III. NIAGARA-ON-THE-LAKE (7 - 8 NOVEMBRE 2014)
La délégation a achevé son déplacement dans la région de Niagara, ce qui lui a permis d'aborder le thème de l'hydro-électricité en Ontario. Elle y a également tenu deux sessions de travail, respectivement sur les thèmes de l'industrie pharmaceutique et des biotechnologies, et de l'informatique quantique.
1. L'hydro-électricité en Ontario
M. Yvon Godin et Mme Elaine Michaud , députés, ont présenté les principales caractéristiques de l'hydro-électricité dans la région de Niagara.
Les chutes du Niagara ont le plus important volume d'eau au monde, soit un débit de 2 832 m 3 /s. L'île de Goat sépare la chute américaine de la chute canadienne. La chute américaine mesure 59 mètres de haut et 260 mètres de large. Elle transporte environ 10 % du débit d'eau. La chute canadienne, aussi nommée « Fer-à-cheval » en raison de sa forme hémisphérique, possède une hauteur de 54 mètres et une largeur de 670 mètres. Elle transporte 90 % du débit restant. Une troisième chute, nommée le « Voile-de-la-mariée », est d'une taille moindre et se trouve à côté de la chute américaine.
Le développement de l'hydro-électricité en Ontario a commencé au début du XX ème siècle. Toujours dépendante du charbon comme source d'énergie primaire, la province a dû se tourner vers d'autres solutions lorsqu'en 1902, a éclaté une grève dans une mine de charbon en Pennsylvanie (États-Unis). Il a alors été pris conscience de l'importance de diversifier les sources d'énergie et de s'approvisionner sur son propre territoire.
On s'est alors tourné vers l'immense potentiel des chutes du Niagara. Sir Adam Beck, maire de London et représentant du Parti conservateur à l'Assemblée législative, a milité pour l'établissement d'une société d'État, afin que ce dernier contrôle la production d'électricité. C'était, selon lui, le seul moyen de réduire les coûts et de faire en sorte que l'électricité soit accessible au grand public. C'était aussi la seule façon de repousser les compagnies privées américaines, qui prévoyaient de vendre la plus grande partie de l'électricité produite à partir des chutes Niagara à l'État de New-York pour ne laisser que le surplus à l'Ontario.
Les idées de Sir Adam Beck ont rapidement trouvé un écho favorable au sein de l'opinion publique. Ainsi, en 1905, l'électrification de la province est devenue un enjeu politique, le Premier ministre conservateur James Whitney déclarant que « l'énergie hydro-électrique des chutes du Niagara devrait être aussi libre que l'air et disponible [...] pour chaque citoyen ».
En 1906, le Gouvernement provincial a fondé la Commission hydro-électrique de l'Ontario, qui avait pour tâche de monter des lignes de transport d'électricité, afin d'approvisionner les réseaux électriques municipaux à partir de centrales hydro-électriques privées, aménagées aux chutes du Niagara.
Dans les années 1920, la Commission a commencé à produire et transporter l'énergie produite par ses propres installations, et a poursuivi son programme d'acquisition des lignes de transport et des centrales des principaux acteurs privés de l'industrie. Dès le moment où la Commission a commencé à distribuer de l'électricité, les prix ont chuté de 87 %, et sont restés inférieurs d'un tiers à ceux des États-Unis.
En 1950, le Canada et les États-Unis ont signé un traité concernant la dérivation des eaux du Niagara. Cette entente stipulait qu'un débit minimal de 50 % devait être réservé aux chutes pendant les heures de clarté en été et que le reste, soit jusqu'à 75 % du débit, la nuit et en hiver, devait être divisé à parts égales entre le Canada et les États-Unis.
Après avoir été renommée, en 1974, Hydro Ontario, la Commission hydro-électrique de l'Ontario a été dissoute en 1999 par le Gouvernement conservateur de M. Mike Harris et scindée en cinq entités. Cette décision a été prise dans le cadre d'une réforme de libéralisation du marché provincial de l'électricité.
Hydro One constitue l'une des sociétés de la Couronne de l'Ontario fondée en 1999 à la suite du démantèlement d'Hydro Ontario. Elle est responsable du transport d'électricité et de l'exploitation des réseaux de distribution dans plusieurs régions de la province. Hydro One devait être privatisée dans le cadre de la privatisation du marché de l'électricité envisagée par le Gouvernement, mais elle est finalement demeurée publique en raison de fortes oppositions.
