Séminaire
parlementaire : « le contrôle
budgétaire »
(Vientiane, 19 - 21 décembre 2005)
Intervention de M. Yves
Fromion, député :
«Le contrôle de
l'efficacité du budget
et de la dépense
publique »
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Permettez-moi, tout d'abord de vous adresser le salut amical du Président Jean-Louis DEBRE, président de l'Assemblée Nationale française et de l'ensemble de mes collègues députés français.
Laissez-moi également vous dire combien je suis heureux et honoré de m'exprimer devant vous.
Enfin, je voudrais adresser mes remerciement à nos hôtes laos pour la grande qualité de l'accueil qu'ils nous ont réservé et le climat d'amitié chaleureux qu'ils ont su donner à cette rencontre.
Hier, mon excellente collègue, madame la sénatrice Marie-Claude BEAUDEAU vous a présenté la nouvelle procédure budgétaire française issue de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF) en insistant sur les phases d'examen, de vote et la procédure d'exécution.
Je vais maintenant m'attacher à vous montrer combien cette nouvelle procédure législative, d'origine parlementaire, est en fait très novatrice dans le fonctionnement institutionnel français car elle revèle la volonté manifestée par le Parlement de se réapproprier un pouvoir d'initiative, mais surtout de contrôle de l'efficacité du budget et de la dépense publique.
Dans nos échanges hier, j'ai évoqué la situation préoccupante des finances publiques de la France marquée par un très fort déficit, évalué à 66 % de notre PIB. Nul doute que si le Parlement avait disposé de pouvoirs mieux adaptés il aurait été possible d'éviter une dérive coupable à l'égard de ceux à qui nous allons laisser le soin de résorber cette dette et intolérable aux yeux de nos partenaires de la zone euro auxquels nous sommes liés par les engagements du Pacte de Stabilité Monétaire.
Le Parlement français a donc décidé de « reprendre la main » dans le domaine budgétaire, en obligeant l'Etat à passer d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et de résultats, tout en renforçant ses propres prérogatives budgétaires et de contrôle indispensables à l'implication accrue des Assemblées dans la gestion des finances publiques.
Pour éclairer mon propos je crois utile de faire un rappel de la procédure de mise en oeuvre du Projet de Loi de Finances (PLF) issu de la LOLF pour souligner que le contrôle de l'efficacité du budget et de la dépense publique s'effectue autant en amont qu'en aval du vote du budget de l'Etat.
Je me servirai, si vous le voulez bien d'un exemple tiré de mon expérience de rapporteur du programme 144 de la Mission Défense laquelle est placée sous la responsabilité du Ministre de la Défense.
Le budget de l'Etat est, je le rappelle, constitué de :
34 missions
- correspondant aux grandes politiques de l'Etat ;
- confiées à un Ministre ou plusieurs (mission interministérielle) ;
- Le Parlement vote le budget par mission.
132 programmes décomposent les missions
- chaque programme relève d'un seul ministère ;
- il constitue une enveloppe globale et limitée de crédits confiée à un responsable qui peut modifier la répartition interne des crédits ;
- le Parlement peut modifier la répartition des dépenses entre les programmes ;
- à chaque programme sont associés :
. une stratégie,
. des objectifs,
. des indicateurs de performance.
630 actions décomposent les 132 programmes.
Découpage indicatif du programme, l'action apporte des précisions sur l'utilisation prévue des crédits
Exemple : programme 144 (voir documents joints en annexe).
J'insiste sur l'importance qui s'attache à une définition pertinente des indicateurs de performance.
La LOLF a pour objectif :
- de renforcer l'information du Parlement,
- d'élargir le contrôle parlementaire,
- d'encadrer l'Exécutif dans la procédure budgétaire.
1/ Le renforcement de l'information du parlement est concrétisé par :
- Débat d'orientation budgétaire organisé au mois de juin (balisage de la future loi de finances (LFI),
- Dépôt du Projet de Loi de Règlement (PLR) de l'année précédente (N-1) devant le Parlement pour le 1 er juin en vue de sa discussion début octobre avant l'examen du PLF
Le PLR est accompagné :
- des rapports annuels de performance,
- du Compte Général de l'Etat,
- des bilans des actions en terme de coût et de résultats par rapport aux objectifs,
- du rapport préliminaire de la Cour des Comptes sanctionné par la certification des comptes.
