Témoignages d'entreprises
Table ronde animée par Pierre Boedoz
Michel de Vivo, Responsable de zone, EDF.
Je souhaite vous présenter l'expérience d'EDF au Soudan, en Éthiopie et à Djibouti. Je dois vous dire que nous avons été surpris de l'accueil qui nous a été réservé dans ces trois pays : il était en effet excellent.
Nous sommes arrivés au Soudan en 1998, nous avons signé depuis une douzaine de contrats. Peu à peu nous avons gagné la confiance des Soudanais et, à partir de 2000, les contrats signés étaient des contrats importants. Il s'agit, notamment, de contrats d'assistance à la conduite de centrales, ou d'ingénierie. Ainsi, nous ne construisons pas de centrales, notre activité se résume à une activité de conseil. Ces contrats représentent un montant total à 13 millions d'euros.
Le Soudan présence de nombreux avantages : le potentiel de développement y est fort, tout devant encore être construit. La présence étrangère y est d'ailleurs de plus en plus forte : la compétition entre les investisseurs s'accroît, même si le terrain demeure encore plus ouvert que dans d'autres pays. La main d'oeuvre est de bon niveau, les Soudanais sont francophiles, ont le sens du respect des engagements. Les conditions de sécurité sont excellentes, la communauté française est solidaire. Il est possible de scolariser les enfants français au Soudan.
Ce pays présente en revanche plusieurs inconvénients. Les bailleurs de fonds internationaux ne sont pas encore de retour, ce qui ne manque pas d'engendrer des problèmes de garantie bancaire, voire de financement. Si les ingénieurs soudanais sont de très bon niveau, ils sont souvent attirés par les pays du Golfe. La concurrence chinoise et indienne est forte.
En ce qui concerne l'Éthiopie, nous avons gagné des contrats il y a quatre ans pour la construction du centre de dispatching national : nous en assurons toute l'ingénierie. Nous avons signé d'autres contrats, relatifs à des études de faisabilité de barrage et à des études d'interconnexion avec les pays voisins. Ces contrats représentent environ cinq millions d'euros.
Les avantages de l'Éthiopie sont les suivants :
• il y existe de nombreux programmes de construction ;
• la présence des bailleurs de fonds est forte ;
• les ingénieurs et les techniciens sont de bon niveau ;
• le suivi des procédures et le respect des règles est une réalité ;
• la sécurité urbaine est bonne ;
• la scolarisation est possible.
• Quelques inconvénients doivent toutefois être notés :
• les circuits décisionnels administratifs sont parfois longs et complexes ;
• les appels d'offres sont soumis à une forte concurrence ;
• la sous-traitance locale doit être bien cernée.
Enfin, nous sommes présents à Djibouti depuis plusieurs décennies. Ce pays est marqué par la présence importante des bailleurs de fonds. Le développement est possible, avec l'extension du port : il faut y être présent. D'autant que la population y est clairement francophile, et que nos expatriés s'y sentent très bien.
Zeinad Kamil Ali, Directrice des ports et des zones franches de Djibouti.
Depuis 2000, Djibouti a initié une stratégie nationale de développement des ports et des zones franches, ciment du développement économique. Elle vise à revaloriser la position stratégique de Djibouti, de telle sorte que cette position ait des retombées économiques. Nous voulons, plus généralement, créer un environnement économique propice aux affaires.
Le projet de Doraleh, qui est un port en eaux profondes, consiste à faire de Djibouti un port d'éclatement, au bénéfice de toute la région. Le développement de ce port permettra notamment de fidéliser notre clientèle éthiopienne. Doraleh est opérationnel depuis septembre 2005 ; il est notamment composé d'un terminal pétrolier respectant toutes les normes internationales, et offre un intérêt réel pour tous les pays de la région. Ce complexe portuaire comptera également un terminal pour les porte-containers. Celui-ci, dont la construction va bientôt commencer, sera opérationnel en 2008. Il sera en mesure d'accueillir les porte-containers de la dernière génération, qui présentent une taille de 10 000 pieds.
Depuis mai 2004, un nouveau régime juridique pour les zones franches est en place : le développement de celles-ci est assis sur le principe du guichet unique - donc de l'interlocuteur unique. Cela facilitera les démarches d'installations des investisseurs, et permettra de combattre la corruption.
De surcroît, ce nouveau régime juridique offre de réelles incitations fiscales aux investisseurs, qui ne se trouvent soumis à aucune imposition.
Frédéric Thénevin, Coordinateur commercial, Sofréavia.
Créée en 1969, Sofréavia est spécialisée dans le domaine de l'aviation. Nous sommes présents dans la Corne de l'Afrique depuis plus de dix ans. Notre chiffre d'affaires s'élève à 30 millions d'euros, notre actionnaire principal est l'État français. Notre activité se répartit sur l'Europe, l'Afrique et l'Asie. La Corne de l'Afrique représente environ 10 % du chiffre d'affaires total de Sofréavia.
