Compte rendu de la visite en Inde d'une délégation du Groupe sénatorial FRANCE-INDE
SD
Groupes interparlementaires d'amitié - Rapport GA16- 1996 / 1997 - visite en Inde du 26 février au 7 mars 1997
Table des matières
- COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
-
PROGRAMME DE LA VISITE EN INDE
(26 février - 7 mars 1997) - INTRODUCTION
- L'INDE : QUELQUES POINTS DE REPERE
-
CHAPITRE I
L'EXPERIENCE DU FRONT UNI :
UNE CONFIGURATION POLITIQUE INEDITE ET FRAGILE-
I. L'INDE EST AUJOURD'HUI GOUVERNÉE PAR UNE COALITION DE
GAUCHE, LE FRONT UNI, QUI BÉNÉFICIE DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU
CONGRES
- A. LE PARTI DU CONGRÈS A LONGTEMPS DOMINE LA VIE POLITIQUE INDIENNE
- B. LES ÉLECTIONS GÉNÉRALES DU PRINTEMPS 1996 ONT PERMIS LA MISE EN PLACE, SOUS LE NOM DE " FRONT UNI ", D'UNE ALLIANCE REGROUPANT TREIZE PARTIS ET BÉNÉFICIANT DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU CONGRÈS.
- C. LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DE M. DEVE GOWDA TEMOIGNE DE LA FRAGILITE DU GOUVERNEMENT DE FRONT UNI
- D. LE PARTI DU CONGRES ET LE BJP NE SONT CEPENDANT PAS ENCORE EN MESURE DE REPRESENTER UNE ALTERNATIVE POLITIQUE
- II. LE PARLEMENT CONSTITUE LE VERITABLE CENTRE DES INSTITUTIONS ET DE LA VIE POLITIQUE INDIENNES
-
I. L'INDE EST AUJOURD'HUI GOUVERNÉE PAR UNE COALITION DE
GAUCHE, LE FRONT UNI, QUI BÉNÉFICIE DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU
CONGRES
-
CHAPITRE II
LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE INDIENNE :
APAISEMENT REGIONAL ET AMBITIONS INTERNATIONALES-
I. LA POLITIQUE ETRANGERE DU GOUVERNEMENT DU FRONT
UNI : LA " DOCTRINE GUJRAL "
- 1. De meilleures relations avec les petits États voisins : une stratégie indirecte à l'égard du Pakistan
- 2. Une volonté d'intégration aux ensembles asiatiques et l'amorce d'une diplomatie économique
- 3. Le maintien des équilibres stratégiques avec Moscou, Pékin et Washington
- 4. Sur le plan multilatéral, les ambitions demeurent malgré de récents revers
- II. UNE AMELIORATION SENSIBLE DES RELATIONS POLITIQUES AVEC LA FRANCE
- III. ENTRETIENS AVEC M I. K. GUJRAL, MINISTRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES ET M. MULAYAM SINGH YADAV, MINISTRE DE LA DÉFENSE
-
I. LA POLITIQUE ETRANGERE DU GOUVERNEMENT DU FRONT
UNI : LA " DOCTRINE GUJRAL "
-
CHAPITRE III
L'ECONOMIE INDIENNE :
CONJONCTURE FAVORABLE ET POURSUITE DES REFORMES -
CHAPITRE IV
LA COOPERATION ENTRE LA FRANCE ET L'INDE :
DES PERSPECTIVES PROMETTEUSES- I. LE RENFORCEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES
- II. LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
- III. LA COOPÉRATION EDUCATIVE, LINGUISTIQUE ET CULTURELLE
- CONCLUSION
- FICHE SIGNALÉTIQUE DE L'INDE
Compte rendu de la visite en Inde
d'une délégation du Groupe sénatorial
FRANCE-INDE
- du 26 février au 7 mars 1997 -
Les comptes rendus d'entretiens ne sont que la transcription des propos tenus par les interlocuteurs de la délégation. Ils ne font l'objet d'aucun commentaire et ne contiennent aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.
COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
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Sénateur de la Charente
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Sénateur de la Haute-Marne
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Sénateur de la Drôme
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Sénateur de l'Indre-et-Loire
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Sénateur du Val-de-Marne
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La délégation était accompagnée de M. Vincent
DELSART, Administrateur des services du Sénat, Secrétaire
exécutif du Groupe sénatorial France-Inde.
PROGRAMME DE LA VISITE EN INDE
(26 février - 7
mars 1997)
-
·
Mercredi 26 février
23 h 10 : Arrivée à New Delhi. Accueil à l'aéroport par M. Zipper de
Fabiani, Ministre-Conseiller, Chargé d'Affaires a.i.,
M. Marchand, Premier Secrétaire et Mlle Bonnat, stagiaire ENA.
· Jeudi 27 février
12 h 15 : Entretien avec M. Inder Kumal Gujral, Ministre des Affaires extérieures .
15 h 00 : Visite de Delhi.
19 h 30 : Dîner offert par M. Zipper de Fabiani, Ministre-Conseiller .
· Vendredi 28 février
Visite de la région d'Agra.
· Samedi 1 er mars
10 h 45 : Départ pour Varanasi (Bénarès).
12 h 00 : Arrivée à Varanasi.
Après-midi : Visite du site de Sarnath.
· Dimanche 2 mars
Matin : Visite de Varanasi
16 h 20 : Départ de Varanasi pour Bombay.
20 h 55 : Arrivée à Bombay. Accueil à l'aéroport par M. Dahan, Consul général adjoint.
· Lundi 3 mars
7 h 00 : Départ pour Kalyan avec M. Dahan, Consul général adjoint et M. Krebs, Conseiller commercial.
9 h 00 : Arrivée à l'usine Pal-Peugeot de Kalyan et visite de l'usine.
13 h 30 : Retour à Bombay.
15 h 00 Visite de l'île d'Elephanta.
20 h 30 : Dîner de travail offert par M. Béraud-Cholet, Consul général à Bombay.
· Mardi 4 mars
9 h 25 : Départ pour New Delhi
11 h 20 : Arrivée à New Delhi
14 h 45 : Entretien avec le Professeur Y. K. Alagh, Ministre délégué à la Planification et à la mise en oeuvre des programmes, en charge de la Science et de la Technologie .
16 h 00 : Séance de travail avec M. Blanchemaison, Ambassadeur de France en Inde, et les chefs de service de l'ambassade .
19 h 30 : Dîner offert par M. Blanchemaison en l'honneur de la délégation.
· Mercredi 5 mars
10 h 00 : Entretien avec M. P. A. Sangma, Président du Lok Sabha (Chambre du Peuple).
10 h 30 : Visite du Lok Sabha, suivi d'une séance.
12 h 30 : Déjeuner offert par Mme Najma Heptulla, Vice-Président du Rajya Sabha (Chambre des Etats). Rencontre avec des parlementaires indiens.
14 h 30 : Visite du Rajya Sabha, suivi d'une séance.
15 h 00 : Entretien avec M. Atal Bihari Vajpayee, Président du BJP, chef de file de l'opposition au Lok Sabha, Président de la Commission des Affaires étrangères .
16 h 00 : Entretien avec M. Mulayam Singh Yadav, Ministre de la Défense .
19 h 00 : Inauguration des " Nuits du cinéma français " organisées par le service culturel de l'ambassade de France, suivie d'un dîner à la résidence .
· Jeudi 6 mars
11 h 00 : Entretien avec M. S. R. Bommai, Ministre du Développement des Ressources Humaines
12 h 30 : Déjeuner organisé par M. Binay Kumar, Directeur de la Chambre de commerce Indo-française, en présence de membres de la Chambre.
18 h 30 : Cocktail de clôture du colloque " Fruits et légumes - Viticulture " organisé par l'ACTIM, le CFME et le Poste d'expansion économique, en présence de M. Philippe Vasseur, Ministre français de l'agriculture, et de M. Chaturanan Mishra, Ministre indien de l'Agriculture .
· Vendredi 7 mars
1 h 10 : Départ de New Delhi pour Paris.
7 h 00 : Arrivée à Paris.
Une délégation du Groupe sénatorial France-Inde s'est
rendue en Inde du 26 février au 7 mars 1997
. Conduite par le Président du Groupe sénatorial, M. Michel
ALLONCLE (RPR, Charente), la délégation était
composée de MM. Georges BERCHET (RDSE, Haute-Marne), Jean BESSON (PS,
Drôme), Dominique LECLERC (RPR, Indre-et-Loire) et Jean-Marie POIRIER
(UC, Val-de-Marne).
Cette visite, qui a eu lieu l'année du cinquantenaire de
l'indépendance de l'Inde, était la première du Groupe
sénatorial depuis sa création en 1985 ; elle visait à
renforcer les liens d'amitié existant entre les deux pays et a
apporté une contribution très positive à la relance des
relations parlementaires bilatérales.
Ce déplacement avait en outre une importance particulière : il
s'agissait, en effet, de la première délégation de
parlementaires français rencontrant des membres du Gouvernement au
pouvoir depuis huit mois à Delhi. Les précédentes missions
sénatoriales en Inde avaient été conduites par
M. FRANÇOIS-PONCET en février 1996 et par M. DE
VILLEPIN en février 1994.
Le programme de la visite sénatoriale s'est articulé autour de
trois orientations principales
:
des
entretiens politiques avec les représentants les plus éminents du
Gouvernement et du Parlement
,
une approche de la situation économique indienne
et la
participation aux principales manifestations organisées par l'ambassade
.
Après s'être rendue à Varanasi (Bénarès) et
à Bombay, la délégation du Groupe sénatorial a eu
quatre jours d'entretiens fructueux à Delhi, tant avec les membres du
Gouvernement indien qu'avec les plus hauts représentants du monde
parlementaire. Tous lui ont réservé un accueil chaleureux et
ouvert.
Un programme d'entretiens particulièrement dense a permis aux
sénateurs de la délégation de rencontrer les
présidents effectifs des deux chambres, M. P. A. SANGMA,
Président du Lok Sabha (Assemblée du Peuple), Mme Najma HEPTULLA,
Vice-Président du Rajya Sabha (Assemblée des Etats), mais aussi
certains des ministres les plus éminents du Gouvernement de M. Deve
GOWDA : M. I. K. GUJRAL, Ministre des affaires extérieures, M.
Mulayam Singh YADAV, Ministre de la défense, M. S. R. BOMMAI,
Ministre du développement des ressources humaines, M. Y. K. ALAGH,
Ministre délégué à la planification, à la
science et à la technologie. Enfin, les sénateurs se sont
longuement entretenus avec le chef de file de l'opposition, M. Atal Bihari
VAJPAYEE, Président du BJP (parti nationaliste hindou) et
Président de la Commission des affaires étrangères au Lok
Sabha.
Les entretiens politiques ont été très cordiaux et ont
porté, pour une large part, sur la situation politique et
économique de l'Inde et les attentes de ce pays à l'égard
de la France. Les sénateurs ont pris aussi un intérêt
très vif au fonctionnement de l'institution parlementaire en Inde et aux
comparaisons avec celui des chambres françaises : le suivi des
séances - aux débats parfois très animés -, la
visite des locaux du Parlement indien et la rencontre, organisée par Mme
HEPTULLA, avec de nombreux députés, sénateurs et
présidents de commissions, ont permis à la
délégation sénatoriale de se faire une idée plus
précise du sens et de l'organisation du travail parlementaire en Inde.
Les différents interlocuteurs des sénateurs leur ont
expliqué la spécificité du Gouvernement actuel, coalition
de treize petits partis qui fait face aux deux principales formations
politiques - le Congrès et le BJP -, lesquelles, bien que
dominantes, ne sont pas en état de gouverner seules. Les
difficultés qui en découlent pour définir et mener
à bien la politique gouvernementale apparaissent toutefois
contrebalancées par la relative ardeur réformatrice d'un
personnel politique renouvelé.
L'ensemble des intervenants a confirmé le consensus existant depuis plus
de cinq ans autour du principe des réformes et de la
libéralisation de l'économie. Les sénateurs se sont
montrés soucieux des garanties en matière de stabilité
politique et juridique qu'offre l'Inde aux investisseurs étrangers.
Enfin, la politique énergétique de l'Inde et les besoins
considérables de ce pays ont occupé une place importante dans
tous les entretiens avec des membres du Gouvernement. Un accord entre les
différentes composantes politiques de l'Inde semble exister autour des
projets de développement de centrales nucléaires et les
résultats obtenus par la France dans le nucléaire civil sont
connus des Indiens qui souhaiteraient une coopération dans ce domaine.
La délégation du Groupe sénatorial a eu également
l'occasion d'aborder la réalité économique indienne lors
de la visite à Bombay de l'usine Peugeot-PAL, fruit d'un joint-venture
entre la firme française et un constructeur indien. De retour à
Delhi, les sénateurs ont participé à un déjeuner de
travail, organisé à leur intention par le Président du
Chapitre Nord de la Chambre de Commerce Indo-française. Ils se sont
enquis des conditions de travail et d'investissement en Inde et des
perspectives de développement de notre présence économique
dans ce pays.
Enfin, les sénateurs ont pris part, à Delhi, à un certain
nombre de manifestations organisées, pendant leur séjour, par
l'ambassade de France : inauguration des "Nuits du cinéma
français", clôture du colloque CFME-ACTIM sur les fruits et
légumes, en présence de M. Philippe VASSEUR, Ministre de
l'agriculture, et de son homologue indien, M. Chaturanan MISHRA. Ces
manifestations ont, par ailleurs, été autant d'occasions pour les
sénateurs de rencontrer les principaux représentants de la
communauté française de Delhi, ainsi que des hommes d'affaires
français et indiens.
Le déplacement de la délégation du Groupe
sénatorial France-Inde s'est effectué dans les meilleures
conditions. Nous le devons d'abord à Son Exc. M. Claude Blanchemaison,
ambassadeur de France en Inde, et à ses collaborateurs dont la
compétence, le dynamisme et la disponibilité ont permis
l'excellent déroulement des travaux de la délégation. Nous
le devons surtout à la qualité et à la chaleur de
l'accueil réservé à la délégation
sénatoriale par les plus hautes autorités indiennes qui ont ainsi
manifesté leur volonté de donner une impulsion nouvelle à
leurs relations avec la France. Que tous trouvent ici l'expression de la
reconnaissance et de la gratitude de chacun des membres de la
délégation.
Lors de son séjour en Inde, la délégation
sénatoriale a rencontré certains ministres du Gouvernement de M.
Deve GOWDA. Ce Gouvernement a été renversé le 11 avril
1997 à la suite du retrait du soutien du Parti du Congrès. Le 20
avril, M. I. K. GUJRAL - que la délégation avait
rencontré lorsqu'il était Ministre des affaires
extérieures - devenait Premier Ministre. Dans le nouveau Gouvernement,
tous les ministres avec qui la délégation s'était
entretenue ont conservé le poste qu'ils occupaient
précédemment.
L'INDE : QUELQUES POINTS DE REPERE
1. Géographie
L'Inde s'étend du nord au sud sur 3.200 km et d'est en ouest
sur 3.000
km. Elle est ainsi le
septième Etat du monde par la superficie
, couvrant environ 3.200.000 km
2
(six fois la France). Elle est bordée sur 6.100 km de côtes
par l'océan indien (mer d'Arabie et golfe du Bengale). Six Etats lui
sont contigus : la Birmanie et le Bangladesh à l'est, le Népal et
la Chine au nord, le Pakistan à l'ouest, tandis que le Sri Lanka en est
séparé au sud-est par le golfe de Mannar.
