D. JEUDI 5 SEPTEMBRE

1. Visite du complexe « Huntsman » à Saint-Andrews

Les déléguées ont pris part à une visite guidée du Huntsman Marine Science Centre, institut de recherche privé dont la mission est de contribuer à la protection des océans et des espèces marines par la recherche et le développement de solutions techniques innovantes.

Le Huntsman Marine Science Centre comprend l' International Aquaculture Innovation Centre (IAIC) qui répond aux défis du développement durable pour la filière de l'aquaculture. L'IAIC collabore avec le secteur industriel, universitaire et gouvernemental et effectue des recherches. Lors de la visite, les délégués ont visité les installations utilisées pour la recherche concernant le renouvellement des stocks de saumon et d'esturgeon.

2. Séance de travail
a) Les mutations économiques dans le secteur des pêches
(1) Au Canada

L'exposé de M. Yvon Godin, député du Nouveau-Brunswick, portait sur l'évolution de la pêche à la morue et aux homards en Atlantique. Pendant plusieurs siècles la pêche à la morue en Atlantique était si abondante qu'elle faisait vivre les collectivités côtières et soutenait le commerce international. Au début des années 1990, la surpêche et des changements environnementaux ont mené à l'effondrement des stocks de morue. En 1992, le gouvernement fédéral a imposé un moratoire pour permettre aux stocks de morue de se régénérer. Dans les années 2000, la pêche à la morue a été rouverte en suivant une approche de précaution. En dépit de ces mesures, les stocks sont toujours bas et, conséquemment, seule la pêche récréative à la morue est aujourd'hui permise.

La fermeture des pêches à la morue a entraîné des mises à pied de plusieurs milliers de pêcheurs et employés des usines de transformation du Canada atlantique. Le gouvernement fédéral et les provinces ont mis en place des programmes d'aide au développement économique régional pour offrir des emplois de courte durée aux personnes touchées et s'assurer qu'elles puissent avoir droit aux prestations d'assurance-emploi. De plus, toute une série d'initiatives a été lancée, dont le rachat de permis de pêche, le soutien du revenu, la formation, la réinstallation et l'aide à la diversification économique.

En réponse aux moratoires visant les poissons de fond, l'industrie de la pêche au Nouveau-Brunswick s'est progressivement tournée vers des espèces plus lucratives - notamment les crustacés comme le homard, la crevette et le crabe - et vers l'aquaculture. Une partie des emplois perdus a donc été récupérée par les activités de pêche aux crustacés et d'autres poissons.

Aujourd'hui, le secteur de la pêche commerciale le plus important au Nouveau-Brunswick est celui du homard. La pêche commerciale au homard au Nouveau-Brunswick est pratiquée dans cinq zones de pêche différentes situées sur deux côtes - la baie de Fundy et le golfe du Saint-Laurent. Il n'y a pas de quotas pour les zones de pêche du homard, mais l'effort de pêche est limité par un nombre déterminé de permis. Chaque permis de pêche au homard fait également l'objet d'un nombre maximum de casiers. De plus, il y a un programme volontaire de marquage par « encoche en V » de la queue de femelles oeuvées et une interdiction de les débarquer pour assurer la pérennité des stocks.

En 2010, le Nouveau-Brunswick détenait 1 742 permis de pêche au homard, soit environ 17 % de tous les permis au Canada. En 2011, la valeur des débarquements de homard était de 106,7 millions de dollars, une augmentation de plus de 14 % par rapport à 2010. En dépit de ces chiffres, la pêche au homard au Nouveau-Brunswick connaît de sérieux problèmes. La récession économique mondiale, combinée à une devise canadienne forte, a donné lieu à une baisse de la demande de homards et à une diminution des prix au débarquement.

De nombreux pêcheurs de homard ont réagi à la baisse des prix au quai et à l'augmentation des frais d'exploitation en intensifiant l'effort de pêche afin de maintenir leurs revenus, mais ils ont ainsi saturé le marché et accentué la pression à la baisse sur les prix. Les débarquements de homards ont atteint des niveaux record ces dernières années. Certains craignent qu'il y ait surpêche. D'autres préconisent l'imposition de quotas afin de réduire la capacité excédentaire de la pêche au homard. La grande majorité des pêcheurs au homard s'y opposent, car ils soutiennent que d'autres pêcheries ont connu la surpêche et l'épuisement des stocks malgré l'imposition de quotas. D'autres croient que le haut niveau des débarquements indique la bonne santé de la ressource.