Je souhaite maintenant vous donner quelques exemples des projets conduits dans les pays de la Corne de l'Afrique :
• nous avons vendu un simulateur aérien au Soudan : nous avons fourni les équipements, et formé les instructeurs ;
• nous avons signé un contrat avec l'Éthiopie, pour un montant de 1,9 million de dollars. Nous allons moderniser les équipements utilisés pour la formation des contrôleurs aériens, et former ceux-ci ;
• nous avons fourni un simulateur permettant de former les contrôleurs aériens de Djibouti ;
• nous avons assuré le design du terminal passagers de Makalé.
Les projets menés dans la région sont essentiellement financés sur des fonds internationaux délivrés, notamment, par l'UE. Ces projets concernent l'aviation civile, et sont régulièrement soumis à des appels d'offres internationaux.
Henry Delannoy, Directeur commercial, CMA-CGM
Je représente la compagnie française CMA-CGM, troisième transporteur mondial de containers. Nous avons transporté, l'année dernière cinq millions de containers pour un chiffre d'affaires de cinq milliards d'euros. Nos bateaux effectuent 600 passages annuels du canal de Suez, et nous nous sommes donc naturellement intéressés aux pays de la Corne de l'Afrique.
La Somalie est, en tant qu'armateur, un lieu de tous les dangers : nous évitons donc les côtes de ce pays, où les pirates sont fréquents. Elle est encore pour nous un pays de non-droit, où nous n'avons aucune activité.
L'Érythrée est un pays très pauvre, et dépend totalement de l'aide internationale. Nous n'avons guère de raison de nous intéresser aux ports érythréens, et je vois mal quelles peuvent être leurs perspectives de développement.
En revanche, les trois autres pays de la Corne de l'Afrique sont d'une importance considérable pour nous. Nos bateaux s'arrêtent dans les grands hubs de ces pays ; pour la desserte de la Mer Rouge, nous utilisons le porte de Djedda.
En ce qui concerne Djibouti, je tiens à féliciter ce pays pour les initiatives prises en matière portuaire. Je dois avouer que ce qu'il se passe, au niveau du transit éthiopien, d'une part, et au niveau du transit, d'autre part, est remarquable. Pour autant, les mouvements de bateaux par heure restent évidemment en-deçà des standards internationaux. Nous sommes de surcroît très intéressés par le développement du port de Doraleh : nous serons le cas échéant prêts à étudier l'éventualité d'y effectuer des escales.
En Éthiopie, nous n'avons pas le droit d'exercer notre métier en notre nom propre. Nous sommes donc représentés par un tiers, avec un certain succès. En ce qui concerne le Soudan, je dois vous dire que nous avons été très déçus par les perspectives de développement dans ce pays. Le futur River Bank de Khartoum, les perspectives attendues en termes d'investissement ne sont pas du tout en relation avec l'état de Port Soudan. En effet, nous ne parvenons pas à faire escaler nos bateaux dans ce port, et je dois vous dire que je ne comprends pas pourquoi ce pays n'a pas tenté de mieux accueillir les bateaux de marchandises. Je m'interroge réellement sur l'intérêt que porte le Soudan à ses infrastructures portuaires.
Jean Dyens, Directeur technique et commercial en Éthiopie de Meilland International, Directeur d'Oda Farms.
Meilland est un spécialiste de la rose, nous réalisons un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros. Nous nous sommes récemment implantés en Éthiopie, en développant des plants rosiers et en vendant nos plantes. Nous réalisons, dans ce pays, un chiffre d'affaires de trois millions d'euros. Mon rôle a été de contacter les investisseurs locaux, puis de réaliser les transferts de technologies aux projets développés.
Ce pays présente pour nous plusieurs avantages :
• Le climat est exceptionnel là où nous sommes implantés. Sur les hauts plateaux, la pluviométrie est très bonne.
• Le Gouvernement nous a apporté une aide essentielle. Nous n'avons jamais bénéficié d'une telle aide dans les autres pays où nous sommes présents.
• Il existe une association des horticulteurs éthiopiens, qui permet des échanges entre notre industrie et le Gouvernement.
• Les Éthiopiens s'intéressent à notre industrie ; la main d'oeuvre est très motivée, ce qui nous incite encore plus à opérer des transferts de technologie.
• L'Éthiopie est caractérisée par une absence complète de corruption.
• La sécurité des biens et des personnes y est réelle.
J'ai été moi-même tenté d'investir, en mon nom propre, dans ce pays. J'ai donc investi trois millions d'euros dans une ferme en Éthiopie, et cet investissement s'est déroulé dans d'excellentes conditions.