Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 117 - 4 juin 2014
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OUVERTURE
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INTRODUCTION
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TABLE RONDE 1 - L'ASEAN : QUELLES
OPPORTUNITES SECTORIELLES ?
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Mme Florence CASTAREDE, Administrateur,
Castarède
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Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance,
Thaïlande, Birmanie
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M. Pierre MAILLOUX, Directeur export,
Amplitude
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M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance, Vietnam
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Mme Catherine PROCACCIA, Présidente du
groupe d'amitié France-Indonésie et Timor-Est
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M. Frédéric DITTMAR, Directeur
général, Blue Solutions, groupe Bolloré
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M. Jean-Philippe ARVERT, Directeur Ubifrance,
Indonésie
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M. Jacques LEMANCQ, CEO, Broadpeak
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M. Grégory VERET, CEO et Fondateur,
Xooloo
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M. Frédéric MUSSO, Directeur
général, M. Target
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M. Frédéric ROSSI, Directeur
Ubifrance, Singapour
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Mme Florence CASTAREDE, Administrateur,
Castarède
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TABLE RONDE 2 - BIRMANIE, LAOS, CAMBODGE :
QUEL RÉEL POTENTIEL POUR NOS ENTREPRISES SUR CES MARCHÉS
D'AVENIR ?
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Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Sénateur,
Présidente déléguée pour la Birmanie du groupe
d'amitié France-Asie du Sud-Est
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Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance,
Thaïlande, Birmanie
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M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance,
Vietnam
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M. Alexis PREVESIANOS, Directeur des grands groupes
et institutions, Euler Hermès
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Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Sénateur,
Présidente déléguée pour la Birmanie du groupe
d'amitié France-Asie du Sud-Est
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TABLE RONDE 3 - COMMENT RÉUSSIR VOTRE
APPROCHE DES MARCHÉS DE L'ASEAN ?
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TABLE RONDE 4 - COMMENT PÉRENNISER VOS
AFFAIRES EN ASEAN ?
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M. Alain REHOCREUX, Directeur du
développement international, Olmix
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M. Patrick GILLARD CHEVALLIER, Responsable du
développement international, HSBC
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M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance,
Vietnam
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M. Frédéric ROSSI, Directeur
Ubifrance, Singapour
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Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance,
Thaïlande, Birmanie
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M. Eric TAINSCH, responsable projets, BPI
France
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Mme Martine PARTRAT, Responsable des
partenariats Air France
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M. Philippe FORESTIER, Directeur
général adjoint, Dassault Systèmes
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Mme Catherine PROCACCIA, Présidente du
groupe d'amitié France-Indonésie et Timor-Est
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M. Alain REHOCREUX, Directeur du
développement international, Olmix
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TAPEZ LE TITRE DU RAPPORT |
Groupes interparlementaires d'amitié
France-Asie du Sud-Est, France-Cambodge et Laos,
France-Indonésie et Timor-Est, et France-Vietnam
Cap sur l'Asie du Sud-Est |
Actes du colloque Sénat - Ubifrance du 3 avril 2014
Sous le haut patronage de
M. Jean-Pierre BEL,
Président du Sénat
Palais du Luxembourg
Salle Monnerville
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N° GA 117 - Mai 2014
OUVERTURE
Message du Président du Sénat, M. Jean-Pierre BEL, lu par M. Christian PONCELET, ancien Président du Sénat, Président du groupe d'amitié France-Vietnam
Mesdames et Messieurs, bonjour et bienvenue au Sénat.
Le Président du Sénat, Jean-Pierre BEL m'a chargé de vous transmettre un message de bienvenue que je vais vous lire.
« Le Sénat se félicite d'accueillir cette troisième rencontre sur les pays de l'Asie du Sud-Est, qui s'inscrit dans le cadre de notre partenariat fructueux avec Ubifrance, réseau mondial, doté d'antennes en France et à l'étranger, dédiées à l'accompagnement des entreprises françaises dans leur développement à l'export.
Le précédent colloque, d'octobre 2012, consacré à cette région, fut un réel succès, ce qui nous a conduits à organiser cette nouvelle rencontre, en privilégiant cette fois une approche sectorielle. Les thématiques retenues (agro-alimentaire, santé, développement urbain et nouvelles technologies de l'information et de la communication), correspondent aux secteurs d'expertise prioritaires de notre économie retenus par le ministère du commerce extérieur, pour le développement de nos exportations.
Votre mobilisation ce matin atteste bien, s'il en est besoin, de l'intérêt tout particulier que nos entreprises accordent à cette région. Le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, y avait d'ailleurs effectué une visite officielle dès 2012.
Notre Haute Assemblée, le Sénat, entend également contribuer à sa mesure, avec ses moyens, au renforcement de la présence française dans le monde, sur le plan institutionnel, politique et culturel bien sûr, mais aussi sur le plan économique. L'objectif est d'appuyer les initiatives de notre diplomatie économique pour soutenir les projets de nos entreprises qui travaillent à l'export, et surtout pour les PME.
L'organisation de ce colloque s'inscrit dans le cadre de cet objectif, au service duquel nos groupes d'amitié entendent contribuer positivement : je pense aux groupes d'amitié France-Asie du Sud-Est, que préside M. Gérard MIQUEL, France-Vietnam, présidé par M. Christian PONCELET, France-Cambodge et Laos présidé par M. Vincent EBLÉ et France-Indonésie et Timor-Est, présidé par notre collègue Catherine PROCACCIA.