Ontario Power Generation, également créée en 1999, se trouve chargée de la production d'électricité. Elle gère des centrales hydro-électriques et d'autres installations. Ses unités de production comprennent : trois centrales nucléaires (Pickering A, Pickering B et Darlington), cinq centrales thermiques, et soixante-quatre barrages hydro-électriques. Au total, ces installations produisent plus de 19 000 mégawatts d'électricité. Ontario Power Generation possède les deux tiers de l'électricité produite en Ontario.
En 2013, l'hydro-électricité représentait environ 26 % de la réserve provinciale d'électricité. Les 250 centrales hydro-électriques de la province totalisent une puissance de plus de 8 400 mégawatts. C'est la deuxième plus importante source d'énergie en Ontario.
Du côté canadien, les centrales hydro-électriques les plus puissantes sur le Niagara sont : la Sir Adam Beck 1 et 2, construite en 1954, et la Robert Moses Niagara Power Plant, construite en 1961. La production des centrales du Niagara est d'environ 12 milliards de kilowatt-heures par année, ce qui permet d'alimenter plus d'un million de foyers pour une année complète.
En août 2005, Ontario Power Generation, qui gère la centrale Sir Adam Beck, a annoncé la construction d'un nouveau tunnel de 10,2 km de long et de 12,7 mètres de large, afin de collecter l'eau plus en amont du Niagara. Le tunnel a été mis en service en mars 2013, permettant une production annuelle supplémentaire de 150 mégawatts d'électricité. La construction du tunnel a coûté 1,5 milliard de dollars canadiens (soit un peu plus d'un milliard d'euros).
2. Première session de travail : l'industrie pharmaceutique et les biotechnologies
Au Canada
M. Yvon Godin et Mme Elaine Michaud , députés, ont exposé la situation de l'industrie pharmaceutique et biopharmaceutique au Canada.
Les entreprises biopharmaceutiques et pharmaceutiques sont des acteurs clés de l'économie innovante canadienne. L'excellence du Canada dans le domaine de la recherche est reconnue dans de nombreux domaines, notamment les maladies cardiovasculaires et les troubles métaboliques, la neuroscience, l'oncologie ainsi que les maladies infectieuses et les vaccins. Le Canada est également l'un des chefs de file dans l'élaboration de plateformes technologiques clés, notamment celles associées aux cellules souches et à la médecine régénératrice, à la génomique et aux anticorps.
Les centres universitaires de recherche en santé, les hôpitaux et les laboratoires gouvernementaux jouent un rôle central dans la recherche, le développement clinique et le transfert des connaissances.
Au niveau fédéral, le Conseil national de recherches (CNRC) constitue la principale ressource du Gouvernement canadien. Il guide des organismes de recherche, de développement et d'innovation fondés sur la technologie. Parmi ceux-ci, six instituts du CNRC se concentrent dans le domaine de la biotechnologie. Trois de ces derniers travaillent dans le domaine de la santé : l'Institut de recherche en biotechnologie, l'Institut du biodiagnostic et l'Institut des sciences nutritionnelles et de la santé.
Selon Industrie Canada, la plupart des entreprises biopharmaceutiques privées et publiques au Canada sont des petites et moyennes entreprises (PME) qui mènent des activités de recherche et développement en vue de créer de nouveaux traitements. En 2010, on en comptait environ 180.
Les grandes « grappes » de l'industrie biopharmaceutique sont situées à Montréal, à Toronto et à Vancouver. En 2010, plus de 500 nouveaux produits se trouvaient en développement. Les trois principaux domaines de ces produits étaient : l'oncologie (41 %), la neuroscience (14 %), les maladies infectieuses et les vaccins (11 %). En ce qui concerne leur état d'avancement, environ 60 % étaient en phase de recherche (40 %) ou préclinique (22 %).
Les ventes de produits pharmaceutiques sur le marché canadien représentent 2,5 % des ventes mondiales. Le Canada constitue le 8 ème marché pharmaceutique à l'échelle mondiale et l'industrie pharmaceutique du Canada occupe le 7 ème rang mondial pour le dynamisme de sa croissance. Les entreprises de médicaments d'origine réalisent 76 % des ventes de produits sur le marché canadien et 37 % des ordonnances, le reste étant attribuable aux entreprises de médicaments génériques.
