Groupe interparlementaire
France-Caucase
La montée en puissance
Actes du colloque
du 5 décembre 2002
Sous le haut patronage de :
Christian PONCELET , Président du Sénat
Agnès GABORIT, Directeur Evénements et Prospective Marchés, CFCE
et sous l'égide du Groupe interparlementaire France-Azerbaïdjan.
- SERVICE DES RELATIONS INTERNATIONALES DU SÉNAT -
Azerbaïdjan : la montée en puissance
Ouverture
Ambroise DUPONT
Sénateur, Président du groupe interparlementaire France-Caucase,
Président délégué pour l'Azerbaïdjan
Mesdames et Messieurs, avant de vous donner lecture du message d'ouverture du Président Poncelet, je tiens à vous redire tout le plaisir que j'ai à me trouver parmi vous aujourd'hui.
Message de Monsieur Christian Poncelet, Président du Sénat.
« Monsieur le Ministre,
Monsieur le Directeur général,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Il m'est particulièrement agréable de vous exprimer mes souhaits de très cordiale bienvenue à l'ouverture de ce colloque consacré à un pays qui m'est cher, l'Azerbaïdjan, par la voix de mon collègue et ami, Ambroise Dupont, Président du Groupe interparlementaire France-Caucase et Président délégué pour l'Azerbaïdjan.
Il y a 3 ans, déjà, nous étions réunis dans le même cadre pour parler du Caucase méridional. Depuis, que de chemin parcouru par l'Azerbaïdjan !
Les indicateurs économiques sont très encourageants : une des croissances les plus fortes de la CEI, une grande stabilité macroéconomique et une amélioration de la situation financière globale du pays qui bénéficie de la confiance des institutions financières internationales.
Les autorités de la République d'Azerbaïdjan ont mis en oeuvre d'importantes réformes structurelles, particulièrement depuis le début de l'année 2001.
Tout d'abord, la création du fonds pétrolier par un décret présidentiel du 29 décembre 2000, qui est alimenté par une partie des recettes pétrolières.
Ensuite, la rationalisation des structures étatiques : entamée avec la naissance d'un ministère du développement économique rassemblant 5 anciens ministères ou agences d'Etat et dont vous êtes le responsable, monsieur le Ministre, elle devrait profiter à la création d'entreprises, par une plus grande concentration du processus de décision et une transparence accrue.
Le nouveau code fiscal a par ailleurs été adopté le 1 er janvier 2001.
Enfin, un second train de privatisations a été lancé avec la publication en mars 2001 d'une liste de 450 entreprises.
Ce sont là, mes chers amis, des évolutions particulièrement prometteuses, que je suis heureux de saluer.
L'Azerbaïdjan, cependant, se trouve confronté à deux défis majeurs. Il lui faut, d'une part, diversifier son économie et, d'autre part, assurer une répartition équitable des revenus.
L'économie reste aujourd'hui dominée par le secteur pétrolier : l'exploration et la production d'hydrocarbures représentent 45 % de la production industrielle et même 75 % si on y inclut les activités de transformation. Les exportations sont constituées à 90 % de produits pétroliers.
Or, la solidité d'un marché national passe par la diversité de ses composantes, elle seule susceptible de parer aux aléas de l'économie internationale.
Diversification des activités, diversité des acteurs : mesurons la contribution indispensable des petites et moyennes entreprises à la richesse nationale en termes de valeur ajoutée et de créations d'emplois.
Voilà, je crois, un domaine d'intervention privilégié de l'Etat qui doit créer un climat propice à l'investissement et au développement des projets.
Sécurité juridique, stabilité fiscale, simplification administrative sont en effet de nature à favoriser les initiatives et donc à fortifier l'ensemble de l'économie. C'est également un puissant vecteur de diffusion de la richesse nationale à l'ensemble du territoire et d'élévation du niveau de vie de la population, objectif final de tout gouvernement.
Je sais, monsieur le Ministre, que les autorités azerbaïdjanaises se sont saisies de cette question.
Le programme de réduction de la pauvreté et de développement économique a été présenté par le Président de la République et par vous-même le 25 octobre dernier.
Mesures sociales, développement des infrastructures et du secteur privé, notamment par la refonte du système de crédit, amélioration du climat des affaires, intégration internationale sont autant de voies et moyens du développement économique.
Je forme des voeux pour la réussite pleine et rapide de ce plan qui doit bénéficier au mieux-être de la population azerbaïdjanaise.
Je salue enfin la prudence des responsables qui, en instituant le fonds pétrolier, ont manifesté, outre leur volonté de développer le secteur économique non pétrolier et d'améliorer l'état social du pays, leur souci de préserver des ressources pour les générations futures.
Je conclurai mon propos en évoquant l'environnement régional de l'Azerbaïdjan. Vous savez combien je suis attaché à la stabilité politique du Caucase méridional et à son développement économique.
Je suis persuadé que c'est dans la paix et dans la coopération qu'est l'avenir de cette magnifique région pour le plus grand bienfait de l'Europe tout entière. Sachez que je suis toujours disposé à travailler à ces objectifs avec mes collègues d'Azerbaïdjan, de Georgie et d'Arménie.
A vous tous, je souhaite de studieux et fructueux travaux. »
Tel était le message de Christian Poncelet. A mon tour, je tiens à signifier à monsieur le Ministre tout le plaisir que j'ai à le retrouver pour la troisième fois. Je lui souhaite la bienvenue ainsi qu'à ses collaborateurs.
Agnès GABORIT
Directeur Evénements et Prospective Marchés
Centre Français du Commerce Extérieur
C'est un grand plaisir pour le CFCE d'organiser ce colloque. L'Asie centrale fait, depuis plusieurs années, l'objet d'une information régulière de la part du Sénat et du CFCE. Plusieurs colloques, portant sur le Caucase, la Georgie, l'Ouzbékistan, etc. ont été organisés. C'est néanmoins la première fois que nous consacrons toute une journée au seul Azerbaïdjan. Votre présence à tous parmi nous aujourd'hui me montre combien nous avons eu raison.
Monsieur le Ministre, c'est un honneur de vous recevoir aujourd'hui. Je ne crois pas exagérer en soulignant que vous êtes un interlocuteur important au sein de votre gouvernement, notamment eu égard à votre statut d'interlocuteur du gouvernement français.
Monsieur le Président Dupont a évoqué, dans son propos liminaire, les programmes que vous avez mis en oeuvre. A partir de 2006, les recettes du pays atteindront près de 5 milliards de dollars, dont une grande partie sera consacrée au développement des infrastructures. Dans ce contexte, les relations entre nos deux pays vont grandissant.
Avant de rendre la parole au Président Dupont, je tiens à saluer la présence de madame l'Ambassadeur d'Azerbaïdjan en France, Son Excellence Eleonora Husseynova, ainsi que celle de nombreux experts au nombre desquels Michel Gelenine, avec le concours duquel nous avons élaboré le programme de cette journée. Olivier Roy, éminent chercheur, nous apportera tout son éclairage sur cette zone géographique. Nous entendrons ensuite, après une courte pause, George Krivicky, Marc Graille, Jean-Pierre Dolla et Jean Januard. Après le déjeuner, nous consacrerons un temps important au débat, que nous souhaitons aussi interactif que possible.
Ambroise DUPONT
Je cède la parole à monsieur le Ministre, que j'ai eu le plaisir de rencontrer à Bakou. Au cours de cette visite, nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer tout l'intérêt de développer les relations entre nos deux pays.
Intervention
Farkhad ALIEV
Ministre du Développement économique d'Azerbaïdjan
Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien je suis heureux de participer à ce colloque organisé par le Sénat et le CFCE et consacré à mon pays, l'Azerbaïdjan. Je remercie monsieur le Président du Sénat, monsieur le Sénateur Ambroise Dupont et madame Agnès Gaborit pour l'accueil qu'ils nous ont réservé.
Dès les premiers jours de son indépendance, l'Azerbaïdjan s'est heurté à des problèmes très difficiles au plan économique et social. Comme vous le savez, après un conflit pénible, 20 % de notre territoire ont été occupés par l'Arménie, ce qui a considérablement aggravé notre situation. Ainsi, entre 1991 et 1995, notre PIB a diminué de manière conséquente. Après l'arrivée au pouvoir de notre nouveau Président, en 1993, les difficultés ne se sont pas estompées d'elles-mêmes. Il a fallu attendre 1995 pour que le développement de notre pays s'amorce.
Depuis lors, nous avons élaboré une nouvelle constitution et organisé des élections parlementaires et présidentielles en 1998. Monsieur Heydar Aliev a été élu unanimement à la présidence. Nous devons constater que les réformes engagées depuis cette date ont donné des résultats satisfaisants. Nous avons supprimé plus de 30 structures administratives afin d'alléger nos processus de décision.
Par ailleurs, notre pays a engagé des coopérations fructueuses avec différents organismes européens.