2/ L'élargissement du contrôle parlementaire sur l'exécution de la LFI comporte deux aspects :
- l'aspect comptable qui constate le respect de l'autorisation parlementaire,
- l'évaluation des politiques financées par l'Etat, c'est-à-dire la mesure de l'efficacité de la dépense publique de l'Etat.
a) Le contrôle comptable par le parlement s'appuie sur :
- Les « verts » qui retracent les crédits votés (édités par le Ministre des Finances) ;
- La situation des dépenses du budget général, qui précise le taux de consommation avec comparaison N-1 ;
- La situation comparative des dépenses et crédits de chaque ministère qui retrace l'ordonnancement des dépenses par ministère ;
- La situation trimestrielle des dépenses engagées adressée par le Ministère des Finances aux deux commissions des finances ;
- La situation mensuelle du recouvrement des recettes de l'Etat ;
- La situation résumée des opérations du Trésor ;
- Les rapports des Contrôleurs Financiers de chaque Ministère.
b) L'évaluation des politiques publiques
Dans ce domaine les pouvoirs traditionnels des commissions sont confirmés et parfois redéfinis par la LOLF.
- Les questionnaires aux Ministres sont adressés après le Débat d'Orientations Budgétaires (DOB) et le dépôt de la LFR (c'est-à-dire avant le 10 juillet). Le Gouvernement doit y répondre au plus tard huit jours après l'ouverture de la session d'octobre, date correspondant au dépôt du PLF à l'Assemblée Nationale.
- Les pouvoirs d'investigation des commissions des finances sont redéfinis et recentrés sur le suivi et le contrôle des lois de finances ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques.
- Les pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place des présidents, des rapporteurs généraux et spéciaux sont élargis avec possibilité de solliciter une ordonnance de référé du juge administratif pour imposer la communication de documents administratifs sous astreinte.
Les commissions des finances peuvent procéder à toute audition utile, demander une enquête à la Cour des Comptes sur les organismes qu'elle contrôle, formuler auprès de cette même Cour des Comptes des « demandes d'assistance » dans le cadre d'une mission de contrôle et d'évaluation (MEC).
Cette Mission de contrôle et d'évaluation (MEC) composée d'élus et de magistrats de la Cour des Comptes voit son existence confirmée. Elle procède à des évaluations sur le fonctionnement réputé ou supposé inadapté d'une administration.
Enfin, le rôle d'assistance de la Cour des Comptes aux travaux du Parlement est précisé (art. 58 LOLF) en fixant à 8 mois le délai de réponse à toute demande d'enquête.
- La LOLF ne remet pas en cause les procédures de contrôle ouvertes aux commissions permanentes : rapports d'information, missions, rapports budgétaires pour avis, commission d'enquêtes etc....
- Le PLF est accompagné :
des projets annuels de performance (bleus)
du rapport sur les prélèvements obligatoires
du rapport économique, social et financier (perspectives sur 4 ans au regard des engagements européens)
des « jaunes » budgétaires sous forme d'annexes
des « oranges » portant sur les actions transversales hors Missions ministérielles
3/ L'encadrement de l'exécutif dans la procédure budgétaire vise à réduire les effets de la « régulation budgétaire » qui, précédemment modifiait environ 10 % du volume de la LFI.
Désormais le PJL doit présenter les mesures envisagées de régulation budgétaire : gels de crédits, taux de mise en réserve pour les dépenses de personnels et pour d'autres crédits, etc...
Dans l'exécution de la LFI des limitations sont imposées à la régulation :
- annulations de crédit limitées à 1.5 % du volume financier de la LFI
- virements entre programmes limités à 2 %
- reports limités à 3 %
Le Gouvernement doit informer préalablement les commissions des finances de tout projet de décret d'avance ou de virement, d'arrêté d'avance ou de virement, d'arrêté de transfert ou d'annulation, de report de crédits, de gel, etc....
Conclusion :
Mesdames et messieurs je me suis attaché à vous démontrer combien l'action du Parlement français en matière budgétaire avait été profondément modifiée par la LOLF.
Désormais, le contrôle budgétaire est imprégné d'une culture de résultat et d'efficacité. C'est en tout cas l'esprit de la LOLF. Il reste aux parlementaires français à faire la preuve de leur volonté de se servir des outils à leur disposition pour assumer clairement leurs responsabilités.
En mettant fin à la procédure archaïque des « services votés » qui reconduisait pratiquement 94 % des crédits budgétaires, le Parlement impose à l'Etat de justifier ses dépenses dès le « premier euro » chaque année.
Si le dispositif LOLF s'avère concluant, il sera étendu vers le budget de la Sécurité Sociale et de certaines collectivités territoriales.