Compte rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe interparlementaire
du 22 au 30 mai 2004Annexe 2
Le statut juridique et financier des Forces françaises à Djibouti
• Le stationnement des Forces françaises à Djibouti (FFDJ) est encadré par un certain nombre d'accords bilatéraux découlant d'un premier protocole dit « provisoire » conclu en juin 1977, au moment même de l'accession du pays à l'indépendance.
...
C'est un protocole « provisoire » du 27 juin 1977 qui fixe les conditions de stationnement des forces françaises sur le territoire djiboutien .
L'accord prévoit que (art. 1) « en cas d'agression par une armée étrangère, le gouvernement de la République française apportera à la République de Djibouti la participation des Forces armées françaises stationnées sur le territoire de celui-ci ». En revanche, « les forces françaises stationnées sur le territoire de la République de Djibouti ne peuvent participer à des opérations de maintien ou de rétablissement de l'ordre ». Par ailleurs (art. 10) « le territoire de la République de Djibouti ne pourra être utilisé comme base ou point d'appui pour une intervention armée contre une tierce puissance, hormis le cas prévu à l'article premier ».
Deux accords en matière de surveillance des eaux territoriales et de l'espace aérien de la République de Djibouti ont en outre été signés en février 1991.
Djibouti présente pour l'armée française trois avantages essentiels . Elle permet une présence française dans une zone d'intérêt stratégique majeur (accès à la Mer Rouge et au Golfe Persique), elle constitue une base relais pour des opérations se déroulant dans un cadre éloigné de la France , et enfin un terrain d'exercice idéal pour la préparation d'éventuelles interventions en milieux similaires à celui de Djibouti .
Les FFDJ assurent quatre missions principales :
- une mission intérieure de présence destinée à participer à la défense de l'intégrité de Djibouti, dans le cadre des accords de défense entre cet Etat et la République française ; à concourir de façon permanente, et contre tout type de menace, à la défense des intérêts français à Djibouti, en particulier celle des ressortissants, ainsi qu'à la stabilité du pays ;
- une mission extérieure d'intervention limitée pouvant s'appliquer, sur ordre de l'état-major, aux pays limitrophes comprenant le stockage et le maintien en condition des matériels destinés à équiper un bataillon RECAMP ;
- une mission d'aide au profit de l'Etat et des forces armées nationales de Djibouti ;
- une mission de prévention et de coopération de défense.
...
Source : « La Corne de l'Afrique, nouvel enjeu stratégique », extrait du rapport d'information au nom de la Commission des Affaires étrangères du Sénat 2002/2003, n° 200 - op. cit.
• Plus récemment, une convention du 3 août 2003 a précisé la situation financière et fiscale des FFDJ sur le territoire de la République de Djibouti, dont le stationnement « exerce un impact très important sur l'économie de la République de Djibouti, raison pour laquelle les autorités locales ont demandé aux autorités françaises qu'en contrepartie de la présence de forces françaises sur leur territoire la contribution française à Djibouti soit garantie », comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi déposé par le Gouvernement en vue de sa ratification (document AN n° 1636 du 2 juin 2004).
Cette convention, qui a fait suite à une rencontre entre le ministre français délégué à la Coopération et à la Francophonie et le ministre des Affaires présidentielles de la République de Djibouti en février 2003, visait à rechercher, selon la volonté des Chefs d'État des deux pays, « les voies et moyens de dissiper les malentendus et de régler les contentieux récurrents, susceptibles de nuire à la qualité des relations entre la France et Djibouti » (exposé des motifs du projet de loi).
Le dispositif retenu prévoit le versement annuel d'une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros au Gouvernement djiboutien pour une durée de neuf ans reconductible par les parties, et vise à la fois à renforcer les liens avec la République de Djibouti par une importante augmentation de l'aide française 12 ( * ) , et à simplifier la vie quotidienne des FFDJ sur place.
Sur le plan technique, la « présence des forces françaises » est définie de manière extensive, puisqu'elle recouvre l'occupation des emprises immobilières mises à disposition par le gouvernement djiboutien, l'utilisation des terrains de manoeuvre et des champs de tir, l'utilisation du réseau routier, ainsi que la vie courante du personnel civil et militaire relavant du ministère français de la Défense.