Mes remerciements vont aussi à toutes celles et ceux qui ont contribué à l'organisation de ce colloque, parmi lesquels nos chefs de missions économiques, les représentants de BPI France et d'Ubifrance, nos partenaires, mais aussi notre direction en charge des relations internationales.
À tous, je souhaite de fructueux et bons travaux, en souhaitant qu'ils contribuent au développement de nos entreprises et de nos exportations dans cette zone qui offre de nouvelles opportunités à saisir, y compris pour les petites et moyennes entreprises. »
M. Christian PONCELET, ancien Président du Sénat, Président du groupe d'amitié France-Vietnam
Pour ma part, je suis heureux de vous accueillir ce matin pour ce colloque économique consacré aux pays de l'Asie du Sud-Est, pays regroupés sur le plan économique au sein de l'Association des Nations du Sud-Est asiatique, plus communément appelée « ASEAN ».
Vous le savez, cette association, créée en 1967, regroupe dix pays avec lesquels la France entretient de bonnes - voire de très bonnes - relations, sur le plan politique, culturel et commercial.
Cette région, qui a été identifiée comme zone géographique prioritaire par le ministère du commerce extérieur, connaît une dynamique de nature à susciter l'intérêt de nos entreprises : un taux de croissance moyen de 5 % à 6 % ; une démographie en plein essor avec près de 630 millions d'habitants, qui ont vocation à consommer ; et une ouverture croissante des marchés à l'offre internationale.
Ce sont donc vers ces pays que nous devons nous tourner, pour leur proposer notre expertise, y promouvoir nos exportations et y présenter nos innovations, pour équilibrer nos échanges.
La stratégie pays/secteur conçue par le ministère du commerce extérieur se base sur les grandes tendances de la demande dans ces nouveaux pays émergents. Elles s'articulent autour de quatre axes principaux : « mieux se nourrir », « mieux se soigner », « mieux communiquer » et « mieux vivre en ville ».
C'est cette approche sectorielle qui a été retenue pour ce colloque. Elle sera déclinée dans le cadre de quatre tables rondes, centrées sur notre expertise dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la santé, des nouvelles technologies de l'information et de la communication et du développement urbain.
Aux côtés de nos grandes filières classiques, que sont l'aéronautique, l'automobile, l'énergie, la mécanique, le luxe et l'art de vivre, nous devons concentrer notre attention et nos efforts sur le développement de ces nouvelles tendances de consommation dans ces lieux qui s'offrent à l'exportation pour la France.
Pour chacun de ces secteurs, il s'agit, de se doter d'un plan d'action pour réussir. Ce colloque sera l'occasion de s'enrichir de la connaissance de terrain des directeurs pays d'Ubifrance, de nos ambassades et des entreprises déjà présentes sur place. Autrefois, j'avais ainsi demandé aux grandes entreprises françaises de servir de support à des PME pour les aider et les guider, et nous avons connu quelques beaux succès à cette époque.
Avec un peu plus de 1,5 % de part de marché, notre pays est le deuxième partenaire européen de l'ASEAN, derrière l'Allemagne, mais devant le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Italie. Il s'agit de poursuivre la conquête de ces nouveaux marchés. Ce ne sera pas facile, car cet immense marché est complexe. En effet, en dépit de leur appartenance commune à l'ASEAN, chacun des dix pays membres a conservé des particularismes forts, ce qui nécessite la mise en oeuvre d'une stratégie souple, à géométrie variable, tenant compte des différentes législations, des obstacles à surmonter et surtout des cultures de ces pays.
D'ores et déjà, le Gouvernement s'est attelé à la mise en oeuvre de mesures susceptibles de faciliter la pénétration de ces marchés : simplification des procédures douanières et administratives, levée des barrières techniques, amélioration de la connaissance des marchés, lutte contre la contrefaçon, etc.
Les entreprises, elles aussi, doivent s'organiser et s'entraider pour gagner ensemble. À cet égard, les pôles de compétitivité constituent un véritable atout et l'appui de notre réseau Ubifrance à l'étranger, un support indispensable.
Vous pourrez également compter sur notre soutien, notamment au travers des actions que peuvent mener les quatre groupes interparlementaires qui couvrent cette région (France-Asie du Sud-Est, France-Indonésie et Timor-Est, France-Cambodge et Laos et France-Vietnam).
À tous, je souhaite une riche matinée d'échanges, en espérant que cette journée vous permettra de mieux identifier les atouts et obstacles à surmonter pour accéder à ces marchés et y promouvoir vos produits et votre expertise.
Je vous remercie de m'avoir écouté et fais le voeu que, par l'effort et la persévérance, nous parvenions à mieux nous implanter dans ces régions, dans l'intérêt de la France.
Je vous remercie de votre attention.
M. Henri BAÏSSAS, Directeur général adjoint d'Ubifrance
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous remercier, M. le Président, pour votre accueil au Sénat. Nous sommes très heureux que ce deuxième colloque ASEAN, après celui de 2012, puisse se tenir de nouveau au Palais du Luxembourg.
