VI - INTERVIEW DE M. GUY CABANEL SUR LA STATION DE RADIO RRB (100.4 FM) DE NOUMEA
Journaliste : Elizabeth NOIR
RRB - La délégation du groupe d'amitié est arrivée
ce matin à Tontouta. Elle est emmenée par le sénateur de
l'Isère, Guy CABANEL, est composée de Jean BERNADAUX,
sénateur de Meurthe-et-Moselle, Jean-Pierre DEMERLIAT, sénateur
de la Haute-Vienne, Louis GRILLOT, sénateur de la Côte-d'Or,
Robert LAUFOAULU, sénateur de Wallis-et-Futuna, et accompagnée de
Marie-Laure ROGER qui est secrétaire exécutive du groupe
d'amitié sénatorial.
Monsieur le Sénateur, bonsoir,
Guy Cabanel - Bonsoir Madame,
RRB - Merci d'accepter notre invitation. Alors tout de suite, pourquoi ce
groupe d'amitié, quelle est la motivation des sénateurs ?
Guy Cabanel - La motivation de ce groupe d'amitié, c'est de
développer dans les nombreux États -États qui sont souvent
des îles ou des archipels du Pacifique-, des liens entre eux et la
France. Et particulièrement dans cet ensemble, le Vanuatu a une place
à part car il y a la vieille tradition du Condominium franco-britannique
des Nouvelles-Hébrides, effacé par l'indépendance de 1980
mais qui survit sous la forme d'une partie de la population encore francophone.
RRB - Vous connaissez déjà le Pacifique, le Vanuatu, la
Nouvelle-Calédonie, vous aviez déjà eu l'occasion de
venir ?
Guy Cabanel - Je ne connais pas encore le Vanuatu mais je connaissais
déjà la Nouvelle-Calédonie. Je connaissais la
Polynésie française, je connais le Pacifique et j'ai plaisir
à y revenir, la mer est toujours bleue, le ciel est très
agréable.
RRB - Vous êtes arrivés ce matin et déjà tout au
long de la journée, vous avez eu un certain nombre d'entretiens avec les
responsables politiques calédoniens.
Guy Cabanel - Oui, et ces entretiens d'ailleurs, pour moi qui avais
déjà vu la Nouvelle-Calédonie il y a une quinzaine
d'années, ces entretiens m'ont donné une bonne impression, de
même que la vue de Nouméa qui change, qui évolue, qui est
plus belle, plus propre et je dois dire qu'on a l'impression qu'il y a un
dynamisme qui apparaît et je mets tout cela sur les effets du nouveau
statut né des Accords de Matignon et des Accords de Nouméa.
RRB - Un statut que vous avez suivi bien sûr comme sénateur
puisque vous avez été appelé à vous prononcer sur
la loi organique.
Guy Cabanel - Oui, on a voté au Congrès de Versailles pour cette
évolution et on l'a complétée par une loi organique, une
loi ordinaire, enfin tout est prêt pour que cette évolution soit
la plus harmonieuse possible et permette à la Nouvelle-Calédonie
de connaître un bon équilibre.
RRB - Au cours de cette journée, vous vous êtes également
rendus au CREIPAC qui est un organisme qui travaille justement à la
francophonie dans la zone Pacifique. Qu'est-ce que vous en avez
pensé ?
Guy Cabanel - Cela me paraît être un très bon outil. Tout
à l'heure vous faisiez l'énumération du groupe qui va
aller au Vanuatu ; il faut y ajouter notre ami Simon LOUECKHOTE qui nous
accueille ici. Nous étions à ses côtés au CREIPAC.
