II. LA COOPÉRATION INTERPARLEMENTAIRE FRANCO-NIGÉRIANE : ACCOMPAGNER LE RENFORCEMENT DE LA DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE AU NIGERIA
Les relations politiques et économiques franco-nigérianes sont anciennes, mais elles ont été caractérisées, depuis l'accession à l'indépendance du Nigeria en 1960, par un paradoxe décrit par l'historien J. Ibrahim de la façon suivante : « une longue histoire de relations politiques compliquées coexistant avec une histoire encore plus longue de bonnes relations économiques » 6 ( * ) .
Les relations politiques entre la France et le Nigeria n'ont pas toujours, en effet, été très aisées. Des tensions diplomatiques sont ainsi intervenues à la suite des essais nucléaires français dans la Sahara algérien de 1960 à 1966 qui ont suscité des protestations massives au Nigeria. Puis, de 1966 à 1970, les relations franco-nigérianes se sont significativement détériorées pendant la guerre civile dans la région du Biafra , la France ayant été accusée de soutenir la sécession de la province pétrolifère.
Néanmoins, les relations politiques entre nos deux pays se sont considérablement améliorées depuis la venue du Président de la République, M. Jacques Chirac, en juillet 1999, accompagné du président du groupe sénatorial d'amitié France-Afrique de l'Ouest, M. Jacques Legendre, marquant ainsi la première visite d'un Président français en exercice au Nigeria . Le Président, qui avait appelé de ses voeux « une relation nouvelle, et qui est pour nous très importante », avait lui-même annoncé le déplacement d'une délégation sénatoriale présidée par M. Jacques Legendre, en octobre 1999.
Dix ans après, le Président de la République fédérale du Nigeria et le Président de la République française, lors de leur rencontre à Paris en juin 2008, ont officialisé leur volonté d'établir un partenariat stratégique renouvelé dont l'une des composantes devrait reposer sur le renforcement du dialogue politique entre leurs deux pays. Le chef de l'État français avait insisté notamment sur la nécessité de développer le cadre de la coopération interparlementaire . C'est précisément dans cette logique que s'est inscrit le déplacement d'une délégation du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat au Nigeria en septembre 2009.
A. L'ESPRIT D'OUVERTURE MANIFESTÉ PAR LE NIGERIA VIS-À-VIS DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL FRANÇAIS MÉRITE D'ÊTRE SALUÉ
Dans un pays très fortement imprégné par la tradition institutionnelle anglo-saxonne comme le Nigeria 7 ( * ) , le fait de se tourner vers la France et de manifester la volonté d'approfondir la connaissance de notre système institutionnel est le signe d'un esprit d'ouverture et de bonnes dispositions à l'égard de notre pays. En effet, comme la délégation a pu le vérifier au cours de son déplacement, le Nigeria a régulièrement exprimé le souhait d'approfondir la coopération avec l'Assemblée nationale et le Sénat français afin de renforcer les capacités de son parlement bicaméral.
La délégation relève que, dans un pays en transition démocratique qui a fait le choix d'un régime présidentiel et dont la vie politique est fortement personnalisée, le renforcement du pouvoir législatif est plus que jamais indispensable pour exercer, de façon effective, une fonction de contrepoids vis-à-vis d'un pouvoir exécutif puissant.
Le régime présidentiel américain s'est imposé comme un modèle de fonctionnement démocratique à partir du moment où les branches exécutive et législative se sont révélées, dans la pratique, de poids égal et susceptibles de se neutraliser mutuellement dans le cadre du système anglo-saxon des « checks and balances » (veto présidentiel ne pouvant être renversé que par une majorité qualifiée au Sénat, approbation des nominations présidentielles par le Sénat, irresponsabilité de l'exécutif contrebalancée par une procédure de destitution exceptionnelle - impeachment , etc.).
Or, la République fédérale du Nigeria est encore en cours de consolidation démocratique et doit donc être activement soutenue dans ses efforts pour faire émerger une Assemblée nationale (congrès nigérian) en mesure de contrôler effectivement l'administration fédérale.
La coopération interparlementaire franco-nigériane devrait ainsi, selon votre délégation, mettre l'accent sur le renforcement des capacités des deux chambres du parlement nigérian dans les domaines suivants : l'élaboration des lois, le vote du budget et la prospective économique, les commissions d'enquête, l'éthique parlementaire et les groupes d'amitié, supports de la diplomatie interparlementaire .
Les entretiens organisés avec les parlementaires nigérians ont convaincu votre délégation de l'importance, voire de l'urgence, de fournir au parlement nigérian une assistance technique régulière en matière de prospective économique, notamment à l'occasion la préparation du budget, et de diplomatie interparlementaire, via la création de groupes d'amitié.
* 6 IBRAHIM, J., « Towards a Nigerian perspective on the French problematic in Africa », in JACOB, H. J., et OMAR, M., France and Nigeria. Issues in Comparative Studies , CREDU, Ibadan, 1992, p. 17.
* 7 La première constitution de 1963 introduit, dans le Nigeria nouvellement indépendant, une démocratie parlementaire très largement inspirée du modèle britannique de Westminster. La IV e République issue de la constitution de 1999 reproduit, dans une très large mesure, l'organisation et le fonctionnement institutionnels des États-Unis.