Au niveau social et culturel, je vous rappelle que notre pays compte un certain nombre de minorités. Nous accueillons sur notre sol plus de 1 000 ONG différentes. Dans ce contexte délicat, nous avons réussi à trouver un certain équilibre au plan économique. La réforme foncière que nous avons engagée n'y est pas étrangère. Grâce à ces diverses mesures, le PIB a cru de 64 % depuis 1995. La part du secteur privé atteint 71 %. Le volume du commerce extérieur, sur cette même période, a été multiplié par 2,8. Sur les dix derniers mois de l'année 2002, le PIB a augmenté de 10 %. Pour attirer de nouveaux investisseurs, nous avons instauré une loi garantissant l'inviolabilité de la propriété privée. Ce faisant, les investisseurs peuvent librement utiliser les profits qu'ils ont réalisés dans notre pays.
J'attire, en outre, votre attention sur la grande stabilité de notre taux de change, ce qui n'est pas sans présenter un certain nombre d'avantages.
Depuis 1995, l'Azerbaïdjan coopère avec le FMI et la Banque Mondiale. Nous avons contracté auprès de ces institutions des crédits qui - cela mérite d'être souligné - sont les plus faibles de la Communauté des Etats Indépendants. J'en veux pour preuve le fait que la dette de l'Azerbaïdjan ne représente pas plus de 20 % de son produit intérieur brut.
En 1994, nous avons signé un contrat, dit « contrat du siècle », qui a abouti à la création de 25 consortiums pétroliers sur la production desquels se base notre développement. En effet, le développement du secteur pétrolier génère une activité dans d'autres secteurs, au nombre desquels la construction.
Nous devons en outre construire des infrastructures suffisantes pour transporter le pétrole. Certes, il existait déjà au temps de l'URSS des pipelines mais ils se révèlent aujourd'hui insuffisants.
Je tiens également à souligner tout l'intérêt du projet TRACECA pour le développement de notre région. Nous avons en effet décidé de restaurer la route de la soie qu'en des temps reculés Marco Polo avait tracée. Comme vous pouvez le constater, tous nos efforts ne sont pas concentrés sur le secteur pétrolier.
Ainsi, nous accordons une grande importance au secteur agricole. Au mois d'avril 2002, au cours d'une rencontre avec différents hommes d'affaires, le Président a pris un certain nombre de décisions qui portent d'ores et déjà leurs fruits. Ainsi, plus de 200 licences de commerce ont été accordées. Toutes les mesures prises récemment visent à promouvoir la démocratie. J'en veux pour preuve les facilités de crédit accordées aux représentants des organes de presse ou aux business men pour obtenir leurs visas.
Sous l'égide du Président, nous avons créé un Conseil des tarifs afin de définir les prix en matière de consommation électrique et d'eau, un Conseil des entrepreneurs qui se réunit deux fois par an.
D'autres décisions ont trait à la privatisation. Nous avons ainsi privatisé en 2001 plus de 450 petites et moyennes entreprises en Azerbaïdjan. Pour autant, nous faisons preuve de prudence et prévoyons deux phases. Le deuxième volet de ce mouvement sera consacré à la privatisation des grandes entreprises. Dans ce processus, les entreprises étrangères nous apportent leur concours.
Tous les secteurs seront à terme touchés par la privatisation. Ainsi, la gestion des réseaux de l'énergie électrique a été confiée à une compagnie privée. Le Gouvernement a dû procéder à des compensations pour faire face à la hausse des prix. Nous devrions d'ici peu obtenir des résultats positifs.
Le système bancaire azerbaïdjanais n'est pas exclu de ce mouvement. Nous avons ainsi prévu de privatiser notre Banque Publique Universelle d'ici à 2004.
Grâce à ces différentes réformes, la croissance économique ne s'est pas fait attendre. Les investissements étrangers atteignent désormais 11 milliards de dollars américains. Fort de ces réussites, l'Azerbaïdjan souhaite devenir membre de l'OMC et a déjà engagé des démarches en ce sens. Il nous faudra encore améliorer le niveau de vie de nos concitoyens et lutter contre la pauvreté.
J'aimerais à présent évoquer la coopération entre l'Azerbaïdjan et l'Europe, l'Azerbaïdjan et la France. 13 contrats intergouvernementaux ont été signés entre l'Azerbaïdjan et la France. Ils portent notamment sur la promotion et la protection des investissements, ainsi que sur la suppression de la double imposition fiscale.
Je ne saurais trop vous conseiller de profiter de ces conditions avantageuses pour investir dans notre pays. A l'heure actuelle, le volume des investissements français n'excède pas 220 millions d'euros, ce qui reste - vous en conviendrez - relativement faible.
Actuellement, nous menons des négociations avec Vivendi pour le traitement des eaux et avec Renault qui envisage d'implanter une usine sur notre territoire. Je ne doute pas que ces discussions trouveront une issue favorable.
Sachez également que nous travaillons à la création d'un centre culturel franco-azerbaïdjanais.
Cependant, nous avons conscience que notre développement ne pourra être effectif qu'une fois résolu le conflit avec l'Arménie. En d'autres termes, seule la stabilité sera gage de développement. Pour autant, la France ne doit pas ménager ses efforts et continuer à investir dans tous les secteurs de l'économie : infrastructures touristiques, industrie pharmaceutique, secteur agricole, etc.
J'ai abusé de votre temps et m'en excuse. Merci pour votre attention.
Ambroise DUPONT
Merci monsieur le Ministre. Nous allons à présent vous soumettre au jeu des questions-réponses.
Une question de la salle
Monsieur le Ministre, j'investis en Azerbaïdjan depuis 1994. Comme vous l'avez mentionné, l'Azerbaïdjan bénéficie d'une position géographique stratégique, notamment dans le transit des marchandises entre la Russie et l'Iran. Pour que pareille activité puisse se développer, il faut des entrepôts sous douanes. Avez-vous des projets en ce sens ?
Farkhad ALIEV
Nous entendons créer une zone économique libérale. Toutes ces dispositions sont prévues dans le cadre de la réforme douanière que nous menons actuellement. Toutefois, si vous avez des suggestions concrètes à nous apporter, nous vous écouterons.
Ambroise DUPONT
Monsieur le Ministre, quelles sont vos attentes quant au fonds pétrolier ?
Farkhad ALIEV
Ce fonds a été créé en 2002 par décret présidentiel. Les profits du secteur pétrolier, soit 700 millions de dollars américains, abondent ce fonds à hauteur de 600 millions. Il a vocation à améliorer le niveau de vie des populations défavorisées, amélioration pour laquelle nous consacrons 75 millions de dollars. Nous avons consacré, en outre, 100 millions de dollars au développement du secteur privé non pétrolier et au développement des fonds de pension. Grosso modo , l'argent du fonds est destiné à trois axes essentiels :
-
· la réforme des structures ;
· le développement du pays ;
· la constitution d'un fonds pour les générations futures.
Le reste des fonds est placé. Il va de soi qu'une part de cet argent sera utilisé pour la construction des pipelines que j'évoquais précédemment.
Une question de la salle
Je constate que le secteur agricole représente 25 % du PIB. Quels sont les problèmes les plus importants auxquels vous êtes confrontés dans ce domaine et que comptez-vous entreprendre pour les résoudre ?
Farkhad ALIEV
Cette question est très intéressante, je vous remercie. Comme vous le savez, nous sommes passés à un système d'économie de marché. Dans ce contexte, nous comptons rénover le parc d'équipements du secteur agricole et développer la production de graines afin d'alimenter l'industrie agroalimentaire. A ce jour, 99 % des terres agricoles sont déjà privatisées. Nos produits répondent parfaitement aux normes européennes et peuvent, à ce titre, être sans peine commercialisés sur le marché européen.
Une question de la salle
Vous n'avez rien dit des ressources humaines en Azerbaïdjan, ni du niveau de qualification de la main d'oeuvre dans votre pays, ce qui est pourtant essentiel pour les investisseurs étrangers.
Farkhad ALIEV
Il va de soi que nous devons promouvoir les ressources humaines en Azerbaïdjan. La génération actuelle a bénéficié des universités soviétiques et est, de ce fait, fort bien formée. Aujourd'hui, les études demeurent gratuites, à l'exception de quelques universités privées qui ont vu le jour depuis peu. Il n'en demeure pas moins que nous devrons consentir des améliorations dans des domaines spécifiques. Pour l'heure, nous n'hésitons pas à envoyer nos cadres effectuer des stages à l'étranger. Des modernisations sont prévues dans le cadre d'un programme triennal : elles visent à développer continuellement les ressources humaines dans notre pays.
Ambroise DUPONT
Si vous en êtes d'accord, je cède dès à présent la parole à George Krivicky.
L'action de la BERD en Azerbaïdjan
George KRIVICKY
Directeur pour l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Georgie, le Belarus et la Moldavie, BERD
Mesdames et Messieurs, c'est un grand plaisir pour moi de participer à ce colloque.