Alors le CREIPAC, c'est le bon exemple de ce que l'on peut faire en
Nouvelle-Calédonie pour favoriser la francophonie. Si nous faisons
escale d'abord en Nouvelle-Calédonie, avant d'aller au Vanuatu, c'est
que justement nous pensons que la Nouvelle-Calédonie, dans son nouveau
statut, est un bon élément pour tisser des liens avec des pays
comme le Vanuatu au nom de la francophonie. Il n'est pas nécessaire que
la France soit directement engagée, elle peut le faire dans certaines
actions de coopération mais en plus la Nouvelle-Calédonie est
là, elle a retrouvé la confiance de ses voisins, elle a un bon
espoir d'un équilibre heureux, et bien utilisons cette bonne carte de
l'ensemble français que représente le territoire organisé
sous ce nouveau statut.
RRB - Alors si j'ai bien lu le programme, demain vous allez à
Ouvéa avec justement le sénateur Simon LOUECKHOTE.
Guy Cabanel - Demain on fait plaisir à notre ami Simon LOUECKHOTE. On va
voir sa vraie terre d'origine, donc Ouvéa dans les îles
Loyauté, et puis on revient à Nouméa, on continue nos
contacts et puis le lendemain, nous partons pour Port-Vila.
RRB - Qui devez-vous rencontrez là-bas et quel est exactement le but de
cette mission ?
Guy Cabanel - A Port-Vila, on va voir la plupart des autorités de la
République du Vanuatu, avec une petite nuance. On a quand même
deux événements concurrents : d'une part, les J.O. de Sydney
qui font que quelques personnes vont partir du Vanuatu pour aller voir ce qui
va se passer à Sydney. Et puis il y a aussi l'Assemblée
générale des Nations-Unies qui s'est ouverte par un grand forum.
Mais on a de très bons contacts, on va essayer de voir dans quelles
conditions vivent les francophones du Vanuatu, de quoi ont-ils besoin, comment
la coopération française qui est déjà forte peut
être renforcée. Comment la Nouvelle-Calédonie peut y
prendre sa part.
RRB - Et la francophonie au Vanuatu, quelle est votre impression : il y a
quelques années, on disait qu'elle était un peu en recul au
Vanuatu, est-ce que les choses vont mieux aujourd'hui ?
Guy Cabanel - Je n'ai pas d'éléments a priori. En effet, il
paraît que la francophonie a reculé. Il faut dire que
l'indépendance du Vanuatu a été marquée en quelque
sorte par une dominante gouvernementale anglophone très forte dans les
premières années à l'époque du Pasteur Walter
LINI. Mais depuis le Vanuatu est gouverné par des coalitions dans
lesquelles entrent des partis anglophones, des partis francophones, et ces
coalitions-là permettent finalement de réconcilier, de mettre au
coude à coude les deux communautés, l'anglophone et la
francophone, du Vanuatu.
RRB - Et vous avez l'impression que dans le Pacifique le français a
encore un avenir dans cette zone qui est vraiment dominée par
l'anglais ?
Guy Cabanel - La visite au CREIPAC m'a conduit à penser cela, en effet.
C'est vrai que l'anglais dans le Pacifique comme ailleurs est la grande langue
internationale. Si la planète est un village, sa langue sera l'anglais.
C'est vrai aussi qu'il est rassurant de discuter au CREIPAC avec des gens qui
viennent de Nouvelle-Zélande, d'Indonésie et du Japon, soit pour
apprendre le français, soit pour se perfectionner et accéder
à la culture française. Le CREIPAC peut le faire mieux qu'il
n'aurait pu le faire autrefois parce que la Nouvelle-Calédonie est bien
inscrite maintenant dans l'ensemble Pacifique et je crois que c'est un
très bon instrument pour défendre la francophonie, la maintenir.
Nous n'avons pas d'ambition impérialiste. La France a la sagesse de
regarder son destin bien en face, mais nous savons que nous avons une place et
qu'on apporte un complément de joie culturelle, de connaissances. Le
CREIPAC le fait, je m'en réjouis.
RRB - En cette période de jeux olympiques, on rappelle de temps en temps
que le français est une langue olympique.