Les entreprises ont raison de s'adresser à Ubifrance, car cela peut les mener loin, à l'international comme en France. Cela a d'ailleurs été le sort de notre directrice générale, qui a été nommée avant-hier directrice de cabinet du Premier ministre. Le terrain d'Ubifrance est donc fertile.
Pour revenir à notre sujet, l'Asie du Sud-Est, notre objectif est de vous donner des clés pour comprendre ce marché. Cette zone est devenue une puissance mondiale à part entière, un trait d'union entre l'Asie du Nord et le reste du monde. Il s'agit d'une terre de croissance, avec dix pays qui connaissent un chemin de croissance robuste, de 5 % à 6 % par an, et d'une terre d'émergence, avec l'apparition d'une classe moyenne dans les pays de cette région, dont le poids démographique correspond à celui de l'Europe, soit 600 millions d'habitants, et avec un PIB correspondant à celui de la France.
Cette zone constitue une des priorités de l'action internationale du Gouvernement. M. Jean-Marc AYRAULT s'y est rendu à trois reprises et Mme Nicole BRICQ, à seize reprises. Pour la plupart de ces déplacements, nous avons organisé des missions spéciales, ouvertes aux PME, ce qui constituait une nouveauté. Nous avons organisé la partie prospection ainsi que la mise en relation d'affaires pour les entreprises que nous avons accompagnées.
Aujourd'hui, au-delà des informations sur les contextes de ces pays, nous souhaitons vous donner des pistes pour vous permettre de réussir votre développement commercial et votre implantation. Nous avons en effet vocation à être votre développeur commercial, votre bras armé sur les marchés pour votre prospection. Nous sommes là pour répondre simplement à une question essentielle pour vous lorsque vous abordez ces marchés : comment identifier un importateur, un distributeur, un acheteur, un partenaire commercial qui jouera pour vous le rôle de base de développement sur ces marchés ?
La grande famille Ubifrance ASEAN est présente sur dix pays et cette délégation est menée par Frédéric Rossi, directeur de Singapour et de la zone. Sept directeurs de nos bureaux sont présents aujourd'hui : Mmes Claire CAMDESSUS, directrice de la Thaïlande et de la Birmanie, Marie-Josée Conan, pour les Philippines, MM. Marc CAGNARD pour le Vietnam, Jean-Philippe ARVERT pour l'Indonésie et François MATRAIRE pour la Malaisie.
Derrière ces « têtes de pont », soixante-cinq personnes forment les équipes d'Ubifrance ASEAN et ont pour objectif d'accompagner les entreprises et de les faire réussir.
Avec l'aide de la Société Ipsos, nous interrogeons systématiquement, les entreprises que nous guidons six mois après cet accompagnement, afin de nous assurer de l'état de leur développement. Huit entreprises sur dix nous répondent que nous leur avons permis d'identifier au moins un contact qu'elles ne connaissaient pas. 54 % des entreprises signalent qu'elles ont obtenu une commande ou qu'elles sont en cours de négociation. Plus nous pouvons participer à ce développement, plus notre activité a du sens.
Je tiens également à remercier nos partenaires - HSBC, Air France, BPI France - avec qui nous avons développé des programmes spécifiques. Dans le cadre du pacte de compétitivité, il nous a, en effet, été demandé de développer un programme d'accompagnement dans la durée, sur trois ans. Ce programme concerne d'ailleurs plusieurs dizaines d'entreprises sur la zone ASEAN. Je tiens aussi à saluer CCI international et les CCI de France, qui se joignent à nos opérations ainsi qu'à nos opérations spéciales, et à remercier tous les intervenants qui prendront la parole aujourd'hui. C'est la force de ces témoignages qui fera la richesse de cette journée.
Profitez de cette journée pour prendre rendez-vous avec les intervenants et échanger avec eux. Je vous souhaite une très bonne journée et vous adresse tous mes voeux de réussite.
INTRODUCTION
M. Frédéric ROSSI, Directeur Ubifrance, Singapour
Mesdames, Messieurs,
Je vais tenter de vous dresser un rapide panorama économique de l'Asie du Sud-Est. Aujourd'hui, la moitié de la population mondiale habite en Asie et l'ASEAN est située au coeur de ce continent. C'est donc là qu'il faut être. Cette zone compte 4 milliards d'habitants et en comptera 5 milliards dans quelques dizaines d'années. Elle représente l'avenir de nos entreprises.
Elle est composée d'une dizaine de pays, ainsi que du Timor-Est. Elle représente le poids de l'Europe en termes de population et celui de la France en termes de PIB. Les économies de ses pays sont très interdépendantes entre elles et les entreprises françaises et européennes doivent trouver leurs voies dans ce modèle intégré.
Une communauté économique sera peut-être mise en place en 2015, mais son schéma et son échéancier demeurent peu clairs et ces pays ont décidé d'aller plus loin dans cette intégration économique. Nous constatons déjà des avancées dans certains secteurs, avec des normes communes dans les cosmétiques, qui seront peut-être étendues aux produits de santé.
La zone est très hétérogène. Elle compte dix pays, dont certains sont très peu avancés, et d'autres sont parmi les plus riches du monde. Le PIB de la Birmanie en 2013 était de 900 dollars par habitant, alors que Singapour fait partie des six ou sept économies les plus développées du monde. Il est donc compliqué pour un exportateur ou une entreprise d'appréhender cette zone, car l'hétérogénéité de développement est très forte dans ces dix pays.