La BERD a été créée en 1991 pour soutenir la transition des pays adhérents vers une économie de marché. Ces engagements dans la région s'élèvent à 20 milliards d'euros et le cumul des projets financés par la BERD représente 80 milliards d'euros.
Les investissements de la BERD en Azerbaïdjan ont concerné divers secteurs : secteur pétrolier, petites et moyennes entreprises, agriculture, etc.
Les secteurs d'investissement en Azerbaïdjan sont nombreux. Ainsi, la croissance dans le secteur pétrolier et dans les secteurs connexes devrait s'accélérer rapidement dans les années à venir. Surtout, en raison de sa position stratégique, l'Azerbaïdjan présente maints avantages en termes d'industrie des transports.
Nous avons l'intention d'accroître nos investissements en Azerbaïdjan, notamment pour contribuer à réduire la pauvreté. Nous orienterons nos investissements vers quelques secteurs clés :
-
· soutien aux petites et moyennes entreprises non pétrolières, afin d'encourager la diversification de l'économie ;
· soutien à la mise en place d'un système financier ;
· financement de projets vitaux en matière d'infrastructures ;
· financement de projets à l'intention des entreprises gazières et pétrolières.
Ces investissements ne pourront cependant avoir lieu que dans un contexte et un climat favorables. Depuis la fin de la guerre avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan a connu une croissance très rapide. Les finances publiques sont administrées avec prudence et la dette publique extérieure demeure inférieure à 25 % du PIB. Selon nos dernières prévisions, le PIB du pays devrait croître de 8 à 10 %. Au nombre des défis, il convient de citer la lutte contre la pauvreté et la diversification économique.
Ce climat favorable aux investissements suppose que l'Azerbaïdjan se dote d'un cadre réglementaire adéquat. A ce jour, il subsiste encore un trop grand écart entre les lois et réglementations et l'application qui en est faite. Néanmoins, nous ne pouvons que saluer les récentes initiatives prises sous l'égide du Président Aliev et qui ont largement contribué à améliorer l'environnement.
Pour attirer d'autres investissements, il faudra encore travailler à l'amélioration des infrastructures, et ce malgré les efforts consentis au cours des 18 derniers mois.
Aujourd'hui, la rentabilisation des services publics se poursuit et nous offrons notre coopération à toutes les entreprises publiques et privées qui soutiennent cet effort.
Enfin, il ne fait aucun doute que le secteur bancaire doit encore se renforcer. La concurrence doit être encouragée par la privatisation des banques d'Etat. La BERD soutient ces efforts par des lignes de crédits. Nous estimons que le climat d'investissement en Azerbaïdjan s'améliore et saluons le dialogue ouvert par le Président Aliev sur ces sujets.
Mesdames et Messieurs, la croissance économique dans le pays a été considérable durant ces dernières années. La BERD entend participer à ce mouvement ascendant en partenariat avec les entreprises étrangères et le gouvernement. J'invite toutes les entreprises qui souhaitent investir dans ce pays à prendre contact avec nos bureaux ou à visiter notre site Internet.
Je vous remercie pour votre attention.
Ambroise DUPONT
Je vous remercie pour cette riche intervention. Je ne doute pas qu'au cours de la table ronde de cet après-midi, vous évoquerez plus amplement vos actions.
Azerbaïdjan : état des lieux
Michel GELENINE
Chef de la mission économique à Bakou
Monsieur le Président Dupont, monsieur le Ministre, messieurs les Sénateurs, madame la Sénatrice, Mesdames et Messieurs, mon intervention s'appuiera sur les diverses questions que m'adressent les entreprises présentes en Azerbaïdjan.
Y a-t-il de l'argent en Azerbaïdjan ?
L'argent arrive peu à peu et, ce faisant, l'économie se diversifie. Cet argent provient de différentes sources.
-
· Le fonds pétrolier se monte aujourd'hui à 700 millions de dollars, fonds qui devrait, en période de pointe, collecter un peu plus de 5 milliards de dollars. L'argent qui ne sera pas placé sera utilisé pour développer les infrastructures du pays.
· L'argent des institutions financières internationales (IFI) permettra notamment de financer des travaux d'infrastructures.
· Les ONG, en soutenant les petites et moyennes entreprises, contribuent à développer le tissu économique.
· L'Union européenne, enfin, finance un certain nombre de projets.
J'ajoute, en outre, que l'Azerbaïdjan est l'un des 14 bénéficiaires de l'ARPE.
L'Azerbaïdjan, c'est avant tout le secteur pétrolier. Quel intérêt avons-nous, entreprises non pétrolières, à nous y implanter ?
Il est vrai que l'industrie pétrolière occupe une large place. Pour autant, l'économie se diversifie et attend des investissements dans l'ensemble de ses secteurs : agroalimentaire, transports, agriculture, etc. Depuis quelques années, plusieurs enseignes bien connues ont ouvert : meubles Ligne Roset, Villeroy et Bosch, l'Oréal, Bang & Olufsen, Morgane de toi, etc.
Si le para-pétrolier conserve toute son importance, il ne se limite pas aux seuls projets de BP qui se limite à bâtir des pipelines.
L'Azerbaïdjan sort à peine du giron de l'URSS, c'est un pays qui évolue peu...
Il s'agit là d'une idée reçue. L'on voit en effet émerger des générations d'entrepreneurs et de politiques jeunes et dynamiques.
Quelle place la France peut-elle avoir en Azerbaïdjan ?
Oui, la France a un rôle à jouer. D'ailleurs, en quelques années, les investissements français dans le pays sont passés de 150 à 220 millions de dollars. Certes nombre de nos investissements se limitent encore au secteur para-pétrolier. Ainsi, c'est à une société française que BP a fait appel pour construire son dernier pipeline.
La France bénéficie, en outre, en Azerbaïdjan, d'un accord fiscal de non-double imposition. Il existe, par ailleurs, une commission mixte qui se réunit régulièrement. S'agissant du domaine agroalimentaire, un accord dans le secteur vétérinaire devrait être signé d'ici peu.
Vous l'aurez compris, le contexte pour la France est très favorable et il est largement porté par les rapports diplomatiques et politiques entre nos deux pays.
Les PME ont-elles leur place en Azerbaïdjan ?
A nouveau, je répondrai par l'affirmative. Depuis plusieurs années, certaines PME françaises ont investi dans le commerce, notamment de cosmétiques. Leur rôle sera de plus en plus important dans le contexte de privatisation qui se fait jour. J'attire, en outre, votre attention sur le nombre croissant d'investisseurs individuels qui s'implantent en Azerbaïdjan : ouverture de restaurants, de cellules de représentation, etc.
Sur qui pouvons-nous compter ?
Je ne reviens pas plus avant sur la DREE ou les missions économiques, ce sont là des organismes déjà connus. Vous pouvez également faire appel à l'ambassade de France à Bakou. Le gouvernement azerbaïdjanais s'avère également être un allié utile. J'en veux pour preuve sa récente action dans une transaction financière : un investisseur avait racheté une brasserie dont le gouvernement a annulé les dettes.
Je vous invite également à vous rapprocher de la Chambre des investisseurs et du Groupe d'amitié France-Caucase, dont l'activité n'est plus à démontrer. Le MEDEF, dont les missions en Azerbaïdjan se multiplient, est un partenaire non négligeable. Enfin, il faut mentionner les entreprises françaises déjà implantées dans le pays, que ce soit Bouygues Offshore ou Entrepose.
Ambroise DUPONT
Merci pour votre intervention. Sachez que le groupe d'amitié France-Caucase ne saurait fonctionner aussi efficacement sans le concours des ambassadeurs de nos deux pays, dont je tiens à saluer l'action dans ce domaine.
Nous poursuivons nos travaux et je vous propose à présent d'accueillir Marc Graille.
TRACECA - 10 ans après
Marc GRAILLE
Chef de projet de l'équipe de coordination du programme TRACECA,
Coordinateur TRACECA Caucase, Superviseur du Secrétariat permanent TRACECA
Il m'appartient aujourd'hui de vous présenter le programme TRACECA dont nombre d'entre vous ont déjà entendu parler. Ce programme a été développé dès 1993 par la Commission européenne.
I. Présentation de TRACECA
TRACECA est un corridor physique, dont le tracé a été approuvé par les pays membres du projet (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan, Ukraine, Moldavie, Bulgarie, Roumanie, Turquie). Ce corridor est un corridor alternatif de transports qui permet de relier l'Asie Centrale à l'Europe du Sud.
A l'initiative des 8 premiers pays membres (les 5 républiques d'Asie centrale et les 3 républiques caucasiennes), nous avons développé une stratégie - qui, je dois le reconnaître, a eu quelques difficultés à se mettre en place - qui vise à privilégier le soutien au développement des pays membres. Tous les projets qui voient le jour dans ce cadre sont le résultat d'un consensus. Le transport constitue un axe clé de notre projet. Ce secteur est en effet un catalyseur pour les investissements dans la région. Par ailleurs, nous nous sommes fixé pour objectif d'assurer la liaison entre TRACECA et les quatre principaux corridors qui débouchent sur la Mer Noire.
