négative il y a cinq ans, tourne depuis aux alentours de 4 à 5 % par an. Ce pays a conclu en 2001 un accord d'association et de stabilisation avec l'Union européenne, et, selon nombre d'observateurs économiques, elle pourrait se qualifier pour l'adhésion en 2007. La France l'encourage d'ailleurs sur ce chemin -je n'ose dire ce « parcours du combattant »- comme l'a clairement indiqué le Quai d'Orsay en avril dernier, après l'avis positif émis par la Commission de Bruxelles sur la candidature croate.
Par comparaison, les situations respectives de la Bosnie-Herzégovine et de la Serbie-et-Monténégro paraissent plus fragiles. Ces deux pays connaissent des taux de chômage élevés, ont accumulé un endettement extérieur préoccupant et restent marqués par le poids de l'économie parallèle. Tout cela retarde ou décourage nombre de projets étrangers d'implantation industrielle ou commerciale, comme je le rappelais lundi dernier au président de Serbie-et-Monténégro, Monsieur Marovic, que je recevais pour la deuxième fois.
Enfin, en Macédoine et en Albanie - où Michel Barnier s'est rendu en septembre dernier -, des progrès immenses restent à accomplir avant que ces deux pays se hissent à un niveau de développement comparable à celui de leurs voisins du flanc sud de l'Europe centrale. L'Albanie, en particulier, accuse les retards les plus flagrants : tout reste pratiquement à faire dans ce pays reclus jusqu'en 1991 dans une autarcie qui tenait de l'enfermement suicidaire. A ce jour, le « pays des Aigles », qui a toute notre sympathie, reste encore un des Etats européens les moins avancés. Ses fondamentaux économiques sont, à bien des égards, moins enviables que ceux d'autres pays dits pudiquement « en développement ».
Pour autant, en dépit de leurs différences et de leurs handicaps, ces cinq pays présentent aussi bien des similitudes. Surtout, ils partagent un dénominateur commun auquel nos entreprises ne devraient pas rester insensibles : la certitude d'une expansion économique à un rythme soutenu au cours des prochaines années, dans un marché qui totalise plus de 25 millions d'habitants.
Parmi les attraits qu'ils offrent aux investisseurs étrangers, on retiendra d'abord l'afflux des financements internationaux et notamment européens qui entretiennent la demande tout en apportant des garanties de paiement appréciables.
En outre, ces pays, chacun à son rythme, ont tous entrepris de construire un environnement juridique et commercial propice aux affaires, et adhèrent progressivement à des organisations internationales comme l'Organisation mondiale du commerce (dont la Croatie est membre depuis cinq ans), la Banque européenne de reconstruction et de développement ou le Fonds monétaire international.
Enfin, ces pays sortis de leur isolationnisme après l'effondrement du bloc de l'Est n'ont pas d'alternative. S'ils veulent répondre aux attentes de leurs populations et reconstruire leur appareil productif, ils doivent s'ouvrir au commerce international et travailler en partenariat avec des opérateurs étrangers, notamment européens.
Il y a donc là de réelles opportunités d'affaires à saisir pour les entreprises françaises. Je ne doute pas que nos amis d'UBIFRANCE et les chefs des missions économiques qui nous font aujourd'hui l'honneur de leur présence sauront vous en faire découvrir les recettes.
Toutefois, avant de céder la parole aux spécialistes, je crois indispensable d'ajouter deux recommandations, à mes yeux essentielles.
La première est un encouragement à nos entreprises, car beaucoup, pour le moment, jugent cette zone de l'Europe moins attractive que les nouveaux Etats membres de l'Union européenne. Or je constate, une fois de plus, que plusieurs de nos voisins européens se sont déjà montrés plus réactifs que nous sur ce marché, notamment les Allemands et, pour des raisons liées à l'histoire et à la proximité géographique, les Italiens et les Grecs.