Selon Statistique Canada, l'industrie de la fabrication de produits pharmaceutiques employait 26 945 personnes en 2013. Cependant, au cours des dix dernières années, l'emploi dans l'industrie s'est accru seulement de1,6 %.
Comme c'est le cas dans le secteur biopharmaceutique, les entreprises sont concentrées dans les régions métropolitaines de Vancouver, Montréal et Toronto. En 2010, les emplois directs par les fabricants pharmaceutiques se trouvaient principalement en Ontario (55 %) et au Québec (30 %).
L'industrie pharmaceutique canadienne et internationale a été exposée à une somme sans précédent de défis et de changements au cours des dernières années.
L'un des plus grands problèmes se posant aux entreprises canadiennes réside dans la concurrence internationale. Pour prospérer à l'échelle mondiale, les entreprises canadiennes doivent bénéficier d'un appui solide du secteur industriel. Récemment, le Conseil des académies canadiennes a conclu que le Canada disposait d'atouts en matière de recherche et développement (R&D) dans quatre secteurs industriels, dont la fabrication de produits pharmaceutiques et de médicaments. Pourtant, le secteur de la fabrication de produits pharmaceutiques et de médicaments a été touché par une diminution des investissements du secteur des entreprises pour la R&D, évaluée à 2 % sur 5 ans.
Ensuite, la faible croissance du marché et les pressions découlant de la concurrence mondiale ont exacerbé les tendances récentes dans l'industrie pharmaceutique au Canada. Par exemple, la production intérieure de produits pharmaceutiques, d'une valeur de 7,7 milliards de dollars en 2011, se trouve en baisse : son taux de croissance moyen enregistre un fléchissement de 1,7 % depuis 2004.
En 2012, le Canada a exporté des produits pharmaceutiques, principalement vers les États-Unis, pour une valeur de 5,2 milliards de dollars, ce qui représente plus de la moitié de la production intérieure. Cependant, la valeur de ses importations pharmaceutiques s'est élevée à 13,5 milliards de dollars, d'où un déficit commercial de 8 milliards. Une part importante du marché canadien est, en effet, alimentée par les importations : 34 % provenant des États-Unis et 44 % de l'Union européenne.
Les exportations canadiennes vers la France en matière de produits pharmaceutiques sont constituées à 80 % de vaccins et 20 % de médicaments. Sur le plan des importations canadiennes en provenance de la France, c'est l'inverse : les importations sont constituées à plus de 80 % de médicaments et à 20 % de vaccins. Bien qu'on note une baisse de 17 % des importations canadiennes entre 2011 et 2012, les produits pharmaceutiques demeurent un important produit d'importation, dont le commerce est évalué à 670 millions de dollars, soit 13 % des achats bilatéraux entre la France et le Canada.
Par ailleurs, les entreprises canadiennes doivent également être soutenues par des politiques publiques. Pour attirer des investissements internationaux, le Canada devra s'attaquer à certains problèmes comme l'accès aux nouveaux médicaments, les contraintes réglementaires, tout en veillant à la sécurité des produits, ou encore à la protection de la propriété intellectuelle.
L'avenir de l'industrie pharmaceutique canadienne dépend donc de la capacité à créer et maintenir un environnement qui encourage l'investissement.
Certaines compagnies françaises ont investi au Canada, ce qui, bien sûr, génère des emplois. Par exemple, en 2012, Novocol Pharmaceutical, une filiale de la société française Septodont, a lancé un projet d'investissement de 54 millions de dollars sur 5 ans, afin d'agrandir et de moderniser ses installations à Cambridge (Ontario). Cet agrandissement comprend la transformation d'une usine de production en centre de R&D, ainsi que l'achat d'équipements de pointe pour la mise au point de nouveaux produits de prévention des infections.
Certaines compagnies pharmaceutiques canadiennes sont présentes en France, comme les sociétés québécoises Aptalis (pharmacie) et Lallemand (biotechnologies), ou la société ontarienne Pharmideas Research.