Le projet TRACECA s'est construit grâce à un investissement de 110 millions d'euros. Deux phases se sont succédé : la première était consacrée à l'assistance technique de projet, tandis que la seconde visait à financer de nouvelles initiatives dans le transport. Ces programmes avaient pour la plupart trait au renouvellement des technologies du transport. Ainsi, se développe peu à peu le transport par containers, technique qui n'était pas utilisée il y a dix ans en Azerbaïdjan.
TRACECA, lui-même, s'est développé en plusieurs phases dont la plus importante reste le sommet présidentiel organisé sous l'égide du Président Aliev. Au cours de ce sommet, 12 pays ont signé un accord multilatéral de transport. Seul le Turkménistan, pourtant membre de TRACECA, a refusé de ratifier le document.
A partir de cet accord, nous avons créé une commission intergouvernementale qui se réunit deux fois l'an à Bakou. Elle est hébergée dans des locaux que le gouvernement azerbaïdjanais a mis à notre disposition.
Aujourd'hui, TRACECA est passé de 8 membres à 13 membres et nous travaillons en collaboration avec de nombreux organismes mondiaux, dont l'UN-ESCAP.
Après les attentats du 11 septembre et le déclenchement de la guerre en Afghanistan, TRACECA a dû réfléchir aux moyens de mettre en place les meilleures conditions de transport possibles pour l'aide et la reconstruction de ce pays. Un plan spécial d'actions a été lancé. Il vise à promouvoir des projets de réhabilitation et de développement des infrastructures de transport vers l'Afghanistan.
Comme vous pouvez le constater sur les cartes que nous vous projetons, le transport maritime revêt une importance cruciale en Azerbaïdjan. Il faudra donc construire les infrastructures adéquates pour favoriser et sécuriser les échanges. A ce propos, je tiens ici à avoir une pensée pour toutes les personnes qui ont péri lors du naufrage d'un ferry ralliant Bakou au Turkménistan.
Le projet TRACECA a bénéficié, tout au long de ses travaux, du soutien de la BERD. Aux 700 millions d'euros apportés par la Commission européenne, s'ajoutent des aides s'élevant à plus d'un milliard d'euros, en provenance de bailleurs divers et notamment japonais.
Aujourd'hui, le corridor TRACECA est en compétition avec le corridor Nord (Transsibérien) et le corridor Sud. Cette compétition concerne majoritairement le domaine des prix et des services. Vous l'aurez compris : nous devons tout mettre en oeuvre pour préserver la compétitivité et la rentabilité de TRACECA.
Pour toute information pratique et pour toute recherche de contact, je vous invite à consulter notre site web : www.traceca.org.
II. TRACECA et l'Azerbaïdjan
L'Azerbaïdjan occupe une place géographique stratégique. Ce pays pétrolier doit trouver les voies les plus rapides et les plus sûres pour acheminer son pétrole vers les différents marchés de la région. Par ailleurs, dans les années à venir, l'Azerbaïdjan jouera un rôle particulièrement important dans l'axe Nord-Sud.
L'Azerbaïdjan a récemment nommé un ministre du transport. Nous saluons cette initiative qui permettra au pays de développer une politique de transport intégrée.
Je tiens également à insister aujourd'hui sur trois axes de développement législatif suivis par l'Azerbaïdjan :
-
· la réforme douanière et notamment l'harmonisation des taxes avec les pays membres de TRACECA ;
· la mise en place d'une politique de tarifs des transports particulière entre les membres de TRACECA ;
· l'harmonisation des législations de ces pays sur les textes internationaux et notamment l'accord de Kyoto.
Pour conclure, je m'attacherai à définir les paramètres d'investissement du transport en Azerbaïdjan. Dans les années à venir, l'Azerbaïdjan devra consentir des efforts d'investissements pour adapter les infrastructures du transport maritime et ferroviaire aux nouvelles technologies. Le pays devra, en outre, rénover ses plates-formes pétrolières. Enfin, nombre d'investissements seront consentis dans le domaine des télécommunications. Ces adaptations ne manqueront pas d'attirer de nouveaux investisseurs.
Le gouvernement azerbaïdjanais travaille à réhabiliter le réseau routier du tracé TRACECA. Je suis convaincu que plusieurs entreprises françaises pourraient participer à ce projet.
Ambroise DUPONT
La parole est maintenant à Jean-Pierre DOLLA.
Le contexte pétrolier et gazier en Azerbaïdjan
Jean-Pierre DOLLA
Chargé de mission auprès du Directeur Europe continentale - Asie centrale, TotalFinaElf, Conseiller du commerce extérieur de la France
Monsieur le Ministre, madame l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs, il m'appartient aujourd'hui de vous présenter le contexte pétrolier et gazier en Azerbaïdjan.
I. La zone Caspienne
La région Caspienne est constituée par les cinq pays nés du démantèlement de l'URSS qui entourent la mer Caspienne. Elle se trouve aujourd'hui aux portes de l'Europe et jouera certainement un rôle fondamental dans l'approvisionnement de l'Union dans les années à venir. En effet, la région Caspienne recèle près de 5 % des réserves mondiales de pétrole. La région permet de produire quelque 60 milliards de mètres cubes de gaz par an et 1,5 million de barils d'hydrocarbure par jour, soit approximativement la consommation française en gaz et pétrole.
II. L'exploration et la production en Azerbaïdjan
L'Azerbaïdjan est une vieille région pétrolière. Au 19 ième siècle, plus de la moitié de la production mondiale en pétrole provenait de cette zone. Aujourd'hui, après une période de déclin entre les années 50 et l'indépendance, l'Azerbaïdjan connaît une période de croissance qui ne manquera pas de se poursuivre, notamment grâce au PSA élaboré sous l'égide du Président Aliev.
1. Production
S'agissant de la production d'huiles, il convient de souligner que depuis la fin des années 80 jusqu'à aujourd'hui, l'Azerbaïdjan est exportateur net et que cette tendance ne cesse de se confirmer. En ce qui concerne la production gazière, la situation est quelque peu différente. En effet, après avoir été exportateur net durant plusieurs décennies, le pays a dû faire appel à l'importation pour faire face à la demande croissante.
J'en viens maintenant au champ Chirag Azeri Güneshli, ou champ du « contrat du siècle », signé en 1994, dont l'exploitation a commencé cette même année. A l'horizon 2010, la production de ce champ devrait dépasser les 2 000 barils/jour, grâce aux importants investissements qui sous-tendent le contrat. Le contrat est géré par une joint venture regroupant notamment BP (en tant qu'opérateur), Unocal, Lukoil, Socar, Statoil et ExxonMobil.
Récemment, un nouveau gisement de gaz a été découvert à Shahdeniz. Les réserves sont estimées à quelque 255 millions de mètres cubes. Pour l'heure, le gisement n'est pas encore exploité. Nous espérons remédier à cette situation dès 2003.
En Azerbaïdjan, interviennent plusieurs opérateurs étrangers :
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· BP au travers de Chirag Azeri Guneshli, Shah Deniz, Inam, et Alov. ;
· ExxonMobil
· TotalFinaElf, dans une moindre mesure ;
· Lukoil, Cevron, Japex, Agip, etc. à un degré plus réduit.
2. Exploration
Après sept ans d'exploration, un seul champ a été découvert, celui de Shaz Deniz. Parallèlement, nous nous sommes livrés à des appréciations des champs déjà connus. Ainsi, les réserves estimées de Chirag Azeri Guneshli sont passées de 3 milliards de mètres cubes à 5 milliards de mètres cubes.
Après l'engouement des années 1995, l'on observe aujourd'hui une certaine désillusion. Celle-ci s'est traduite par le départ de quelques opérateurs étrangers. Il n'en demeure pas moins que ces phases d'exploration se poursuivent. J'attire votre attention sur l'importance des coûts de forage. En effet, l'exploration d'un puits en mer suppose un investissement allant de 20 à 40 millions de dollars.
3. Transport
La Mer Caspienne - comme vous le savez - est une mer enclavée. Pour transporter les produits de l'industrie pétrolière vers le marché ouvert, il convient donc de construire des infrastructures adaptées. Aujourd'hui, sont évacués 1,5 million de barils par jour, essentiellement via la Mer Noire et le Bosphore. Les pipelines existants sont saturés, si bien que pour évacuer la production importante des années à venir, il faudra construire de nouvelles infrastructures. Plusieurs projets sont à l'étude :
-
· le CPC, reliant Novorossisk à Tengiz ;
· le BTC, long de 1 800 kilomètres, reliant Bakou à Ceyhan, et qui devrait être opérationnel d'ici à 2005 ;
· le KTIOP reliant Tengiz à Iman.
