CONCLUSION

Au cours de son séjour, la délégation a eu l'occasion de découvrir avec un très grand intérêt deux actions éducatives menées, l'une dans la favela Vila Prudente située dans la zone Est de Sao Paulo, l'autre dans le complexe de favelas de Marê à Rio de Janeiro.

Elle a été particulièrement sensible à l'action conduite par l'ONG franco-brésilienne " Arca do saber " (littéralement, « Arche de connaissance »), créée en 2001 par des religieuses françaises pour gérer une école maternelle au sein de la favela Vila Prudente, peuplée d'environ 17 000 habitants. Avec le changement de la politique d'éducation de la ville, l'école a été transformée en centre pédagogique et culturel, subventionné à 90 % par les services sociaux de la mairie de Sao Paulo.

Ce centre permet de compléter l'enseignement public de 120 enfants, âgés de 6 à 14 ans. Les enfants reçoivent un soutien scolaire, participent à des activités sportives et culturelles, bénéficient de deux repas équilibrés par jour et d'une aide psychologique hebdomadaire. En outre, un atelier d'artisanat présent dans les locaux permet de fournir du travail aux femmes de la communauté.

En plus de favoriser la réussite scolaire, l'objectif de l'association est de faciliter l'insertion professionnelle des élèves. Dans cette perspective, le président de l'association, M. Fred RIO, a interrogé la délégation sur la possibilité d'une aide éventuelle du groupe d'amitié, soit pour l'achat de deux ordinateurs pour les cours de soutien scolaire, soit pour la prise en charge de la formation linguistique et didactique des trois enseignantes de français, qui sont elles-mêmes habitantes de la favela, pendant deux semaines en France.

La visite de l'école Uerê, située dans l'une des plus grandes favelas de Rio de Janeiro (200 000 habitants), a permis à la délégation de prendre la pleine mesure du poids des inégalités et du règne de la violence dans les favelas « non pacifiées ». Elle s'est déroulée sous escorte militaire, en présence du général commandant les forces armées déployées dans les favelas de Rio, afin que soient réunies les conditions de sécurité maximales. Non encore « pacifié » (des unités de la police pacificatrice devraient y être installées au début de 2015), le complexe de Marê est fortement sous l'emprise des gangs et des trafiquants de drogue.

Visite de l'école Uerê dans le complexe de favelas de Marê

L'école accueille plus de 400 enfants et adolescents vivant dans la favela. La pédagogie " Uerê-Mello " (du nom de sa fondatrice et directrice Yvonne BEREZZA de MELLO) y est appliquée, permettant de restaurer les capacités d'apprentissage des enfants exposés quotidiennement à la violence et souffrant de troubles cognitifs.

Plusieurs expatriés français contribuent à titre bénévole à l'action éducative dispensée dans l'établissement, malgré les conditions de sécurité difficiles auxquels ils s'exposent.

L'école Uerê est financée entièrement par des dons et contributions et ne bénéficie pas de subventions publiques. EDF participe à cet effort par le parrainage d'un enfant. Le professeur de musique a évoqué la possibilité d'un soutien du groupe d'amitié pour la prise en charge de la formation des enseignants.

Les résultats de l'école sont exceptionnels dans cet environnement très défavorisé, à tel point qu'elle a obtenu l'inscription de quatre de ses élèves dans des universités, sans passer par le « vestibular » (concours d'accès à l'université).

La venue de la délégation a été l'occasion pour le Consul général de France, M. Brice ROQUEFEUIL, de remettre les insignes de chevalier de la Légion d'honneur à Mme Yvonne BEZERRA de MELLO lors d'une cérémonie organisée à la résidence consulaire. Francophone et francophile, Mme de MELLO est une personnalité exceptionnelle, qui intervient régulièrement dans le débat d'idées sur les sujets de société. Elle s'était notamment insurgée contre les expéditions punitives menées par des « justiciers des rues » (de jeunes gens issus des classes moyennes) à l'endroit de délinquants pris en flagrant délit de vol ou d'agression.

La remise de cette décoration a fait partie des moments forts du séjour de la délégation. Elle vient récompenser l'engagement d'une femme en faveur de l'éducation des enfants des rues ou en situation de grande détresse et témoigner de la force des liens d'amitié entre la France et le Brésil.

Hémicycle du Sénat brésilien

Ce déplacement, particulièrement dense, a donc permis d'apporter à la délégation du groupe interparlementaire d'amitié France-Brésil des éléments importants d'information sur les défis actuels des politiques sociales volontaristes en faveur d'une société brésilienne plus égalitaire .

La délégation sénatoriale a ainsi pu mesurer l'impact de chacun des trois dossiers sur la réduction de la pauvreté. Mais malgré les succès enregistrés, les inégalités subsistent : 1 % de la population dispose de 17 % des richesses du Brésil. De surcroit, les résultats sont encore fragiles (hausse de l'inflation) et les programmes sociaux doivent être consolidés pour permettre aux classes sociales moyennes les plus modestes de ne pas retomber dans la pauvreté. Selon les indices officiels, 22 % de la population seraient toujours vulnérables et 18 % seraient toujours menacés par le spectre de la faim. Le chemin est encore long vers un rapprochement plus égalitaire des conditions de vie des 200 millions de Brésiliens.

La question est effectivement posée de savoir si le Brésil va consolider les résultats acquis et parvenir durablement à vaincre et surmonter la pauvreté, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes d'amélioration du bien-être de la population.

Pour l'heure, les décideurs politiques sont invités à « changer de logiciel » et à satisfaire des aspirations populaires qui appellent des réponses structurelles. En effet, le Brésil a besoin de réformes inscrites dans la durée, pour poursuivre sa construction d'une société plus juste.

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