L'Inde compte essentiellement trois régions naturelles : au nord, la
chaîne de l'Himalaya, qui culmine du côté indien à
8.603 m, au Kanchenjunga ; au sud de l'Himalaya, la plaine du Gange, qui
s'étend sur 2.400 km d'est en ouest et sur 300 km du nord au sud ;
enfin, le plateau du Deccan, au sud, séparé de la plaine
indo-gangétique par des collines de 500 à 1.300 m d'altitude et
flanqué par les ghats orientaux (600 m d'altitude environ) et
occidentaux (900 à 2.440 m).
2. Climat
L'immensité et le relief de l'Inde lui donnent une grande diversité de climats, surtout dominée par le régime des moussons , phénomène d'inversion des vents et de changement du temps. La mousson d'été, de juin à septembre, déverse des trombes d'eau portées par les vents du sud-ouest, de l'océan vers le continent ; la mousson d'hiver, avec des vents du nord-est, ramène un temps sec sur la plupart des régions, sauf le Tamil Nadu.
3. Population
La question de la croissance démographique demeure un des
graves
problèmes de l'Inde.
Le taux d'accroissement annuel de la population reste élevé (1,9
%) : la population de l'Inde s'accroît de 17 millions de personnes chaque
année. Cette situation s'explique par une diminution extrêmement
lente du taux de natalité (3,2 %) et par une chute brutale du taux
de mortalité (1,1 %). En quarante-quatre ans, la population
indienne est passée de 350 à 870 millions d'habitants.
Elle est aujourd'hui estimée à 950 millions d'habitants
(1996),
soit une densité moyenne de 290 hab/km
2
, variant de 25 hab/km
2
(Deccan) à 1000 hab/km
2
(vallée du Gange et plaines côtières du Sud). Les
populations sont essentiellement d'origine indo-aryenne (72 %) et
dravidienne (25 %, surtout dans le sud).
Le Gouvernement de Mme Gandhi a encouragé la réduction de la
natalité par l'éducation et par des méthodes parfois plus
brutales, telles que la stérilisation, dont les abus ont
été dénoncés par l'opposition et ont
contribué à l'échec du Parti du Congrès aux
élections de 1977. Depuis lors, la politique de maîtrise de la
natalité se poursuit de façon moins autoritaire, par des
programmes d'éducation des femmes et, de façon indirecte, par la
lutte contre l'illettrisme.
La population est jeune
. Les moins de 15 ans représentent 36 % du total de la population.
L'espérance de vie à la naissance n'excède pas 60 ans
. 48 % de la population est analphabète
. L'Inde est également l'un des rares pays où les hommes soient
plus nombreux que les femmes, qui ne représentent que 48,2 % du
total de la population.
La population indienne est essentiellement rurale (76 %).
L'Inde compte cependant
20 métropoles de plus d'un million d'habitants
, parmi lesquelles quatre mégalopoles : Bombay (13 millions
d'habitants), Calcutta (11 millions), Delhi (9 millions) et Madras (6
millions).
La population active représente 340 millions de personnes,
inégalement réparties entre l'agriculture (70 %),
l'industrie (13 %) et les services (17 %).
4. Langues
A l'échelle de la fédération, l'Inde compte deux langues
officielles - le hindi et l'anglais - et 18 langues nationales (dont le hindi)
reconnues par la Constitution. On compte par ailleurs 1.652 langues ou
dialectes locaux appartenant à différentes familles linguistiques
(indo-aryenne, dravidienne, austro-asiatique ou tibéto-birmane). 15
d'entre elles sont des langues officielles dans les Etats.
Le hindi est la langue la plus pratiquée en Inde, par 39 % de la
population. L'anglais reste cependant la langue de l'administration et des
affaires
.
5. Religions
La majorité de la population (82 %) est de religion hindoue mais l'Inde abrite aussi l'une des premières communautés musulmanes au monde avec 120 millions de fidèles . On compte également 20 millions de Chrétiens et 16 millions de Sikhs. Il n'existe pas de religion d'Etat en Inde et chacun peut pratiquer le culte de son choix.
a) L'hindouisme
Apparu vers 1500 avant J.C., l'hindouisme est fondé sur la
croyance
métaphysique en la réincarnation de l'homme dans des vies
successives : l'homme est soumis selon ses bonnes ou mauvaises actions à
la loi du Karma qui lui impose de perpétuelles renaissances
jusqu'à ce qu'il parvienne à s'en libérer pour se fondre
dans la substance même de l'Univers, le Brahman, c'est-à-dire
Dieu, dont le panthéon hindou n'est que la manifestation.
Cette croyance étroitement liée au système des castes
implique l'acceptation des différenciations sociales
considérées comme l'expression d'une échelle de valeur
entre la vie présente et les vies passées ou futures. Les
références sacrées de l'hindouisme sont consacrées
dans les Védas ou livres de connaissance.
Contesté vers le VIème siècle avant J.C. en raison de ses
aspects sociaux, l'hindouisme recula temporairement devant le bouddhisme et le
jaïnisme. Mais la réaction brahmanique prit place à partir
du VIIème siècle de notre ère avec l'épanouissement
du Vedanta et culmina avec les philosophes réformateurs Ramanuja et
Shankara (VIIIème - IXème). Le bouddhisme disparut alors presque
complètement de l'Inde.
b) Le bouddhisme
Fondée au VIème siècle avant J.C. par un prince du Nord, Gautama, qui, frappé par la misère du monde, se fit moine mendiant et parcourut l'Inde pendant quarante ans sous le nom de Bouddha (l'illuminé), la religion bouddhiste connut son apogée sous l'empereur Ashoka. Il s'y convertit en 250 avant J.C. et, par ses édits, entreprit d'instaurer durablement dans son vaste empire des rapports humains fondés sur la tolérance et la non-violence. Confronté à la réaction brahmanique dès le VIIème siècle, le bouddhisme resta confiné aux provinces du Bihar et du Bengale. L'Islam lui porta un coup fatal au XIIème siècle : les monastères furent détruits et les bibliothèques dispersées. Les bouddhistes qui sont maintenus en Inde se trouvent principalement en Assam et dans les régions montagneuses du Nord.
c) Le jaïnisme
Apparu à la même époque que le bouddhisme, le jaïnisme fut fondé par le sage Mahavira qui fut suivi de vingt-quatre prophètes ou " Thirthankaras " ou encore " Jinas ". La caractéristique de cette religion repose à la fois sur une pratique de la vie communautaire, tant pour les hommes que pour les femmes, et le refus absolu de la violence qui va jusqu'à faire porter à certains de ses adeptes un bandeau sur la bouche afin d'éviter de tuer des insectes en les avalant. Tout comme le bouddhisme, le jaïnisme s'adresse à tous sans considération de caste. Ebranlé par un schisme au IIème après J.C., le jaïnisme n'a guère étendu son influence. Les Jaïns constituent aujourd'hui une communauté connue pour son esprit commerçant. Ils sont particulièrement répandus dans l'Etat du Gujarat ainsi qu'au Rajasthan où subsistent des temples qui témoignent de leur influence passée (Mont Abu, Ranakpur).
d) Le sikhisme
Développé au début du XVIème siècle en réaction contre le polythéisme hindou et le système des castes, le sikhisme fut fondé par le Gourou Nanak auquel ont succédé neuf autres Gourous. A la fin du XVIIème siècle, le Gourou Govind Singh en fit une religion martiale pour permettre à ses coreligionnaires de s'organiser contre les persécutions des Musulmans et particulièrement du grand Moghol Aurangzeb. Répandu surtout au Punjab, le sikhisme a pour capitale religieuse Amritsar. Obéissant à des préceptes moraux très stricts, les Sikhs s'abstiennent notamment de fumer. Les hommes portent la barbe et nouent leur cheveux, qu'ils ne coupent jamais, sous un turban. Les femmes sikhs, qui ont accès aux pratiques religieuses, se voient investies de plus de liberté et de responsabilités que les femmes hindoues. Dotés d'un esprit entreprenant, les Sikhs jouent un rôle important dans la vie économique. Leurs traditions martiales leur avaient donné une place importante dans l'armée britannique ; ils l'ont conservée dans l'armée indienne où ils constituent encore 12 % des effectifs.
e) L'islam
L'Inde est, depuis l'éclatement du Pakistan en 1971 , le deuxième pays musulman du monde après l'Indonésie. Après être apparu au Sindh au VIIIème siècle, l'islam s'est surtout diffusé dans le sous-continent à partir du XIIème siècle par l'établissement de royaumes et de sultanats, dont les dynasties turco-afghanes originaires d'Asie Centrale se maintinrent en Inde jusqu'à l'établissement de l'émir moghol au XVIème siècle. C'est à partir de cette période que l'islam connut un rayonnement politique, administratif et artistique (architecture, miniature, littérature). Constituant la majorité de la communauté musulmane, les Sunnites sont répartis principalement au Cachemire, au Bihar, en Uttar Pradesh, au Bengale, au Maharashtra, au Kerala. Les Chiites, qui représentent environ 20 % de la population musulmane de l'Inde, se trouvent surtout en Uttar Pradesh, dans la région de Lucknow.
f) Les Parsis
Originaires de Perse, disciples de Zoroastre, les Parsis s'établirent en Inde après la chute de l'empire sassanide au VIIIème siècle, pour fuir les persécutions musulmanes. Les Parsis vénèrent les quatre éléments et notamment le feu purificateur. Ne pouvant souiller ni le feu, ni la terre, ni l'eau, ni l'air, les Parsis exposent leurs cadavres sur les " tours du silence " où les vautours viennent les dévorer. Installés pour la plupart au Gujarat et au Maharashtra (Bombay et Pune), les Parsis constituent une société très fermée, particulièrement entreprenante, dont le rôle dans le développement du capitalisme indien est fondamental.
g) Le judaïsme
La présence juive en Inde est très ancienne et correspondrait à l'arrivée de deux groupes principaux. Le premier aurait fait souche au Kerala du temps du roi Salomon. Le second se serait installé après la destruction du temple de Jérusalem sur la côte de Malabar (Kerala), et principalement à Cranganore et à Cochin. La plupart des jeunes ayant émigré en Israël, la communauté juive est en déclin, seulement composée aujourd'hui de quelques milliers de familles.
h) Le christianisme
Selon la légende, l'apôtre Saint-Thomas, venu en Inde après
la mort du Christ, aurait évangélisé une partie du Sud de
l'Inde. Il serait mort martyrisé à Madras, sur le lieu qui porte
son nom. L'expansion du christianisme débuta cependant seulement
après l'arrivée de Saint-François en 1544 dans la colonie
portugaise de Goa. Les Anglais entretinrent pour leur part de nombreuses
missions protestantes.
Aujourd'hui, les Chrétiens sont établis pour environ 60 % d'entre
eux dans le Sud de l'Inde, en Andhra Pradesh, au Tamil Nadu et surtout au
Kerala où ils comptent pour 20 % de la population. Comme pour l'Islam,
la conversion au christianisme a permis à de nombreux intouchables de
s'affranchir du système de castes de la société hindouiste.
L'Inde compte 109 évêchés catholiques et deux cardinaux aux
sièges de Calcutta et d'Ernakulam-Trivandrum (Kerala). Les
Jésuites indiens (environ 3 000) constituent la deuxième
communauté de l'ordre dans le monde. Les Protestants sont
répartis dans de nombreuses obédiences parmi lesquelles les
Baptistes et les Méthodistes comptent le plus grand nombre de
fidèles.
EN BREF |
|
Hindous
|
82,63 %
|
6. Problèmes communautaires et ethniques
L'Inde regroupe de nombreuses communautés ethniques,
linguistiques et
religieuses.
La cohabitation des communautés hindoues et musulmanes provoque parfois
des heurts violents susceptibles de prendre une tournure tragique
, comme ce fut le cas après la destruction de la mosquée
d'Ayodhya en décembre 1992.
Les problèmes ethniques et linguistiques sont notamment à
l'origine des troubles qui persistent depuis plusieurs années dans les
Etats du Nord-Est, particulièrement en Assam, au Mizoram et au Manipur.
7. Le système des castes
Le système des castes gouverne encore largement
l'organisation de la
société.
Ce principe de stratification sociale, propre au sous-continent indien, est
le
pivot de la société indienne bien qu'il ne trouve sa
justification idéologique que dans la seule religion hindoue.
Les Européens ont cherché à regrouper les castes dans
quatre catégories ou " Varnas " : les Brahmanes
(prêtres), les Kshatryas (guerriers), les Vayshias (commerçants)
et les Shoudras (castes de service, dont les agriculteurs). Il s'agit là
de ce que l'on appelle les " Hindous de caste ". Les
autres, les
" intouchables ", sont les " Hors
castes ". La
réalité est en fait infiniment plus complexe puisqu'il existe des
milliers de castes et de sous-castes dans toute l'Inde, entre lesquelles
s'établit une hiérarchie relative et subtile selon les
régions géographiques ou linguistiques. En outre, les rapports de
force que les castes entretiennent entre elles peuvent varier
considérablement.
Les Hindous désignent eux-mêmes la caste du nom de
" jati " qui signifie " né ". Ainsi le
passage dans
une caste durant une vie ne constitue qu'une phase dans le cycle des
renaissances.
Malgré l'apparente rigidité d'un système où chaque
caste correspondait à l'origine à une catégorie
socioprofessionnelle endogame pratiquant notamment les mêmes
règles alimentaires liées à son degré de
pureté, plusieurs sociologues ont démontré l'existence
d'une mobilité à l'intérieur même du système,
en particulier pour celles des castes qui se situent à la frange d'un
groupe supérieur mieux considéré. Ainsi, l'adoption
d'interdits alimentaires plus stricts a parfois permis à certains
groupes d'accomplir une ascension sociale.
Toutefois, les " intouchables " (environ 100 millions de
personnes),
organisés également en sous-castes, mais placés à
l'extérieur des quatre " Varnas " et au bas du système
social hindou, ne sont même pas considérés comme hindous
par les " Hindous de caste " qui leur ont longtemps refusé
l'accès aux temples en raison de leur impureté. Les travaux dont
ils étaient héréditairement chargés étaient
les plus " souillants ".
Pour lutter contre le mépris dont les " intouchables "
faisaient l'objet, le Mahatma Gandhi leur donna le nom
d'" Harijans "
(enfants de Dieu), appellation qu'ils ont conservée. Les Harijans sont
maintenant recensés sous le nom de " Scheduled Castes "
(castes répertoriées) et bénéficient à ce
titre, comme les populations tribales (" Scheduled
tribes "), de
quotas d'admission dans les universités et d'emplois
réservés dans l'administration. Ils sont protégés
par l'" Intouchability Act " qui punit ceux qui agiraient
contre eux
en raison de leur origine.
Malgré tous les progrès enregistrés dans les rapports
sociaux, une double hiérarchie civile et religieuse continue à
coexister sans toujours se recouper. De plus, en dépit de la
diversité religieuse de l'Inde, l'influence du système des castes
reste présente chez les Chrétiens, les Bouddhistes et les
Musulmans où l'origine des convertis n'est pas toujours totalement
oubliée par leurs descendants.
8. Les institutions politiques indiennes
L'Inde est un
Etat fédéral
qui comprend 25 Etats établis sur des bases essentiellement
linguistiques et 7 territoires créés pour des raisons politiques
ou historiques (Delhi, Pondichéry...). C'est une
démocratie de type parlementaire
inspirée du modèle britannique.
Conçue par le Pandit Nehru et le Sardar Patel, la
Constitution indienne
proclame le caractère socialiste et laïque de l'Etat. Elle a
été promulguée le 26 janvier 1950 par le Dr. Rajendra
Prasad, premier Président de la République indienne. Avec ses 396
articles et ses annexes, c'est l'une des plus détaillées et des
plus longues du monde.