La France et le Canada ont signé, en mars 2013, un Plan d'action commun en matière de sciences et technologie, d'innovation et d'entrepreneuriat. Il a pour objectif de renforcer « les partenariats établis par l'industrie, le Gouvernement et les universités en vue d'accroître la mobilité des étudiants et des chercheurs ». Il vise également à soutenir l'innovation au moyen de la recherche et la commercialisation de nouvelles technologies.
Le Plan d'action propose d'atteindre ces objectifs en favorisant diverses formes de collaboration comme « l'échange de connaissances scientifiques, la tenue de séminaires, l'établissement de partenariats commerciaux et technologiques et l'utilisation partagée des ressources et de la technologie ».
Plusieurs domaines d'intervention gouvernementale comme la santé sont ciblés par le Plan d'action. Il sera donc intéressant de suivre l'évolution de ce plan, pour voir s'il peut contribuer à une plus grande collaboration entre la France et le Canada dans le domaine de la biopharmaceutique et de la pharmaceutique.
En France
Mme Marie-Noëlle Battistel , députée, a présenté la situation du secteur de l'industrie pharmaceutique en France. Celui-ci a longtemps été une « locomotive » de l'économie française, avec un fort taux de croissance, un fort taux de recherche et développement (R&D) privée et une innovation permanente.
Le marché de l'industrie pharmaceutique présente plusieurs caractéristiques : il est mondial et dominé par les grands laboratoires pharmaceutiques, appelés « big pharma » ; il est strictement réglementé (les nouveaux médicaments ne peuvent être mis sur le marché qu'après autorisation des autorités sanitaires et leur cycle de vie dépend étroitement des politiques de prise en charge par les systèmes de sécurité sociale) ; et l'innovation y est essentielle.
On semble assister depuis dix ans, en France, à un retournement de situation : certains parlent même de « crise d'innovation », et s'inquiètent de la faible productivité de la R&D pharmaceutique. Les entreprises pharmaceutiques françaises sont désormais en quête d'un nouveau modèle économique.
En 2013, le chiffre d'affaires des entreprises françaises du médicament s'est élevé à plus de 53 milliards d'euros, dont 50 % à l'exportation. Le marché français est le deuxième marché européen, après le marché allemand. Le marché français de la prescription connaît, depuis peu, une baisse (- 2,4 % en 2013 par rapport à 2012). En revanche, les exportations françaises de médicaments ont beaucoup progressé, de près de 15 % en 2012 et 4 % en 2013, portant le montant des exportations à 26,3 milliards d'euros. Elles sont surtout dirigées vers les pays de l'Union européenne et ceux d'Europe centrale et orientale.
Au total, en 2013, le solde de la balance commerciale pharmaceutique s'établit à + 9 milliards d'euros (contre + 7 en 2012). Les médicaments constituent le cinquième excédent commercial de la France. L'implantation directe des entreprises d'origine française aux États-Unis et au Japon, qui sont les deux plus grands marchés du monde, a beaucoup progressé, mais demeure faible, comparée à celle des entreprises d'origine britannique, allemande et suisse.
Avec 3,1 milliards d'euros de dépenses en 2011, l'industrie pharmaceutique se trouve à la deuxième place des activités engageant le plus de dépenses intérieures de R&D en France, après la construction automobile. Le budget total consacré à la recherche pharmaceutique représente environ 10 % du chiffre d'affaires des entreprises du médicament, ce qui est relativement élevé (5 milliards d'euros en 2010). Les investissements dans ce secteur de recherche ralentissent toutefois de manière régulière depuis 2007 : - 4 % en volume entre 2010 et 2011, après - 6 % entre 2009 et 2010.
C'est le groupe Sanofi qui domine en France, avec 9,4 % des parts de marché. On a assisté à une certaine restructuration du tissu industriel : en 2012, on comptait 254 entreprises industrielles pharmaceutiques, contre près de 1 000 dans les années 1950. On doit y ajouter environ 250 entreprises qui se consacrent strictement aux biotechnologies (« start-up »).
On constate une baisse des effectifs de l'industrie pharmaceutique française, qui emploie un peu plus de 100 000 personnes. Plus d'un salarié sur cinq travaille dans des centres de R&D, les effectifs dans la recherche ayant augmenté de 18 % au cours des dix dernières années. Mais ceux-ci se concentrent sur un petit nombre d'entreprises et les partenariats externes de recherche et de transfert d'activités de R&D se développent.
