L'encadrement financier du processus électoral



Nouvelles technologies électorales :
petit coût, gros rendement !

Bertrand SIMON,
CECE

Les technologies et applications variées du « web 2.0 » ont en commun un contenu dissocié de sa mise en forme, transmissible d'un média à un autre. Les facultés de production de contenu sont démultipliées, de même que les possibilités d'entrer en relation avec d'autres, d'échanger et de constituer un réseau aisément mobilisable. La notion même de réseau est modifiée. Les réseaux deviennent moins hiérarchiques mais davantage distribués. L'information passe directement à tous les membres grâce à des liens plus capillarisés. En ce sens, Internet ne constitue pas une bibliothèque mais une plateforme d'informations et d'opérations, et pourrait permettre l'émergence d'une intelligence collective.

Cette technologie entraîne des changements certains dans le paysage médiatique. Il s'accélère, rythmé par des buzz . L'information se diversifie et sa consommation change. Enfin, le processus de mobilisation devient plus rapide et plus large. La porosité entre les nouveaux médias et les nouveaux acteurs politiques s'accentue. Auparavant, politiques comme ONG peinaient à passer la barrière journalistique, mais ils recherchent désormais le buzz , générateur d'enthousiasme parfois à leurs dépens. Internet remet en cause les médias institutionnels, présentés comme porteurs d'une parole frelatée, surtout lorsqu'ils entretiennent une relation forte avec le pouvoir. Il apparaît également une forme de concurrence dans la course au scoop, non plus entre médias mais entre internautes et médias. Ils peuvent se révéler complémentaires, et participer d'une meilleure information du public.

Le web 2.0 permet désormais à des événements locaux de se trouver projetés au niveau international et inversement, et ce d'autant que les principaux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Myspace) sont gratuits. Grâce à divers outils, l'internaute produit de l'information, la filtre et la partage. Une photographie prise lors d'une manifestation peut donc aisément être envoyée sur Twitter, reprise sur Facebook puis sur un blog, relayée sur des évaluateurs, et finalement faire boule de neige.

Après les élections de juin en Iran, et en dépit des accusations de fraudes portées par certains, les révoltes et leur répression n'ont pu être retransmises par les médias traditionnels. Twitter a permis de combler cette lacune. Il est devenu après une semaine seulement la principale source de recherche d'information sur le sujet, avant même Google. Une masse d'informations importantes était donc en train de se diffuser et de s'autoalimenter. L'enjeu était tel qu'il a été demandé au site de reporter sa maintenance, demande relayée par l'administration OBAMA elle-même. Une vidéo amateur, demeurée anonyme, a récemment reçu un prix de journalisme. Une nouvelle forme de journalisme apparaît. Il est parfois repris par les médias traditionnels, laissés sans images.

Les informations diffusées n'en sont pas pour autant toujours fiables. Constatant le phénomène, le régime iranien s'est lui aussi emparé de l'outil pour ouvrir des comptes Twitter et diffuser de fausses informations. Il s'est également employé à bloquer les accès. En réaction, les opinions publiques internationales se sont mobilisées. Il a d'abord été recommandé aux internautes iraniens, au travers d'un Manifeste du cyber-manifestant, de ne jamais diffuser leurs noms et adresses sur le web. D'autres internautes leur ont ensuite fourni les serveurs proxy pour les protéger davantage. Un appel a été lancé pour que le plus grand nombre possible d'utilisateurs de Twitter modifient leur lieu de résidence pour Téhéran. Il s'agissait de noyer les dissidents dans la masse et de compliquer la traque des autorités. Enfin, une attaque a été menée contre le serveur de requêtes de l'administration iranienne afin de le saturer. Les équipes en charge de la traque Internet ont alors dû s'en détourner pour régler ce problème majeur. Twitter a permis de mobiliser la diaspora et l'opinion publique internationale, de contourner la censure et de se substituer à des médias traditionnels.

Il convient néanmoins de rappeler que seuls 10 000 Iraniens accèdent à Twitter, dans des conditions très dégradées. Les manifestations constatées sur place ne sont donc pas uniquement le fait de cet outil, mais découlent d'une véritable dynamique sur place. Certaines ONG, notamment des fondations SOROS, ont considérablement investi ce pays et orchestrent sans doute en partie le mouvement. Le régime en place considère d'ailleurs ces entreprises, fondations et ONG comme des ennemis et souhaite les expulser. L'activisme de ces organisations a sans doute contribué à préparer la révolte actuelle, mais elle est aussi largement spontanée.

Les nouvelles technologies présentent un coût presque nul mais ne constituent pas des solutions miracles. Elles peuvent accompagner, accélérer ou faire connaître une mobilisation, mais demeurent impuissantes sans cet élément fondamental.