Le Président de l'Union Indienne
, premier personnage de la Nation, est élu pour une durée de cinq
ans, renouvelable, par un collège composé de membres des deux
assemblées de l'Union et des représentants des assemblées
législatives des Etats dont la voix est assortie d'un quotient qui est
fonction de la population de l'Etat.
Le Président est le chef de l'Exécutif et le chef des
Armées ; il nomme aux emplois civils et militaires de l'Etat, et
promulgue les ordonnances en dehors des sessions parlementaires. Son rôle
peut être important lors de la désignation du Premier Ministre,
dont il est tenu de suivre les " avis " depuis le vote du
42ème amendement de la Constitution en novembre 1976. C'est lui qui
prononce la dissolution de la Chambre basse, le Lok Sabha. Le Président
actuel, M. Shanker Dayal Sharma, a été élu le 13 juillet
1992.
Le Président est assisté d'un Vice-Président qui est
élu pour cinq ans par un collège composé des membres des
deux assemblées de l'Union. Il est Président ex-officio de la
Chambre haute, le Rajya Sabha (Chambre des Etats).
M. K. R. Narayanan, actuel Vice-Président, a
été élu le 19 août 1992.
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
, nommé par le Président de la République, est le
détenteur effectif du pouvoir. Il préside le Conseil des
Ministres, ces derniers étant nommés par le Président sur
proposition du Premier Ministre. Le Gouvernement est collectivement responsable
devant le Lok Sabha (Chambre basse), dont il peut en revanche suggérer
la dissolution.
Le
Parlement de l'Union
comprend deux chambres : la Chambre des Etats (Rajya Sabha), Chambre
haute, et
la Chambre du Peuple (Lok Sabha), Chambre basse, dont le chef du parti
majoritaire devient normalement Premier Ministre. Sont de la compétence
des Chambres la révision de la Constitution ainsi que le vote des lois
de finances et des lois ordinaires.
La Chambre des Etats
(Rajya Sabha)
se compose de 245 membres élus pour 6 ans au suffrage indirect par
les Assemblées législatives des Etats et renouvelés par
tiers tous les deux ans, à l'exception de 12 membres qui sont
nommés par le Président en raison de leurs compétences
dans le domaine des sciences, des arts et des lettres ou de l'action sociale.
La Chambre du Peuple (Lok Sabha)
se compose de 545 membres élus au suffrage universel pour cinq ans,
à l'exception de deux membres nommés par le Président pour
représenter la communauté anglo-indienne.
La Cour Suprême
, composée de 19 juges et présidée par le " Chief
Justice ", est la plus haute autorité judiciaire du pays. Ses
membres, officiellement nommés par le Président, sont en fait
choisis par le Gouvernement. Ses fonctions sont diverses et recouvrent à
la fois les compétences de notre Conseil d'Etat, de notre Cour de
Cassation et de notre Conseil Constitutionnel. Son prestige est lié
principalement à son rôle de garant des droits fondamentaux.
Les institutions des Etats
sont à l'image de celles du Gouvernement central. Le Gouverneur
représente le Président et nomme le Ministre en chef qui est
normalement le leader du parti majoritaire à l'Assemblée
législative.
Les rapports entre les Etats et l'Union sont délimités par le
système des listes
qui définit leurs compétences respectives :
- liste de l'Union : défense, affaires étrangères,
monnaie, justice...
- liste des Etats : questions agraires, éducation, police...
- liste dite " concurrente " : droit des personnes, contrôle
des prix...
Une grille de répartition assure une redistribution des ressources
perçues au niveau fédéral. Malgré les
revendications permanentes formulées par les Etats en faveur d'une plus
grande autonomie administrative, culturelle et financière, le
système fédéral indien a su résister à
l'épreuve du temps en forgeant au gré des circonstances un
ensemble de garanties et de contrepoids.
Il reste que le Gouvernement de l'Union garde la haute main sur les Etats en
cas de problèmes d'ordre public, politique ou économique. En
effet, la règle présidentielle permet au Président de
destituer les gouvernements locaux et de donner au Gouverneur les pleins
pouvoirs pour une durée de six mois renouvelable.
9. Chronologie des événements contemporains
·
14 août 1947
à minuit : indépendance de l'Inde et du Pakistan. Jawaharlal
Nehru devient Premier Ministre.
·
octobre 1947 - 1
er
janvier 1949
: première guerre indo-pakistanaise, à propos du Cachemire.
·
30 janvier 1948
: assassinat du Mahatma Gandhi.
·
26 novembre 1949
:
promulgation de la Constitution, en vertu de laquelle l'Inde devient une
république le 26 janvier 1950.
·
1962
: guerre sino-indienne.
·
27 mai 1964
: à la mort de Nehru, Lal Bahadur Shastri devient Premier
Ministre.
·
1965
(jusqu'au 30 juin) : deuxième guerre indo-pakistanaise.
·
19 janvier 1966
: Indira Gandhi, fille de Nehru, devient Premier Ministre,
après le décès de Lal Bahadur Shastri.
·
décembre 1971
: troisième guerre indo-pakistanaise ; le Pakistan oriental
devient le Bangladesh.
·
18 mai 1974
: essai nucléaire indien au Rajasthan.
·
octobre 1975
: incidents frontaliers avec la Chine.
·
mars 1977
: la défaite électorale d'Indira Gandhi met fin
à l'état d'urgence instauré en juin 1975. Morarki Desai,
du Janata Dal, lui succède.
·
janvier
1980
: Indira Gandhi remporte les élections générales et
devient à nouveau Premier Ministre.
·
31 octobre 1984
: assassinat d'Indira Gandhi. Son fils Rajiv devient Premier Ministre.
·
décembre 1989
: V.P. Singh (Janata Dal) succède à Rajiv Gandhi,
démissionnaire. Battu lors d'un vote de confiance en novembre 1990, il
est remplacé par Chandra Shekhar.
·
21 mai 1991
: assassinat de Rajiv Gandhi
·
juin 1991
: victoire du Parti du Congrès-I aux élections
générales : P.V. Narasimha Rao est nommé Premier Ministre.
·
6 décembre 1992
: destruction de la mosquée d'Ayodhya par des fanatiques hindous. Les
émeutes qui suivent dans le Nord de l'Inde font 1.200 morts.
·
à partir de 1993-1994
: succès de la politique de libéralisation et d'ouverture
économique.
·
Printemps 1996
: les élections générales portent au pouvoir
- pendant treize jours - le parti nationaliste hindou du BJP, qui a
recueilli le plus grand nombre de sièges. Incapable toutefois de former
une majorité de gouvernement, il est remplacé le 1
er
juin par un Gouvernement de Front Uni conduit par M. Deve Gowda,
regroupant
treize partis et bénéficiant du soutien sans participation du
Parti du Congrès.
·
mars-avril 1997
: le Congrès retire son soutien au Gouvernement de M. Deve Gowda :
celui-ci est renversé par le Lok Sabha. M. I. K. Gujral
devient Premier Ministre et prend la tête d'un nouveau Gouvernement de
Front Uni qui bénéficie une nouvelle fois du soutien sans
participation du Parti du Congrès.
CHAPITRE I
L'EXPERIENCE DU FRONT UNI :
UNE
CONFIGURATION POLITIQUE INEDITE ET FRAGILE
I. L'INDE EST AUJOURD'HUI GOUVERNÉE PAR UNE COALITION DE GAUCHE, LE FRONT UNI, QUI BÉNÉFICIE DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU CONGRES
A. LE PARTI DU CONGRÈS A LONGTEMPS DOMINE LA VIE POLITIQUE INDIENNE
L'Inde compte quelque 200 partis politiques, de dimension
nationale ou locale,
qui se multiplient essentiellement pas scissiparité. Le Parti du
Congrès a gouverné l'Inde pendant 44 des 49 années qui ont
suivi l'indépendance du pays. Les principaux partis de l'opposition sont
le BJP (Bharatya Janata Party, Parti du peuple indien, de tendance nationaliste
hindou), le Janata Dal (Parti du peuple), qui a accédé au pouvoir
en 1977 et 1989, et enfin les deux partis communistes, le CPI-M (Communist
Party of India - Marxiste) et le CPI (Communist Party of India).
Les dimensions du pays et l'existence de préoccupations locales
croissantes compliquent le jeu politique en empêchant toute configuration
binaire simple.
Le Congrès a dominé la vie politique indienne jusqu'à la
fin des années soixante-dix. La politique économique et sociale
menée par Indira Gandhi ayant uni contre elle les oppositions, Mme
Gandhi décréta en 1975 l'état d'urgence pour pouvoir
continuer à gouverner. Lors des élections de mars 1977, que Mme
Gandhi avait elle-même fixées et qu'elle avait voulu libres, la
fille de Nehru fut vaincue par une coalition de partis (socialistes, anciens
membres du Congrès, hindouistes traditionalistes) regroupés sous
le sigle du " Janata " (peuple). Le nouveau Gouvernement
formé
par M. Desai tomba toutefois à la suite de l'éclatement de la
coalition en juillet 1979 et son successeur, M. Charan Singh, géra
les affaires courantes jusqu'aux élections de janvier 1980.
Mme Gandhi mena alors une campagne électorale placée sous le
signe de l'efficacité et évita de reprendre les thèmes qui
lui avaient coûté le pouvoir en 1977, notamment celui du
contrôle de la natalité. Victorieuse aux élections
générales, Mme Gandhi redevint Premier Ministre en 1980. A
sa mort, en octobre 1984, son fils Rajiv lui succéda aux affaires. Aux
élections générales qui suivirent en décembre, le
Parti du Congrès remporta une majorité écrasante de 415
sièges sur 545. Après l'échec de ce dernier aux
élections de novembre 1989, M. Gandhi dut céder le pouvoir
à M. V. P. Singh, dont le Gouvernement minoritaire
(Janata Dal) tomba en novembre 1990 à la suite du retrait du soutien du
BJP. Son successeur, M. Chandra Shekhar gouverna avec une soixantaine de
députés et l'appui du Congrès. Ce fragile équilibre
ne résista que quatre mois. En mars 1991, M. Chandra Shekhar
démissionnait. Des élections anticipées furent alors
organisées en mai 1991. Elles furent marquées par l'assassinat de
M. Rajiv Gandhi, le 21 mai, au lendemain du premier jour du scrutin. Elles
donnèrent la majorité relative au Parti du Congrès.
Le Gouvernement minoritaire fut dirigé à partir du 21 juin 1991
par M. Narasimha Rao, qui décida un important programme de
réformes économiques visant à ouvrir l'Inde aux
investisseurs étrangers. Sa politique, saluée par les instances
internationales et une large partie de la communauté d'affaires, ne
réussit cependant pas à enrayer la lente érosion politique
qui frappait le Parti du Congrès, déconsidéré par
des affaires de corruption.
B. LES ÉLECTIONS GÉNÉRALES DU PRINTEMPS 1996 ONT PERMIS LA MISE EN PLACE, SOUS LE NOM DE " FRONT UNI ", D'UNE ALLIANCE REGROUPANT TREIZE PARTIS ET BÉNÉFICIANT DU SOUTIEN SANS PARTICIPATION DU PARTI DU CONGRÈS.
Les élections générales du printemps 1996 ont fait du BJP
le premier parti en nombre de sièges. M. A. B. Vajpayee, chef
du BJP, n'a cependant pas été en mesure de dégager une
majorité au Parlement. Son Gouvernement n'a duré que treize
jours. Il a été remplacé par une coalition de treize
partis : le Front Uni, sous la direction de M. Deve Gowda. Cette coalition, qui
rassemble des partis de gauche et des partis régionaux, est soutenue,
sans participation, par le Congrès.
Le ciment de la coalition réside dans la volonté de barrer la
route à la droite nationaliste hindoue, représentée par le
BJP et ses alliés. La nouveauté est l'arrivée au pouvoir
de membres des basses castes et de provinciaux qui n'avaient guère eu
jusqu'à présent l'occasion de se faire entendre à Delhi,
bien qu'ils exercent le pouvoir dans la plupart des Etats.
La politique intérieure du Gouvernement de Front Uni ne se
démarque pas fondamentalement de celle du Congrès, avec cependant
une tonalité sociale plus affirmée : le Gouvernement du Front Uni
semble en effet beaucoup plus attentif au problème de la pauvreté
que les gouvernements précédents. La libéralisation et
l'ouverture de l'économie indienne commencées par M. Narasimha
Rao se poursuivent, souvent avec les mêmes personnes - le Ministre
des finances de M. Deve Gowda, M. Chidambaram, était Ministre
congressiste du commerce. Le fait essentiel que constitue l'arrivée au
pouvoir des membres des basses castes, sensibles aux problèmes locaux,
est d'ores et déjà pris en compte par l'ensemble de la classe
politique.
Le Front Uni souffre cependant d'un handicap majeur : la diversité
extrême de ses composantes, qui ont sur beaucoup de sujets des visions
difficilement compatibles de la politique à mener. Ces dissensions
entravent souvent la bonne marche du Gouvernement.
De plus, comme en témoigne la chute du Gouvernement de M. Deve Gowda, la
survie de cette expérience novatrice dépend du bon vouloir du
Parti du Congrès.
C. LA CHUTE DU GOUVERNEMENT DE M. DEVE GOWDA TEMOIGNE DE LA FRAGILITE DU GOUVERNEMENT DE FRONT UNI
Le 30 mars 1997, le Parti du Congrès décidait de retirer son
soutien à la coalition dirigée par M. Deve Gowda. Le chef du
Parti du Congrès, M. Sitaram Kesri, qui avait, dix mois plus
tôt, décidé de " soutenir sans participer " ce
Gouvernement de coalition remettait une lettre au Président de la
République, l'informant que sa formation cessait d'apporter son soutien
parlementaire à M. Gowda. Il accusait le Premier Ministre d'avoir
" eu un effet démoralisateur sur le pays ", de n'avoir pas
été capable d'y maintenir l'ordre et d'avoir
négligé les questions de défense et de
sécurité. Il reprochait aussi au Gouvernement de n'avoir pas su
contenir la montée des nationalistes hindous du BJP.
En dépit de longues tractations et alors que ministres et parlementaires
du Front Uni s'évertuaient à défendre leur bilan, le Parti
du Congrès n'est pas revenu sur sa décision : le
Gouvernement de M. Gowda était donc renversé le 11 avril 1997
à la suite du rejet d'une motion de confiance par le Parlement.
Afin d'éviter la tenue d'élections législatives
anticipées, le Parti du Congrès annonçait cependant le 14
avril son intention d'apporter son soutien à une nouvelle coalition
gouvernementale. Le Congrès ayant fait du remplacement de M. Gowda
à la tête du Front Uni la condition
sine qua non
d'un arrangement, l'ancien Premier Ministre avait auparavant indiqué
qu'il était prêt à laisser sa place.
La nomination d'Inder Kumar Gujral au poste de Premier Ministre, le 20 avril,
permettait de mettre fin à trois semaines de crise. Celui-ci obtenait le
22 avril un vote de confiance du Parlement ; le Congrès apportait
une nouvelle fois un " soutien sans participation " à la
coalition du Front Uni.
Le Premier Ministre change mais le Front Uni reste au pouvoir, et la
composition du nouveau Gouvernement reste la même que celle du cabinet
sortant. M. I. K. Gujral conserve le portefeuille des affaires
étrangères.