Aux problèmes structurels et conjoncturels auxquels est confrontée l'industrie du homard au Nouveau-Brunswick s'ajoute une main-d'oeuvre vieillissante. En effet, plus de 60 % des travailleurs du secteur de la pêche au homard sont âgés de 40 ans et plus. On retrouve un pourcentage similaire dans les usines de transformation du poisson. Par ailleurs, il est difficile de trouver de la relève et recruter des équipages. Il est connu que les navires de pêche constituent un environnement de travail dangereux, notamment en raison des longues heures de travail, du travail vigoureux et des mauvaises conditions météorologiques, qui comporte des risques de glissade, de trébuchement et de chute. De même, les usines de transformation du poisson et des fruits de mer comportent leur large part de conditions de travail parfois difficiles : longues heures de travail, l'obligation de rester debout longtemps, les mouvements très répétitifs et le rythme accéléré du travail.

L'emploi dans le secteur de la pêche au homard ainsi que dans les usines de transformation étant essentiellement saisonnier, les travailleurs peuvent bénéficier du Programme d'assurance-emploi. Un changement important apporté au programme en 2012-2013 concerne les définitions d'emploi convenable et de démarches de recherche d'emploi. Auparavant, les chômeurs devaient être à la recherche d'un emploi pour avoir droit aux prestations, mais les changements définissent plus clairement ce qui doit être fait. Certains craignent que ce changement touche davantage les régions rurales où le taux de chômage est élevé et où beaucoup d'emplois sont saisonniers, comme ceux liés à la pêche au homard et à la transformation du poisson.

Enfin, l'avenir du secteur de la pêche au homard et des usines de transformation du homard au Nouveau-Brunswick dépendra de la capacité de l'industrie à recruter et à retenir des travailleurs. La baisse des prix payés au quai pour le homard, la faiblesse de la demande des produits du homard sur les marchés internationaux, les incertitudes liées aux marchés et les conflits opposant les pêcheurs de homard aux propriétaires d'usines de transformation laissent entrevoir un avenir incertain pour l'industrie du homard. Pour mieux comprendre la situation, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, de concert avec les gouvernements de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, a mis sur pied un groupe d'experts chargé de donner son avis et présenter ses recommandations sur les cinq enjeux suivants : déterminer les raisons de la baisse des prix dans les Maritimes et voir si cette situation est le reflet des conditions du marché ; examiner les diverses composantes des coûts et des revenus des pêcheurs, des acheteurs et des transformateurs dans les Maritimes en vue de trouver les seuils de viabilité et, dans la mesure du possible, la capacité d'un seul secteur de l'industrie à influencer indûment le prix payé au quai ; donner des conseils stratégiques aux trois provinces sur les initiatives de marketing ; recommander des options relatives à un système ou à des systèmes officiels qui permettraient à l'industrie de connaître le prix payé aux pêcheurs avant les débarquements ; et fournir des conseils sur des mesures pouvant raisonnablement être prises afin de stabiliser et puis d'augmenter les prix versés aux pêcheurs, tout en respectant les principes de séparation des propriétaires-exploitants et de la flotte et en protégeant un rendement juste pour les autres entreprises associées à la chaîne de valeur du homard.

(2) En France

Concernant la France, le sénateur Louis Duvernois a affirmé que la pêche française doit également s'adapter à un marché mondialisé concurrentiel tout en préservant ses spécificités. Face à la concurrence mondiale, la France souffre d'un déficit de la balance commerciale de l'ordre de 3,5 milliards d'euros : 80 % des produits de la mer proviennent de l'étranger alors que les quantités de poissons vendues annuellement par la flotte métropolitaine diminuent depuis 2003. La pêche française doit donc évoluer pour répondre à la demande pour les produits de la mer qui ne cesse de croître (une augmentation de 33 % de 1999 à 2010).

La France souffre aussi d'un « dumping social », entre États membres de l'Union européenne, la politique commune de la pêche n'imposant aucune norme sociale. Parallèlement, la pêche non déclarée et non réglementée se développe.

À cela s'ajoutent le contexte économique défavorable de la hausse du prix du gaz et la baisse des prix des produits de la pêche du fait de la diminution de la ressource.

En dépit de ces problèmes, la France est le 4 ème producteur européen de produits de la pêche (après l'Espagne, le Danemark et le Royaume-Uni). La pêche maritime métropolitaine rapporte plus d'1 milliard d'euros et la France demeure le premier producteur d'huîtres de l'UE. Grâce à l'ostréiculture, la France est au premier rang pour l'ensemble de la production aquacole.