Le marché de l'industrie pharmaceutique se trouve aujourd'hui en mutation et compte plusieurs facteurs de croissance. Dans les pays industrialisés, le vieillissement de la population va se traduire par de nouveaux besoins en santé croissants. Dans les pays émergents, la demande est également en augmentation, comme en Chine, au Brésil ou en Inde.
Il subsiste, en outre, des besoins médicaux non satisfaits (maladies non complètement guéries), comme les cancers, les maladies neurodégénératives, les maladies auto-immunes (Alzheimer, Parkinson, etc.), l'obésité ou les maladies épidémiques.
Les entreprises françaises ont donc des perspectives intéressantes de ce point de vue, comme le traduit l'excédent de la balance commerciale pharmaceutique, mais elles doivent aussi s'adapter à certains facteurs de vulnérabilité du marché.
En effet, la majorité des pays industriels ont adopté des mesures de régulation pour freiner la hausse des dépenses de santé, notamment des dépenses pharmaceutiques. Ainsi, la loi de financement de la Sécurité sociale définit annuellement un Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), décliné pour chaque poste de dépenses et, notamment, le médicament. Les entreprises pharmaceutiques négocient donc régulièrement des accords prix-volume avec la Sécurité sociale.
La montée en puissance des médicaments génériques a un impact sur les marges des entreprises pharmaceutiques : le différentiel de prix de la molécule générique par rapport au médicament « princeps » est de 40 % à 50 %. En 2013, le marché des génériques représente plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec un taux de substitution atteignant 85 % pour certaines molécules. Par ailleurs, les litiges sur les brevets sont de plus en plus nombreux : des fabricants de génériques s'attaquent parfois aux brevets avant leur date d'échéance.
Le coût des nouvelles molécules mises sur le marché croît : les molécules innovantes, issues d'une recherche complexe, ont un prix élevé, de l'ordre de 50 000 euros par an pour traiter une maladie orpheline par exemple. La R&D pharmaceutique reste, en effet, un processus long : il faut en moyenne douze ans pour développer une nouvelle molécule.
Les étapes sont les suivantes :
- La recherche, qui dure environ six ans pour déterminer un candidat comme médicament. Elle représente 10 % du coût total de R&D, contre 90 % pour le développement.
- Le développement, qui dure environ cinq ans et comprend des études cliniques comportant plusieurs phases.
- L'autorisation de mise sur le marché, procédure qui dure environ un an.
La R&D bénéficie de garanties : le brevet permet de protéger l'innovation pendant vingt ans. Il débute dès que la molécule est identifiée, et peut être prolongé pour cinq ans par un certificat complémentaire de protection.
Enfin, la mise au point d'une nouvelle molécule est coûteuse : elle représente un investissement d'environ un milliard d'euros. En dix ans, les coûts principaux du développement ont plus que doublé. L'amortissement financier de ces travaux s'opère donc souvent au plan mondial.
Par ailleurs, la R&D pharmaceutique reste un processus risqué : la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché n'est jamais acquise. Diverses affaires liées aux effets secondaires de médicaments (par exemple, le Mediator) ont conduit les autorités sanitaires à se montrer plus vigilantes dans la délivrance de cette autorisation. C'est donc souvent en fin de développement, au stade des études de toxicologie, que les causes d'échec apparaissent, quand l'addition est déjà lourde.
Quant aux perspectives d'avenir, certains observateurs se demandent si l'industrie pharmaceutique ne traverserait pas aujourd'hui une crise d'innovation. De fait, la R&D crée moins de molécules que par le passé, et semble s'orienter vers trois axes :
- La reformulation de médicaments existants, ce qu'on appelle un « me-too » (« moi aussi »), qui permet d'améliorer une molécule, sans en changer substantiellement le profil ;
- L'extension d'indication : lorsqu'une molécule est commercialisée, elle l'est pour une indication précise. Pour rentabiliser les coûts de R&D et améliorer la gestion du cycle de vie de la molécule, il est possible de demander à ce qu'elle puisse être indiquée pour d'autres pathologies ;
- La galénique, qui est la forme sous laquelle est administré le médicament (prise orale, voie nasale, etc...).