Les milieux politiques et économiques indiens ont accueilli
favorablement la nomination de M. I. K. Gujral. " Je
donnerai au
peuple un Gouvernement honnête et qui s'occupe des problèmes de
base de la pauvreté " a-t-il déclaré.
- M. I. K. Gujral devra maintenant s'efforcer de maintenir l'unité d'une coalition hétérogène affaiblie parfois par ses dissensions internes. Même si elle a survécu, la coalition reste extrêmement fragile. La tâche la plus délicate de M. I. K. Gujral va être de convaincre les responsables des treize partis de la coalition de surmonter leurs différences idéologiques et personnelles.
D. LE PARTI DU CONGRES ET LE BJP NE SONT CEPENDANT PAS ENCORE EN MESURE DE REPRESENTER UNE ALTERNATIVE POLITIQUE
1. Le Parti du Congrès reste fragilisé par les problèmes judiciaires de sa hiérarchie précédente
Des élections auraient pu constituer une solution à cette
impasse
mais personne ne les souhaitait, à l'exception des nationalistes hindous
du Parti du peuple indien (BJP), qui auraient pu encore accroître leur
représentation à la Chambre.
M. Narasimha Rao et nombre de membres de son ancienne équipe
gouvernementale sont sous le coup de poursuites pour des faits de corruption.
Le parti a entrepris de se réorganiser sous la direction de M. Sitaram
Kesri et se détache peu à peu de son apparence antérieure
d'une formation opérant sous la direction de membres des hautes castes,
en général originaires du Nord.
Par ailleurs, l'appareil du Congrès s'efforce d'élargir son
assise en cherchant à réintégrer des groupes dissidents
entiers, voire en débauchant des factions suffisamment importantes de
certains partis. Quel que soit le succès de cette tactique fondée
sur le fait qu'une large partie du spectre politique provient initialement de
ce " parti mère " qu'est le Congrès, il ne le
dispenserait pas de la nécessité de constituer une nouvelle
coalition pour gouverner.
2. Le BJP traverse une phase difficile
De leur côté, les forces nationalistes du BJP et, au
Maharashtra,
du Shiv Sena rencontrent des difficultés croissantes. Une scission a
d'ores et déjà fait perdre au BJP la direction de l'Etat du
Gujarat.
Les instances du BJP, réunies du 10 au 12 janvier 1997, ont
étudié cette situation avec quelques inquiétudes,
concluant que leur parti souffrait décidément
d'" indiscipline ", et de " problèmes
organisationnels ".
La presse locale et une partie des milieux d'affaires souhaitent visiblement
l'échec de l'expérience entreprise par M. Deve Gowda, puis par
M. I. K. Gujral. Celle-ci est pourtant aujourd'hui la seule
envisageable en l'absence de solutions de remplacement que pourraient fournir
des oppositions crédibles. Les nationalistes hindous restent
minoritaires et isolés dans le pays, et le Congrès doit achever
sa restructuration avant de briguer à nouveau le pouvoir.
II. LE PARLEMENT CONSTITUE LE VERITABLE CENTRE DES INSTITUTIONS ET DE LA VIE POLITIQUE INDIENNES
La délégation sénatoriale a rencontré les plus
hauts responsables du Parlement de l'Union indienne, à la fois au cours
d'entretiens officiels et à l'occasion d'un déjeuner offert en
leur honneur par la Vice-Présidente - et Présidente effective -
du Rajya Sabha
1
(
*
)
.
Lors d'une journée particulièrement dense passée au
Parliament House, la délégation du Groupe sénatorial a pu
approfondir sa connaissance du système parlementaire indien : les
sénateurs ont assisté aux débats en cours dans les deux
chambres et ont rencontré successivement les Présidents effectifs
du Lok Sabha et du Rajya Sabha, ainsi que le Président du BJP, chef de
l'opposition parlementaire. Cette journée au Parlement a permis aux
sénateurs de comparer le fonctionnement de l'institution parlementaire
dans nos deux pays et d'évoquer avec leurs interlocuteurs la situation
politique et économique indienne. Elle a également
révélé l'importance accordée, du côté
indien, aux relations entre parlementaires
A. L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU PARLEMENT INDIEN
Les sénateurs de la délégation se sont montrés
très intéressés par la grande vivacité des
débats parlementaires et la qualité du fonctionnement
démocratique d'un pays aussi vaste. La composition des chambres
indiennes illustre en effet les préoccupations locales croissantes, qui
empêchent, dans le Parlement actuel, toute configuration binaire simple.
Les débats suivis par la délégation portaient sur des
questions de détournement de fonds publics et d'énergie
nucléaire. Il s'agissait d'interventions sans ordre de parole
défini préalablement (la "zero hour") et donnant lieu, par
conséquent, à des discussions animées.
Les sénateurs ont remarqué que l'institution parlementaire
indienne se caractérisait par l'importance du travail effectué au
sein des commissions permanentes ou
ad hoc
, dont les Présidents sont des personnalités politiques de tout
premier plan : il en va ainsi de M. Manmohan Singh (Commission du commerce), de
M. Atal Bihari Vajpayee (Commission des affaires extérieures), ou encore
de M. Biju Patnaik (Commission des finances).
Le Parlement se réunit lors de trois sessions ordinaires dites de
" printemps ", " mousson " et
" hiver ".
1. Le Lok Sabha (Assemblée du Peuple)
La Chambre basse (Lok Sabha), élue au scrutin uninominal à un
tour tous les cinq ans, compte 545 députés. Le Lok Sabha exerce
un contrôle du Gouvernement par la mise en jeu de sa
responsabilité, par le vote de résolutions ainsi que par la
procédure des questions.
A l'issue des élections de mai 1996, la composition de la Chambre basse
est la suivante : 180 sièges pour le Front Uni, 140 pour le Parti du
Congrès et 195 pour l'Opposition Nationaliste Hindoue, dont 161 pour le
seul BJP. 28 élus sont indépendants ou affiliés au BSP
(parti des très basses castes). Le Congrès soutient le
Gouvernement sans y participer.
2. Le Rajya Sabha (Assemblée des Etats)
La Chambre haute (Rajya Sabha), composée des représentants
des
Etats, compte 245 sièges : 12 parlementaires sont nommés
par le Président de l'Union, les autres sont élus par tiers, tous
les deux ans, pour 6 ans au suffrage indirect par les Chambres des Etats. La
composition du Rajya Sabha reflète donc, avec quelque retard, les
mouvements d'opinion enregistrés lors des scrutins locaux.
Le Vice-Président de l'Union préside de droit et joue un
rôle discret mais essentiel, notamment dans la désignation des
Présidents de commission, conjointement avec le Président de la
Chambre basse. La présidence des séances est assurée, de
fait, par Mme Najma Heptulla, Vice-Président.
Au sein du Rajya Sabha, le Front Uni rassemble près d'une centaine de
parlementaires ; il est suivi du Congrès (88 sièges) et du BJP
(45 sièges).
B. ENTRETIEN AVEC M. P. A. SANGMA, PRÉSIDENT DU LOK SABHA
M. Purno Agitok Sangma, membre du Parti du Congrès, élu pour
la
première fois au Lok Sabha en 1977, a été à
plusieurs reprises Ministre délégué de l'Union, au
commerce, à l'industrie, au charbon, dans les gouvernements de Rajiv
Gandhi et de Narasimha Rao. Il a été élu Président
de la Chambre basse au printemps 1996.
Lors de l'entretien qu'il a accordé à la délégation
sénatoriale, M. P. A. Sangma a tenu d'emblée
à insister sur la différence séparant nos deux
régimes institutionnels : l'Inde ayant un système parlementaire
beaucoup plus "orthodoxe" que celui que connaît la France, les
assemblées y ont un pouvoir effectif nettement plus important, a-t-il
affirmé. M. P. A. Sangma a présenté le Parlement
comme l'enceinte où se décidaient les grandes orientations de la
politique indienne : sur les sujets d'envergure nationale, tels que la
politique étrangère, une "position indienne" n'est adoptée
que lorsqu'un consensus a été dégagé entre les
représentants du Peuple et les représentants des Etats.
Le Président de la Chambre basse a ensuite brossé un portrait
rapide de la situation politique indienne, en insistant sur la
singularité de la composition actuelle du Parlement, marquée par
le poids des partis régionaux.
M. P. A. Sangma a insisté sur la qualité de
l'amitié franco-indienne et sur les possibilités de la renforcer
encore. Il a indiqué qu'il n'existait aujourd'hui aucun groupe
d'amitié consacré à la France au sein du Parlement indien.
Il a souhaité par conséquent la création au sein du Lok
Sabha d'un tel groupe et a affirmé avoir demandé aux leaders de
tous les partis politiques d'identifier les parlementaires susceptibles de le
constituer.
C. DÉJEUNER OFFERT PAR MADAME NAJMA HEPTULLA, VICE-PRÉSIDENT DU RAJYA SABHA
Membre du Parti du Congrès, Mme Najma Heptulla a été
élue par ses pairs Vice-Président de la Chambre Haute en 1985.
Petite-fille de Maulana Azad, fondateur avec Nehru de la République
Indienne, et musulmane modérée, elle est considérée
comme l'interlocuteur indien privilégié des pays arabes, dont
elle parle la langue. Mme Heptulla est aussi Vice-Président de la
conférence interparlementaire, dont une session s'est tenue à
Delhi au mois de février 1997.
Madame Heptulla a organisé en l'honneur des sénateurs un
déjeuner au Parlement. Elle a réuni, à cette occasion,
plusieurs parlementaires représentatifs, membres des principales
commissions ou ayant avec la France un lien particulier, à l'exemple du
député de Pondichéry.
Cette réception très cordiale s'est achevée par un
discours fortement empreint de francophilie de la part du Vice-Président
du Rajya Sabha, qui s'est fait fort d'obtenir rapidement la constitution d'un
groupe d'amitié homologue du groupe français. M. Alloncle
lui a répondu par des remerciements très vifs.
D. ENTRETIEN AVEC M. ATAL BIHARI VAJPAYEE, CHEF DE FILE DE L'OPPOSITION ET PRÉSIDENT DU BJP
Elu au Lok Sabha pour la première fois en 1957, M. Vajpayee
est le chef
du BJP, parti nationaliste hindou, depuis 1993 et préside la commission
des Affaires extérieures du Lok Sabha.
Premier Ministre pendant treize jours en mai 1996, il n'a pu trouver les
soutiens qu'il escomptait dans une assemblée où la
préoccupation laïque dominait ; il a par conséquent
démissionné.
La discussion avec les sénateurs a porté sur les relations
bilatérales entre la France et l'Inde, la politique extérieure et
la situation politique et économique indienne.
Après avoir souhaité aux sénateurs la bienvenue "de la
part de l'opposition", M. Vajpayee a immédiatement ajouté que
l'amitié avec la France transcendait, en Inde, les clivages politiques.
Il a dit attendre avec impatience la venue en Inde du Président de la
République française, prévue, selon lui, pour le prochain
Republic Day (26 janvier 1998).
Si le chef de l'opposition est apparu très heureux que M. Chirac ait
mentionné l'Inde comme un partenaire essentiel, il a exprimé le
souhait que la France se fasse plus nettement l'interprète des
intérêts indiens en Europe. Parlant de l'ASEM (Asia-Europe Meeting
: sommet Europe-Asie), il s'est, en effet, dit "très déçu
que le rapprochement entre l'Europe et l'Asie ignore, pour 0le moment,
l'Inde",
et a affirmé ne pas comprendre comment une telle omission était
envisageable du côté européen.
Evoquant la politique extérieure indienne, le chef de file de
l'opposition a exprimé l'idée très haute qu'il se fait de
la place de l'Inde dans le monde. "La première démocratie du
monde, engagée dans la défense des droits de l'homme et dans la
promotion de la liberté politique", doit tenir son rang sur la
scène asiatique et mondiale. M. Vajpayee a considéré
que l'Inde devait aujourd'hui développer les relations politiques avec
ses voisins et a estimé que la coopération économique
régionale était promise à un grand avenir ;
M. Vajpayee a, en particulier, évoqué la
nécessité de développer les relations économiques
avec le Pakistan et d'élargir la SAARC (South Asian Association for
Regional Cooperation).
Cette attitude d'ouverture au dialogue ne signifie pas que l'Inde doive
renoncer à quelque pan que ce soit de sa souveraineté : c'est
pourquoi le leader du BJP a affirmé qu'il était temps pour l'Inde
d'exercer l'"option nucléaire" et de devenir un Etat doté de
l'arme nucléaire. En effet, si elle est favorable à un monde
totalement dénucléarisé, l'Inde ne peut pour autant rester
dans l'expectative, alors que d'autres puissances poursuivent leurs travaux de
recherche dans ce domaine.
S'agissant de la situation politique indienne et de la place du BJP,
M. Vajpayee a exposé la spécificité du Gouvernement
de M. Deve Gowda, coalition de treize petits partis "dont l'objectif est
de ne
pas laisser le pouvoir aux deux grands". Or, a-t-il affirmé, les
institutions politiques indiennes, héritées du système
parlementaire britannique, sont conçues pour fonctionner avec deux ou
trois grands partis d'alternance. Pour autant, s'il estime que la configuration
politique actuelle est malaisée à gérer, le chef du BJP
considère qu'elle représente une sorte de passage obligé
pour la vie politique indienne. Ainsi, c'est sans amertume aucune qu'il analyse
son expérience avortée comme chef du Gouvernement : n'ayant pas
pu, ni voulu, rechercher le soutien d'autres partis, il dit avoir
démissionné "avec un certain plaisir", et prendre très
à coeur son rôle de chef de l'opposition.
Ce rôle l'investit d'une mission de critique constructive de la politique
gouvernementale. Ainsi, interrogé sur le projet de budget qui venait
d'être déposé devant les chambres, il s'est dit satisfait
des mesures de libéralisation ou d'allégement de la pression
fiscale, mais également soucieux d'une utilisation plus rigoureuse de
l'argent public, qui permettrait d'accroître les sommes allouées
au secteur social, à l'éducation ou encore au
développement rural.
Pour finir, M. Vajpayee a tenu à présenter succinctement les
positions et le rôle de son parti : premier parti d'opposition au centre,
le BJP est au pouvoir dans plusieurs Etats (Rajasthan, Penjab, Maharashtra,
Gujarat). Selon son Président, c'est un parti "centriste", dont les
portes sont ouvertes à tous les citoyens indiens, sans distinction
fondée sur les castes ou les religions.
CHAPITRE II
LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
INDIENNE :
APAISEMENT REGIONAL ET AMBITIONS INTERNATIONALES
I. LA POLITIQUE ETRANGERE DU GOUVERNEMENT DU FRONT UNI : LA " DOCTRINE GUJRAL "
Fondée par Nehru sur le
neutralisme
, la politique étrangère de l'Inde doit aussi être
examinée à la lumière des relations de type conflictuel
qui existent entre ce pays, le Pakistan et la Chine.
L'Inde s'est très tôt affirmée comme le chef de file du
neutralisme : elle fut à l'origine de la conférence de
Bandung en 1955 et de la fondation du mouvement des non-alignés en 1961.
L'Inde a été en guerre à trois reprises avec son voisin,
le
Pakistan
: les conflits de 1948 et de 1965 ont éclaté à propos du
Cachemire, disputé entre les deux pays ; la guerre de 1971 a abouti
à la naissance du Bangladesh. Depuis 1990, l'apparition de troubles dans
le Cachemire indien a provoqué un vif regain de tension entre Delhi et
Islamabad.