Pour ce qui concerne le gaz, un projet de gazoduc vers la Turquie via la Georgie est à l'étude. Les investissements nécessaires sont estimés à un milliard de dollars.
III. Conclusion
L'Azerbaïdjan devrait - comme vous pouvez le constater - attirer nombre d'investissements dans l'industrie pétrolière. Toutefois, avant que les réserves de la Mer Caspienne puissent être exploitées, il faudra que le statut de la zone soit clairement défini et que le contexte général du pays soit placé sous le signe de la stabilité.
L'Azerbaïdjan sera indubitablement une zone de transit stratégique au coeur de la région Caspienne.
Le groupe TotalFinaElf est encore très peu présent dans la zone. C'est pourquoi, il entend y promouvoir ses investissements et développer son action.
Ambroise DUPONT
Je vous propose d'écouter maintenant Jean JANUARD.
Six ans d'implantation en Azerbaïdjan
Jean JANUARD
Directeur régional Pétrole/Gaz, Groupe CIFAL,
Conseiller du commerce extérieur de la France
Monsieur le Président, monsieur le Ministre, madame l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs, je vous propose, après ces exposés très documentés, de vous apporter mon témoignage.
Je représente la compagnie CIFAL, qui accompagne les industriels français souhaitant s'implanter en Azerbaïdjan.
En 1996, lorsque nous nous sommes installés à Bakou, nous étions parmi les premiers Français. En 1997 et 1999, au cours de colloques organisés par le CFCE ou le MEDEF, nous avons incité les grandes entreprises françaises à s'implanter dans ce pays.
Quel est, depuis cette date, le chemin parcouru ? L'euphorie des années 1995 est retombée : l'on ne parle plus de l'Azerbaïdjan comme du nouveau Koweit. Il n'en demeure pas moins que le potentiel du pays est réel.
10 à 15 milliards de dollars sont investis chaque année en Azerbaïdjan. Si ces investissements ne se limitent pas à l'industrie pétrolière, il ne fait aucun doute que le développement s'articulera principalement autour de cette dernière.
Depuis six ans que nous sommes présents dans ce pays, nous avons dû faire face à de nombreux problèmes : lourdeur administrative, lenteur dans la prise de décision, laquelle est d'autant moins rapide qu'il est parfois difficile de distinguer les vrais et les faux décideurs, les premiers étant beaucoup moins nombreux que les seconds. Mais le pouvoir de nuisance de ces derniers est réel. En filigrane se dessine une organisation qui reste encore très familiale ou clanique.
Pour autant, ces difficultés peuvent être tournées en atouts. En effet, en Azerbaïdjan, priorité est donnée aux relations personnelles qui, souvent, permettent de dénouer bien des situations. Rien ne remplace la confiance et l'engagement personnel, pas même un document officiel dûment signé, d'où l'importance d'être présent sur le terrain et dans le long terme.
L'Azerbaïdjan compte un certain nombre d'atouts. Outre les réformes des différents ministères, il convient de souligner la percée de jeunes cadres dynamiques à des postes clefs et la modernisation des outils. Par ailleurs, contrairement à ce que l'on peut observer dans d'autres pays de la région, les cadres des entreprises restent en poste suffisamment longtemps.
Les Azerbaïdjanais sont de bons négociateurs, ils essaieront de retirer le maximum de vous - ce qui est somme toute normal. L'Azerbaïdjan est un pays indépendant - un vrai - avec des cadres formés. A ce sujet, il m'apparaît essentiel de développer les programmes de formation à l'intention des entrepreneurs azéris, car il n'est de meilleur allié qu'un cadre formé dans notre pays. L'Allemagne et les Etats-Unis l'ont bien compris.
L'Azerbaïdjan n'est aujourd'hui plus une terre vierge ; la population ne nous est plus hostile, si bien que nos perspectives dans ce pays sont intéressantes. Nous devrons en premier lieu investir significativement dans les infrastructures.
Récemment, le gouvernement azéri a initié un plan de réduction de la pauvreté. Il s'agit d'un plan volontariste dont le crédit n'est pas démontré. Les Français devront savoir bénéficier de ce plan dont les retombées se feront rapidement sentir, que ce soit dans les secteurs de l'eau, des déchets ou de l'environnement.
Je ne prétends pas que l'on puisse du jour au lendemain faire fortune en Azerbaïdjan. Pour autant, nous ne pouvons négliger les résultats importants qu'ont enregistrés les PME et PMI anglo-saxonnes dans ce pays. Aujourd'hui, le gouvernement azéri nous tend la main; à nous de la saisir et de la saisir rapidement car la concurrence est rude. En effet, l'Azerbaïdjan a accueilli récemment des délégations allemandes et japonaises qui proposent des financements analogues à ceux de la France.
Pour terminer, permettez-moi de souhaiter une bonne fête au peuple azerbaïdjanais car c'est aujourd'hui la fête à Bakou !
Ambroise DUPONT
Je vous remercie pour cet exposé vif, amical et intéressant. Avant le déjeuner, je cède la parole à la salle pour quelques questions.
Une question de la salle
Le programme de privatisation a-t-il fait des progrès ? Plus particulièrement, la privatisation de la Banque Nationale d'Azerbaïdjan est-elle à l'ordre du jour ?
Farkhad ALIEV
A ce jour, nous comptons 45 banques privées. D'ores et déjà, la moitié des parts de la Banque Nationale est détenue par le privé. Nous envisageons que l'établissement soit intégralement privatisé dès l'année prochaine. Par ailleurs, nous prévoyons dans les prochains mois la privatisation de la Banque Universelle.
Je souhaite vous faire part d'une information en avant-première. Nous avons récemment mené des négociations avec le gouvernement allemand à l'issue desquelles la société Hermes a accepté de garantir les investissements allemands en Azerbaïdjan à hauteur de 200 millions de dollars pour les années 2002 et 2003, sans demander la garantie de l'Etat. J'aimerais que la Coface consente un geste similaire. J'en appelle donc au courage des banquiers français. Nous souhaitons vivement que la France soit le premier investisseur étranger en Azerbaïdjan.
Pour conclure, je tiens à chaleureusement remercier Monsieur Dupont et chacun d'entre vous pour nous avoir fait part de vos impressions. Sachez que nous sommes parfaitement disposés à écouter vos critiques afin d'améliorer ensemble les modalités de notre coopération.
Ambroise DUPONT
Merci Monsieur le Ministre pour cette conclusion. Avant de clôturer cette matinée, je tiens à remercier tous les participants ainsi que Madame Gaborit, directeur des événements pour le CFCE.
Par ailleurs, je suis chargé de vous présenter les excuses d'Olivier Roy, retenu par les embouteillages parisiens. Il nous fera parvenir une version écrite de son intervention que nous vous communiquerons. (Annexe).
En tant que nouveau Président du groupe d'amitié France-Caucase, après Monsieur Jean Boyer, je me dois de vous dire toute la qualité des interlocuteurs azerbaïdjanais que j'ai eu l'occasion de rencontrer à Bakou. L'engagement personnel du Président Aliev, que l'on a pu observer au travers du règlement de l'affaire Castel, me semble particulièrement encourageant. Au cours de mon séjour, j'ai également pu découvrir les merveilleuses régions de votre pays, monsieur le Ministre. Elles ne manqueront pas de retenir l'attention de tous ceux qui visiteront votre beau pays. Enfin, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture des travaux du BTC, j'ai eu l'occasion de mesurer la qualité des rapports qu'entretiennent nos deux Présidents, Messieurs Chirac et Aliev. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Une fois encore, monsieur le Ministre, je tiens à vous remercier pour votre présence parmi nous aujourd'hui. Je me réjouis sincèrement que le CFCE et le Sénat aient pu organiser ce colloque, fort riche.
La réalité des affaires en Azerbaïdjan
Débat animé par Michel GELENINE, Chef de la Mission économique à Bakou avec :
Farkhad ALIEV, Ministre du Développement économique d'Azerbaïdjan
Ljubomir AKSENTIJEVIC, Représentant régional de la Société Générale à Bakou
Jean-Pierre DOLLA, Chargé de mission auprès du Directeur Europe continentale-Asie centrale, TotalFinaElf, Conseiller du commerce extérieur de la France
Marc GRAILLE, Chef de projet de l'équipe de coordination du programme TRACECA, Coordinateur TRACECA Caucase, Superviseur du Secrétariat permanent TRACECA (Bakou)
Jean JANUARD, Directeur régional Pétrole/Gaz, Groupe CIFAL, Conseiller du commerce extérieur de la France
George KRIVICKY, Directeur pour l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Géorgie, le Belarus et la Moldavie, BERD
Michel GELENINE
La séance de cet après-midi est une séance informelle de questions-réponses. Ce matin, vous avez eu l'occasion d'entendre des présentations générales. Je propose que nous consacrions cette session aux entreprises présentes dans la salle, qui souhaitent poser des questions aux uns et aux autres.
