Cadre juridique et réglementaire de l'investissement étranger en Iran et perspectives |
Je souhaite procéder à un certain nombre de rappels et poser un regard sur les conditions juridiques préexistantes en Iran à la lumière de la levée possible des sanctions.
L'Iran est soumis au régime de l'accord transitoire de novembre 2013, qui comprend uniquement des allégements partiels, financiers et sectoriels.
S'agissant des allégements financiers, qui sont soumis au respect par l'Iran d'un certain nombre d'obligations formalisées par l'AIEA, nous constatons que la libération par tranches de 500 millions de dollars des avoirs gelés a permis d'atteindre au 20 juillet un total d'allègements de 4,2 milliards de dollars. Ces allégements ont donc pleinement fonctionné.
En revanche, les canaux financiers nécessaires à la réalisation des allégements sectoriels sur l'automobile, sur les biens dits humanitaires et sur les licences des pièces destinées à la flotte aérienne civile iranienne n'ont pas été mis en place par les Occidentaux. Or la question des garanties fournies par le groupe des « 5+1 » à ce sujet est centrale dans la mesure où l'absence de canaux financiers empêche les structures qui le souhaitent d'exporter en Iran.
Dès lors, même dans l'éventualité où un accord sur la levée des sanctions serait trouvé, les échanges commerciaux avec l'Iran n'évolueront pas si les banques américaines continuent à exercer des pressions sur les banques internationales et si l'OFAC ne leur permet pas d'opérer à nouveau en Iran. Les États-Unis doivent donc garantir aux banques internationales qu'elles pourront agir sans risques de représailles.
En outre, la levée des sanctions se heurte à un certain nombre de contraintes juridico-institutionnelles. Si celles-ci ne devraient pas constituer un obstacle majeur pour l'Union européenne, elles seront en revanche plus fortes pour les États-Unis, où les actes du Congrès imposent au Président Obama de procéder à des wavers 4 ( * ) quasi-permanents.
Par ailleurs, certains articles de la Constitution iranienne, notamment l'article 44, limitent les possibilités d'investissement en Iran. En effet, si un accord à caractère international est signé avec une entité publique, il doit être soumis à l'aval du Majlis , contrairement aux accords entre personnes privées. Il faut également signaler que le terme « joint-venture » ne recouvre pas la même signification pour les Occidentaux et les Iraniens, pour qui l'aspect commercial prime sur l'aspect juridique.
Lorsque nous nous sommes rendus en Iran avec la délégation du MEDEF, nous avons pu constater un véritable fossé entre le volontarisme affiché par le discours officiel et la réalité des faits.
À dire vrai, il n'existe pas en Iran de guichet unique, la bureaucratie y est monolithique, le système fiscal particulièrement opaque, la législation du travail très rigide tandis que l'on relève des lacunes et ambiguïtés dans la loi sur les investissements étrangers.
Cela étant, un certain nombre de fantasmes doivent être levés. En effet, une fois l'accord obtenu, les mécanismes de protection des investissements étrangers pourront être mis en application, à plus forte raison pour la France qui dispose d'une convention bilatérale avec l'Iran. De même, les contrats de distribution et de représentation ainsi que des mécanismes de coopération multiformes permettront de développer les exportations avant que les réformes mises en oeuvre par l'État iranien ne prennent leur plein effet.
Bien que l'ouverture de l'économie iranienne aux privatisations soit avérée, force est de reconnaître que les huit dixièmes d'entre elles sont factices et profitent en réalité aux pouvoirs publics, aux amis politiques et aux fonds de pension. De ce fait, le gouvernement Rohani a inscrit, avec l'appui du Guide, de véritables privatisations dans son programme de réformes.
Un hiatus existe entre les signaux verbaux, pour le moins excellents, et la réalité du terrain. À titre d'exemple, le secteur iranien de la pétrochimie a émis de vives critiques sur le programme de privatisations, qui, selon lui, risque de faire retomber ces activités dans les travers qu'elles ont connus auparavant.
La prudence s'impose donc, notamment du fait que le processus de due diligence 5 ( * ) ne permet pas toujours de se faire une idée précise de la situation réelle des entreprises iraniennes. En effet, les Iraniens ont pour coutume de dire qu'il existe trois types de comptabilité en Iran : celle pour le fisc, celle pour le banquier et celle pour le Président... Il faut donc être particulièrement attentif à certaines pratiques et au choix de ses partenaires.
Enfin, les entrepreneurs ne doivent pas mésestimer le potentiel très attractif des zones économiques spéciales. Sur place, nous avons pu constater la présence des Italiens, des Allemands, des Anglais et des Américains. Il appartient donc aux entreprises françaises de saisir les opportunités qui se présentent à elles, sans perdre de temps.
* 4 Exemptions temporaires aux restrictions imposées dans le cadre des sanctions
* 5 Investigation comptable et financière