Depuis le conflit frontalier de 1962 au cours duquel la
Chine
a occupé une partie du territoire indien, les relations entre Delhi et
Pékin sont restées délicates. Une amélioration
sensible est intervenue depuis la visite du Premier Ministre indien, M. Rajiv
Gandhi, à Pékin en décembre 1988. M. Li Peng, Premier
Ministre chinois, s'est rendu à Delhi fin 1991 et M. Narasimha Rao,
Premier Ministre indien, est allé à Pékin en septembre
1993. Enfin, M. Qiao Shi, Président du Parlement et numéro trois
du régime chinois, a effectué une visite en Inde en novembre 1995.
Les liens avec
l'Union soviétique
se sont essentiellement développés à la suite de la
visite de Khrouchtchev en 1955 mais ils n'ont abouti à un traité
de paix, d'amitié et de coopération qu'en 1971, avant la
dernière guerre indo-pakistanaise, à un moment où les
Etats-Unis s'opposaient à l'indépendance du Bangladesh.
L'effondrement de l'Union soviétique, en 1991, a fait perdre à
l'Inde l'un de ses principaux alliés et partenaires économiques.
Delhi cherche aujourd'hui à développer activement des liens avec
les nouveaux Etats de la CEI. Sans retrouver leur niveau de 1991, les relations
commerciales et économiques avec la Russie se sont fortement accrues
depuis 1993. L'Inde reprend en particulier sa coopération avec la Russie
dans le domaine de l'armement.
1. De meilleures relations avec les petits États voisins : une stratégie indirecte à l'égard du Pakistan
Pragmatique, le Gouvernement du Front Uni pratique une
" diplomatie de
proximité " visant à améliorer le climat dans le
sous-continent indien, en commençant par le plus simple - les relations
avec les petits Etats voisins - et en terminant par le plus difficile - la
relation conflictuelle avec le Pakistan. Le programme du Gouvernement de M.
Deve Gowda le prévoyait. Grâce à la ténacité
et aux talents de négociateur du Ministre des Affaires
étrangères, M. I. K. Gujral, d'importants
progrès ont été réalisés dans cette voie.
Architecte d'un rapprochement de l'Inde avec ses voisins,
M. I. K. Gujral a été à l'origine d'un
infléchissement dans la politique étrangère indienne, vite
qualifié de " doctrine Gujral ". Par le passé, l'Inde
avait parfois profité de sa puissance pour dicter ses conditions aux
nations plus petites et plus faibles de la région. La " doctrine
Gujral " va à l'encontre de cette tentation. M. Gujral s'est en
effet prononcé pour une politique de compromis avec ses voisins en
affirmant que toute négociation ne repose pas nécessairement sur
l'espoir d'une réciprocité : l'Inde étant beaucoup
plus puissante que ces petits voisins, elle doit être disposée
à faire des concessions plus importantes que ceux-ci.
Le bilan de M. I. K. Gujral est assez remarquable :
-
avec le Népal
: deux traités ont été conclus ; ils portent sur la
gestion en commun du bassin de la rivière Mahakali et sur le commerce.
Les concessions indiennes sont évidentes s'agissant de ce second point.
-
avec le Bangladesh
: le contentieux majeur concernant le partage des eaux du Gange, si
nécessaires à l'économie bangladaise et dont le
débit est contrôlé par l'Inde, a été
réglé par un accord signé le 12 décembre 1996.
-
avec le Sri Lanka
: les relations s'améliorent, qu'il s'agisse du contrôle
pratiqué en commun de l'immigration des réfugiés tamouls
du Sri Lanka vers les côtes indiennes ou de la lutte menée dans
chaque pays contre le LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam) dont le capital
de sympathie s'effrite en Inde.
Avec le
Pakistan
, le contentieux demeure sur la question du Cachemire. Toutefois, là
encore, le Gouvernement du Front Uni a fait un geste en proposant la reprise du
dialogue bilatéral interrompu depuis deux ans, en réponse
à un message de félicitations adressé en juin 1996 par Mme
Bhutto. L'Inde et le Pakistan ont ainsi renoué des contacts de haut
niveau à la fin du mois de mars 1997 lorsque les Foreign Secretaries
(Secrétaires généraux des ministères des affaires
étrangères) des deux pays se sont rencontrés à New
Delhi. Lors d'une deuxième rencontre, à Islamabad, le 19 juin
1997, les Foreign Secretaries de l'Inde et du Pakistan ont
procédé à un échange de vues sur «une approche
constructive pour résoudre leurs différends». Une
troisième rencontre est prévue à New Delhi au mois de
septembre prochain. Les négociations entre New Delhi et Islamabad
risquent fort peu d'aboutir prochainement à une vraie
réconciliation entre les deux pays. La reprise du dialogue
témoigne cependant d'un nouveau climat.
2. Une volonté d'intégration aux ensembles asiatiques et l'amorce d'une diplomatie économique
Consciente de la fin du monde bipolaire et de l'émergence
économique de l'Asie du Sud-Est, l'Inde cherche à
s'intégrer aux enceintes asiatiques en gestation.
Le Gouvernement du Front Uni conduit une politique d'ancrage régional
perçue comme essentielle, notamment dans le domaine économique.
L'Inde est associée à l'ASEAN (Association of South East Asian
Nations) depuis décembre 1995 comme " partenaire de
dialogue "
et membre de l'ASEAN Régional Forum (ARF). Elle poursuit
désormais deux objectifs : l'intégration à l'APEC
(Asia-Pacific Economic Cooperation : Coopération économique
Asie-Pacifique), à l'issue du moratoire de Seattle, et la participation
à l'ASEM (Asia-Europe Meeting : sommet Europe-Asie) en 1998 à
Londres. Pour ce faire, elle tente de s'appuyer sur certains pays
européens (Royaume-Uni, Allemagne) mais aussi sur certains
pôles-clés de la " région " : Singapour,
Malaisie, Australie, Afrique du Sud. Avec ces derniers, elle recherche
également une coopération dans le cadre du forum de
l'" Indian Ocean Rim ".
3. Le maintien des équilibres stratégiques avec Moscou, Pékin et Washington
La
Chine
constitue la principale préoccupation de sécurité pour
l'Inde. Sa montée en puissance diplomatique, économique et
militaire, son rôle accru dans la définition des équilibres
asiatiques, conjugués à l'expérience douloureuse du
passé (guerre sino-indienne de 1962) et à la persistance d'un
contentieux frontalier en font un voisin redouté. Le Gouvernement du
Front Uni s'est d'ores et déjà engagé dans la poursuite du
processus lent mais patient de " tranquillisation " de la
frontière, en renforçant, en décembre 1996, l'accord de
1993 sur l'instauration de mesures de confiance. Dans les mois à venir,
des réductions de troupes seront négociées. La discussion
du tracé de la frontière ne viendra qu'en étape ultime du
processus.
Moscou
reste l'allié le plus sûr en dépit du caractère
parfois imprévisible des positions russes. C'est avec la Russie que
l'Inde vient de conclure un très important marché d'armement :
achat, en novembre 1996, de 40 Sukhoi 30 et prochainement de deux sous-marins,
possibilité d'achat de deux réacteurs nucléaires civils.
Mais le soutien de Moscou n'est pas indéfectible - comme l'a
montré la négociation sur le CTBT (Comprehensive Test Ban Treaty
: Traité interdisant les essais nucléaires) - et est surtout
inefficace dans le domaine de la diplomatie économique qui prend chaque
jour plus d'importance. Demeure toutefois une communauté objective
d'intérêts stratégiques vis-à-vis de l'Asie et
surtout face à la montée en puissance de la Chine.
Avec les
Etats-Unis
, la relation est plus complexe. Elle est caractérisée par une
certain ressentiment indien à l'égard de la relation
privilégiée que le Pakistan entretient avec Washington.
Parallèlement, sa politique d'ouverture économique conduit l'Inde
à rechercher un plus grand partenariat avec les Etats-Unis, premier
investisseur en Inde. L'année 1996 a vu plusieurs visites en Inde de
membres du Congrès américain et de chefs d'entreprises. Une
visite du Président Clinton en Inde fin 1997 ou en 1998 n'est pas exclue.
La diplomatie économique, atout vis-à-vis de l'Asie et des
Etats-Unis, l'est aussi vis-à-vis de l'Union Européenne, premier
partenaire économique de l'Inde. Le poids politique des Quinze est
cependant encore mal perçu en Inde, bien que l'on considère
l'Europe comme un contrepoids possible à la puissance américaine.
4. Sur le plan multilatéral, les ambitions demeurent malgré de récents revers
L'ensemble de ces éléments concourent au
déclin de la rhétorique du non-alignement
, même si la conférence ministérielle annuelle du Mouvement
des Non-alignés s'est tenue à New Delhi début avril 1997.
La sensibilité de gauche du Gouvernement du Front Uni l'a conduit
à utiliser cette composante traditionnelle de la diplomatie indienne,
mais avec un succès limité : isolement à l'ONU dans le
débat sur le l'interdiction des essais nucléaires, échec
à l'élection de membre non-permanent du Conseil de
Sécurité face au Japon, négociation en ordre
dispersé à l'Organisation mondiale du commerce, en
décembre 1996, malgré la réunion du G15 à Harare en
novembre de la même année.
La pugnacité de l'Inde reste cependant grande : arguant de la menace
chinoise, elle a refusé de signer le CTBT ; sa mobilisation autour
de l'opposition aux " nouveaux thèmes " à
l'Organisation mondiale du commerce pourrait connaître un second souffle,
tant l'enjeu apparaît fondamental pour une économie
émergente. Par ailleurs, la recherche de coopérations en
matière de lutte contre le terrorisme et d'endiguement du
fondamentalisme islamique ne devrait pas se démentir.
Au plan multilatéral, l'Inde poursuit donc une politique d'affirmation
sur la scène internationale, en tant que puissance régionale
incontournable. Ses ambitions internationales, que traduit notamment sa
candidature à un siège permanent au Conseil de
Sécurité de l'ONU, demeurent malgré les revers subis.
Dans le nouveau Gouvernement installé le 20 avril 1997,
M. I. K. Gujral conserve le portefeuille des affaires
étrangères tout en assurant la charge de Premier Ministre. Le
départ de M. Deve Gowda ne devrait donc pas avoir de conséquences
notables sur la politique étrangère du Gouvernement du Front Uni.
II. UNE AMELIORATION SENSIBLE DES RELATIONS POLITIQUES AVEC LA FRANCE
Les relations entre l'Inde et la France sont
traditionnellement bonnes, comme
en ont notamment témoigné les visites en Inde des
Présidents de la République française (janvier 1980,
novembre 1982 et février 1989) et du Premier Ministre (janvier 1990,
avril 1994), et celles des Premiers Ministres de l'Inde en France (novembre
1981, juin 1985, juillet 1989, novembre 1991, septembre 1992 et juin 1995). En
outre, MM. Dinesh Singh et Pranab Mukherjee, Ministres indiens des Affaires
étrangères, sont venus en visite officielle en France
respectivement en février 1994 et en avril 1995 tandis que M. Alain
Juppé, Ministre français des Affaires étrangères,
s'est rendu en Inde en avril 1994. Enfin, ont été
instituées des consultations bi-annuelles entre les secrétaires
généraux des ministères des Affaires
étrangères des deux pays
Toutefois, les liens qui unissent la France et l'Inde subissent
fréquemment le contrecoup des ventes - ou projets de ventes - d'armement
français au Pakistan. En septembre 1995, l'annonce d'un projet de vente
de 40 Mirage-2000 au Pakistan a ainsi provoqué un sérieux
refroidissement dans les relations franco-indiennes.
Le voyage de la délégation du Groupe sénatorial
France-Inde est intervenu peu après une visite de M. François
d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. M. d'Aubert
avait été le premier membre du Gouvernement français
à se rendre en Inde depuis 18 mois. Le Ministre français de
l'agriculture, M. Philippe Vasseur, s'est également rendu en Inde
au début du mois de mars. Ces visites s'inscrivent dans le cadre d'une
relance du dialogue franco-indien.
L'intérêt très vif suscité par la visite
sénatoriale française témoigne d'un état d'esprit
ouvert et positif envers notre pays au sein du Gouvernement et du Parlement
indiens. La venue de la délégation du Groupe sénatorial
répondait manifestement à une attente si l'on en juge par la
qualité de l'accueil réservé à la
délégation. Tous les interlocuteurs de la
délégation ont confirmé le désir du Gouvernement
indien de relancer les relations bilatérales entre l'Inde et la France.
L'affaire dite du " Galathée " reste cependant un sujet de
préoccupation pour le Gouvernement français. Depuis l'arrestation
de cinq Français, à bord du voilier
" Galathée ", en décembre 1995, l'ambassade de France
à New Delhi et le consulat général de France à
Pondichéry ont fait preuve sans relâche de l'intérêt
actif de la France pour ses ressortissants. M. Hervé de Charette,
Ministre des Affaires étrangères, a évoqué
l'affaire avec M. Inder Kumar Gujral, son homologue indien.
Au début du mois de novembre 1996, le Gouvernement français
nommait un émissaire spécial en la personne de l'ancien Ministre
Jean-François Deniau, afin de résoudre l'affaire. M. Deniau a
séjourné à New Delhi les 12 et 13 novembre 1996. Il a eu
à cette occasion plusieurs entretiens avec des responsables indiens.
Enfin, M. Alloncle, Président du Groupe sénatorial France-Inde, a
évoqué la question avec M. Gujral, chef de la diplomatie
indienne. M. Alloncle a souligné que la procédure durait depuis
très longtemps et a souhaité qu'elle soit activée. Tout en
rappelant le principe de séparation des pouvoirs entre l'exécutif
et le judiciaire, M. Gujral a répondu que le Gouvernement indien
était conscient de la nécessité d'accélérer
la procédure. Le Ministre a ajouté qu'il avait le sentiment que
les Français ne s'étaient pas rendus coupables d'espionnage, mais
qu'ils s'étaient mis dans une situation nécessitant une
procédure judiciaire.
De retour à Paris, la délégation du Groupe
sénatorial a eu la satisfaction de constater que trois des cinq
Français avaient été libérés. Elle
renouvelle ici le souhait que François Clavel et Philippe Ellé
puissent être à leur tour rapidement libérés.
L'affaire du " Galathée "
Les cinq Français - Philippe Ellé, François Clavel,
Thierry Proust, Hervé Blanchet, Pierre-Hugues Lejeune - et le Malgache
Vincent Mathew qui composaient l'équipage du Galathée sont
arrivés dans le port de Cochin le 11 décembre 1995. Ils ont
entrepris des recherches dans les eaux territoriales indiennes sans disposer
des autorisations légales que s'était engagé à
obtenir, avec le soutien d'un député local, leur partenaire
indien. Alors que l'équipage prospectait depuis dix jours dans une zone
située à 15 kilomètres du port de Cochin -
considéré par les autorités indiennes comme une base
navale stratégique - sur l'emplacement présumé du naufrage
d'une caraque portugaise, le Galathée a été
arraisonné. Placé en détention provisoire pour infraction
à la réglementation sur les eaux territoriales et à celle
sur la circulation des étrangers, l'équipage a
bénéficié d'une mise en liberté sous caution avec
assignation à résidence à Cochin le 4 juin 1996.
Le 24 février 1997, le Bureau fédéral d'enquêtes
(CBI), à qui l'affaire avait été confiée,
déposait son rapport d'accusation, attendu depuis plusieurs mois, qui
mettait officiellement en accusation MM. Ellé et Clavel en faisant
référence au " Official Secrets Act " qui
réprime les activités susceptibles d'affecter la
sécurité du pays. Il était reproché aux
Français du Galathée d'avoir utilisé du matériel
sophistiqué de détection sous-marine qui aurait permis de
collecter des informations considérées comme secrètes et
pouvant être utilisées dans la lutte anti-sous-marine.