Dans le classement de la Banque mondiale Doing business , relatif à la facilité de réaliser des affaires dans les différents pays, nous constatons également cette hétérogénéité. Singapour est première depuis sept années consécutives et la Malaisie a beaucoup progressé ces dernières années. Ce classement récemment paru place ainsi la Malaisie comme meilleure base industrielle du monde pour une implantation manufacturière. D'ailleurs, les cinq premières places de ce classement sont occupées par des pays asiatiques. Les importants réservoirs de croissance de demain que sont l'Indonésie, les Philippines et le Vietnam sont quant à eux situés dans une tranche intermédiaire en ce qui concerne la facilité à réaliser des affaires.
Nous sommes engagés sur un sentier de croissance plutôt robuste, aux alentours de 5 % à 6 % pour tous les pays de la zone. Il s'agit là du taux de croissance des grands pays émergents de la zone. Singapour présente un taux inférieur, aux alentours de 3 % à 4 % et les pays moins développés, comme le Laos et le Cambodge, un taux de 8 % à 9 %. Nous constatons toutefois une convergence importante, et surtout une certaine stabilité, suite à la crise de 2009. La gestion macroéconomique par pays converge vers ce sentier de croissance. De son côté, la Chine est allée trop vite et a ralenti, tandis que l'Inde connaît de fortes difficultés structurelles et se situe dans une période d'incertitude. Cette zone qui était auparavant coincée entre ces deux géants semble donc connaître une certaine résilience à présent, lui permettant d'envisager un développement économique.
Le moteur de la croissance de la zone ASEAN correspond à la consommation et aux investissements internes, notamment dans des infrastructures. Cette région connaît également une croissance de sa classe moyenne assez importante.
Au deuxième semestre de l'année 2013, le resserrement de la politique monétaire américaine a essentiellement affecté l'Indonésie, dont la monnaie a dévissé de 25 % à 26 %, de la même manière que la Turquie, l'Inde et le Brésil. L'Indonésie était à cette époque dotée de réserves assez importantes et son économie n'a pas été complètement déstabilisée par cette situation. Des accords ont été passés entre les différentes banques centrales de la zone et les autres banques centrales asiatiques, qui permettent par exemple à l'Indonésie de disposer de 30 milliards de dollars de réserves potentiellement « actionnables » en cas de nouveau resserrement brutal de la politique américaine, ce qui ne semble pas le cas aujourd'hui cependant.
Pour l'Indonésie, sauf changement politique majeur à l'occasion des élections à venir, la situation devrait être satisfaisante. La Malaisie a réussi sa transition politique l'année dernière avec brio et a fourni des efforts pour terminer la dernière étape de son développement économique. Les Philippines, joyau méconnu de la zone, affichent un taux de croissance de plus de 6 %. Elles ont acquis le statut d' investment grade 1 ( * ) auprès des principales agences de notation l'année dernière. La corruption y régresse, mais ce pays reste encore peu prospecté par nos entreprises. Singapour affiche un taux de croissance de 4 %, il s'agit de l'une des économies les plus développées du monde et d'importants investissements d'infrastructure y sont prévus. Cependant, le resserrement de la politique migratoire à Singapour contraint de plus en plus le travail des expatriés.
En Thaïlande, une incertitude politique pèse fortement, mais l'économie thaïlandaise fait preuve d'une belle résilience depuis plusieurs années. Les missions de nos entreprises n'y sont pas annulées et le commerce courant continue de fonctionner.
Pour le Vietnam, la stabilité du système financier a donné lieux à des incertitudes l'année dernière, mais ce pays est en train de sortir de cette phase. Les privatisations se poursuivent et nous nous dirigeons vers une libéralisation plus importante de cette économie.
En matière d'accès au marché, la situation est assez stable à présent. Nous rencontrons quelques difficultés concernant l'entrée des produits agroalimentaires et les vins et spiritueux. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, l'ASEAN se situe dans la moyenne asiatique. Singapour fait partie des quatre premiers pays du monde en matière de respect de la propriété intellectuelle. Il faut faire néanmoins preuve de vigilance.
Dans la plupart des pays de la zone, l'accès aux investissements est régulé, avec des secteurs ouverts et d'autres qui sont fermés. Un accord de libre-échange a été conclu entre Singapour et l'Union européenne (UE) l'année dernière et entrera en vigueur à compter de la fin de l'année 2014 ou du début de l'année 2015. Ainsi, près de 200 indications origines pour des produits européens seront reconnues à Singapour, dont une quarantaine pour des produits français. Singapour ouvre ainsi un registre des appellations d'origine pour l'UE et nous souhaitons que ce registre soit répliqué sur les autres pays de la zone. Cet accord est important pour Singapour, certes, mais sera également répliqué sur d'autres pays de la zone. Des négociations sont en cours dans ce domaine.