De la salle
L'année dernière, nous avons présenté un projet dans la région du Nakhitchevan. Nous savons qu'il existe dans cette même région un projet de centrale hydraulique. Comment comptez-vous gérer cette multiplicité de projets ?
Farkhad ALIEV
Merci pour cette question intéressante. Vous pouvez activement participer aux différents projets de privatisation des entreprises de la région. Par ailleurs, dès 2003, nous réduirons l'impôt sur le profit qui passera de 25 à 10 % dans les régions frontalières, c'est-à-dire hors Bakou.
Concernant la centrale hydraulique, je dois vous dire qu'une compagnie a déjà remporté le marché et les travaux sont en cours.
Ma réponse vous satisfait-elle ?
L'auteur de la question
Je suis heureux de savoir qu'une entreprise a déjà remporté le marché.
En matière de télécommunication fixe et de réseau de téléphone mobile, quels sont les projets actuels du gouvernement d'Azerbaïdjan ?
Farkhad ALIEV
En vertu de la décision du chef de l'Etat, nous avons amorcé la privatisation des entreprises de télécommunication et nous envisageons de travailler d'ici peu avec les compagnies étrangères pour développer notre réseau. D'ailleurs, une compagnie autrichienne a déjà remporté le marché. Il lui appartiendra de donner au gouvernement azéri tous les conseils juridiques, financiers et techniques.
Sur la base de la décision du chef de l'Etat, nous envisageons de privatiser toutes les entreprises de communication. Nous avons d'ores et déjà fondé une compagnie mixte, avec un groupe étranger, dans le domaine de la téléphonie mobile.
Monsieur Michel Gelenine, veuillez informer les compagnies françaises que le gouvernement azéri n'entend pas travailler exclusivement avec cette société autrichienne. Nous serions très heureux d'accueillir les entreprises françaises.
De la salle
Quel est l'état d'avancement, au plan financier, des centrales thermiques ?
Farkhad ALIEV
Concernant Severnaya, la construction d'une centrale thermique de 400 mégawatts est déjà achevée. Nous prévoyons la construction d'une centrale de capacité identique. Pour autant, nous n'avons pas encore arrêté notre choix quant au terrain sur lequel s'érigera cette seconde station. Vraisemblablement, elle sera bâtie près de Severnaya ou dans la région de Soumgaït. Une troisième centrale thermique de 380 ou 400 mégawatts sera construite. Parallèlement à ces projets de construction, nous menons des travaux de réhabilitation d'unités existantes, notamment sur Minguetchaouri
Michel GELENINE
Qu'en est-il du projet de l'aéroport de Nakhitchévan ?
Farkhad ALIEV
Le budget alloué à ce projet a d'ores et déjà été arrêté et les premières phases de travaux sont entamées. Nous pensons que ceux-ci s'achèveront d'ici à la fin de l'année prochaine.
A l'aune de vos questions, je constate que les entreprises françaises ont très envie de s'implanter en Azerbaïdjan. Je ne peux que vous conseiller de venir à Bakou pour vous informer des marchés qui ne sont pas encore attribués, ou bien de consulter Monsieur Gelenine !
De la salle
Monsieur le Ministre, au-delà des centrales thermiques, nous fabriquons des pompes et des stations de pompages hydrauliques. Quelle est la politique de votre gouvernement en matière de réhabilitation d'ouvrages existants ou de construction d'ouvrages neufs dans notre secteur ?
Farkhad ALIEV
Des projets très sérieux de développement de l'infrastructure existante sont en cours : rénovation du système d'irrigation et d'acheminement de l'eau potable n'en sont que quelques exemples. Nous tenons à votre disposition une disquette présentant les différents projets en cours. Comme vous le savez, le gouvernement français a alloué à notre pays 35 millions d'euros pour mettre en place un système de traitement des eaux. Parallèlement, nous travaillons à l'instauration d'un réseau d'eau potable dans plusieurs villes comme Seki et Gandja. Pour ce faire, nous avons bénéficié de fonds allemands. Nous menons, en outre, des projets en collaboration avec la Banque asiatique de Développement et des banques britanniques.
Jean-Pierre DOLLA, TotalFinaElf
Pour avoir vécu quelques années en Azerbaïdjan, j'ai pu découvrir tous les atouts de ce pays pour attirer de nombreux touristes. Que compte faire le gouvernement azéri pour développer le tourisme ?
Farkhad ALIEV
Vous avez raison. Notre pays est très propice au développement du tourisme. Nous avons d'ailleurs récemment créé un Ministère de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme. Néanmoins, le développement du tourisme dans notre pays ne saurait se faire sans que nous développions préalablement les infrastructures.
De la salle
Ce matin, malgré la richesse des différentes interventions, nous n'avons pas eu l'occasion d'évoquer la question du GPL. Pensez-vous que ce gaz naturel ait un avenir en Azerbaïdjan ?
Farkhad ALIEV
Le point que vous soulevez revêt une importance particulière à mes yeux. En Azerbaïdjan, nous devons organiser la production du GPL. Toutefois, pour développer nos exportations de GPL, nous devrons relever le niveau de nos infrastructures. Pour l'heure, deux compagnies, l'une turque et l'autre européenne, manifestent un intérêt croissant pour ce marché. Si, de votre côté, vous souhaitez nous adresser un dossier, nous nous ferons fort d'y répondre.
Michel GELENINE
Sont présents dans la salle un certain nombre de consultants azerbaïdjanais qui promeuvent leur pays. L'un d'entre eux souhaite-t-il poser une question à son Ministre ?
De la salle
Je suis homme d'affaires azéri à Paris et j'aide à l'implantation de sociétés étrangères dans mon pays. Quel votre sentiment sur notre action, Monsieur le Ministre ?
Farkhad ALIEV
Notre attitude vis-à-vis d'entrepreneurs tels que vous est très positive et nous vous invitons à vous manifester pour prendre part aux différents appels d'offres que nous initions.
De la salle
Pour ma part, je souhaite revenir sur la question du GPL. J'aimerais savoir si la distribution du GPL en bouteilles se développera, selon vous, en Azerbaïdjan ?
Farkhad ALIEV
Ce mode de conditionnement est déjà utilisé dans notre pays ! Ce sont des compagnies privées qui détiennent le marché. Il ne fait aucun doute que cette activité se développera plus avant.
Didier GUINES
Je travaille dans une société dans le domaine de l'ingénierie de la construction dans le secteur public. Le Gouvernement mène-t-il des projets spécifiques de développement, de construction ou de réhabilitation d'hôpitaux ?
Farkhad ALIEV
Nous envisageons de construire de nouveaux hôpitaux et de rénover les établissements existants. Les nouveaux hôpitaux ne seront plus publics mais privés.
Un représentant de la société SOFRECO
Ma société travaille avec le gouvernement d'Azerbaïdjan depuis 1995. J'aimerais savoir quelles sont les priorités sectorielles (environnement, traitement des déchets, assainissement de l'eau, etc.) du Gouvernement en matière de régulation institutionnelle et législative ?
Farkhad ALIEV
Pourriez-vous expliquer plus avant votre action en Azerbaïdjan ?
Le représentant de la société SOFRECO
Nous sommes actuellement assistants à la maîtrise d'ouvrage pour la construction d'une écloserie d'esturgeons à Etzala.
Farkhad ALIEV
Vous êtes donc le cabinet de consultants choisis par la Banque Mondiale.
Le représentant de la société SOFRECO
C'est exact.
Farkhad ALIEV
Votre question ne porte donc pas sur les politiques sectorielles ! Le projet auquel vous faites référence est déjà en cours. Si votre question concerne la régulation des services (eau et électricité notamment), je peux vous apporter quelques éclaircissements. Comme vous le savez, sous l'impulsion du chef d'Etat, nous avons créé un conseil des tarifs que je préside. Y participent les vice-ministres en charge des télécommunications, du gaz et de l'eau. Ce conseil des tarifs a pour mission de réguler les prix sur les différents marchés, afin de faire respecter la loi de lutte contre les monopoles. Les experts de la Banque Mondiale sont parties prenantes à ce processus ; ils nous apportent leurs conseils.
Michel GELENINE
Deux stagiaires du service des Relations Internationales du Sénat travaillent actuellement sur le développement économique dans votre région. Peut-être souhaiteront-elles vous poser, Monsieur le Ministre, quelques questions.
Farkhad ALIEV
Je m'y plierai volontiers.
De la salle
Qu'en est-il du secteur des assurances en Azerbaïdjan ? Les assurances sont-elles obligatoires ?
Farkhad ALIEV
Théoriquement, les assurances sont obligatoires. Pour autant, nombre de nos citoyens refusent de se plier à cette loi pour ne pas dépenser d'argent ! Coexistent en Azerbaïdjan des sociétés nationales et des compagnies étrangères comme la Lloyds. Aujourd'hui, il importe que ce secteur se développe plus avant et je signale à tous les intéressés que nous disposons d'une base législative suffisamment solide et fiable pour favoriser ce développement.