Face à cette concurrence mondiale, la pêche française doit relever un certain nombre de défis. Elle doit faire évoluer la structuration de la demande qui ne fait que croître : la consommation moyenne de produits issus de la pêche et de la pisciculture est de 3,2 kg par habitant. Le secteur doit également s'adapter en proposant des poisons de qualité, via par exemple des labellisations. La modernisation des structures est également un des défis qui s'impose à la pêche française. Ainsi la mise aux normes et la modernisation technique des criées - qui reçoivent les deux tiers de la pêche fraîche - et de l'organisation de la profession est en cours.

Toutefois, cette modernisation doit se faire dans le respect du modèle économique de la pêche « artisanale », modèle économique différent des autres pays européens tels la Norvège, dont la flotte est constituée en majorité de navires industriels ou semi-industriels. La pêche française est caractérisée par des embarcations de taille petite et moyenne (inférieure à 24 mètres) pratiquée par des équipages en nombre réduit avec comme figure de proue, celle du patron pêcheur. La petite pêche est le secteur réunissant le plus d'emplois avec 45 % des effectifs. Les chiffres de 2013 de France Agrimer attestent d'une flotte globale de 7 157 bateaux dont 4 578 en métropole. 3 645 navires font moins de 12 mètres, soit 79,6 % de la flotte.

Face à ces défis et difficultés, le secteur de la pêche dispose de plusieurs mécanismes d'aide publique et privée.

L'aide publique se décline à différents échelons. Au niveau local, les collectivités territoriales soutiennent financièrement le secteur, les conseils généraux participant notamment à la modernisation des criées dans les ports de pêche et les conseils régionaux l'aidant via les contrats de projet État/région (ex : CPER 2007-2013 : État et Bretagne : 23,6 millions de la région Bretagne, 32,2 millions des autres collectivités bretonnes).

Au niveau national, l'État français offre un soutien budgétaire en finançant les caisses de chômage intempéries et avaries, en indemnisant des arrêts temporaires et des plans de sortie de flotte, en garantissant un salaire minimum pour les marins pêcheurs (en vigueur depuis 2008) et en finançant des contrats bleus (des programmes encourageant des pratiques de pêche plus exigeantes que les normes européennes). Le soutien de l'État est aussi fiscal. Parmi les mesures mises oeuvre, il convient de citer la détaxation du carburant utilisé par les navires de pêche (exonération totale de la taxe intérieure de consommation (TIC) pour les produits énergétiques destinés à être utilisés comme carburants pour la navigation maritime), l'exonération de TVA sur les produits de la pêche vendus par les marins-pêcheurs et armateurs de pêche. Toutefois, l'enveloppe budgétaire pour 2013 est en baisse (-10%).

Au niveau européen, l'outil principal correspond à la Politique commune de la pêche. Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche remplace, depuis la réforme de 2013, les instruments financiers existants. Ses objectifs sont établis dans la stratégie Europe 2020 : pêche durable, politique maritime intégrée et développement territorial équilibré.

Le secteur de la pêche française reçoit également de l'aide du secteur privé par l'entremise de France filière pêche (FFP), une association interprofessionnelle regroupant producteurs, acteurs de la transformation et du commerce ainsi que les distributeurs ayant pour but la modernisation et valorisation de la pêche française. La FFP, qui dispose d'un budget de 150 millions d'euros, a deux objectifs principaux : populariser le label « Pavillon France », la marque de commerce de la pêche française, et moderniser la flotte de pêche française par le financement d'engins économes en carburant. Ce mécanisme privé permet ainsi de compenser les aides publiques limitées par les règles européennes.

À la suite de ces présentations, les parlementaires ont échangé sur les changements d'habitudes alimentaires et leur impact sur l'industrie de la pêche. Le poisson est souvent présenté comme un aliment à privilégier pour une saine alimentation (source d'oméga) ce qui explique en grande partie la demande croissante pour les produits de la mer. Par ailleurs, la question de la périodicité de la pêche a été abordée. Dans les Maritimes (région qui se situe à l'Est du Québec), certaines pêches ne durent que quelques semaines. Les usines doivent donc traiter une quantité importante de poissons et de crustacés dans un court laps de temps. Une fois la pêche terminée et les produits transformés, les pêcheurs et les travailleurs dans les usines doivent se trouver une autre occupation. Enfin, les délégués ont discuté des prédateurs et des espèces nuisibles et de leur impact sur les stocks de poissons. En Atlantique, il est quasi impossible de renouveler les stocks de morues en raison de la surpopulation des phoques gris. Néanmoins, la chasse aux phoques et la commercialisation des produits dérivés de phoques restent très encadrées. En France, la région de la Sologne connait une situation similaire avec de nombreux cormorans - espèces protégées par les directives européennes de protection de la biodiversité - qui dévastent les stocks de poisson dans les zones Natura 2000.