Certains considèrent que les entreprises pharmaceutiques privilégient ainsi la sécurité : elles ciblent les produits rapidement commercialisables et focalisent leurs efforts sur des segments à forte valeur ajoutée, aux risques réglementaires et concurrentiels réduits.
Par ailleurs, la productivité de la R&D pharmaceutique se révèle inégale. Alors que le nombre d'études cliniques a plus que doublé depuis 1995, le nombre de médicaments approuvés par les autorités sanitaires a, pour sa part, diminué.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation : l'exigence croissante des autorités sanitaires sur les données cliniques pour autoriser la mise sur le marché ou le remboursement ; le taux d'échec de la R&D dans certains domaines comme le cancer, où le développement est plus long ; la multiplication des essais pré- et post-cliniques, qui réduisent le cycle de vie et le potentiel commercial du produit et conduisent à abandonner certaines innovations.
Depuis une dizaine d'années, les entreprises pharmaceutiques cherchent à adapter leur modèle économique et privilégient la restructuration et la diversification stratégique de leur « portefeuille » de produits. Elles se sont aussi lancées dans des opérations massives de fusions-acquisitions.
Les « big pharma » s'inspirent de plus en plus du modèle économique des petites firmes de biotechnologie innovantes. Près de 70 % des médicaments innovants dans le monde sont développés par des entreprises de ce secteur. Leur petite taille leur offre l'avantage d'une grande proximité d'acteurs et leur faible intégration des activités industrielles et commerciales leur permet une forte concentration sur l'innovation.
Il faut rester, toutefois, prudent quant au succès de cette démarche : 80 % des firmes de biotechnologie ont un effectif inférieur à 30 salariés. Il n'est donc pas évident que ce modèle soit adapté aux plus grandes entreprises, d'autant que le secteur des biotechnologies se caractérise par un fort taux de « mortalité » des entreprises. Les coûts de R&D augmentant, on assiste à la rationalisation des centres de recherche et à la fermeture de certains d'entre eux.
La création de nouveaux centres est rare. Elle intervient aujourd'hui principalement en Asie et parfois aux États-Unis. L'Europe, quant à elle, peine à réaffirmer son attractivité pour la localisation des investissements de R&D, en dépit de mesures attractives comme les pôles de compétitivité.
Ainsi, le marché, en pleine mutation, semble traverser une crise de la productivité de la recherche. Un nouveau modèle de croissance émerge : l'objectif de la R&D est la mise au point de spécialités qui proviennent de plus en plus de la biotechnologie, sont destinées à des pathologies très ciblées et sont peu sensibles à la menace des génériques. Leurs prescripteurs sont principalement le secteur hospitalier et les spécialistes.
Cette évolution a entraîné une nouvelle organisation des sociétés pharmaceutiques : l'innovation se fait dorénavant dans des structures plus petites, sur le modèle de la « start-up ». Au niveau des groupes, certains se recentrent sur la recherche et la commercialisation, la production étant réalisée à l'extérieur. Cela a des conséquences pour les politiques publiques de soutien, qui se sont adaptées : pôles de compétitivité, campus d'innovation, soutien aux biotechnologies...
Suite à ces exposés, les membres des délégations ont procédé à divers échanges qui ont permis de mettre en évidence les grands traits des systèmes de santé français et canadien. Ce dernier se caractérise par le rôle important des provinces, par exemple en matière de taux de remboursement des médicaments prescrits, et l'absence de stratégie nationale d'achat de médicaments, tandis que se pose de manière pressante, pour le système français, la question de sa pérennité financière.
3. Seconde session de travail : l'informatique quantique
En France
M. Pierre-Yves Collombat , sénateur, a ouvert la deuxième session de travail par un exposé sur la physique quantique et sa place dans la recherche française.
Il a d'abord précisé que la physique quantique était une branche de la science relativement récente - elle date du début du XX ème siècle. Comme toute « jeune » discipline, elle fait l'objet de nombreuses recherches et il s'agit d'un domaine très évolutif. Les connaissances y sont en constant progrès : on en comprend un peu plus chaque jour.