Singapour compte près de 6 000 exportateurs français réguliers, soit 2,4 % de parts de marché pour la France. Le pays joue le rôle de plateforme de redistribution, 70 % des denrées qui entrent à Singapour étant ensuite acheminées dans toute l'Asie, en particulier vers les pays de l'ASEAN. Au sein de cette zone, la Malaisie et la Thaïlande constituent les deux autres pays industrialisés. Nos positions y sont satisfaisantes, avec 3 000 exportateurs et des parts de marché en augmentation. La France reste cependant sous-positionnée dans les trois autres pays de la zone, qui constituent pourtant des réservoirs de population et de croissance importants. Lors de la crise financière de la fin des années 1990, quasiment la moitié des sociétés françaises se sont retirées du marché indonésien et seules 150 filiales françaises travaillent actuellement en Indonésie. L'Oréal y a toutefois implanté son unité de production de cosmétiques la plus importante et Renault ainsi que PSA s'y intéressent également. Mais nous payons le prix d'une décennie au cours de laquelle nous nous sommes retirés de ce marché.
Le volume du commerce bilatéral entre la France et l'ASEAN a atteint 27 milliards d'euros en 2013, avec un excédent commercial de 2 milliards d'euros en faveur de la France, ce qui est conséquent. Singapour est fortement excédentaire et les autres pays sont quant à eux à l'équilibre ou en léger excédent. L'aéronautique représente un excédent d'1,1 milliard d'euros et nous sommes par ailleurs structurellement excédentaires dans cette zone en 2013. Néanmoins, lors des années précédentes, nous étions légèrement en déficit. Singapour représente environ la moitié des échanges et des investissements de l'ASEAN, mais nous constatons une forte augmentation de nos ventes hors aéronautique au Vietnam, aux Philippines, en Thaïlande et en Birmanie. Nous sommes en effet en forte progression en Birmanie (avec une base néanmoins très faible).
Au Vietnam, notre part de marché est effectivement faible, mais l'intérêt des entreprises françaises est fort pour ce pays. Nous y avons ainsi organisé un forum l'année dernière, qui a rassemblé plus de 100 sociétés françaises. À présent, nous assurons un suivi plus étroit des sociétés présentes au Vietnam, car ce marché est difficile. Nous avons ainsi constaté une très forte augmentation de notre taux de concrétisation au Vietnam.
M. Arnaud FLEURY . - Vous vous êtes montré rassurant concernant la volatilité, malgré la possibilité d'un durcissement du quantitative easing 2 ( * ) américain et la régression de la place de la Chine. Vous n'êtes pas inquiet ?
M. Frédéric ROSSI . - Je suis raisonnablement optimiste. À présent, les économies sont certes liées, mais l'ASEAN est très ouverte sur le reste du monde. Un équilibre s'opère naturellement et tous les pays disposent de réserves de changes exprimées en mois d'importations suffisantes pour faire face à un nouveau resserrement de la politique monétaire américaine. Le principal risque est, selon moi, davantage lié aux échéances politiques dans certains pays.
TABLE RONDE 1 - L'ASEAN : QUELLES OPPORTUNITES SECTORIELLES ?
« Mieux se nourrir »
Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique.
Ont participé à cette table ronde :
Mme Florence CASTAREDE, Administrateur, Castarède
Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance, Thaïlande, Birmanie
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M. Arnaud FLEURY . - Je suis heureux de vous retrouver pour cette thématique de l'ASEAN. Vous vous souvenez peut-être que nous avons déjà traité des opportunités et des potentiels de cette zone commerciale, qui représente un PIB comparable à celui de la France. L'intérêt reste entier pour cette zone, dont les différents pays présentent des situations et des problématiques différentes, avec néanmoins pour point commun la croissance et le développement. Nous aborderons également la question de la volatilité des marchés de ces pays.
Notre programme sera articulé autour des opportunités sectorielles, qui rappellent le tableau de bord lancé par Mme Nicole BRICQ. Cette dernière a ainsi décidé de définir de nouvelles priorités pour la France dans un nouveau contexte économique mondial de fort développement. La France se positionne donc sur des priorités que nous allons aborder aujourd'hui : mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux vivre en ville et mieux communiquer.
Ensuite, nous aborderons les situations des trois pays les moins avancés de la zone : la Birmanie, le Laos et le Cambodge, puis nous étudierons comment approcher les marchés de l'ASEAN - qui sont tous très différents - et comment y pérenniser les affaires une fois réussie l'approche initiale.
S'il n'est pas toujours facile d'accéder à ces marchés, les pays de l'ASEAN présentent du potentiel en matière de vins et de spiritueux, ainsi que des produits de grande consommation. Claire CAMDESSUS, pouvez-vous nous dresser un panorama de la zone dans ces domaines ?
Mme Claire CAMDESSUS . - Les excédents commerciaux ne concernent pas que l'aéronautique et les transports ; la France réalise plus du tiers des exportations agroalimentaires de l'ASEAN. Nous sommes d'ailleurs le seul pays à y présenter un excédent commercial dans le domaine agroalimentaire. Nous réalisons en effet plus de 2 milliards de dollars d'exportations dans ce secteur, pour un excédent de près d'1 milliard de dollars. 60 % des ventes françaises en ASEAN sont dirigées vers Singapour, avec une répartition équitable vers les autres pays les plus importants de la zone.
M. Arnaud FLEURY . - Cela provient également du fait que Singapour joue le rôle de plateforme dans la région.
Mme Claire CAMDESSUS . - Oui. De nombreuses grandes maisons, notamment dans les vins et spiritueux, ont en effet choisi Singapour comme grande plateforme logistique. Les exportations ne se font pas seulement vers les pays de la zone ASEAN, mais également vers les autres pays d'Asie.