De la salle
Nous constatons depuis ce matin que vous avez décidé de confier au secteur privé un certain nombre de services publics. Qu'en est-il du secteur des transports ?
Farkhad ALIEV
Aujourd'hui, la majorité des compagnies de transport azerbaïdjanais sont privées. Subsistent quelques rares compagnies d'Etat. Auparavant, nous ne comptions que peu de taxis en Azerbaïdjan. Aujourd'hui, la situation s'est inversée et ces véhicules pullulent dans nos villes ! En revanche, nous devrons consentir des efforts en matière de réhabilitation de nos réseaux de bus. Il serait notamment souhaitable de changer les minibus actuels et de les remplacer par de véritables autocars.
Une journaliste de L'Express
Monsieur le Ministre, vous avez évoqué à juste titre la stabilité de votre pays. Toutefois ne craignez-vous pas que le conflit en Tchétchènie et ses conséquences sur la Géorgie, votre voisin, ne portent atteinte à cette stabilité ?
Farkhad ALIEV
Malgré l'importance de ces tensions, nous pensons en être préservés. La situation de la Géorgie est meilleure que ce qu'elle a pu être par le passé.
Une stagiaire du service des Relations Internationales du Sénat
Comment envisagez-vous la coopération économique avec l'Arménie et la Georgie ?
Farkhad ALIEV
Pour l'heure, l'Azerbaïdjan a établi une coopération étroite avec tous ses voisins, y compris au-delà du Caucase. Vous n'ignorez pas que l'Arménie et l'Azerbaïdjan revendiquent tous deux la région du Haut Karabagh. Actuellement, près de 20 % de notre territoire sont occupés par l'Arménie et 600 000 Azerbaïdjanais habitent ces régions occupées. A ce jour, ce conflit désormais historique s'est traduit par le déplacement forcé de plus d'un million de personnes. L'Arménie, en détruisant les infrastructures de ces territoires, a porté préjudice à ses propres intérêts, notamment en coupant toutes voies de communication avec l'Azerbaïdjan.
Une fois encore, je tiens à réaffirmer que l'Azerbaïdjan coopère, au plan économique, avec tous ses voisins, mais à l'exception de l'Arménie. Et dans ce domaine, rien ne pourra être entrepris avant que l'Arménie ne restitue les territoires qu'elle occupe actuellement.
Marc GRAILLE
L'Union européenne, jusqu'en 1997, a été le premier bailleur de fonds dans votre pays. Je sais Monsieur le Ministre que vous êtes l'un des interlocuteurs privilégiés de l'Union européenne. Quelle est votre perception sur l'engagement de l'Union dans votre région au cours des dernières années ?
Farkhad ALIEV
Comme vous le savez, notre coopération avec l'Union européenne est très étroite et très active. En effet, celle-ci est impliquée dans nombre de projets. Récemment encore, nous étions réunis à Bruxelles pour discuter de l'évolution de certains programmes régionaux, incluant également la Georgie et l'Arménie. Mais une fois encore, je tiens à affirmer que nous n'engagerons aucune coopération avec l'Arménie tant qu'elle occupera une partie de notre territoire.
De la salle
Quelle est la politique de l'Azerbaïdjan quant au stockage du gaz sur le plateau du Haut Karabagh ? Par ailleurs, le gouvernement azerbaïdjanais entend-il mener une politique active pour développer le transport ferroviaire ? Enfin, quelles sont les intentions du gouvernement vis-à-vis des raffineries de Bakou ?
Farkhad ALIEV
Tout d'abord, s'agissant de votre question, sachez que le gouvernement azéri envisage de rénover les entrepôts de stockage du gaz. Par ailleurs, nous avons inscrit à notre programme la rénovation et l'extension de notre réseau ferroviaire. Dans cette optique, nous menons des discussions avec la BERD et une autre institution internationale pour obtenir des fonds qui serviront à l'achat de nouvelles locomotives. Enfin, s'agissant de votre dernière question, sachez que nous menons des travaux de réhabilitation de nos raffineries de Bakou. Aucun crédit spécifique n'a encore été débloqué pour ce projet. En revanche, nous avons obtenu 14 millions de dollars de la BERD pour la rénovation du port de Bakou. Parallèlement, sera bientôt construit un port privé.
Au cours du premier semestre de l'année prochaine, nous devrions accueillir une délégation européenne. A cette occasion, nous inaugurerons une nouvelle ligne de métro. Nos concitoyens attendent beaucoup de ce projet.
Michel GELENINE
Monsieur le Ministre, en notre nom à tous, je tiens à vous remercier pour votre disponibilité et vos réponses franches. Cette manifestation a remporté un vif succès, comme en témoigne le nombre de participants à nos sessions de ce matin et de cet après-midi. Merci également au Sénat, au CFCE et à la BERD qui a ouvert une micro financial bank à Bakou, ainsi qu'aux représentants de TRACECA. Merci enfin à l'ambassade d'Azerbaïdjan pour son soutien dans l'organisation de ce séminaire.
Farkhad ALIEV
Pour ma part, je tiens à exprimer ma reconnaissance au Président du Sénat et au Président du groupe d'amitié France-Caucase. Merci également aux organisateurs et à l'ensemble des Sénateurs. Je félicite les autorités publiques françaises qui se sont admirablement acquittées de leur tâche. Nombre de banques ont manifesté un intérêt certain pour investir dans notre pays. La balle est désormais dans votre camp ! Une fois encore, merci à tous.
Synthèse rédigée en temps réel par Ubiqus Reporting
01 44 14 15 00 - www.ubiqus-reporting.com
Annexe
Géo-stratégie de l'Azerbaïdjan
Olivier ROY
Directeur de recherche au CNRS
Après la période nationaliste du régime d'Eltchibey, l'Azerbaïdjan s'est retrouvé dans une posture stratégique délicate, où l'hostilité de ses ennemis n'était pas vraiment compensée par le soutien de ses alliés naturels. Le conflit du Nagorno-Karabagh, qui a vu la victoire arménienne, a déstabilisé le pays, et a fait émerger un axe de fait, hostile à l'Azerbaïdjan, entre l'Arménie, la Russie et l'Iran, alors que les Etats-Unis, malgré le souhait de l'administration, étaient contraints à restreindre leur aide à Bakou du fait d'une résolution pro-arménienne passée par le Congrès. La Turquie, pourtant alliée de Bakou, a joué un rôle peu clair dans au moins une des tentatives de coup d'état contre le Président ALIEV en 1995. La question du statut de la Caspienne, où l'Azerbaïdjan était en faveur d'un partage des eaux selon la continuité territoriale, alors que la Russie, mais surtout l'Iran, étaient en faveur d'un consortium, a envenimé les relations avec Téhéran, au point qu'un incident naval a opposé la marine militaire iranienne à des navires de prospections venus de Bakou en juillet 2001. Enfin Azerbaïdjan et Turkménistan s'opposent toujours sur le partage des fonds marins et donc le contrôle des zones gazières autour du champ de Chiragh. La découverte de gaz dans la partie azérie a poussé Bakou à mettre fin en 2001 à un projet commun de gazoduc transcaspien, car le Turkménistan, qui produit du gaz et non du pétrole, est désormais un concurrent pour l'Azerbaïdjan, qui se découvre soudainement exportateur de gaz.
Mais la question la plus importante durant toute la décennie 1990 a été la tension avec la Russie. La doctrine militaire russe, définie en octobre 1993, faisait des anciennes frontières de l'URSS le nouvel espace de sécurité de la fédération de Russie, ce qui impliquait de fortes pressions russes enfin de faire revenir l'Azerbaïdjan dans le système de sécurité russe, conçu en termes de contrôle territorial et militaire (garde-frontières sous commandement russe, bases militaires, état-major commun, union douanière etc.). La question de l'évacuation des hydrocarbures ajouta un élément dans le contentieux : en 1996, l'administration américaine déclara que l'oléoduc Bakou-Ceyhan était stratégique (c'est à dire devait être réalisé même si sa rentabilité économique n'était pas assurée). Moscou a donc assez systématiquement menée une politique de harcèlement contre l'Azerbaïdjan (blocage des navires azéris qui remontaient par la Russie, contestation du partage territorial, soutien aux Arméniens etc.).
Mais cette configuration délicate a brusquement changé du fait de l'évolution des deux grandes puissances, Russie et Etats-Unis, suite à l'élection de Poutine et au 11 Septembre.