La seconde s'adresse aux responsables politiques de la région, et concerne l'importance primordiale de la lutte contre la criminalité économique. On évoque souvent l'influence occulte des « mafias balkaniques », auxquelles les conflits armés dans la région ont fourni un terrain d'expansion inégalé. Mais sans sous-estimer la dangerosité de ces réseaux, les Etats de la région doivent aussi mettre un terme à diverses pratiques financières très préjudiciables à leurs économies - l'on pense, notamment, aux détournements d'argent public à grande échelle. Ces dérives sont favorisées par des systèmes bancaires mal contrôlés et qui gagneraient à s'inspirer des règles prudentielles mises en place dans le reste de l'Europe. En outre, les circuits de la décision économique sont encore trop souvent tributaires de la corruption ou d'influences qui faussent le jeu de la concurrence et dissuadent les initiatives étrangères.
Je sais que les gouvernements des pays concernés ont déjà pris des mesures sévères pour endiguer ces phénomènes. Ils doivent aussi pouvoir compter sur notre appui, d'autant que plusieurs pays d'Europe de l'Ouest, dont la France, ont élaboré des mécanismes anti-corruption qui pourraient utilement inspirer leur réflexion. A son niveau, le Sénat, par le canal de ses groupes d'amitié, notamment, peut d'ailleurs les accompagner dans cet effort. Nous avons, par exemple, reçu en février 2004 une délégation de hauts fonctionnaires de Géorgie, afin de les familiariser durant une semaine avec le dispositif français de prévention et de lutte contre les différentes formes de corruption. Le Sénat s'honore de ce type de coopération parce qu'elle contribue, parmi d'autres mesures, à diffuser des éléments du « modèle français » dans le monde, y compris, bien entendu, au plan économique.
Soyez assurés de notre soutien et, en particulier, de celui de nos groupes d'amitié pour cette partie de l'Europe centrale : France-Albanie, France-Bosnie-Herzégovine, France-Croatie et France-Macédoine, sans oublier France-Serbie-et-Monténégro, qui est aussi le plus jeune de nos groupes, puisqu'il a été créé en juillet 2003 à la suite de la visite au Sénat du président Marovic, quelques semaines plus tôt.
A tous, je souhaite de bons et fructueux travaux, en espérant que vous garderez un excellent souvenir de votre passage au Sénat et que vous y reviendrez.
Agnès GABORIT,
Directeur, département Séminaires et Evénements Marchés, UBIFRANCE
Bonjour à toutes et à tous. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre accueil toujours chaleureux.
Depuis plusieurs années, nous vous proposons des rendez-vous d'information sur la zone des Balkans. C'est la première fois que nous organisons un tel rendez-vous au Sénat - mais sans doute aussi la dernière, car à l'avenir, nous vous proposerons plutôt des rendez-vous spécifiques par pays, comme nous avons d'ailleurs déjà commencé à le faire.
Nous avons retenu le terme « Balkans » en ce qu'il évoque immédiatement les liens historiques et culturels, mais aussi la proximité géographique avec l'Europe.
Les Balkans font rarement les gros titres de la presse. Il n'y a pas lieu de s'en plaindre, finalement. Ces pays sont dans une phase de transition, qui se déroule plutôt bien. En juin 2003, le Conseil européen a d'ailleurs décidé d'ouvrir à l'ensemble des Balkans la perspective d'adhésion à l'Union européenne.
Nous ne parlerons pas de marchés faciles, aujourd'hui, mais de marché proches et recelant des capacités de développement auxquelles les investisseurs français ne se sont pas encore suffisamment intéressés. Dans tous ces pays, nous sommes loin derrières les Allemands et les Italiens en termes de part de marché. Nos investissements y sont également très faibles. En Macédoine, où nous sommes les mieux placés, nous n'occupons que la huitième place.
Nous entendons répondre à des questions très concrètes : quels sont les marchés les plus porteurs, quels sont les financements disponibles ou encore quels sont les écueils à éviter ? Je remercie les différents chefs de mission économique pour leur présence parmi nous, mais aussi pour le travail de préparation qu'ils ont fourni. Je remercie également l'ensemble des intervenants qui vous feront partager leurs informations et leur expérience tout au long de la journée.
Je vous prie d'excuser Jacques Rupnik, qui devait prendre la parole ce matin, mais qui a été retenu à la dernière minute par un impératif imprévisible. Je cède donc sans plus tarder la parole à Michel Peretti.
Quel devenir pour les Balkans ?
Première séquence