Le 11 mars 1997, quatre des six membres d'équipage - Thierry Proust,
Hervé Blanchet, Pierre-Hugues Lejeune et le Malgache Vincent Mathew -
bénéficiaient d'un non-lieu prononcé par le tribunal de
Cochin. Ils étaient de retour à Paris le 15 mars 1997.
Philippe Ellé et François Clavel attendent toujours que le juge
chargé du dossier se prononce sur l'acte d'accusation dressé
contre eux par le CBI et décide ou non de leur inculpation formelle.
Pour des raisons de procédure, les auditions de ce juge sont
reportées de semaine en semaine.
III. ENTRETIENS AVEC M I. K. GUJRAL, MINISTRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES ET M. MULAYAM SINGH YADAV, MINISTRE DE LA DÉFENSE
A. ENTRETIEN AVEC M. I. K. GUJRAL, MINISTRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES2 ( * )
L'entretien entre M. I. K. Gujral et la délégation sénatoriale a eu trois axes principaux : les relations bilatérales entre l'Inde et la France, la politique étrangère indienne, surtout dans son environnement immédiat, et l'affaire du Galathée.
1. Les relations entre l'Inde et la France
M. I. K. Gujral a tenu à affirmer, de manière
liminaire, que les rapports de l'Inde avec les pays de l'Union
européenne, et la France en particulier, avaient toujours
été bons. Mis à part le cas du Royaume-Uni, avec lequel
les relations sont bien évidemment étroites, l'Allemagne et la
France sont les pays d'Europe avec lesquels la coopération a
été la plus fructueuse pour l'Inde et son développement.
C'est pourquoi, a affirmé M. I. K. Gujral, le Gouvernement
indien serait très heureux et honoré d'accueillir le
Président de la République française, soit cette
année, soit à l'occasion du prochain Republic Day (26 janvier
1998).
Le Ministre des Affaires extérieures a souligné que l'Union
européenne était le premier partenaire commercial de l'Inde. Il a
aussi rappelé les progrès accomplis depuis 1991 en matière
de libéralisation de l'économie et le souci de l'Inde d'offrir
aux investisseurs étrangers des garanties en termes de stabilité
juridique et politique. Les échanges avec les Quinze, a-t-il
affirmé, sont également nourris au plan politique : pour preuve,
les rapports entre la SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation)
et l'Union européenne et les réunions régulières
entre la troïka et le Ministre des Affaires extérieures indien. La
prochaine rencontre devrait avoir lieu à Bruxelles en juillet 1997.
M. I. K. Gujral a rappelé l'importance des relations
russo-indiennes. Il était à Moscou dix jours auparavant. La
relation entre l'Inde et la Russie a toujours été excellente et
très profitable pour la modernisation de l'industrie indienne ; ceci est
sans aucun lien avec le communisme puisque l'Inde, a rappelé le
Ministre, n'a jamais été communiste. Il a par ailleurs
souligné que l'Inde n'avait jamais conclu d'alliance militaire avec la
Russie.
2. La politique extérieure de l'Inde dans son voisinage : les principaux axes de la " doctrine Gujral "
Dans un deuxième temps, M. I. K. Gujral a
longuement
exposé, à la demande de la délégation
sénatoriale, les principes qui guident aujourd'hui la politique
étrangère indienne, principes dont il est l'inspirateur et qu'on
désigne d'ailleurs sous le nom de " doctrine Gujral ".
L'origine de la démarche indienne procède du constat que la
taille de l'Inde et les ressources de son économie lui imposent de faire
plus pour ses partenaires d'Asie du Sud qu'elle ne doit attendre d'eux. Elle a
donc choisi d'emprunter la voie des concessions unilatérales. C'est
ainsi qu'au 1er avril prochain, l'Inde accordera une réduction tarifaire
de 50 % à ses sept partenaires de la SAARC, engagés dans le
système SAPTA (South Asian Preferential Trade Arrangement), auxquels
elle octroie déjà de nombreux avantages non tarifaires.
Le but final poursuivi par la diplomatie indienne est la constitution, à
l'horizon de l'an 2000, d'une zone de libre-échange en Asie du Sud et,
de manière plus diffuse, le renforcement de la coopération
régionale. Le Ministre s'est attaché à illustrer la
nouvelle politique de rapprochement et d'amitié dont le Gouvernement
indien a eu l'initiative à l'égard de ses voisins, à
travers une énumération éloquente des succès de la
diplomatie de son pays : signature d'un traité sur le partage des eaux
avec le Bangladesh comme avec le Népal, politique de détente et
de coopération avec le Bouthan, les Maldives et Sri Lanka.
En ce qui concerne le Pakistan, l'antagonisme ancré entre les deux pays
a certes empêché, jusqu'à présent, la
concrétisation de la politique de rapprochement. Cependant, M.
I. K. Gujral veut montrer que la bonne volonté indienne est
incontestable : depuis que le Gouvernement de M. Deve Gowda est au
pouvoir, aucune déclaration agressive à l'égard du
Pakistan n'a été proférée. Au contraire, l'Inde,
soucieuse de favoriser le " rapprochement entre les
peuples " indien
et pakistanais, a libéralisé et simplifié sa politique
d'octroi de visas aux ressortissants pakistanais.
L'Inde fonde beaucoup d'espoir sur le Gouvernement qui vient d'accéder
au pouvoir à Islamabad et dit souhaiter renouer le dialogue avec son
voisin. M. I. K. Gujral venait de féliciter son homologue
pakistanais pour sa nomination.
3. L'affaire du Galathée
Alors que l'entretien se concluait, M. Alloncle, Président du Groupe sénatorial France-Inde, a tenu à faire part au Ministre des affaires extérieures de son inquiétude et de son incompréhension à l'égard du sort des Français détenus à Cochin. M. I. K. Gujral a montré qu'il comprenait et partageait ces sentiments ; il s'est d'ailleurs dit très soucieux, à titre personnel, de la situation des détenus. Il a toutefois rappelé que l'affaire était désormais entièrement entre les mains du juge et que le pouvoir du Gouvernement de l'Union était dès lors très limité.
B. ENTRETIEN AVEC M. MULAYAM SINGH YADAV, MINISTRE DE LA DÉFENSE
L'entretien a porté essentiellement sur la conception indienne de la sécurité de son territoire et les relations indo-pakistanaises.
1. Conception de la sécurité de l'Inde
L'Inde, pour assurer sa sécurité, cherche à entretenir les
meilleures relations possibles avec tous ses voisins, a affirmé le
Ministre. Pour autant, elle doit, du fait de son histoire et de sa situation
particulière, assurer sa protection contre toute agression et toute
tentative de déstabilisation pilotée de l'extérieur.
M. Mulayam Singh Yadav a immédiatement ajouté que le Pakistan
était la principale menace pour l'Inde : il en voulait pour preuve les
incidents répétés le long de la frontière
indo-pakistanaise, dont le Pakistan, affirme-t-il, est totalement responsable.
Ce pays chercherait à infiltrer des groupes de militants destinés
à mener des actions terroristes, surtout au Cachemire, dans le but de
déstabiliser l'Inde. D'où l'existence d'une unité
spéciale, les Border Security Forces, chargée de prévenir
et de combattre de telles actions.
Le Ministre de la défense a alors fait part aux sénateurs de son
inquiétude liée aux relations particulières que la France
entretenait avec le Pakistan en matière de défense. Il a
demandé que la France mette fin à ses exportations d'armes vers
ce pays, car ces armes sont, à ses dires, utilisées en
priorité contre l'Inde : pour preuve, le fait que des terroristes
pakistanais aient été arrêtés par les forces
indiennes "en possession d'armes françaises".
2. La coopération franco-indienne dans le domaine de l'armement
M. Alloncle, Président du Groupe sénatorial France-Inde, a reconnu l'existence de ventes d'armes françaises au Pakistan, mais a également fait valoir que notre pays était prêt à développer une coopération avec l'Inde, non seulement dans le domaine de l'armement, mais aussi dans tous les secteurs industriels afin de participer au développement économique indien. Pour établir une telle coopération, il faudrait encore que la France connaisse avec précision les besoins de l'Inde, a-t-il ajouté. La réponse de M. Mulayam Singh Yadav a été catégorique : "l'Inde n'acceptera ni achats d'armements français, ni développement de la coopération dans le domaine de l'industrie de défense, tant que la France vendra des armes au Pakistan".
3. Le nucléaire
La délégation française a enfin interrogé le Ministre sur la poursuite du programme nucléaire indien, en dépit des traités internationaux se rapportant à cette matière : selon M. Mulayam Singh Yadav, l'Inde continue son programme nucléaire, mais "à des fins purement pacifiques".
CHAPITRE III
L'ECONOMIE INDIENNE :
CONJONCTURE
FAVORABLE ET POURSUITE DES REFORMES
Après plusieurs années de réforme, l'économie indienne connaît actuellement une période de croissance économique soutenue avec un taux annuel de 7,2 % en 1994-1995, 7,1 % en 1995-1996 et probablement 6,8 % en 1996-1997. L'économie indienne souffre cependant encore de handicaps qui freinent le décollage économique du pays. La nouvelle vague de réformes entreprise par le Gouvernement du Front Uni pourrait permettre à l'Inde de conserver durablement un taux de croissance élevé.
I. LA SITUATION EXTÉRIEURE DE L'INDE S'EST NETTEMENT AMÉLIORÉE DEPUIS LA CRISE DE BALANCE DES PAIEMENTS DE 1991
A. LE DÉFICIT DE LA BALANCE DES TRANSACTIONS COURANTES EST MAITRÎSÉ
L'année budgétaire 1995-1996 avait été caractérisée par une dégradation du déficit courant atteignant 5,2 milliards de dollars (soit 1,6 % du PIB), suite à une envolée des importations (+ 30 %) qui avait fortement aggravé le déficit de la balance commerciale (8,6 milliards de dollars en 1995-1996, contre 4,8 milliards de dollars en 1994-1995). Actuellement, en dépit d'une légère décélération du taux de croissance des exportations, le fort ralentissement de la croissance des importations (notamment de biens d'équipement) devrait permettre de limiter le déficit commercial et de stabiliser le déficit courant à 2 % du PIB. Les réserves de change n'ont cessé de croître depuis avril 1996 pour atteindre, à la fin décembre 1996, 19,8 milliards de dollars (hors DTS et or).
B. LES FLUX D'INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER SONT CROISSANTS.
L'investissement direct étranger croît régulièrement. Cependant, son montant demeure faible. Il s'élevait, en 1994-1995, à 1,3 milliards de dollars, 2 milliards en 1995-1996. Les estimations pour 1996-1997 sont de 2,75 milliards de dollars. Le financement de la balance des transactions courantes se fait encore largement par investissements de portefeuille, qui par définition sont des capitaux volatiles. La situation extérieure de l'Inde est encore tributaire du comportement des investisseurs institutionnels étrangers.
II. LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE RESTE FORTE
La croissance du PIB devrait se situer en 1996-1997 entre
6,5 % et
6,8 %. Au début des années 90, la croissance n'était
que de 0,9 % par an. La croissance industrielle ne devrait pas atteindre
les niveaux de l'an passé, mais une prévision de 9 ou 10 % est
réaliste. La croissance de la production agricole devrait se situer aux
alentours de 4,5 % (0,9 % l'an passé) en raison d'une bonne mousson.
L'inflation, même si elle a tendance actuellement à augmenter,
devrait se maintenir entre 9 et 10 %.
Même si l'économie indienne paraît en relative bonne
santé à court terme, il semblerait que le modèle
économique indien ait pourtant atteint ses limites. A long terme, si le
Gouvernement veut stimuler la croissance et réaliser son objectif d'une
croissance durable de 7 %, un assainissement du déficit public et
une seconde vague de réformes économiques vont s'imposer.
Le revenu par habitant reste encore très faible (350 $) : pour le
doubler, il faudrait une croissance économique supérieure
à 8 % pendant au moins une dizaine d'années.
III. DES HANDICAPS PERSISTANTS ET STRUCTURELS SUBSISTENT NEANMOINS
A. LE DÉFICIT PUBLIC RESTE ÉLEVÉ.
Evalué à 9,2 % du PIB en 1995-1996 (dont 5,9 % pour le déficit du seul Gouvernement central), le déficit public est financé largement par émissions de bons du Trésor, qui pèsent sur les taux d'intérêt (taux d'intérêt réels de 10 %) et exercent un fort effet d'éviction sur l'investissement privé. En dépit de l'instauration d'un impôt sur le profit des entreprises, la " Minimum Alternate Tax ", qui devrait accroître les recettes fiscales, l'objectif de réduction du déficit budgétaire à 5 % du PIB en 1996-1997 sera difficile à atteindre : le chiffre définitif devrait être plus proche de 5,5 %. Le Gouvernement escomptait 50 milliards de roupies (1,8 milliard de dollars) de recettes de privatisation ; le résultat final sera vraisemblablement de 10 milliards de roupies (0,36 milliard de dollars).
B. LA DETTE INTÉRIEURE PESE SUR L'ECONOMIE
La dette intérieure reste importante et le fort déficit public ne permet pas de la résorber efficacement. En pourcentage du PIB, la part de la dette intérieure diminue mais demeure encore élevée : 27,8 % en 1995-1996 contre 28,2 % en 1994-1995). Cela pénalise l'épargne nationale qui est relativement faible (24 % du PIB), en raison d'une épargne publique (2,1 % du PIB) pratiquement inexistante, l'essentiel des recettes étant affecté au service de la dette.
C. LES INFRASTRUCTURES RESTENT INSUFFISANTES
L'Inde souffre encore d'un développement insuffisant de ses infrastructures, ce qui freine considérablement le développement économique du pays. Le budget 1996-1997 prévoyait la création d'un organisme, l'" Infrastructure Development Finance Company ", chargé de fournir un financement de long terme pour des projets de grande ampleur. La mise en place de cet organisme est encore à l'étude.
IV. LE GOUVERNEMENT DU FRONT UNI POURSUIT LA POLITIQUE DE REFORMES ECONOMIQUES
A. LE BUDGET 1996-1997 ET LE PROJET DE BUDGET 1997-1998 TÉMOIGNENT DE LA POURSUITE DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES
Le Front Uni poursuit le processus de réformes économiques
engagé en 1991. Les deux meilleurs gages de cette continuité sont
la présence de M. Deve Gowda à la tête du premier
Gouvernement de Front Uni, qui, dans le Karnataka, a mis en oeuvre une
politique favorable à l'ouverture aux investissements étrangers,
et celle de M. P. Chidambaram, l'un des principaux artisans des
réformes menées depuis 1991, comme Ministre des finances.
Les premières orientations économiques et budgétaires de
la coalition gouvernementale dirigée par M. Deve Gowda se sont
inscrites dans la continuité du processus de réformes
engagées il y a cinq ans. Dans la foulée du Common Minimum
Programme (CMP), sorte de plate-forme politique commune avalisée par
l'ensemble des composantes de l'actuelle majorité, le budget de
l'année 1996-1997 (1
er
avril 1996 - 31 mars 1997) prend non seulement acte des
résultats passés mais plaide également pour une extension
et un approfondissement de la politique d'ouverture et de
libéralisation.