Le projet de loi de ratification, adopté par l'Assemblée nationale en octobre 2004, a été transmis au Sénat, qui l'a à son tour adopté définitivement le 10 novembre 2004, sur le rapport (n° 56) de M. Didier Boulaud , présenté au nom de la commission des Affaires étrangères. Par delà son objet strictement fiscal et financier, la portée politique de ce texte est clairement résumée par le rapporteur, qui observe dans son rapport écrit :
« ... La ratification de la convention franco-djiboutienne sur la situation financière et fiscale des forces françaises [...] consacre une augmentation des contributions à charge du ministère de la défense, alors que le format de notre dispositif à Djibouti a été diminué, mais permet dans le même temps de redéfinir sur des bases claires et simples nos accords avec Djibouti, à un moment où l'intérêt stratégique pour la région se renforce, comme en témoigne l'implantation de forces américaines dans ce pays.
La convention satisfait en grande partie les demandes des autorités djiboutiennes et aplanit certaines difficultés qui avaient pu affecter nos relations bilatérales... ».
En définitive, la loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti vient d'être publiée au Journal officiel du 23 novembre 2004 (loi n° 2004-1235 du 22 novembre 2004).
CONVENTION
entre le Gouvernement de la
République française
et le Gouvernement de la
République de Djibouti
relative à la situation
financière et fiscale des forces françaises
présentes
sur le territoire de la République de
Djibouti
Le Gouvernement de la
République française, d'une part, le Gouvernement de la
République de Djibouti, d'autre part, ci-après
désignées « les
Parties »,
Considérant le
protocole provisoire fixant les conditions de stationnement des forces
françaises sur le territoire de la République de Djibouti
après l'indépendance et les principes de coopération
militaire entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République de Djibouti du
27 juin 1977 ;
Considérant la
convention relative au concours en personnel apporté par la
République française au fonctionnement des services publics de la
République de Djibouti du
28 avril 1978 ;
Considérant
l'accord de confirmation entre le Gouvernement de la République de
Djibouti et le Gouvernement de la République française du
21 janvier 1999 ;
Désireux,
par souci de clarté et de simplification, de préciser la
situation financière et fiscale des forces françaises
présentes sur le territoire de la République de Djibouti
(ci-après désignées « FFDj »),
sont convenus des dispositions
suivantes :
Article 1 er
Le Gouvernement de la
République française s'engage à assurer au Gouvernement de
la République de Djibouti, au titre de la présence des FFDj sur
son territoire, une contribution forfaitaire de trente millions d'euros par
année civile.
Cette présence recouvre
l'occupation par les FFDj de l'ensemble des emprises immobilières que
met à leur disposition le Gouvernement de la République de
Djibouti, l'utilisation des terrains de manoeuvre et des champs de tir,
l'utilisation du réseau routier, ainsi que la vie courante du personnel
civil et militaire relevant du ministère français de la
défense.
Article 2
Cette contribution annuelle de trente
millions d'euros comprend :
- le
montant annuel de l'impôt sur le revenu du personnel des FFDj,
impôt prévu par l'article 7 du protocole de 1977
précité, tel que défini à l'annexe 5 de la
convention de 1978
précitée ;
- le
montant annuel des taxes intérieures de consommation acquittées
par les FFDj, telles que définies au paragraphe C de
l'annexe 2 à l'accord de confirmation du 21 janvier 1999
précité ;
- le montant
annuel de l'aide fournie au ministère djiboutien de la
défense ;
- le montant annuel
des actions civilo-militaires réalisées au profit de la
population civile
djiboutienne ;
- pour le solde, la
somme libératoire des taxes et des prélèvements
actuellement acquittés par les FFDj et visés à
l'article 6 de la présente convention, y compris ceux visés
à l'article 3 du protocole de 1977
précité.
Le montant annuel des soins
actuellement fournis gratuitement par le CHA Bouffard aux forces armées
djiboutiennes (FAD) et à la gendarmerie ainsi qu'à leur famille
directe n'est pas compris dans la contribution annuelle susvisée.
