C. LE RÔLE PROACTIF DU SÉNAT FRANÇAIS DANS LE DÉVELOPPEMENT DE LA COOPÉRATION FRANCO-GAMBIENNE
1. L'indispensable renforcement des capacités institutionnelles de la démocratie gambienne
L'histoire, et en particulier les effets de la colonisation, sont perçus par les autorités gambiennes comme ayant joué un rôle déterminant dans leur niveau de développement institutionnel et la qualité de leurs infrastructures administratives. La délégation du groupe sénatorial d'amitié France-Afrique de l'Ouest a relevé ainsi que les parlementaires gambiens, et le premier d'entre eux, le président de l'Assemblée nationale, portent un jugement particulièrement sévère sur les apports de la colonisation britannique dans le développement de leurs capacités institutionnelles et font régulièrement le parallèle avec la colonisation française en Afrique occidentale.
Selon eux, le Royaume-Uni ne s'est jamais véritablement préoccupé de développer les infrastructures de la Gambie, à l'exception de la construction d'une seule route, celle de l'aéroport, et du Royal Victoria Hospital , alors que la France semble avoir considérablement investi dans ses colonies ouest-africaines, notamment dans la construction d'édifices servant aujourd'hui de sièges à leurs institutions politiques.
À l'heure où le Royaume-Uni envisage de clore sa coopération en Gambie, les parlementaires gambiens ont souligné que la France entend poursuivre sa coopération dans la région, qui a largement contribué, selon eux, au prestige des élites africaines francophones.
L'Assemblée nationale de Gambie a indiqué à la délégation sénatoriale française avoir beaucoup à apprendre de nos institutions parlementaires. Elle a affiché une volonté particulièrement forte de réaffirmer son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, comme l'illustre un document élaboré du temps de Mme Elizabeth Renner, précédente présidente de l'Assemblée nationale jusqu'à la fin de l'année 2010.
Des entretiens avec les parlementaires gambiens, il ressort que la coopération interparlementaire franco-gambienne devrait mettre l'accent sur le renforcement des capacités de l'Assemblée nationale de Gambie dans les domaines suivants : l'élaboration des lois, le travail en commission législative, le vote du budget et la prospective économique, les commissions d'enquête, l'éthique parlementaire et les groupes d'amitié, supports de la diplomatie interparlementaire.
À l'image de ce que le Sénat français est en mesure d'offrir en matière de coopération avec d'autres parlements anglophones de la région ouest-africaine, tels que l'Assemblée nationale du Nigeria (congrès nigérian), la délégation sénatoriale française a relevé, lors de ses entretiens organisés avec les parlementaires gambiens, l'importance, voire l'urgence, de fournir au parlement gambien une assistance technique régulière en matière de prospective économique, notamment à l'occasion la préparation du budget, et de diplomatie interparlementaire, via la création de groupes d'amitié.
La délégation a pris la mesure des attentes fortes de nos partenaires gambiens en faveur d'une coopération interparlementaire renforcée. Le président de l'Assemblée nationale de Gambie, M. Abdoulie Bojang, a renouvelé le souhait que son institution puisse bénéficier d'une assistance technique de la part du Sénat français dans le renforcement de ses capacités d'expertise en matière de prospective économique, de travail budgétaire et d'études juridiques.
Il a notamment insisté sur la nécessité d'améliorer l'information, aussi bien des parlementaires que du personnel de l'Assemblée nationale, lors de l'examen de textes majeurs tels que les lois de finances ou les projets de réforme institutionnelle.
Dans ce contexte, la délégation a accueilli très favorablement les demandes exprimées par nos interlocuteurs au sein de l'Assemblée nationale gambienne et a ainsi évoqué la possibilité pour le Sénat de mettre en place des séminaires de découverte et de formation au bénéfice de parlementaires et de fonctionnaires parlementaires gambiens, dès que les institutions gambiennes concernées en auront fait formellement la demande : le Sénat français pourra notamment démontrer l'importance de l'expertise fournie par ses services d'études économiques et juridiques, qui permettent aux sénateurs et aux fonctionnaires du Sénat de préparer au mieux l'examen des projets de loi de réforme institutionnelle et de finances, en bénéficiant de vues comparatives excellemment documentées.
La délégation sénatoriale française a eu l'occasion de visiter les installations de l'Assemblée nationale gambienne, qui témoignent d'un développement infrastructurel encore très modeste. Les sénateurs ont eu le sentiment que les parlementaires et le personnel de l'Assemblée nationale en étaient réduits à travailler avec « les moyens du bord » : à titre d'exemple, les rédacteurs des débats ne disposent que d'un nombre très limité de postes informatiques et travaillent dans un vestibule à la surface très réduite, dans des conditions relativement sommaires. Un nouveau bâtiment de l'Assemblée nationale, dont la construction est financée par des capitaux indiens, devrait être inauguré au cours de l'année 2012.
Dans sa stratégie de développement exposée à la conférence des bailleurs qui s'est tenue le 16 février 2011 sous la présidence de la vice-présidente de la République de Gambie, Mme Aja Njie Saidy, l'Assemblée nationale a réaffirmé sa ferme volonté de s'imposer comme un contre-pouvoir puissant et effectif face au pouvoir exécutif. Elle a également souligné le rôle croissant qu'elle aspire à jouer dans le domaine de la diplomatie parlementaire :
- dans ses relations bilatérales avec les assemblées législatives des pays partenaires de la Gambie. L'Assemblée nationale a ainsi mis en place plusieurs groupes d'amitié pour ses relations avec Cuba, la Mauritanie, l'Arabie saoudite, Taiwan, la Guinée-Bissau, le Nigeria et le Sénégal. Elle a également constitué en son sein un forum interparlementaire pour ses relations avec le Sénat français, prélude à la constitution d'un groupe d'amitié Gambie-France ;
- dans les cadres de consultation parlementaire propres à certaines organisations internationales telles que la CEDEAO, le Parlement panafricain, le Commonwealth, l'Union interparlementaire, l'Union parlementaire de l'Organisation de la Conférence islamique ou encore le forum parlementaire de la conférence Union européenne-Pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
Cette diplomatie parlementaire doit s'inscrire dans le cadre des directives assignées par le Président de la République et son Cabinet à la politique étrangère de la Gambie.