Plus de 60 % des ventes françaises sont effectuées dans le secteur des vins et spiritueux et le deuxième poste correspond aux produits laitiers.
L'ASEAN regroupe de nouveaux consommateurs, avec de plus en plus de moyens. À Bangkok, les centres commerciaux comptent de nombreuses épiceries de luxe, avec beaucoup de produits importés, des restaurants étoilés et des consommateurs de plus en plus exigeants et sophistiqués. Les nouveaux marchés de cette région représentent, en outre, une autre poche de croissance.
À Rangoon, en Birmanie, nous avons ainsi récemment organisé un premier rendez-vous « Vins et spiritueux » il y a un mois. Tout reste à faire, mais les besoins dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration sont énormes.
M. Arnaud FLEURY . - Concernant l'Indonésie, le Vietnam et les Philippines, sur quels produits faut-il mettre l'accent ? Ces pays commencent-ils à consommer des biens manufacturés français ?
Mme Claire CAMDESSUS . - Tout dépend du secteur d'activité. Les idées reçues sont nombreuses sur ces sujets. En Malaisie et en Indonésie, la consommation de vin est en effet importante et ces deux marchés ne doivent pas être négligés. Pour les produits carnés, les barrières phytosanitaires demeurent, mais nos deux conseillers spécialisés dans l'agroalimentaire et basés à Singapour fournissent un travail très important. La viande de boeuf est ainsi désormais autorisée à Singapour et en Indonésie. Pour les vins et spiritueux, les taxes douanières restent élevées, ce qui n'empêche pas des taux de croissance à deux chiffres cependant, car ces pays comptent de nombreux consommateurs, dont des touristes.
M. Arnaud FLEURY . - La PME Castarède réalise 1,5 million d'euros de chiffre d'affaires. Quel est le poids de vos exportations ?
Mme Florence CASTAREDE . - 70 % de notre chiffre d'affaires correspond à des exportations.
M. Arnaud FLEURY . - Et qu'en est-il des pays d'Asie et de l'ASEAN ?
Mme Florence CASTAREDE . - Les exportations en direction de l'Asie représentent 20 % de nos exportations et l'ASEAN, 5 %. J'ai participé récemment à trois missions organisées par Ubifrance, dont je remercie les équipes, qui se mobilisent vraiment depuis quelques années pour nos entreprises. Au sein de mon entreprise, qui est une TPE, je suis seule pour commercialiser nos armagnacs. Or ces produits sont quasiment inconnus du grand-public étranger, ce qui ajoute encore des difficultés.
J'ai participé à trois missions Ubifrance. La première était organisée au Vietnam au mois de juillet, la deuxième était en Thaïlande et la dernière en Birmanie, il y a un mois. J'ai alors été particulièrement étonnée de constater que ces pays comptaient de véritables professionnels, de très bons mixologistes travaillant dans des bars splendides, des restaurateurs étoilés, des magasins haut de gamme, etc.
M. Arnaud FLEURY . - Vous avez identifié des marchés qui vous intéressaient plus particulièrement, y compris la Birmanie. Souhaitez-vous à présent trouver plus de distributeurs pour vous développer au maximum sur cette zone ?
Mme Florence CASTAREDE . - Lorsque nous nous implantons dans un pays, notre objectif est de trouver un importateur, qui ensuite redistribuera nos produits, en l'occurrence, des hôtels, des restaurants et des magasins haut de gamme. Ma stratégie consiste à réaliser le maximum de missions avec Ubifrance, qui offre désormais la possibilité d'opter pour le suivi commercial. Cette option représente pour les entreprises une opportunité extraordinaire.
M. Arnaud FLEURY . - En quoi cette expérience des armagnacs Castarède pourrait-elle constituer en modèle pour d'autres entreprises ? Y a-t-il de la place pour toutes, quelle que soit leur taille ?
Mme Claire CAMDESSUS . - Tout à fait. La région compte de nouveaux modes de distribution ainsi que de nombreux importateurs professionnels, notamment dans les domaines des vins et spiritueux et des produits gourmets. Il y a donc de la place pour les petites entreprises et nous avons vocation à aider à identifier les bons importateurs et à organiser le suivi des affaires. Il faut ainsi envisager une stratégie sur le long terme et rencontrer les bonnes personnes.
M. Arnaud FLEURY . - La société Castarède doit donc à présent identifier des distributeurs et vendre plus ?
Mme Florence CASTAREDE . - Nous devons trouver le maximum de clients, et donc des importateurs. Nos armagnacs sont aujourd'hui exportés dans 56 pays et nous souhaitons augmenter ce nombre de deux ou trois pays chaque année. Cet objectif n'est pas simple, il nécessite du temps et de l'énergie.
« Mieux se soigner »
Ont participé à cette table ronde :
M. Pierre MAILLOUX, Directeur export, Amplitude
M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance, Vietnam
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M. Arnaud FLEURY . - Pouvez-vous nous présenter un panorama des métiers de la santé au sens large : industrie pharmaceutique, technologies médicales et cosmétiques ?
