CONCLUSION
A l'heure où ce rapport - le troisième après « Tibet : un peuple en danger » (n° GA 50 - Octobre 2003) et « Le Tibet en exil : à l'école de la démocratie » (n° GA 67 - Juin 2006) - paraît au Sénat, se confirme ce qu'annonçait notre délégation aux dirigeants chinois et aux dirigeants sino-tibétains, lors de son voyage effectué au mois d'août 2006 à l'invitation de l'Assemblée nationale populaire.
Les Jeux Olympiques de Pékin de 2008, et l'exposition universelle de Shanghaï de 2010, ne permettront pas à la Chine d'escamoter la question tibétaine, voire de la banaliser parmi les nombreuses cohabitations du grand peuplement Han, qui est environné de 55 communautés ethniques différentes.
La République populaire de Chine a choisi de ne pas ignorer le monde, de commercer selon les règles fixées par l'Organisation Mondiale du Commerce, de siéger au Conseil de sécurité des Nations Unies, de s'ouvrir au tourisme planétaire. Elle ne peut ignorer que « l'interpellation tibétaine » reste majeure aux yeux de l'Occident et de l'opinion de toutes les démocraties, et que ce n'est pas par hasard que la Chancelière allemande Angela Merkel a reçu récemment Sa Sainteté le Dalaï-Lama à Berlin ; et que ce n'est pas par hasard que le Congrès américain décernera prochainement au dirigeant tibétain en exil sa « médaille d'honneur » ; et que ce n'est pas par hasard que le Premier ministre canadien Stephen Harper doit le recevoir à Ottawa ; et que la France en août 2008 s'honorera d'accueillir le XIV ème Dalaï-Lama pour un enseignement à Nantes, pour la bénédiction du mandala de Kalachakra à l'Orangerie du Jardin du Luxembourg et, sans doute, pour plusieurs entretiens officiels.
Amis d'une Chine qui s'ouvre aux nations du monde, tant américaines qu'africaines ou européennes, amis de la Chine et amoureux du Tibet, de la force de l'esprit tibétain, nous avons dit et répété, inlassablement et courtoisement, à Lhassa, à Shigatse, à Chengdu et à Pékin, que les conversations, que les rencontres, que les négociations avec le Dalaï-Lama doivent prendre un tour nouveau. Or, les résultats du 6 ème round des négociations sino-tibétaines qui a eu lieu à Shangaï en juillet 2007 demeurent maigres et inconsistants.
La République populaire de Chine a, en la personne du Dalaï-Lama, un interlocuteur naturel respecté, qui a fait sienne la « voie du milieu », l'application d'une autonomie bienveillante (et prévue par la Constitution chinoise), la non violence absolue et résolument imposée aux tibétains de l'exil comme de l'intérieur. Notre groupe d'information, recevant également des délégations sino-tibétaines au Sénat, s'étonne d'un langage suranné de la diplomatie officielle chinoise, à mille lieues des enjeux véritables du Tibet et de la Chine : on nous parle encore de la « clique du Dalaï-Lama », du retour à « l'esprit féodal ».
Comment la République populaire de Chine peut-elle faire l'économie de négociations en profondeur, d'un retour des exilés et, au premier rang, du Dalaï-Lama lui-même qui veut revenir dans son pays - il nous l'a souvent répété - comme « simple moine » ? L'affaire tibétaine deviendrait alors une affaire intérieure à l'espace chinois, et non une tache sur l'image internationale de la grande Chine.
Comment admettre que le plus grand pays du monde, installé légitimement dans les premiers parmi les grandes nations, puisse considérer que cet incroyable « patrimoine de l'humanité » qu'est le Tibet tout entier, avec la gentillesse et la chaleur de ses habitants, son histoire, sa langue, sa civilisation, sa religion, la captivante beauté de ses paysages, pourrait être traité comme une simple « réserve » ou une destination touristique ou un pur enjeu économique ?
Le président Jacques Chirac, en septembre 2006, n'a pu faire autrement que dire au président Hu Jintao que la tuerie au pied du mont Cho-Yu, filmée en direct par des alpinistes cameramen, condamnait cruellement l'image d'un Tibet-paradis. Évidemment, abattre comme des lapins des neiges des candidats à l'exil, jeunes apparemment, ruine tout ce que la Chine entend vanter d'un espace de paix, de prospérité et de concorde. Pourquoi fuiraient-ils donc ce paradis des neiges ?
Amis de la Chine, respectueux de son présent et de son avenir, persuadés que la démocratie est la voie royale - même parsemée d'embûches - pour toutes les nations, amoureux du Tibet qui n'est pas mort, qui vit dans le regard de ses pèlerins, dans l'espérance de ses jeunes, dans la volonté de retour de ses exilés, nous pensons que la France peut jouer un rôle original dans les relations sino-tibétaines.
Après l'époque si cruelle du « génocide culturel », que nous avons relaté dans notre premier rapport, « Tibet : un peuple en danger », notre groupe d'information a exploré chez les Tibétains exilés en Inde la voie d'une démocratie originale (deuxième rapport « Le Tibet en exil : à l'école de la démocratie »). Membres du Sénat de la République française, de toutes origines, nous disons aux dirigeants chinois qu'il y a pour eux, pour le peuple chinois, une urgence absolue à aborder sérieusement, puis définitivement, la question tibétaine.
Les exilés qui ont suivi le Dalaï-Lama, les Tibétains de l'extérieur, redoutent le pourrissement de la situation, mais imaginent un retour au pays, sans « Restauration » à la mode de Louis XVIII.
L'image d'une grande Chine, prospère et porteuse de paix, passe par le règlement de la question tibétaine : petit nombre, grands effets. Lors de nos entretiens pékinois à l'Assemblée nationale populaire, nous avons affirmé que le monde chinois pouvait figurer sous l'aspect d'une vaste photo panoramique. Mais que la focale de l'objectif restait le Tibet.
Le Tibet demeure donc comme trésor de l'humanité, « l'oeil du monde sur le développement chinois ». Que l'oeil ne pleure plus, qu'il puisse retrouver ce merveilleux sourire des enfants tibétains !