Article 3
L'impôt sur le revenu du
personnel des FFDj fait l'objet d'un paiement mensuel par le trésorier
près l'ambassade de France à Djibouti. Ce dernier établit
le bilan des versements intervenus au cours de l'année au plus tard le
31 janvier de l'année suivante.
Les
sommes versées annuellement par les FFDj au titre des taxes
intérieures de consommation définies à l'article 2
sont comptabilisées par les FFDj, qui en établissent un bilan au
plus tard le 31 janvier de l'année suivante.
Article 4
Le montant de l'aide annuelle fournie
au ministère djiboutien de la défense est de cinq millions
d'euros. Elle fait l'objet de deux versements de deux millions d'euros chacun,
les 28 février et 30 juin et d'un versement de un
million d'euros le 31 octobre.
Cette aide, notamment
destinée à l'acquisition de matériel français,
exclut toute contribution financière ou matérielle des FFDj au
fonctionnement des FAD et de la gendarmerie.
Article 5
Chaque année, les FFDj
effectuent des actions civilo-militaires au profit de la population
djiboutienne, selon un programme pluriannuel valorisé et établi
par les FFDj en relation avec les autorités djiboutiennes, pour un
montant de deux cent mille euros annuel.
Les FFDj
établissent le bilan financier des actions réalisées au
cours de l'année, au plus tard le 31 janvier de l'année
suivante.
Article 6
1. En application de
l'article 2 de la présente convention, le Gouvernement de la
République française verse au Gouvernement de la
République de Djibouti une somme libératoire de toutes les taxes
et leurs accessoires, ainsi que des prélèvements, actuellement
acquittés par les FFDj,
notamment :
- taxes
d'aéroport ;
- taxes
portuaires ;
- taxes d'exploitation
des télécommunications et redevances des fréquences
radioélectriques ;
- indemnité
compensatrice du bureau postal
militaire ;
- revenu d'usufruit et
redevances domaniales sur les logements
domaniaux ;
- taxes sur les produits
pétroliers ;
- taxe
d'enlèvement des ordures
ménagères ;
- vignette
automobile des véhicules appartenant aux
FFDj ;
- patentes des
« PPI » (parties prenantes
individuelles).
2. De son
côté, le Gouvernement de la République de
Djibouti :
a)
Délivre
aux FFDj tout document attestant des mises en oeuvre particulières de
l'effet libératoire de la somme visée à
l'article 6.1 ;
b)
Ne
peut exiger des FFDj le paiement des taxes et prélèvements
définis ci-dessus ainsi que des taxes accessoires, annexes et
surtaxes ;
c)
S'engage
à maintenir la qualité des prestations objet des taxes
ci-dessus ;
d)
Renonce
à prévoir toute imposition supplémentaire affectant les
FFDj et le personnel civil et militaire relevant du ministère
français de la
défense ;
e)
S'engage
à faciliter l'introduction des produits importés sur son
territoire et à les mettre à disposition des FFDj sous deux jours
ouvrés, à compter du dépôt par les FFDj de la
déclaration en douane ; les contentieux éventuels sont
réglés
a
posteriori ;
f)
S'engage
à faciliter l'exécution des formalités administratives
relatives aux conditions de séjour du personnel des FFDj et de leurs
familles ;
g)
S'engage
à étudier avant la fin de la première année
d'application de la présente convention, dans le cadre d'une commission
mixte composée de représentants du ministère djiboutien
des finances et des FFDj, l'impact économique et social, les
modalités, calendrier et programmation, de l'augmentation du nombre de
logements domaniaux visant à une parité avec les logements
conventionnés.
Article 7
1. Le montant de la somme
libératoire de taxes et prélèvements correspond chaque
année à la différence
entre :
- d'une part, le montant de
trente millions d'euros de la contribution forfaitaire annuelle prévue
à l'article 1
er
de la présente
convention ;
- et, d'autre part,
pour l'année considérée, le montant
cumulé :
- du
produit de l'impôt sur le revenu du personnel des FFDj versé
durant
l'année ;
- du
produit des taxes intérieures de consommation, telles que
définies à l'article 2, versées durant l'année
par les
FFDj ;
- de
l'aide totale apportée au ministère djiboutien de la
défense au cours de
l'année ;
- du
montant des actions civilo-militaires menées par les FFDj au cours de
l'année.