M. Marc CAGNARD . - Il s'agit d'un secteur très porteur pour la France sur la zone ASEAN, dans lequel nous affichons également un excédent commercial. Les opportunités à venir dans ces secteurs sont très fortes, les dépenses en matière de santé présentant des taux de croissance à deux chiffres et certains pays voyant leurs revenus par habitant croître très fortement. Les opportunités sont grandes également du fait du vieillissement des populations et de la croissance des niveaux de vie, et du développement du tourisme médical.
Les produits pharmaceutiques apparaissent sans doute comme le premier sous-secteur à prendre en considération et la France est le quatrième pays fournisseur dans ce secteur. Les cosmétiques représentent un secteur clé pour notre pays et nous occupons la deuxième place dans cette zone.
M. Arnaud FLEURY . - Comment expliquer la position de Singapour sur les cosmétiques ?
M. Marc CAGNARD . - Le rôle de redistribution de Singapour doit être pris en considération dans ce domaine.
Par ailleurs, pour les technologies médicales, les opportunités sont grandes.
Au total, cet environnement est donc très porteur. Pour accéder à ces marchés, il est néanmoins important d'avoir enregistré ses produits localement. Il est également vivement recommandé de s'adosser à un partenaire local, qui facilitera les démarches d'enregistrement et aidera les entreprises à se développer commercialement.
M. Arnaud FLEURY. - Avez-vous l'impression que les Français pourraient mieux faire dans ces secteurs dans lesquels ils sont pourtant traditionnellement forts ? Prospectent-ils la zone suffisamment ? Pourquoi, par exemple, sont-ils positionnés derrière la Belgique dans le domaine de la pharmacie ?
M. Marc CAGNARD . - Nous sommes très actifs sur cette zone. Sanofi compte ainsi trois usines au Vietnam. Avec la société Amplitude et d'autres, les exemples d'entreprises qui réussissent bien dans ces pays ne manquent pas. J'ignore cependant pour quelles raisons la Belgique est positionnée devant la France pour la pharmacie. Notre potentiel dans la zone doit être développé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous organisons des événements.
M. Arnaud FLEURY . - Dans le domaine de l'équipement médical, la réputation de la France est très bonne. Quels sont les pays à cibler en priorité dans ce domaine ?
M. Marc CAGNARD . - Si l'on considère le potentiel en matière d'importations, Singapour prend la première place, devant la Malaisie et la Thaïlande. Le Vietnam, l'Indonésie et les Philippines présentent un potentiel très important et il faut mettre l'accent dès maintenant sur ces pays.
M. Arnaud FLEURY . - Le tourisme médical se développe-t-il ?
M. Marc CAGNARD . - Oui, il se développe beaucoup en Thaïlande, à Singapour et en Malaisie.
M. Arnaud FLEURY . - Amplitude est une PME située à Valence, dans la Drôme. Il s'agit d'une société de prothèses (genoux, hanches, etc.) Quelle est votre stratégie pour l'ASEAN, région dans laquelle vous n'êtes pas encore très présents ? Avez-vous l'intention de vous y développer ? Cette zone est-elle prioritaire pour votre entreprise ?
M. Pierre MAILLOUX . - Effectivement, il s'agit d'une zone prioritaire. Nous regrettons d'ailleurs de ne pas nous être tournés vers cette zone plus tôt. Notre société a beaucoup crû en France, nous sommes passés de 20 millions d'euros de chiffre d'affaires il y a quatre ans à 65 millions d'euros cette année et de 60 à 175 salariés sur cette période. Nous avons cependant dû faire face à une baisse des prix en Espagne et en Italie, où nous étions bien implantés.
M. Arnaud FLEURY . - L'ASEAN apparaît donc comme un relais pour vous. Quelle est votre stratégie pour cette zone ?
M. Pierre MAILLOUX . - Nous incluons aussi l'Australie dans cette zone. Nous avons ainsi acheté une toute petite société en Australie, du fait d'interconnexions entre les médecins australiens et certains pays de l'ASEAN. Dans notre domaine, l'orthopédie, la chirurgie française jouit d'une réputation internationale, ce qui est très utile pour nous. Dans notre stratégie, nous nous appuyons sur l'Australie ainsi que sur les relations entre les universités françaises et celles qui sont situées dans la zone, pour nous aider à nous développer. J'encourage d'ailleurs nos responsables politiques à favoriser la formation d'experts étrangers en France, qui pourront ensuite jouer un rôle de relais au service de la France quand ils retourneront dans leur pays.
Nous avons identifié deux sortes de pays dans cette zone : les pays avec un potentiel de retour à court terme (Thaïlande, Singapour, Malaisie) et les pays dans lesquels nous anticipons des retours de long terme (Vietnam, Indonésie, Philippines). Cependant, notre implantation au Vietnam a été très satisfaisante et nous avons trouvé dans ce pays un partenaire commercial grâce à Ubifrance.
M. Arnaud FLEURY . - Quel est votre chiffre d'affaires au Vietnam ?
M. Pierre MAILLOUX . - Il s'élève à 150 000 euros à présent, mais nous pensons doubler ce chiffre d'affaires dans un an.
M. Arnaud FLEURY . - Vous m'avez signifié que, dans le domaine de l'équipement médical, il était nécessaire de travailler avec des distributeurs disposant de moyens solides.