Les grandes lignes du budget 1996-1997 se veulent à la fois
délibérément réformatrices et politiquement
accommodantes. Le premier budget du Gouvernement du Front Uni est donc un
budget de compromis qui assure la poursuite du processus des réformes,
même si les dépenses courantes n'ont pas été
réduites. Il prévoit notamment :
- le soutien à l'investissement dans le secteur des infrastructures
(création de l'Infrastructure Development Finance Company et incitations
fiscales variées) ;
- la privatisation, par l'intermédiaire d'une commission
ad hoc
, des entreprises publiques non rentables et dans des secteurs non
prioritaires
;
- la rationalisation et la simplification du système fiscal
(instauration de la Minimum Alternate Tax, allégement de l'impôt
sur les bas salaires, baisse des droits de douane malgré une surtaxe
générale de 2%, diminution de la surtaxe s'appliquant à
l'impôt sur les sociétés...) ;
- la poursuite de l'ouverture des marchés financiers aux
investisseurs institutionnels étrangers ;
- l'accroissement des ressources allouées à l'agriculture.
La rationalisation de la structure des droits de douane et la simplification
des procédures sont inscrites dans le budget 1996-97. Bien qu'un droit
de douane spécial de 2% ait été appliqué sur
l'ensemble des biens importés à l'exception des produits à
taux nul, le budget prévoit des réductions de droits et des pics
tarifaires sur plusieurs gammes de produits (engrais, produits pharmaceutiques,
chimie organique, plastiques, composants électroniques etc.), avec pour
objectif de ramener la moyenne tarifaire à 25%.
Le projet de budget pour 1997-1998, présenté par
M. Chidambaram le 28 février 1997, soit quelques jours avant la
chute du Gouvernement de M. Deve Gowda, témoigne d'un souci encore
accru d'accélérer le processus des réformes
économiques. Il prévoit notamment en effet :
- la diminution de l'impôt sur les sociétés de
40 % à 35 % pour les entreprises indiennes (le taux pour les
entreprises étrangères étant quant à lui
ramené à 48 %) ;
- une franchise d'impôt pour les revenus tirés de
l'exportation ;
- la diminution des taux d'imposition sur le revenu pour les particuliers
ainsi que l'augmentation des seuils des différentes tranches ;
- la réduction du pic tarifaire douanier de 50 % à
40 %.
- certaines mesures favorables aux investissements étrangers
(suppression de l'impôt sur les dividendes, diminution de l'imposition
sur les droits de brevets étrangers...) ;
- des incitations aux investissements dans l'exploration
pétrolière.
Le Gouvernement prévoit en outre de limiter le déficit
budgétaire à 4,5 % du PIB. Ce projet de budget a
été accueilli très favorablement par la population et par
les milieux d'affaires indiens et étrangers.
B. LE REMPLACEMENT DE M. GOWDA PAR M. I. K. GUJRAL NE DEVRAIT PAS RALENTIR LE RYTHME DES RÉFORMES ECONOMIQUES
Les tenants du libéralisme se sont inquiétés des
conséquences de l'arrivée de M. I. K. Gujral sur le
processus des réformes économiques. En effet, le nouveau Premier
Ministre est de sensibilité de gauche et fut ambassadeur à Moscou
quand l'Inde jouissait avec l'Union soviétique d'une relation
privilégiée. Le nouveau Premier Ministre a cependant
souhaité rassurer les investisseurs en déclarant qu'il entendait
" approfondir et élargir " les réformes d'inspiration
libérale lancées il y a six ans par le Gouvernement du
Congrès dirigé par M. Narasimha Rao.
La composition du Gouvernement de M. I. K. Gujral est
très proche de celle de l'ancien cabinet. A la demande du Premier
Ministre, M. Chidambaram, dont le parti a quitté la coalition, a
accepté de conserver son portefeuille de Ministre des finances. Cet
élément semble avoir définitivement rassuré les
investisseurs et les milieux d'affaires quant à la poursuite des
réformes économiques.
CHAPITRE IV
LA COOPERATION ENTRE LA FRANCE ET L'INDE :
DES PERSPECTIVES PROMETTEUSES
I. LE RENFORCEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES
Lors de son séjour, la délégation du Groupe
sénatorial a eu l'occasion d'aborder la réalité
économique indienne. Dans les environs de Bombay, elle a pu visiter
"Peugeot-PAL", entreprise de 2000 salariés localisée à
Kalyan. Cette entreprise, "joint-venture" entre Peugeot et le
constructeur
indien "premier Auto LTD" a pour objet de produire en Inde la Peugeot
309 et
constitue l'un des investissements français les plus importants
réalisés dans ce pays depuis le début de la politique de
libéralisation économique. Les responsables de Peugeot,
après avoir dressé un tableau des tendances du marché
automobile indien (expansion du marché, arrivée des grands
constructeurs internationaux...), ont décrit les orientations du
constructeur français et ont exposé les forces et les faiblesses
de leur partenariat en Inde, la qualité du personnel indien comme les
tensions sociales dont l'usine a été le cadre.
De retour à Delhi, les sénateurs ont participé à un
déjeuner de travail, organisé à leur intention par M.
Binay Kumar, Président du Chapitre Nord de la Chambre de Commerce
Indo-française. Ils se sont enquis des conditions de travail et
d'investissement en Inde et des perspectives de développement de notre
présence économique dans ce pays.
A. LA POSITION COMMERCIALE DE LA FRANCE EN INDE EST ENCORE FAIBLE
La France reste un partenaire modeste pour l'Inde. Elle
n'est que le
12ème fournisseur de l'Inde avec une part de marché de 2,3 %
en 1995-96. La position française est de fait trois fois
inférieure à celle de l'Allemagne, qui a fait de l'Inde l'une de
ses priorités en matière de politique commerciale.
S'agissant des exportations indiennes vers la France, celles-ci ne
représentent que 2,35 % du total des exportations indiennes
(1995-96) : la France n'est que le 13ème client de l'Inde.
S'agissant des investissements en Inde, notre pays occupe le 8ème rang
pour les investissements cumulés entre 1992-93 et 1995-96,
derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l'Allemagne, les
Pays-Bas, Hong Kong et la Suisse.
Si le niveau de notre présence en Inde et l'intensité des
relations bilatérales progressent d'année en année, ils
n'en demeurent pas moins insuffisants alors même que la politique de
libéralisation et d'ouverture économique et commerciale de l'Inde
fait sentir ses effets. Malgré son évolution, l'Inde conserve
l'image d'un pays difficile auprès de nos entreprises du fait notamment
de contentieux commerciaux franco-indiens aujourd'hui résolus. Des
opérations industrielles encourageantes, la circulation d'une meilleure
information et des contacts officiels fructueux ont néanmoins permis un
certain renversement de tendance qui doit être amplifié.
B. ...MAIS SE RENFORCE
Un grand nombre d'opérations et de projets économiques
significatifs ont été entrepris par des entreprises
françaises en Inde au cours des derniers mois. Ces réalisations
illustrent le renforcement des relations économiques entre l'Inde et la
France et sont autant d'exemples de l'expansion de la coopération entre
les entreprises des deux pays.
Plusieurs projets d'investissement français sont en cours de
négociation dans des secteurs tels que l'aéronautique, les
télécommunications, l'espace, le pétrole et le gaz
naturel. La réalisation de ces projets permettra de développer de
façon substantielle la présence économique
française en Inde. La France se situe ainsi au 4ème rang des
investissements directs étrangers approuvés de janvier à
septembre 1996, pour un montant total de 12 milliards de roupies (environ 2
milliards de francs).
Les échanges commerciaux entre les deux pays sont également plus
substantiels, bien qu'ils ne soient pas aussi dynamiques que le laisserait
espérer le potentiel existant. La récente évolution du
commerce franco-indien est encourageante et doit être renforcée.
Après une période de baisse jusqu'en 1992, le volume total de nos
échanges avec l'Inde progresse à nouveau. Les exportations
françaises ont augmenté de 18% entre 1994 et 1995. Le volume
global d'échanges commerciaux entre l'Inde et la France s'élevait
à 10,8 milliards de francs en 1995. Durant les huit premiers mois de
1996, les exportations françaises vers l'Inde ont augmenté de
20 % et ses importations de 5 % par rapport à la même
période de 1995.
Nos relations commerciales dans certains secteurs clés tels que le
matériel électrique, les produits énergétiques et
l'automobile s'accroissent de façon remarquable. La diversification de
la structure des échanges franco-indiens est bien engagée :
l'Inde pourvoit désormais la France non seulement en cuir, coton et
vêtements (46% des exportations indiennes) mais aussi, de façon
croissante, en produits alimentaires (15%) et chimiques (9%). Des
filières nouvelles s'ouvrent, telles que l'électronique, le
caoutchouc, les produits pharmaceutiques, le granit et les produits de
consommation durable, dont les taux de croissance sont prometteurs.
Les exportations françaises en Inde sont constituées
majoritairement de produits manufacturés (95%) et comprennent surtout
des biens de production (57%) ainsi que des produits de haute technologie :
machineries, équipement de transport, matériel de
télécommunications, ainsi que des infrastructures
mécaniques et électriques. Cette esquisse démontre la
complémentarité des échanges franco-indiens et les
synergies potentielles entre les deux pays. L'Inde voit la France comme une
importante source de technologie pour ces industries.
Ces résultats positifs sont, pour une bonne part, le fruit des efforts
bilatéraux des organismes officiels. Le réseau des services
d'expansion économique français s'est élargi pour mieux
couvrir le territoire indien, avec de nouveaux bureaux à Bangalore et
des relations plus étroites avec Calcutta. La chambre de commerce
Indo-française aussi bien que la chambre de commerce Franco-indienne ont
pris une large part à l'intensification des relations économiques
bilatérales ; leurs activités respectives sont maintenant
étroitement liées par un accord de collaboration signé
durant l'été 1996.
Enfin, outre l'aide financière bilatérale actuellement
proposée à l'Inde qui s'élève à 80 millions
de dollars US en 1995 et 1996 (+25% par rapport à 1994), la France est
l'un des plus importants contributeurs aux programmes de soutien
multilatéraux, notamment par l'intermédiaire de l'Union
européenne. Un accord bilatéral de promotion et de protection des
investissements a été approuvé en novembre 1995 par le
Conseil des Ministres de l'Union. Cet accord constituera une étape
importante vers la formalisation du cadre légal de notre action
économique commune.
II. LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
A. LES GRANDS AXES DE LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
La coopération scientifique et technique entre la France et
l'Inde est
aujourd'hui particulièrement développée. Elle repose tout
d'abord sur le Centre Franco-Indien pour la promotion de la recherche
avancée (CEFIPRA), créé en 1987 pour mettre en place,
piloter et financer des programmes de recherche de pointe menés en
commun par des équipes scientifiques indiennes et françaises de
haut niveau. Implanté à New Delhi, le CEFIPRA est placé
sous la tutelle conjointe des Gouvernements indien et français. Depuis
sa création, le CEFIPRA a permis l'échange de plus de 1000
scientifiques entre l'Inde et la France et a organisé 28
séminaires dans les deux pays.
En outre, des programmes de coopération scientifique existent entre :
- l'Indian Council for Agricultural Research (ICAR) et l'Institut National
de Recherche Agricole (INRA) ;
- l'Indian Council for Medical Research (ICMR) l'Institut National de la
Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) ;
- l'Indian Academy of Sciences et l'Académie des Sciences ;
- le Council for Scientific and Industrial Research (CSIR) et le Centre
National de la Recherche Scientifique (CNRS).
La France et l'Inde ont développé des collaborations dans les
domaines de l'astronomie, de l'astrophysique et de l'océanographie. La
coopération instaurée en mathématiques pures et
appliquées, domaines d'excellence des deux pays, est un succès
qui associe aux universités françaises des organismes indiens
tels que Tata Institute of Fundamental Research, le Raman Institute et
l'Université de Pondichéry.
Dans le secteur de l'agronomie, le Centre de coopération internationale
en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) de Montpellier
s'est associé à plusieurs partenaires indiens renommés
(Central Food Technological Research Institute, Central Institute of
Agricultural Engineering) pour développer des programmes de conception
de matériel agricole par ordinateur, de biotechnologie des fruits et de
traitement du riz basmati.
Dans le secteur médical, la France et l'Inde sont impliquées dans
des programmes communs dans les domaines de la lutte contre les cancers de la
tête et du cou, de la recherche sur le SIDA, de l'imagerie
médicale par résonance magnétique nucléaire, de la
mise au point de nouveaux médicaments, de la lutte contre le paludisme.
Enfin, M. François d'Aubert, Secrétaire d'Etat à la
Recherche, s'est rendu en Inde en visite officielle à la fin du mois de
janvier 1997. Cette visite devrait déboucher sur une coopération
scientifique et technique accrue entre la France et l'Inde. L'entretien
accordé à la délégation sénatoriale par
M. Y. K. Alagh, Ministre délégué à
la planification, à la science et à la technologie,
témoigne en effet des potentialités considérables de
coopération entre les deux pays dans les domaines scientifiques.
B. ENTRETIEN AVEC M. Y. K. ALAGH, MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA PLANIFICATION, À LA SCIENCE ET À LA TECHNOLOGIE
La délégation sénatoriale a eu avec le professeur
Y. K. Alagh, Ministre délégué à la
planification, à la science et à la technologie, une entrevue
particulièrement longue et cordiale : la coopération scientifique
et technique franco-indienne, l'énergie nucléaire et les
biotechnologies ont constitué le coeur de cet entretien. Le Ministre a
appelé de ses voeux un développement aussi poussé que
possible des partenariats franco-indiens dans des domaines très divers.
Le professeur Y. K. Alagh, agro-économiste de renommée
internationale, était, jusqu'en juin 1996, Vice-chancelier de
l'université Jawaharlal Nehru où il se distingua par ses prises
de position en faveur de la privatisation de l'enseignement supérieur.
Nommé Ministre délégué à la planification et
à la mise en oeuvre des programmes, en charge également de la
science et de la technologie, il est également Président de la
Commission du plan et du « Council for scientific and industrial
research » (C.S.I.R.).
1. Les relations franco-indiennes et la coopération scientifique et technique entre les deux pays
M. Alloncle, Président du Groupe sénatorial France-Inde, a
tout
d'abord exprimé au Ministre son admiration pour le niveau scientifique
de l'Inde et l'a assuré que les capacités informatiques,
nucléaires et spatiales de son pays étaient amplement reconnues
en France.
L'Inde fait, depuis toujours, très grand cas des bons résultats
de sa coopération scientifique avec la France, a affirmé le
professeur Alagh. Toutefois, les échanges et les investissements
n'atteignent pas les niveaux espérés par les Indiens : c'est
pourquoi, de leur point de vue, la visite de M. d'Aubert apparaissait
essentielle et s'est avérée très fructueuse.
Deux secteurs offrent, selon le Ministre, des perspectives
particulièrement intéressantes pour la coopération entre
la France et l'Inde : les télécommunications et l'espace. L'Inde
entend consacrer des moyens importants à ses ambitions en matière
spatiale. Elle a, en effet, pour objectif d'être en mesure de satelliser
une masse de 3 tonnes, contre 1,5 tonnes aujourd'hui. Quant aux
télécommunications, le prochain satellite indien sera
prochainement mis en orbite par la fusée Ariane, a rappelé le
Ministre.
2. L'énergie nucléaire en Inde
L'Inde est confrontée à un grave déficit de ses
capacités énergétiques. Cette situation
préoccupante inquiète beaucoup le Gouvernement de M. Deve Gowda.
En effet, le déficit énergétique, de 8 à 10 %
en moyenne, atteint 30 % pendant les chaleurs les plus fortes.