b) Les métiers du secteur des pêches
(1) Au Canada

M. John Williamson a abordé le thème de l'emploi dans l'industrie du poisson et des produits de la mer. Il a d'abord précisé que l'industrie du poisson et des produits de la mer comprenait les pêches commerciales en eau douce et en mer, ainsi que la production aquacole et le secteur de la transformation du poisson, débarqué et d'élevage.

Les activités de pêche commerciale se caractérisent par un milieu dangereux, des efforts intenses, de longues heures de travail et des conditions météorologiques difficiles. Chaque année au Canada, des travailleurs perdent la vie ou sont blessés en mer. Les sites d'aquaculture comportent également des risques, tels que la noyade, l'hypothermie et les blessures liées à la chaleur. La pénibilité du travail est aussi une réalité dans les usines de transformation du poisson : il faut se tenir debout longtemps avec le dos voûté, faire des mouvements très répétitifs et travailler rapidement pendant de longues heures.

En 2011, l'industrie canadienne du poisson et des produits de la mer employait plus de 82 000 personnes. La plupart travaillait dans le secteur de la pêche (60 %) et les autres dans les usines de transformation (36 %) ainsi qu'en aquaculture (4 %). L'industrie repose sur une intensité relativement forte de main-d'oeuvre et se distingue par une grande proportion d'hommes et un vieillissement de l'effectif.

Dans l'ensemble de l'industrie, 66 % des travailleurs sont des hommes, mais cette proportion varie selon les secteurs. Elle est de 77 % dans le secteur de la pêche, de 75 % en aquaculture et de 52 % dans les usines de transformation. Le nombre élevé d'hommes dans l'industrie canadienne de la pêche se reflète à l'échelle régionale : ils représentent 66 % des travailleurs des provinces de l'Atlantique. On constate toutefois certaines disparités selon la région. À titre d'exemple, la majorité des travailleuses des usines de transformation du poisson du Nouveau-Brunswick sont des femmes ; elles occupent 53 % des emplois. Dans l'ensemble, la proportion de femmes qui travaillent dans l'industrie du poisson et des produits de la mer est inférieure à celle de toutes les autres industries (47 %).

Comme le reste de la population du Canada, la main-d'oeuvre de l'industrie du poisson et des produits de la mer est vieillissante et comprend 59 % de personnes âgées de 40 ans et plus (comparé à 52 % dans les autres industries). En général, l'âge des travailleurs de l'industrie de la pêche semble plutôt comparable d'une province de l'Atlantique à l'autre. Ceux qui ont 40 ans et plus occupent 63 % des emplois du secteur de la pêche et 56 % des postes dans les usines de transformation. Les secteurs de la pêche et de la transformation comptent tous les deux très peu de nouvelles (ou jeunes) recrues, car les jeunes ont tendance à chercher du travail dans d'autres industries et d'autres régions.

Un facteur souvent mentionné pour expliquer le faible recrutement des jeunes dans le secteur de la pêche commerciale est l'investissement requis lié à l'achat d'une entreprise de pêche. Un autre facteur est l'attrait des jeunes vers les régions offrant de meilleures perspectives d'emploi, en particulier dans l'Ouest canadien. Du fait de conditions de travail souvent pénibles, il est difficile d'assurer la relève par le recrutement de nouveaux employés dans ces secteurs.

Par ailleurs, la plupart des travailleurs se retirent de l'industrie à 65 ans. En conséquence, il pourrait y avoir une importante pénurie de main-d'oeuvre dans ces secteurs au cours des cinq à dix prochaines années. La main-d'oeuvre vieillissante s'ajoute donc aux problèmes conjoncturels auxquels est confrontée l'industrie. En revanche, la main-d'oeuvre dans le secteur de l'aquaculture est plus jeune, 50 % des travailleurs ayant entre 20 et 39 ans. Les perspectives d'avenir apparaissent aussi plus reluisantes dans ce secteur.