Guy Cabanel - Que le français soit une langue olympique ça a
été le fait de la volonté du Baron de COUBERTIN, que nos
amis australiens se fassent un peu tirer l'oreille pour satisfaire cette
vieille condition des premières olympiades, c'est peut-être un peu
dommage mais je pense que ça va s'arranger. Il est plus important dans
le grand ensemble Pacifique de faire en sorte que le plus grand nombre
d'habitants de ces nouveaux États, de ces archipels, de ces îles
puissent parler le français s'ils le désirent, puissent s'initier
au français et surtout, puissent accéder à la culture
française. Après tout, c'est notre grand patrimoine.
RRB - Combien de temps resterez-vous au Vanuatu ?
Guy Cabanel - On va rester trois jours.
RRB - Vous serez de retour en métropole pour le référendum
du 24 septembre ?
Guy Cabanel - On sera de retour en métropole le 19 au matin pour la
dernière semaine du référendum. C'est un
référendum sans émotion. J'ai déjà
voté le quinquennat quand j'étais député du temps
de Georges Pompidou. Et j'ai répondu à l'appel de Georges
Pompidou qui estimait qu'à partir du moment où le
président de la République était élu au suffrage
universel, c'est un homme qui avait un contrat direct avec le peuple et que
pour ce contrat direct il devait présenter des projets capables
d'être actualisés au bout de cinq ans et quand on a un mandat
aussi direct du peuple, il faut savoir revenir plus souvent devant le peuple
pour que ce contrat soit bien avalisé, soit bien estampillé. Sept
ans, c'est beaucoup. C'était une formule du passé. C'était
la monarchie républicaine, c'est ce qu'on a cherché en 1873,
quelle durée donner à cette République qui était
incertaine, car il y avait une majorité à l'Assemblée
nationale de monarchistes divisés en légitimistes et en
orléanistes qui ne se sont pas entendus d'ailleurs. Et ces monarchistes,
ils voulaient rétablir la monarchie et ils ont donné au chef de
l'exécutif le pouvoir le plus long pour leur laisser le temps de faire
leur préparation de la Restauration. Ils ont manqué cette
restauration. Il y a eu la République. On a gardé le septennat.
Il a été utile dans un premier temps parce que les
présidents de la république avaient peu de pouvoir et la
continuité d'un homme à l'Élysée lui permettait
d'aider à la marche des institutions par des petits arbitrages.
Aujourd'hui, c'est tout autre chose. Le Président de la
République élu au suffrage universel est un homme qui doit avoir
un contrat direct avec les citoyens. Cinq ans, tous les cinq ans, ça ne
me gêne pas.
RRB - Et comment convaincre les Français d'aller voter ?
Apparemment, ils ne sont pas passionnés. Et comment convaincre les
Calédoniens ? Que leur demanderiez-vous pour aller voter le
24 ?
Guy Cabanel - Les Calédoniens, je leur demande de voter oui pour cette
modernisation de nos institutions dont on appréciera avec le temps les
conséquences, on pourra encore peut-être apporter quelques
améliorations au système constitutionnel. Mais il faut aussi
s'habituer au fait que la France doit vivre une démocratie
apaisée et cette démocratie apaisée, elle est un peu
à l'exemple de la Suisse, où il y a peu de votants dans les
votations quand on fait appel au peuple. Mais vont voter ceux qui sont
déterminés à exprimer leur pensée, leur
volonté et s'il y a 40 % de votants et 75% de oui, il faut
l'accepter et à l'avenir peut-être que nous aurons beaucoup de
référendums -je devrais dire de référenda-
où la participation peut être faible, mais on demande au peuple de
se prononcer ; ceux qui viennent, le font et nous les remercions. Nous
n'avons pas le vote obligatoire, c'est un tout autre dispositif mais il n'est
pas question de l'instituer en France, donc acceptons un
référendum peut-être un peu court, mais un
référendum qui aura du poids. Le peuple aura parlé.
RRB - Monsieur le sénateur, merci.