La physique quantique vise à décrire notre univers à une très petite échelle, celle des particules. C'est une branche de la physique qui s'intéresse à l'infiniment petit, plus petit même que l'atome. Elle se distingue de la physique dite « classique », qui traite de l'univers à une échelle macroscopique.
Le sénateur a également souligné que les recherches en physique quantique ouvraient de nouvelles perspectives, dans deux domaines en particulier : la sécurité des communications, avec la cryptographie quantique ; et la puissance de calcul, avec les ordinateurs quantiques. Ces deux axes de recherche sont explorés en France.
Mais M. Pierre-Yves Collombat a précisé qu'on était pour l'instant loin de pouvoir produire un ordinateur quantique de grande puissance et manipulable comme un micro-ordinateur : on n'en est vraiment qu'aux débuts de l'informatique quantique.
Ce domaine fait l'objet de recherches en France, notamment au sein de l'équipe « Quantic » de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), le principal centre de recherche français consacré à cette thématique particulière.
L'INRIA est un établissement public de recherche placé sous la double tutelle des ministres chargés de la recherche et de l'industrie. Créé en 1967, il assure, dans le domaine des sciences mathématiques et informatiques, quatre missions principales : la recherche ; le transfert et l'innovation ; le développement technologique et l'expérimentation ; l'enseignement et la formation.
L'INRIA s'est engagé dans une politique de partenariats qui peuvent s'appuyer sur diverses structures, adaptées selon les types de partenariat : avec d'autres équipes académiques ; avec des acteurs industriels, comme Alcatel Lucent ou Microsoft ; avec des PME ; avec des équipes internationales.
Cette politique de partenariat va sans doute dans le bon sens, mais il reste des défis à relever pour promouvoir le secteur innovant de la physique quantique et des technologies de l'information. Parmi ces défis, peuvent être citées la création d'un climat de confiance favorable aux entreprises des technologies de l'information et la définition des technologies de l'information comme un enjeu stratégique pour la recherche française.
La France est actuellement en train d'élaborer sa « stratégie nationale de recherche », qui comportera une programmation pluriannuelle des moyens et sera soumise pour avis au Parlement. Elle doit permettre d'identifier un nombre limité de priorités scientifiques et technologiques visant à répondre aux défis majeurs des prochaines décennies. L'élaboration de cette stratégie s'appuie sur une concertation avec la communauté scientifique et universitaire, ainsi qu'avec le monde socio-économique.
Au Canada
M. Bernard Trottier , député, a fait part de sa satisfaction s'agissant des visites sur site, à l'Institut d'informatique quantique et l'Institut périmètre, qui ont permis aux membres de la délégation d'avoir une vision un peu plus concrète de ce domaine d'activité. Le député a précisé que la région de Toronto n'était pas la seule tournée vers ce secteur, et a cité l'Institut des sciences et technologies quantiques de l'Université de Calgary (Alberta).
Il a rappelé les applications pratiques de l'informatique quantique, en sciences pures et appliquées, notamment pour concevoir de nouvelles molécules complexes entrant dans la composition de médicaments, crypter des renseignements pour la transmission sécurisée de données, ou toute autre application exigeant le traitement rapide de grandes quantités de données.
Le Gouvernement canadien soutient le secteur de l'informatique quantique. Ainsi en 2007, il a subventionné, à hauteur de 50 millions de dollars, les activités de l'Institut Périmètre. De même, en 2009, un financement de 50 millions de dollars a été alloué pour la construction de l'Institut d'informatique quantique. En 2012, le Gouvernement a annoncé un financement de 10 millions de dollars sur deux ans pour soutenir l'Institut canadien de recherches avancées (ICRA), qui travaille notamment dans le domaine de la nanoélectronique et du traitement de l'information quantique. En 2014, 15 millions de dollars sur trois ans ont été annoncés pour soutenir l'Institut d'informatique quantique.
Le député a également souligné le rôle de plusieurs structures fédérales intervenant dans le soutien à la R&D en matière d'informatique quantique : Industrie Canada, le Conseil national de recherches du Canada via le programme d'aide à la recherche industrielle (CNRC-PARI), la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), les Chaires d'excellence en recherche du Canada et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST).
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Visite de l'Alliance française
Visite à l'institut de physique quantique
Présentation par le responsable développement,
M. Martin Lord, au Centre d'excellence de l'Ontario