La contribution de l'industrie du poisson et des produits de la mer au marché du travail canadien, d'environ 0,5 %, est négligeable. En revanche, la situation est quelque peu différente à l'échelle régionale : environ 9 % des emplois à Terre-Neuve-et-Labrador sont attribuables à l'industrie de la pêche, près de 7 % à l'Île-du-Prince-Édouard, 4 % en Nouvelle-Écosse et plus de 3 % au Nouveau-Brunswick (pour une moyenne de 5 % dans la région de l'Atlantique).

La pêche commerciale et la transformation dans l'industrie du poisson et des produits de la mer sont également marquées par le chômage saisonnier. En revanche, le secteur de l'aquaculture offre bien souvent des emplois à l'année. Les travailleurs saisonniers peuvent bénéficier du Programme de l'assurance-emploi comme source secondaire de revenus. L'importance de cette assurance dans le revenu varie selon la région : elle a tendance à être plus prononcée dans les provinces de l'Atlantique que sur la côte du Pacifique. Un changement important a été apporté au programme en 2012-2013 concernant les définitions d'emploi convenable et de démarches de recherche d'emploi. Auparavant, les chômeurs devaient être à la recherche d'un emploi pour avoir droit aux prestations, sans préciser clairement ce qui devait être fait. Les textes sont plus précis désormais sur ce point, ce qui fait craindre à certains que ce changement touche davantage les régions rurales où le taux de chômage est élevé et où beaucoup d'emplois sont saisonniers, comme ceux liés à la pêche commerciale et à la transformation du poisson, ainsi que l'a souligné M. Williamson.

(2) En France

Mme Marie-Noëlle Battistel a présenté les métiers de la pêche en France. La filière de la pêche française génère des emplois aussi bien en mer qu'à terre. On estime entre trois et quatre le nombre d'emplois induits à terre par l'activité de pêche, soit un total de 90 000 emplois. L'activité de pêche contribue à l'activité économique du littoral. Les métiers sont nombreux : pêcheurs, halles à marées (ou criées) qui vendent le poisson frais (2/3 des volumes débarqués dans les ports français), mareyeurs qui assurent le premier achat des produits de la pêche destinés à la consommation humaine en vue de leur commercialisation. Les mareyeurs trient, préparent et expédient les produis vers les grossistes ou distributeurs qui revendent aux supermarchés ou aux poissonniers ou aux fabricants de produits dérivés.

Les métiers de la pêche se déclinent également en fonction d'une typologie particulière : petite pêche (absence du port inférieur à 24h), pêche côtière (absence du port comprise entre 24 heures et 96 heures), pêche au large (absence du port comprise entre 96 heures et 20 jours), grande pêche (navires de jauge supérieure à 1 000 tonneaux de jauge brute (TJB) ou absence supérieure à 20 jours pour les navires de plus de 150 TJB).

La petite pêche est le secteur qui emploie le plus de personnes avec 45 % des effectifs. La Bretagne est le plus grand bassin d'emplois de marins pêcheurs, suivie du Poitou-Charentes, de l'Aquitaine, des régions méditerranéennes et des départements d'outre-mer.

De façon générale, les métiers de la pêche sont peu attractifs. Ainsi, en 2007-2009, environ 29 000 personnes exerçaient ces métiers. Entre 2008 et 2010, on a enregistré une baisse de 9 % du nombre d'emplois dans cette filière. Par ailleurs, la moyenne d'âge des travailleurs est de plus de 40 ans. Se pose ainsi un problème de renouvellement des générations. Des assises de la mer ont eu lieu en juillet dernier, dont l'un des objectifs était d'identifier les causes expliquant ce manque d'intérêt pour les métiers de la pêche. La pénibilité du métier est un des facteurs prépondérants. La pêche est un des secteurs les plus accidentogènes après le secteur du bâtiment et des travaux publics. De plus, ce sont des métiers peu valorisés et la formation de marin est souvent inadaptée.

Par ailleurs, ces métiers demeurent très masculins. Les femmes n'occupent que 11 % des emplois comparativement à 15 % il y a vingt-cinq ans. En 2002, une étude menée par la Commission européenne, concernant les femmes dans la filière, concluait à un sentiment d'être non désirées, particulièrement dans le secteur de la capture marine, et à une surreprésentation dans le secteur de la transformation, particulièrement dans les postes subalternes non qualifiés pour lesquels il y a très peu de perspective d'avenir. Par exemple, en France, l'entreprise Chancerelle (marque Connetable), en Bretagne, emploie 70 femmes sur 350 salariés. Par ailleurs, ressortent de cette étude, la discrimination économique et le manque de reconnaissance des femmes, qui jouent néanmoins un rôle important dans le soutien de leur conjoint pêcheur en constituant le lien entre le producteur et la filiale. De fait, un tiers des conjointes sont impliquées dans le travail de leur mari patron-pêcheur. Il existe même un statut juridique de « conjointes collaboratrices, associé ou salarié » qui permet aux femmes de bénéficier d'une assurance en cas de maladie, d'accident ou au moment de la retraite. À ce jour, seulement 20 % des conjointes ont opté pour ce statut. Mme Battistel a conclu sur l'important travail de promotion qui doit être entrepris pour reconnaître le travail des femmes dans cette filière.