Le montant définitif de la
somme libératoire est arrêté au plus tard à la fin
du mois de janvier de l'année suivante compte tenu du montant
prévu à l'article 4 ci-dessus concernant l'aide annuelle au
ministère djiboutien de la défense et des bilans prévus
aux articles 3 et 5 ci-dessus concernant respectivement l'impôt
sur le revenu, les taxes intérieures de consommation et les actions
civilo-militaires.
2. Ce montant est
diminué des frais occasionnés aux FFDj par le non-respect des
obligations contractées par le Gouvernement de la République de
Djibouti à l'article 6.2
(e)
de la présente
convention.
3. Le paiement de la somme
libératoire de taxes et prélèvements donne lieu au
versement de trois acomptes, le premier d'un montant de six millions d'euros,
versé le 28 février de l'année, les deux
suivants d'un montant de cinq millions d'euros chacun, versés le
30 juin et le 31 octobre de l'année et à un
ajustement, l'année suivante, sur le montant définitif
arrêté conformément aux dispositions du présent
article. Cet ajustement intervient avec le versement du deuxième acompte
de l'année en cours, celui-ci étant majoré ou
réduit selon que le solde à régulariser est positif ou
négatif.
Article 8
Le Gouvernement de la
République française s'engage au cours de la première
année d'application de la présente convention à
compléter le montant des sommes versées l'année
précédente, au titre du protocole de 1977 précité
et au titre d'une aide exceptionnelle, jusqu'à concurrence d'une
contribution de trente millions d'euros égale aux contributions
annuelles prévues par la présente
convention.
Le montant de ce complément
correspond à la différence
entre :
- d'une part, le montant de
trente millions d'euros ;
- et,
d'autre part, le montant cumulé, versé au cours de l'année
précédente :
- de
l'aide fournie aux FAD et à la gendarmerie, en application de
l'article 2 du protocole provisoire du 27 juin 1977
précité ;
- du
montant des actions civilo-militaires réalisées au profit de la
population civile
djiboutienne ;
- du
montant de l'impôt sur le revenu du personnel des FFDj, impôt
prévu par l'article 7 du protocole de 1977 précité,
tel que défini à l'annexe 5 de la convention du
28 avril 1978
précitée ;
- du
montant des taxes et prélèvements versés par les
FFDj ;
- et
du montant de l'aide exceptionnelle.
Ce
complément fait l'objet d'un versement trois mois après
l'entrée en vigueur de la présente convention.
Article 9
Les deux Parties renoncent à tout litige relatif à l'interprétation ou à l'application des dispositions fiscales en vigueur antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente convention.
Article 10
Les Parties évaluent
annuellement et conjointement la mise en oeuvre de la présente
convention au cours du premier trimestre de chaque
année.
A cette occasion, un bilan de
l'utilisation de l'aide annuelle versée au ministère djiboutien
de la défense, en application de l'article 2 de la présente
convention, est présenté à la partie française.
Article 11
Tout différend relatif à l'interprétation ou à la mise en oeuvre des dispositions de la présente convention est réglé par la voie de négociations diplomatiques.
Article 12
La présente convention est
conclue pour une durée de neuf ans, reconductible pour une durée
convenue entre les Parties.
La présente
convention entre en vigueur après la réception de la
deuxième notification d'accomplissement des procédures
constitutionnellement requises pour son approbation.
Fait à Djibouti, en deux exemplaires en langue française, le 3 août 2003.
* 12 La contribution annuelle versée par la France au titre du stationnement des FFDJ ne représente en fait qu'un des volets de l'aide française à ce pays, puisque s'y ajoutent 25 millions d'euros par an versés au titre de l'aide publique au développement et de la coopération militaire. Au total, l'impact économique et financier de la présence militaire française à Djibouti est globalement évalué à plus de 150 millions d'euros par an (montant à rapporter au PIB de Djibouti, de l'ordre de 600 millions de dollars).