2. Les relations de la Gambie avec ses voisins ouest-africains
a) Les soubresauts de la relation sénégambienne
En 1982, la Gambie et le Sénégal signent un traité de confédération, donnant naissance à la Confédération sénégambienne, en vue d'unifier leurs politiques de défense, économiques et monétaires. En 1989, la Gambie se retire de la Confédération, mettant ainsi un terme au projet d'une Sénégambie durable.
Compte tenu de leur situation géographique, la Gambie constituant une enclave du Sénégal, les populations de ces deux pays partagent de très grandes similarités sur les plans ethnique, linguistique et culturel. À plusieurs reprises, les membres de la délégation de l'Assemblée nationale de Gambie, en visite à Paris du 24 au 28 mai 2011, ont souligné combien il est fréquent que des citoyens gambiens et sénégalais partagent des connections familiales dans les deux pays. Illustration de cette proximité, les membres de la délégation gambienne se sont entretenus, lors de leur passage avenue de Bosquet à Paris, en wolof avec M. Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et ancien Président de la République du Sénégal.
La Gambie dépend étroitement du Sénégal aussi bien pour sa sécurité que pour son économie.
Dans un pays dépourvu de richesses naturelles, l'économie gambienne repose largement sur le secteur tertiaire, qui représentait 56,5 % de son PIB en 2008, et plus particulièrement sur le commerce de transit. En effet, la Gambie tire une part significative de ses revenus des activités du port de Banjul et de ses réexportations, notamment de produits agroalimentaires (huiles végétales, riz, thé chinois, arachides, etc.) vers les pays de la région, au premier rang desquels le Sénégal. Le tourisme constitue également une source importante de devises pour l'économie gambienne.
Le Sénégal demeure le second fournisseur de la Gambie, à hauteur de 11,6 % de ses importations, après la Chine (22,6 %). Le Sénégal constitue un partenaire privilégié pour le développement de l'économie gambienne, en particulier dans le domaine des télécommunications puisque la société de télécommunications gambienne GAMTEL a passé un accord avec la SONATEL sénégalaise visant à renforcer le réseau Internet de la Gambie.
À la suite de la dissolution de la Confédération sénégambienne en 1989, la Gambie a continué de s'impliquer, avec l'accord du Président de la République sénégalaise de l'époque, M. Abdou Diouf, dans le processus de paix en Casamance. Toutefois, les relations sénégambiennes se sont quelque peu distendues sous l'égide de l'actuel Président sénégalais, M. Abdoulaye Wade, en particulier depuis 2005, même si la reprise des rencontres entre les chefs d'État des deux pays s'inscrit dans un esprit de renforcement des relations bilatérales.
L'actuel ministre gambien des affaires étrangères, M. Mamadou Tangara, et la vice-présidente de la République gambienne ont ainsi multiplié les visites à Dakar dans une logique d'apaisement des relations entre la Gambie et le Sénégal. Réciproquement, le ministre sénégalais des affaires étrangères puis le Premier ministre sénégalais se sont rendus à Banjul en mai 2011. Ces déplacements ont débouché sur la mise en place d'une commission consultative mixte, dotée d'un secrétariat exécutif.
La relation cyclothymique entre la Gambie et le Sénégal est, en partie, le résultat des ambiguïtés de l'État gambien vis-à-vis des revendications d'émancipation casamançaise. La fermeture des frontières terrestres entre le Sénégal et la Gambie pendant plus de 40 jours jusqu'au début du mois de mai 2011 à l'initiative des transporteurs routiers sénégalais illustre les relations tumultueuses qu'entretiennent ces deux pays, condamnés par la géographie mais également par leur proximité culturelle et ethnique à s'entendre.
Compte tenu de la rébellion en Casamance et de l'expansion du narcotrafic dans cette région, la Gambie et le Sénégal ont vocation à mieux coordonner leurs politiques respectives en matière de sécurité. Dans cette logique, les deux pays ont officiellement décidé de mettre en place une surveillance commune de la frontière en Casamance, qui ne s'est cependant pas encore matérialisée sur le terrain. Les deux pays font également preuve d'une grande vigilance quant à l'évolution de la situation dans la Guinée-Bissau voisine et appellent à une normalisation démocratique de ce pays ainsi qu'à une lutte renforcée contre la corruption et la pénétration des intérêts du narcotrafic au sein de ses institutions politiques et de ses forces armées.
b) La Gambie entend faire entendre sa voix sur la scène ouest-africaine et internationale
La Gambie a participé au sommet de l'Union africaine de juillet 2006, qui a réuni 37 chefs d'État et de gouvernement du continent. La Gambie est également membre de l'Organisation de mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG), de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), du Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) ainsi que de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI).
Compte tenu de sa situation géographique au sein d'un espace ouest-africain très majoritairement francophone et de l'importance de ses liens commerciaux avec le Sénégal, la Gambie a exprimé le souhait de prendre part à la coopération multilatérale francophone et d'obtenir le statut de membre observateur de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La Gambie avait, en effet, déposé un dossier de candidature en ce sens qui n'avait cependant pas pu être examiné, faute de respect des délais d'instruction, par la Conférence ministérielle de la francophonie précédant le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie d'octobre 2010 à Montreux, en Suisse. La Gambie devrait une nouvelle fois déposer sa candidature afin d'obtenir le statut de membre observateur de l'OIF lors du sommet de la Francophonie de Kinshasa en 2012.
Dans le même ordre d'idées, l'Assemblée nationale de la Gambie, par la voix de son président, M. Abdoulie Bojang, lors de sa visite à Paris au mois de mai 2011, envisage également de déposer une demande d'adhésion à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).
En matière de résolution des crises survenues au cours des dernières années en Afrique de l'Ouest, la diplomatie gambienne a tenté d'adopter une certaine neutralité qui a parfois détoné par rapport aux positions de principe de la plupart de ses voisins ouest-africains. En particulier, s'agissant de la reconnaissance de la victoire à l'élection présidentielle ivoirienne de M. Alassane Ouattara à la fin de l'année 2010 et de la crise qui a découlé de l'opposition entre les camps respectifs de M. Ouattara et de M. Gbagbo, la Gambie avait décidé de ne reconnaître comme légitime ni le gouvernement de M. Ouattara, ni celui de M. Laurent Gbagbo.
Dans un communiqué en date du 16 avril 2011, le gouvernement gambien a annoncé qu'il se refusait à reconnaître tout « président, le Président Ouattara inclus, tout gouvernement africain qui aura été imposé par des forces extérieures au continent africain, qu'importe la raison ». Cette position, sans doute motivée par la crainte d'une ingérence croissante des pays occidentaux dans la résolution des crises politiques africaines, a tranché avec la reconnaissance par la communauté internationale, et en particulier par l'Union africaine et la CEDEAO, de la légitimité de M. Ouattara.
Il est à noter que la Gambie est encore l'un des derniers pays africains à reconnaître Taïwan, dont la représentation est assurée par un ambassadeur à Banjul. Les relations avec Pékin semblent cependant se développer, comme l'illustrent le succès de Huawei face à Alcatel dans le contrat GAMTEL et la présence croissante de ressortissants de la République populaire de Chine en Gambie.