Après les présentations, les délégués ont échangé sur divers sujets, dont la pratique des rejets à la mer. Selon GreenPeace, 30 millions de tonnes de poissons et de crustacés sont rejetées à la mer annuellement. L'UE a récemment proposé un rapport à l'Assemblée nationale pour interdire complètement le rejet à la mer. Un tel objectif est quasiment inatteignable et entraînerait une grande réorganisation de la filière de la pêche, notamment au niveau des techniques de capture. Le Canada fait également face à un défi similaire sur le plan des prises accessoires.

La question des métiers de la mer, particulièrement le travail des femmes dans les usines de transformation, a été également largement abordée. Durant la haute saison de la pêche au Nord du Nouveau-Brunswick, il n'est pas rare que les employées travaillent de 12 à 17 heures par jour. Puisque la pêche est saisonnière, une grande majorité d'entre elles deviennent bénéficiaires de l'assurance-emploi. Leurs conditions de travail sont souvent pénibles (bien que le concept n'existe pas au Canada) et les salaires ne sont pas très élevés. Il est important de noter qu'il existe des différences entre l'organisation de la pêche dans le Nord et le Sud du Nouveau-Brunswick. En France, la pêche n'est pas une activité saisonnière en elle-même. L'industrie de la pêche s'adapte en fonction des espèces et de la saison. Toutefois, la filière de la pêche, tant en France qu'au Canada, est confrontée aux problèmes des travailleurs étrangers. Concernant la problématique de l'attractivité des métiers de la pêche, les délégués ont également évoqué le coût de l'équipement de pêche.

(3) Réunion relative aux prochaines activités de l'AICF

A l'issue de la session, les délégués de l'AIFC se sont réunis pour décider de leurs prochaines activités. Il a ainsi été décidé que la prochaine réunion aurait lieu en France au printemps 2014, dans le département de Madame Battistel, l'Isère, ou en Alsace pour étudier le bilinguisme. Plusieurs thèmes ont été proposés :

- les industries culturelles, notamment l'industrie cinématographique et la production télévisuelle qui sont en transformation. M. Bernard Trottier a ainsi proposé d'accueillir la 42 e réunion de l'AICF à Toronto et dans le Sud de l'Ontario en 2015 ;

- l'innovation et la recherche (nano-technologie, pôle innovation etc.). En France (Grenoble) comme au Canada (Waterloo, Ontario), il existe des centres de recherches relatifs aux nano-technologies ;

- le développement d'internet ;

- le logement social.

3. Visite du centre d'interprétation canadien de l'Île-Sainte-Croix à Bayside : point de départ d'une histoire commune

La délégation s'est rendue à Bayside, au site d'interprétation canadien de l'Île-Sainte-Croix. L'Île-Sainte-Croix est le site de la première tentative d'établissement en Amérique du Nord par Pierre Dugua qui a ouvert la voie aux colonies permanentes de l'Acadie et de la Nouvelle-France. Il se situe dans l'état du Maine, à proximité de la frontière avec le Nouveau-Brunswick. Toutefois, étant donné son importance pour le Canada et les États-Unis, il a été désigné comme lieu historique international en 1984. Premier lieu ainsi désigné, il est sous la propriété et l'administration du National Park Service des États-Unis, en vertu d'une entente de collaboration conclue avec Parcs Canada.

4. Visite de l'usine de homards Paturel à Deer Island

Pour clore ce séjour, sur le thème de la pêche et des océans, les membres de la délégation ont visité une usine de transformation et d'exportations de homards, Paturel international, à Deer Island, au Sud du Nouveau-Brunswick.

L'usine est située au coeur de l'une des meilleures zones de pêche, car alimentée par la baie de Fundy, reconnue pour son riche écosystème et sa biodiversité.

La visite guidée de l'usine a permis de découvrir la chaîne de transformation, de la capture à l'emballage.

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