M. Pierre MAILLOUX . - Effectivement. Ubifrance nous aide ainsi beaucoup à évaluer la qualité de la trésorerie de nos partenaires. La pose de prothèses nécessite en effet de détenir du matériel spécialisé et relativement onéreux.
M. Arnaud FLEURY . - Vous visez surtout les cliniques privées, car les hôpitaux des pays de l'ASEAN travaillent plus souvent avec du matériel chinois. Les cliniques privées connaissent d'ailleurs un essor considérable dans cette région.
M. Pierre MAILLOUX . - Nous visons en effet le haut de gamme. Nous sommes en concurrence avec cinq grands groupes américains, mais nous devons également faire face à présent à des entreprises chinoises, qui « cassent les prix », mais dont les produits manquent parfois de qualité.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle serait votre conclusion sur ce chapitre « mieux se soigner » en ASEAN ?
M. Marc CAGNARD . - Je souhaite retenir la forte coopération qui a été développée avec le Vietnam et la présence de médecins formés en France, qui nous aident beaucoup à connaître et à s'introduire sur ce marché. Je conclurai ensuite en rappelant les opportunités de ce marché et en invitant les entrepreneurs travaillant dans ce secteur à s'y intéresser de près, pour toutes les raisons que nous venons d'évoquer.
« Mieux vivre en ville »
Ont participé à cette table ronde :
Mme Catherine PROCACCIA, Présidente du groupe d'amitié France-Indonésie et Timor-Est
M. Frédéric DITTMAR, Directeur général, Blue Solutions, groupe Bolloré
M. Jean-Philippe ARVERT, Directeur Ubifrance, Indonésie
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M. Arnaud FLEURY . - Nous avons l'impression que les besoins de l'Indonésie sont considérables pour tout ce qui touche à la ville : transports, déchets, eau, gestion urbaine au sens large, etc.
Mme Catherine PROCACCIA . - Tout à fait. Il y a des problèmes de transport à Djakarta, où il apparaît nécessaire de mettre en oeuvre des solutions innovantes. Ces solutions en matière de transport ne peuvent être qu'aériennes. Elles passent par des systèmes de télésièges et de télécabines.
M. Arnaud FLEURY . - Il s'agirait donc de mettre en place à Djakarta des systèmes de transport identiques à ceux que nous connaissons à Grenoble par exemple, pour relier les quartiers excentrés, ceux qui sont situés en hauteur, etc. ?
Mme Catherine PROCACCIA . - Même les quartiers qui ne sont pas situés en hauteur peuvent être reliés avec des dispositifs de ce type, comme c'est d'ailleurs déjà le cas dans le Val-de-Marne. Toutes les villes d'Indonésie sont concernées par ces problèmes de transports en commun, d'assainissement et d'eau potable. Il est donc nécessaire d'investir dans ce pays.
M. Arnaud FLEURY . - Avez-vous l'impression que les pouvoirs publics et les entreprises françaises prospectent ces zones comme ils le doivent ?
Mme Catherine PROCACCIA . - Pour les pays que je connais un peu, comme l'Indonésie et la Malaisie, la situation n'est pas simple. Les administrations y sont très lourdes, la corruption y est très forte et nous avons besoin de disposer de guides sur place. Les potentiels de ces pays semblent toutefois considérables. L'Indonésie est en effet un pays long de 5 000 kilomètres et une compagnie aérienne s'y crée tous les trois mois. Ce pays compte 17 000 îles et l'avion apparaît comme le moyen de circulation le plus efficace.
M. Arnaud FLEURY . - Monsieur ARVERT, quels chiffres illustrent bien les besoins considérables des pays de la zone en matière d'infrastructures ? Quels pays cibler ? Quelles méthodes adopter ?
M. Jean-Philippe ARVERT . - Les infrastructures en matière de transport se sont développées au cours des années précédentes de manière très hétérogène selon les pays. Cependant, les entreprises travaillant dans ce secteur rencontrent des opportunités sur toute cette zone. Si Bangkok, Manille et Kuala Lumpur disposent d'un métro, des constructions de nouvelles lignes sont en projet et Djakarta aura son métro sous peu.
Un projet de train à grande vitesse est à l'étude pour relier Kuala Lumpur à Singapour et la France est positionnée en Indonésie sur un projet ferroviaire, qui reliera Bandung à Djakarta. Cette zone est donc très dynamique, mais il n'est pas facile d'y prospecter. Il faut donc que les entreprises françaises y soient présentes en continu, car nos concurrents européens y sont déjà implantés. En Indonésie, les Pays-Bas sont ainsi plus efficaces que la France. Un partenariat stratégique a été signé entre la France et l'Indonésie en 2011 et nous nous efforçons de développer des échanges entre ces deux pays.
M. Arnaud FLEURY . - Quel est le message à faire passer concernant les partenariats publics-privés (PPP) dans le domaine des infrastructures au sein de la zone ASEAN ?
M. Jean-Philippe ARVERT . - De nombreux projets relatifs aux infrastructures sont financés par les bailleurs de fond, comme l'AFD pour la France. Les PPP peuvent donc prendre un certain temps et, certains projets adoptent une autre forme que ces partenariats, voire sont portés par les provinces et les régions.
M. Arnaud FLEURY . - