V. LE SENTIMENT D'APPARTENANCE A L'EUROPE S'AFFIRME
Entrée dans l'Union européenne depuis le 1 er janvier 1995 3( * ) la Finlande adhère sans complexe à l'idée d'Europe et ignore, pour l'essentiel, l'euroscepticisme. Le Président AHTISAARI déclarait dès juin 1999 « Nous sommes tout à fait à l'aise là où nous nous trouvons » et le Premier ministre lui faisait écho en assurant « Notre expérience de l'adhésion est positive » 4( * ) .
A. L'EUROPE DEVIENT UN THÈME ÉLECTORAL
Certes,
le taux de participation aux élections européennes du 13 juin
1999 a pu montrer, selon certains commentateurs, que les Finlandais
«
n'ont pas vraiment intégré l'Europe dans leur
grille de références
». Certes, selon d'autres
commentateurs, le Finlandais moyen oppose aux effets de l'Union
européenne «
un long silence
méditatif
»
5(
*
)
.
Mais ces jugements doivent être corrigés.
Tous les candidats à l'élection présidentielle de
février 2000 étaient « européens »,
à l'exception d'un candidat considéré comme marginal, I.
HAKALEHTO. Ainsi, M. E. AHO, candidat dont le parti comportait pourtant une
fraction plutôt eurosceptique, avait fait entrer la Finlande dans
l'Europe lorsqu'il était Premier ministre.
Ce sentiment commun d'appartenance trouve toutefois certaines limites.
L'européanisme peut ainsi être considéré comme
exagéré lorsqu'il aboutit à négliger les canaux
traditionnels de la coopération nordique.
De même, l'alignement du Gouvernement finlandais sur certaines positions
défendues par les « grands pays » d'Europe, comme
l'Allemagne ou la France, a été jugé parfois excessif.
L'adoption d'une position dure à l'égard de l'Autriche, au vu des
résultats de ses élections législatives, a ainsi
été parfois critiquée.
Sur le plan du fonctionnement des institutions, si le Gouvernement
détient désormais la compétence -qui relevait autrefois du
Parlement- d'approuver la législation communautaire, les
possibilités d'implication du Parlement dans la phase
d'élaboration des actes communautaires ont été
renforcées.
Par ailleurs, la présidence finlandaise a, comme cela a
été indiqué ci-dessus, été marquée
par le souci d'éviter toute susceptibilité s'agissant de la part
prise par les plus hauts représentants de l'exécutif finlandais
aux réunions et aux décisions communautaires. Cela a
été rendu possible par «
une entente politique entre
l'ancien Président Martti AHTISAARI et le Premier ministre Paavo
LIPPONEN
»
6(
*
)
. Ainsi,
le Premier ministre prend-il toujours part aux sommets de l'Union tandis que le
Président de la République y participe également quand il
estime que les questions à l'ordre du jour exigent sa présence.
Il n'en est pas moins vrai que «
la répartition des
compétences entre le Président et le Conseil des ministres dans
les questions relatives à l'Union européenne reste encore
partiellement obscure
»
7(
*
)
.
B. UN FINLANDAIS A JOUÉ UN RÔLE DÉCISIF DANS LE DÉNOUEMENT DE LA CRISE DU KOSOVO (mai-juin 1999).
La
présidence finlandaise a été
précédée, au printemps de 1999, par le paroxysme de la
tension au Kosovo.
M. Martti AHTISAARI, alors Président de la République, s'est
trouvé, du fait de la proximité de la présidence
finlandaise de l'Union européenne, en situation de jouer un rôle
important dans la recherche d'une solution à la crise. Il devait en
titrer une popularité exceptionnelle dans son pays comme à
l'étranger. Il fut même question, en juin 1999, qu'il parte comme
administrateur de l'ONU au Kosovo, fonction qui fut, en définitive
confiée à M. Bernard KOUCHNER.
Prenant la présidence de l'Union européenne, la Finlande devait
marquer clairement sa position sur le Kosovo
8(
*
)
:
«
La crise du Kosovo a constitué une menace pour la
sécurité en Europe et pour la défense des valeurs
fondamentales européennes. L'Union européenne joue en rôle
central dans l'apaisement de la souffrance humaine, dans le
rétablissement de conditions stables et justes et dans la mise en route
des travaux de reconstruction. Les crises dans la région occidentale des
Balkans ont renforcé la solidarité des Européens et leur
ont fait prendre conscience de leur responsabilité commune. Les citoyens
attendent une prévention et un contrôle des crises
opérées avec une efficacité nouvelle. A cet égard,
le Traité d'Amsterdam offre plusieurs possibilités et
instruments
.
«
La stabilisation de la situation dans les Balkans est une
mission urgente, qui exige que l'Union européenne s'y engage pleinement
et durablement. Pour consolider son rôle de protecteur de la
stabilité en Europe, l'Union européenne doit intervenir tout
d'abord dans la résolution de la crise du Kosovo et
l'amélioration des conditions politiques et économiques dans la
régions balkanique et ainsi restaurer la stabilité de l'Europe du
Sud-Est
».
C. LA PRÉSIDENCE FINLANDAISE DE L'UNION EUROPÉENNE (juillet-décembre 1999) A ÉTÉ FÉCONDE
Il est
revenu à la Finlande de présider, de juillet à
décembre 1999, l'Union européenne. Il faut souligner que, pour un
pays dont la population n'excède pas 5,5 millions d'habitants et qui
succédait à l'Allemagne, cette responsabilité a
été assumée sans défaillance.
Les thèmes majeurs du programme de la présidence finlandaise
étaient clairs
9(
*
)
:
- une Europe forte et ouverte ;
- une Union active et puissante au niveau mondial ;
- une Union élargie ;
- une Union transparente et efficace ;
- une économie stable, compétitive et favorable à l'emploi.
Il incombait à la présidence finlandaise de préparer la
Conférence intergouvernementale (CIG) chargée d'étudier
l'élargissement de l'Union et la réforme de ses institutions sur
trois questions qui n'avaient pas trouvé de réponse en 1997
à Amsterdam : la composition de la Commission, la
repondération des voix lors des votes au Conseil et l'extension des
décision pouvant être prises à la majorité
qualifiée.
Le Premier ministre finlandais s'interrogeait en juin 1999 :
«
Nous sommes arrivés à une étape où
il faut ouvrir le débat sur la nature de l'Union. Qu'est-ce que
l'Europe ? Que doit-elle être pour le
citoyen ?
»
1
.
En définitive, la présidence finlandaise a été
féconde et a marqué un essor diplomatique de la Finlande.
1. Le renouvellement de la Commission européenne
On se
souvient que la présidence finlandaise survenait à l'issue d'une
période dominée par la démission de la Commission de
l'Union européenne et par l'élection du Parlement européen
de juin 1999.
La nouvelle présidence s'est attachée avec succès à
rétablir l'équilibre des rapports entre les institutions de
l'Union après la prise de fonction, en septembre 1999, de la Commission
recomposée.
2. Le plaidoyer pour le voisin russe
L'environnement régional continue à exercer
une
influence déterminante sur la politique étrangère qui
privilégie une stratégie de « dimension
septentrionale ».
Avec sa frontière commune de 1.270 km et la
« fenêtre » qu'elle ouvre sur les pays baltes, la
Finlande attache une grande importance à un renforcement de la
coopération politique, économique et écologique entre les
pays de la zone baltique et, plus largement, de l'Union européenne,
d'une part, et la Russie, d'autre part.
La Finlande espère bénéficier d'une
inter-dépendance russo-européenne croissante et devenir un
important centre logistique en Europe du nord, avec un marché potentiel
de 60 millions de consommateurs joignables en 48 heures dans la région.
Elle s'attache à poursuivre l'amarrage à une Union
européenne élargie.
La Finlande a ainsi eu, durant sa présidence, à coeur de mettre
en oeuvre le nouveau pacte de coopération entre l'Union
européenne et la Russie. La construction d'un gazoduc Yamal-Europe de
l'Ouest via la Finlande, d'une autoroute
Helsinki-Saint-Pétersbourg-Moscou, la modernisation de la route reliant
Paris à Moscou via Berlin, Varsovie et Minsk figuraient parmi les
projets de coopération susceptibles d'une aide européenne.
3. Le Conseil de Tampere (octobre 1999) et le sommet d'Helsinki (décembre 1999)
-
* Un Conseil européen s'est tenu à Tampere les 15 et 16 octobre
1999.
Parmi les décisions de ce conseil, il y a lieu de relever la création d' Eurojust , afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée.
Selon les termes des conclusions adoptées par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, « Eurojust sera une unité composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des compétences équivalentes détachés par chaque Etat membre (...) Eurojust aura pour mission de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son concours dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité organisée, notamment sur la base de l'analyse effectuée par Europol. Cette unité devra aussi coopérer étroitement avec le Réseau judiciaire européen, afin, notamment de notifier l'exécution des commissions rogatoires ».
L'entrée en vigueur de ce nouvel instrument devrait intervenir avant la fin de l'année 2001.
* La présidence finlandaise s'est terminée en décembre 1999, sur ce que les commentateurs ont jugé comme un succès : le sommet d'Helsinki.
Les Quinze se sont notamment donnés les moyens de mener, à compter de 2003, de manière autonome, une intervention armée en Europe avec la création d'une force d'action rapide de 50.000 à 60.000 hommes.
La conférence intergouvernementale devait avoir pour tâche de résoudre trois points : la taille de la Commission, l'extension du vote à la majorité qualifiée et la pondération des voix.
Des négociations d'adhésion avec six nouveaux pays (Slovaquie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Bulgarie et Malte) devaient être engagées à compter de février 2000.
Enfin, l'idée de la création d'une Agence sanitaire indépendante était soutenue.
D. L'EURO EST EN COURS D'ÉMISSION
Seul
pays nordique dans ce cas, la Finlande s'apprête à mettre en
circulation, en 2002, les euros. Elle devra émettre 100 millions de
billets et 950 millions de pièces en euro pour remplacer les 130
millions de billets et les 2,5 milliards de pièces libellés en
markkaa actuellement en circulation.
L'Hôtel de la monnaie, situé dans la banlieue nord d'Helsinki,
à Rahapaja, ne produit plus, depuis un an, que des pièces de 1 et
2 euros. Il dispose de la machine la plus rapide du monde, avec 750
pièces frappées à la minute. La moitié des
pièces nécessaires a déjà été
produite et la Finlande pourra sans doute aider, en ce domaine, la Grèce
qui avait pris du retard. La Finlande ne produira pas de pièces de 1 et
2 cents, dont le coût de production est supérieur à la
valeur marchande.
Quant aux billets, ils sont imprimés par la société SETEC.
Un tiers des billets a déjà été imprimé et
la phase de pré-alimentation, à partir de septembre 2001,
s'annonce normalement.
L'acheminement de l'argent liquide, jusqu'alors assuré par la Banque de
Finlande, avec la logistique de la banque postale, propriété de
l'Etat, sera assumé par Automatia, société de gestion de
distributeurs de billets appartenant aux plus grandes banques du pays.
Bien que le volume des espèces en circulation soit, en Finlande, en
raison du nombre des cartes de crédit, le plus bas de l'Union
européenne, le coût du passage à l'euro pourrait
coûter quelques 500 millions d'euros pour permettre aux entreprises
privées finlandaises de modifier leurs programmes informatiques et
former leurs employés.
E. LE DÉBAT ENTRE « PETITS » ET « GRANDS » PAYS SE CONCLUT
La
Finlande a mis à profit sa présidence pour réaffirmer le
principe selon lequel il ne saurait, au sein de l'Union, exister de
« directoire » réunissant des pays plus influents
que d'autres, de même qu'il ne saurait y avoir d'Europe à deux
vitesses.
Ses représentants ont ainsi indiqué en juin 1999 :
«
Dans les grands pays, certains entretiennent l'illusion qu'on
est encore au XIX
ème
siècle. Il faut rester
fidèle au principe qui veut que tous les Européens soient
égaux. Les décisions doivent être prises autour de la table
commune et pas en dehors
».
Bien plus, M. Paavo LIPPONEN, Premier ministre, a insisté devant le
Collège de l'Europe à Bruges, le 10 novembre 2000, sur
l'importance d'une commission forte pour les petits Etats membres, car
«
l'intergouvernementalité est inefficace, dissimulatrice
et conduit à la suprématie de certains par rapport à
d'autres
». Selon lui, l'Union européenne devrait
élaborer des règles du jeu communes, sur la base d'une
réflexion, en quelque sorte, constitutionnelle. Ceci garantirait, mieux
qu'à l'heure actuelle, l'égalité entre les grands et les
petits Etats membres. Il a également souligné l'importance du
recours, de plus en plus étendu, aux décisions prises à la
majorité ; autrement, en effet, la prise de décision
communautaire à plus de vingt Etats membres deviendrait impossible.
Au terme du sommet de Nice, conclu le 11 décembre 2000, la presse
finlandaise s'est faite l'écho de certaines déceptions concernant
la clarté des conclusions de ce sommet, les Finlandais estimant que des
ambiguïtés subsistaient et qu'il faudrait, à terme, revenir
sur les questions institutionnelles, y compris dans la rédaction des
traités.
Au demeurant, on relèvera que les autorités finlandaises,
même si elles aussi ont parfois regretté la relative absence de
clarté des décisions de Nice, se sont déclarées
satisfaites de la répartition selon laquelle la Finlande disposera de
sept voix au Conseil et de treize députés au Parlement
européen.
Au total, il faut, selon certains commentateurs, surtout voir dans le recours
à la problématique des « petits pays » le
souci de la Finlande de s'intégrer aux grands débats
européens lorsqu'ils sont engagés.
F. LES DOSSIERS MILITAIRES EUROPÉENS SONT APPRÉHENDÉS DE FAÇON SPÉCIFIQUE
Conservant un souvenir extrêmement vif de la
proximité
de l'Union soviétique pendant la guerre d'hiver puis pendant et
après la guerre froide, la Finlande est particulièrement
sensible à la stabilité politique en Russie
. Elle se
montre, en contrepartie,
soucieuse de marquer son indépendance par
rapport à toute organisation militaire
intégrée de
façon à ménager le voisin russe.
Si le Premier ministre finlandais, M. LIPPONEN, a pu dire, en 1999, que la
Finlande ne serait «
pas un obstacle
» sur les
dossiers militaires européens, l'approche de celle-ci demeure originale.
Lors d'une conférence prononcée à Paris, devant l'Institut
français des relations internationales (IFRI), le 15 novembre 2000, M.
Erkki TUOMIOJA estimait ainsi : «
Le modèle de
coopération renforcée pourrait se montrer utilisable si l'on
voulait aller plus loin dans le domaine de la Défense dans le cadre de
l'Union
». En revanche, il assurait avec scepticisme :
«
L'Eurocorps présente, à mon avis, un exemple de
coopération qui n'apporterait aucune plus-value à l'Union. Par
contre, la coopération dans le domaine des industries de défense
pourrait être incluse dans les structures communautaires de telle sorte
que tous ceux qui désirent y participer puissent le
faire
». Bien plus, il concluait sans complaisance :
«
La Défense commune, semble-t-il, est une question
d'ambition pour ceux qui voudraient voir l'Union européenne devenir une
superpuissance
(...).
Citoyen d'un petit Etat, il m'est difficile de
voir quelque chose de positif dans cet objectif
.
Si l'on
considère à l'heure actuelle à juste titre que la trop
forte domination d'une seule superpuissance pose des problèmes, il ne
s'agit pas de résoudre ceux-ci en créant une nouvelle
superpuissance à son côté, mais il faudra plutôt
établir un ordre international dans lequel le comportement traditionnel
d'une superpuissance n'a plus ni sa place ni son utilité
».
Sur ces bases, la Finlande semble soucieuse de prendre une part active aux
travaux de la politique européenne de sécurité et de
défense (PESD), en axant ses centres d'intérêt sur la
prévention des conflits et la gestion des crises, notamment dans
leurs aspects non militaires
. Elle refuse toute militarisation de
l'Union européenne et n'aime pas le concept
d' « intervention ».
De même, une adhésion à l'OTAN n'est pas encore à
l'ordre du jour, mais il n'est pas exclu que le Gouvernement actuel soit
tenté de mener une politique plus volontariste à l'égard
de l'Alliance atlantique, au-delà de son ferme engagement dans le
partenariat pour la paix.
G. L'ENTRÉE DANS L'ESPACE « SCHENGEN » EST D'ACTUALITÉ
A partir
du mois de mars 2001, la Finlande sera partie intégrante de l'espace
régi par les accords multilatéraux de Schengen en matière
de franchissements frontaliers. Elle a satisfait à tous les
contrôles menés sur ce sujet en 2000. Sa résolution de se
montrer un exécutant exemplaire des accords de Schengen ne semble faire
aucun doute.
Il a été donné à la délégation de
s'entretenir de ces sujets avec le commandement des gardes-frontières de
la province de Laponie qui relève du ministère finlandais de
l'Intérieur mais dont l'organisation revêt un caractère
militaire.
Le dispositif qui comprend des postes de douane, des patrouilles, le recours
à des hélicoptères et, en cas de crise, à des
réservistes semble fiable. La coopération avec les forces
équivalentes de Norvège et du Suède semble bien
assurée.
L'analyse des risques dans les années à venir laisse toutefois
présager un fléchissement du dispositif du contrôle
frontalier du côté russe, induisant une porosité accrue de
la frontière commune, notamment face à l'immigration
illégale de ressortissants (notamment Moldaves, Tamouls, Bengalis ou
ressortissants de l'ancienne Yougoslavie) non seulement dans la zone de Viborg
mais aussi au Nord.