La relation avec Moscou a considérablement changé avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir POUTINE. Ce dernier a renoncé de fait à la vision impériale classique, fondée sur le contrôle territorial et la puissance militaire, pour la raison très simple que la Russie n'avait pas les moyens de jouer efficacement sur ces deux leviers. La Russie a tout d'abord accepté de fait le principe du partage territorial des fonds de la Caspienne, rompant avec l'Iran et rejoignant les positions azéries et kazakes. Au cours de plusieurs tournées dans la Caspienne et en Asie centrale, en 2000 et 2001, POUTINE a présenté la Russie comme un partenaire et non plus un grand-frère. Il a renoncé aux demandes d'intégration militaire. L'instrument de la puissance russe devenait cette fois l'économie : Moscou jouait sur sa capacité d'évacuer et surtout de commercialiser les hydrocarbures en direction du marché européen. Dans ce jeu, Moscou est encore largement gagnant (le prix du revient du pétrole russe est inférieur à celui de la Caspienne et Moscou bénéficie des revenus du transport), mais cette fois par l'intermédiaire, non d'une armée décatie, mais de la puissance de ses grandes compagnies comme Gazprom, Transneft, Lukoil ou Yukos, dirigé par l'étoile montante des pétroliers russes, Mikhail KHODORKOVSKY. Les compagnies russes jouent le jeu du marché et peuvent commercialiser des hydrocarbures de la Caspienne pour remplir leurs contrats avec leurs clients européens, sans investir pour le moment dans la rénovation de la production en Sibérie, ce qui est encore hors de leurs moyens. Mais en même temps les compagnies russes ne peuvent pas investir massivement dans l'exploitation des hydro-carbures de la Caspienne, faute de capitaux, ce qui explique le retrait de Lukoil du consortium gérant le Bakou-Ceyhan. Bref, la Russie n'a pas les moyens d'écarter ou de remplacer les Occidentaux dans la Caspienne : bien plus elle a besoin des investissements occidentaux, japonais, voire chinois et indiens pour que la production continue. La Russie doit donc adapter ses ambitions à ses moyens et à ses intérêts bien compris. La normalisation a été consacrée par la visite de Poutine à Bakou en janvier 2001. On n'est plus dans une relation de compétition ni impériale ni économique ; la Russie a besoin de capitaux, elle a besoin d'honorer ses contrats avec l'ouest, elle a un coût de production inférieure au pétrole et gaz de la Caspienne : elle est compétitive sous réserve d'investissements. Elle fait des coups commerciaux, mais n'a pas encore ouvert son pays à l'investissement occidental. En conséquence, le contentieux bilatéral a été épuré, les obstacles au transit des biens comme des hommes (pas de visa) ont été levés. Moscou ne s'oppose plus au Bakou-Ceyhan, même si la compagnie Lukoil s'est retirée du projet en décembre 2002. La tension régionale s'est déplacée sur la Géorgie, seul pays de l'ancienne URSS où Moscou mène encore une politique de déstabilisation du régime en place (en jouant entre autres sur deux groupes musulmans, les Abkhazes et les Adjars, ce qui relativise l'image souvent donnée d'un conflit entre musulmans et orthodoxes).
Parallèlement, Moscou a assoupli sa position sur le Nagorno-Karabagh et s'est rapproché des Américains et des Français : le seul obstacle au règlement du conflit est désormais le raidissement des deux opinions publiques, arménienne et azérie, aggravé en Azerbaïdjan par la perspective de la succession du président ALIEV, qui pousse les candidats à en rajouter sur le nationalisme.
Le 11 septembre a mis fin à la retenue américaine. La résolution du Congrès s'opposant à une aide à l'Azerbaïdjan a été levée. Le projet Bakou-Ceyhan a été finalisé et la construction va commencer, ce qui va resserrer les liens avec la Turquie. Même s'il n'y a pas de troupes américaines en Azerbaïdjan, comme il y en en Géorgie, Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghyzstan, l'Azerbaïdjan est bien dans le camp occidental, sans que Moscou ne s'y oppose.
Les deux contentieux qui demeurent quant au partage des fonds de la mer Caspienne avec l'Iran et le Turkménistan posent certes des problèmes aux compagnies qui font de la prospection (incident naval avec l'Iran en juillet 2001), mais les deux adversaires de l'Azerbaïdjan sont dans une position de faiblesse due à leur isolement international et ne peuvent guère pousser la crise plus loin. L'Iran a d'ailleurs rouvert la négociation sur la coopération (accord sur la livraison d'électricité iranienne à l'Azerbaïdjan, conclu en décembre 2002). Paradoxalement, l'arrivée au pouvoir du parti AK en Turquie, s'il n'est pas réduit à l'impuissance par les militaires, peut s'accompagner d'une ouverture turque envers l'Arménie, car le nouveau gouvernement n'a pas besoin du soutien des ultra-nationalistes du MHP et veut donner à l'Europe des gages de sa modération et de sa volonté de débloquer les grands dossiers (dont Chypre).
Malheureusement l'absence de résolution de la crise du Nagorno-Karabagh ne permet pas de solder les comptes de la guerre et d'opérer une normalisation : mais, pour la première fois, l'ensemble des influences étrangères jouent dans le sens d'une résolution de la crise et non de sa prolongation. L'environnement stratégique de l'Azerbaïdjan n'a donc jamais été aussi favorable en onze ans d'indépendance.
Le Groupe interparlementaire France-Caucase
Le groupe interparlementaire France-Caucase -Azerbaïdjan et Géorgie- a été créé en 1993.
Présidé par M. Ambroise DUPONT, sénateur du Calvados, il est actuellement composé de 28 membres.
Le Caucase du Sud fait l'objet, de la part du Sénat et de son Président, d'une attention particulière.
Soucieux de la stabilité politique et du développement économique et social de la région, le Président PONCELET réunit régulièrement ses homologues des parlements d'Arménie, d'Azerbaïdjan et de Géorgie, sur des sujets d'intérêt commun pour mettre en place entre ces trois assemblées une coopération.
Par sa politique d'accueil et de contacts, l'implication de ses président et présidents délégués, le groupe interparlementaire France-Caucase du Sénat participe activement à ce processus et contribue à approfondir les relations bilatérales et à favoriser la connaissance mutuelle entre la France et les états caucasiens.
Cette action se traduit dans les nombreuses rencontres organisées au Sénat avec des personnalités azerbaïdjanaises ou géorgiennes de passage à Paris : Président et membres des Parlements, ministres, responsables de collectivités locales ...
Elle se poursuit tant par l'accueil de délégations étrangères (ainsi en 1999 et 2000, le groupe a reçu deux délégations de députés du Milli Mijlis de la République d'Azerbaïdjan) que par l'organisation de missions (des déplacements ont été effectués en Azerbaïdjan en 2001, puis en 2002 au cours desquels les sénateurs ont pu rencontrer les personnalités politiques au plus haut niveau et recueillir des informations dans les différents domaines économique, culturel, environnemental...).
Le groupe a, en outre, été associé à l'organisation, en décembre 1999 d'un premier colloque économique sur le Caucase méridional dont les actes sont disponibles sur le site du Sénat ( /international/collocaucase/collocaucase.html ).
Son bureau est ainsi constitué :
Président d'honneur :
M. Jean BOYER , ancien Sénateur,
Président et président délégué pour l'Azerbaïdjan :
M. Ambroise DUPONT , Sénateur du Calvados,
Groupe U.M.P.
Président délégué pour la Géorgie :
M. Alain GOURNAC , Sénateur des Yvelines,
Groupe U.M.P.
Vice-présidents :
M. André DULAIT , Sénateur des Deux-Sèvres,
Groupe U.M.P.
Mme Hélène LUC , Sénateur du Val-de-Marne,
Groupe Communiste, républicain et citoyen
M. Aymeri de MONTESQUIOU , Sénateur du Gers
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen
Mme Danièle POURTAUD , Sénatrice de Paris
Groupe socialiste
Secrétaires :
M. Denis BADRÉ , Sénateur des Hauts-de-Seine
Groupe de l'Union centriste
M. Hubert DURAND-CHASTEL , Sénateur représentant les Français établis hors de France
Groupe U.M.P.
M. Patrice GÉLARD , Sénateur de Seine-Maritime
Groupe U.M.P.
M. Jacques LEGENDRE , Sénateur du Nord
Groupe U.M.P.
M. François TRUCY , Sénateur du Var
Groupe U.M.P.
Secrétaire exécutif :
Mme Véronique BOCQUET
Tél. : 01 42 34 31 71
Fax : 01 42 34 27 99
Courrier électronique : v.bocquet@senat.fr
Colloque organisé sous l'égide du groupe interparlementaire France-Caucase,
par la Direction des Relations internationales du Sénat
et la Direction « Evénements et Prospective Marchés » du CFCE
Pour toute information sur les colloques Sénat-CFCE, vous pouvez contacter
le Service des Relations internationales du Sénat :
M. Michel LAFLANDRE, Conseiller
Tél : 01.42.34.20.47 - Fax : 01.42.34.27.99 - Courrier électronique : m.laflandre@senat.fr
ou consulter le site internet du Sénat : www.senat.fr/international