Or, le Ministre considère que les besoins d'investissements
privés dans ce secteur ont été largement
sous-estimés depuis quelques années, si bien que l'on ne peut
s'attendre à une amélioration prochaine de la situation, vu les
délais requis pour la mise en place de nouvelles capacités. Aussi
l'énergie est-elle l'une des priorités les plus pressantes du
Gouvernement actuel. Le Ministre a indiqué qu'il entendait
privilégier le développement des petites centrales
privées, d'une capacité inférieure à 250 MW. Selon
les projections à moyen terme, la demande totale d'énergie
devrait s'élever, dans les années à venir, à 45.000
MW.
Désireux de promouvoir le plus possible la transparence afin d'attirer
les capitaux privés, le Gouvernement indien a aussi engagé une
séparation comptable de la production et du transport de
l'énergie, qui se traduira par une double tarification du prix de
celle-ci.
L'Inde a une juste appréciation des possibilités de
coopération avec la France dans ce domaine, a affirmé le
Ministre. Il s'est montré particulièrement désireux
d'élargir les projets franco-indiens en matière d'énergie
hydraulique. Il a également évoqué la coopération
entre les deux pays dans le domaine de l'énergie nucléaire qui,
selon lui, s'est interrompue au début des années 1980. Depuis,
l'Inde s'est dotée de réacteurs à eau pressurisée
dont la technologie est d'origine allemande. Les centrales qui fonctionnent
avec de tels réacteurs se sont multipliées (1000 MW de
capacités supplémentaires entreront en service cette
année, et autant l'année prochaine) ; elles dégagent
des bénéfices, mais leur nombre demeure insuffisant : il
s'agit donc, de l'avis du Ministre, d'une terre d'élection pour les
investissements privés étrangers.
L'Inde fait figure de modèle parmi tous les pays qui disposent de la
technologie nucléaire, a affirmé M. Alagh. Elle respecte
scrupuleusement ses obligations en matière de sécurité et
accepte tous les contrôles de l'Agence internationale de l'énergie
atomique. De surcroît, il existe dans ce domaine, en Inde, un organe de
contrôle parfaitement indépendant : la Commission de
régulation de l'énergie nucléaire, dont le
Président aurait le pouvoir de décider, seul, la fermeture d'une
centrale.
S'agissant du développement de capacités nucléaires
militaires, le Ministre a affirmé que ceci n'était pas à
l'ordre du jour.
Par ailleurs, les sénateurs se sont enquis des méthodes de
stockage des déchets nucléaires dont dispose l'Inde. Le Ministre
a reconnu que son pays, s'il n'était pas encore en mesure d'utiliser les
techniques de traitement des déchets les plus propres, escomptait des
progrès rapides du fait, notamment, du développement des
technologies fondées sur le thorium.
3. Les biotechnologies et l'agro-alimentaire
Le professeur Alagh a mis également l'accent sur le
développement
de la coopération avec la France en matière de biotechnologies.
Il a longuement évoqué, avec les membres de la
délégation, les applications des biotechnologies dans les
secteurs de l'agro-alimentaire, de l'amélioration des espèces, de
la production de vaccins et de kits de diagnostic.
Les investissements français en Inde dans le domaine agro-alimentaire,
tout comme les importations de l'Inde, croissent, selon le Ministre, à
un rythme de 18 à 20 % par an. Les restrictions commerciales ne cessent
parallèlement de s'amenuiser. Les performances de l'agriculture
indienne, conjuguées à un taux de change de la roupie
désormais plus réaliste, lui permettent d'être de plus en
plus exportatrice.
III. LA COOPÉRATION EDUCATIVE, LINGUISTIQUE ET CULTURELLE
A. LES GRANDS AXES DE LA COOPERATION EDUCATIVE, LINGUISTIQUE ET CULTURELLE
La coopération éducative, linguistique et culturelle est
relativement développée entre la France et l'Inde ; eu
égard aux dimensions de l'Inde, à l'immensité de sa
population et à la richesse de sa culture, elle paraît cependant
encore modeste.
La coopération linguistique et éducative, qui a pour tâche
de développer l'apprentissage de la langue française à
tous les niveaux de l'enseignement scolaire et universitaire indien, se traduit
par des formations dispensées aux professeurs indiens de français
et par la fourniture de matériel pédagogique pour l'enseignement
du français.
En dépit de la concurrence des langues indiennes obligatoires (le hindi
et la langue locale), quelques 240.000 élèves apprennent le
français dans les établissements d'enseignement secondaire. Le
français, toujours première langue étrangère
enseignée - l'anglais n'est pas considéré comme telle -,
est en nette progression et rassemble quelque 3.000 à 3.500 enseignants.
L'enseignement supérieur qui regroupe les "colleges", les
universités et les instituts professionnels, compte quant à lui
60.000 étudiants apprenant le français pour environ 500
enseignants.
Malgré ces efforts, les établissements scolaires indiens
enseignent encore peu le français. Le réseau des Alliances
françaises, qui compte 15 centres en Inde, joue dès lors un
rôle complémentaire très important en matière
d'enseignement du français. Les Alliances françaises sont
également le cadre de manifestations culturelles consacrées
à la France.
Une action spécifique de soutien à la diffusion du livre
français en Inde est menée par le Bureau du livre ; celui-ci
réalise des traductions et éditions ; il organise et anime
également diverses manifestations autour du thème du livre
français. La France a été cette année
l'invité d'honneur de la Foire du Livre de Calcutta, inaugurée
par le Professeur Jacques Derrida.
Pondichéry reste en outre un lieu de rencontre culturel important entre
la France et l'Inde ; le territoire abrite en effet l'Institut français
de Pondichéry, créé en 1956 pour étudier la
civilisation, l'histoire et la société indiennes, et l'Ecole
française d'Extrême-Orient, établie à
Pondichéry en 1955, qui participe à la conservation du patrimoine
culturel indien.
Enfin, la France partage avec l'Inde la passion du septième art et
poursuit une coopération particulièrement active dans ce domaine.
Lors de leur séjour à Delhi, les sénateurs de la
délégation ont ainsi pu prendre part à l'inauguration des
"Nuits du cinéma français", organisé par l'ambassade de
France, avec la projection du film "Le hussard sur le toit" de
Jean-Paul
Rappeneau.
B. ENTRETIEN AVEC M. S. R. BOMMAI, MINISTRE CHARGÉ DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES.
Afin de mieux comprendre la politique éducative du
Gouvernement du Front
Uni, la délégation du Groupe sénatorial a rencontré
M. S. R. Bommai, Ministre chargé du développement
des ressources humaines.
En préambule, M. Bommai a expliqué que son ministère avait
une lourde responsabilité : celle de la formation de l'Inde de demain.
Il a ensuite rappelé les principales orientations du Gouvernement de M.
Deve Gowda dans les domaines social, éducatif et culturel :
- la lutte contre l'analphabétisme, avec pour objectif
affiché que l'ensemble de la population indienne soit à terme
alphabétisée (seule la moitié l'est aujourd'hui) ;
- le développement du sport, en encourageant la pratique sportive
dans les écoles et à l'Université ;
- la promotion de la femme, avec un projet de loi réservant un
certain quota de sièges au Parlement pour les femmes.
- le lancement d'un programme en faveur de l'alimentation des enfants. A
ce sujet, le Ministre a déclaré que l'aide de la France serait
nécessaire et bienvenue.
- un effort en faveur de la culture, par l'encouragement des arts, le
soutien à la littérature...
Le Ministre a indiqué que le 15 août 1997 allaient commencer
à travers le monde de nombreuses cérémonies de
commémoration du 50ème anniversaire de l'indépendance de
l'Inde. Il a souhaité que la France s'associe à cette
commémoration.
L'entretien a porté ensuite essentiellement sur la politique scolaire et
éducative de l'Inde et sur les possibilités de coopération
entre la France et l'Inde en ce domaine.
Le Ministre a tout d'abord expliqué que l'enseignement primaire et
secondaire était, en Inde, de la compétence des différents
Etats. Evoquant la politique éducative du Gouvernement,
M. S. R. Bommai a indiqué que celui-ci souhaitait rendre
la scolarité obligatoire. Il a ajouté que le taux national de
scolarisation n'était aujourd'hui que de 60 %, le taux de
scolarisation étant supérieur à cette moyenne dans les
Etats du sud de l'Inde et inférieur au nord.
Le Ministre a reconnu que les besoins étaient énormes tant en
termes d'infrastructures scolaires que d'enseignants. Il a expliqué que
l'Inde bénéficiait de l'aide de nombreux pays - notamment le
Royaume Uni - ainsi que de la Banque mondiale pour construire des écoles
et former des enseignants. Il a ajouté que la France pouvait aider
l'Inde dans cet immense effort en faveur d'une scolarité pour tous.
CONCLUSION
Au moment où elle s'apprête à célébrer le
cinquantenaire de son indépendance, l'Inde fait l'expérience
d'une situation politique inédite : elle est gouvernée par une
coalition de partis de gauche - le Front Uni - qui bénéficie du
soutien sans participation du Parti du Congrès. Malgré sa
fragilité, le Gouvernement du Front Uni pourrait rester en place plus
longtemps qu'on ne le croit généralement : aucun parti n'a en
effet aujourd'hui intérêt à des élections
anticipées. Les nationalistes hindous du BJP restent minoritaires et
isolés dans le pays tandis que le Congrès doit achever sa
restructuration avant de briguer à nouveau le pouvoir.
Le Gouvernement du Front Uni conduit une politique relativement novatrice. Sur
le plan intérieur, il mène une action à dominante sociale
tout en poursuivant les réformes de libéralisation
économique initiées par les Gouvernements
précédents. Sur le plan extérieur, l'arrivée du
Front Uni s'est traduite par un renouveau de la diplomatie indienne qui cherche
aujourd'hui à apaiser les tensions au sein du sous-continent. A cet
égard, la délégation du Groupe sénatorial
France-Inde ne peut que se réjouir de la reprise récente du
dialogue entre l'Inde et le Pakistan.
La visite de la délégation du Groupe sénatorial
France-Inde répondait à une attente si l'on en juge par la
qualité de l'accueil réservé à la
délégation. L'intérêt très vif suscité
par le déplacement des sénateurs français est
particulièrement instructif : il témoigne d'un état
d'esprit ouvert et positif envers notre pays au sein du Gouvernement et du
Parlement indiens.
Les relations politiques entre la France et l'Inde sont en voie de sensible
amélioration : tous les interlocuteurs de la délégation
ont confirmé le désir du Gouvernement indien de relancer les
relations bilatérales à haut niveau entre l'Inde et la France.
Les Présidents des deux chambres du Parlement ont, en outre,
exprimé l'intention de susciter rapidement la création de groupes
d'amitié homologues du groupe français représenté
par les sénateurs. Les interlocuteurs de la délégation se
sont réjouis de la venue en Inde d'une mission de parlementaires et se
sont montrés désireux d'envoyer, à leur tour, de telles
délégations en France : aux yeux des Indiens, les échanges
entre parlementaires constituent l'un des canaux privilégiés pour
renforcer les relations politiques entre nos deux pays.
FICHE SIGNALÉTIQUE DE L'INDE
Principaux indicateurs :
. Superficie |
: 3 280 263 km 2 |
. Population |
: 950 M (estimation septembre 1996) |
. Densité |
: 290 hab/km 2 |
. Taux d'alphabétisation |
: 52 % |
. Croissance démographique |
: 1,9 % |
. PIB |
: 329 Mds USD (1995/96) |
. PIB/Habitant |
: 357 USD (1995/96) |
. Croissance du PIB |
: + 7,1 % (1995/96) |
. Solde de la balance commerciale |
: - 4,539 Mds USD |
. Balance courante |
: - 5,487 Mds USD |
.. Inflation |
: 7,7 % (1995/96) |
. Dette extérieure |
: 97,2 Mds USD |
. Ratio du service de la dette |
: 26,3 % (1995/96) |
. Réserves en devises |
: 17,046 Mds USD |
Nature de l'Etat :
Fédération de 25 Etats et 7 Territoires
Nature du régime :
Démocratie parlementaire
Chef de l'Etat :
M. Shankar Dayal SHARMA
Premier Ministre :
M. Deve GOWDA
(M. I.K. GUJRAL depuis le 20 avril 1997)
Ministre des Affaires étrangères :
M. I.K. GUJRAL
Composition du Parlement :
Lok Sabha (Chambre basse) : 543 sièges effectifs ; BJP et alliés
: 195 ; Congrès I : 140 ; Front Uni (coalition de 13 partis du centre
gauche : 180) ;
Effectif des Forces armées :
armée de terre : 1,1 million ; armée de l'air : 110 000 ; marine
: 55 000
Part des principaux secteurs d'activités dans le PNB :
Agriculture : 31,3 %
Industrie : 27,5 %
Services : 41,2 %
Monnaie :
Roupie ; Taux de change moyen (1995/96) en USD1 - INR 33,45
Comptes extérieurs (en M USD) :
1992-93 |
1993-94 |
1994-95 |
1995-96 (p) |
|
Exportations |
18 537 |
22 238 |
26 330 |
31 828 |
Importations |
21 880 |
23 303 |
28 259 |
36 367 |
Solde commercial |
- 3 343 |
- 1 065 |
- 1 929 |
- 4 539 |
Source : DGCIS |
Principaux postes du commerce extérieur :
- Exportations : (en % des exportations totales - 1995/1996 ) : |
|
- Textiles |
: 22,6 % |
- Bijouterie |
: 16,6 % |
- Tapis |
: 11,4 % |
- Importations (en % des importations totales ) : |
|
- Produits pétroliers |
: 20,7 % |
- Biens d'équipement |
: 22,1 % |
- Bijouterie |
: 5,7 % |
Principaux partenaires commerciaux :
Clients (exportations) : |
|
Union européenne |
: 26,4 % |
Etats-Unis |
: 17,3 % |
Japon |
: 7 % |
Fournisseurs (importations) : |
|
Union Européenne |
: 26,8 % |
Etats-Unis |
: 10,5 % |
Japon |
: 6,6 % |
Principaux investisseurs étrangers :
(réalisations cumulées entre 1992-93 et 1995-96 - M USD)
1 - Etats-Unis |
: 515,7 MUSD |
5 - Pays-Bas |
: 161,9 MUSD |
2 - Royaume-Uni |
: 284,2 MUSD |
6 - Hong Kong |
: 130,0 MUSD |
3 - Japon |
: 218,5 MUSD |
7 - Suisse |
: 116,6 MUSD |
4 - Allemagne |
: 190,3 MUSD |
8 - France |
: 96,5 MUSD |
Relations commerciales avec la France :
Nombre d'entreprises françaises dans le pays : 150 environ
Rang de la France dans les importations totales du pays : 12ème (1995/96)
Part de marché : 2,3 % (1995/96)
Rang de la France dans les exportations totales du pays : 13ème
(1995/1996)
Part de la France dans les exportations totales du pays : 2,35 % (1995/96)
Principales exportations françaises :
- Biens d'équipements professionnels 57 %
- Demi-produits industriels 25 %
Principales importations françaises :
- Biens de consommation courante 65 %
- Semi-produits industriels 11 %
En M FF |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Exportations françaises |
3 563 |
4 309 |
4 459 |
5 260 |
Importations françaises |
3 818 |
4 315 |
5 042 |
5 525 |
Solde |
- 255 |
- 6 |
- 583 |
- 265 |
Taux de couverture |
93 % |
99 % |
88 % |
95 % |
1 Le Président du Rajya Sabha est le Vice-Président de l'Union indienne. Traditionnellement, ce dernier n'exerce pas effectivement cette fonction.
2 M. Gujral est devenu Premier Ministre le 20 avril 1997. Il conserve le portefeuille des Affaires étrangères.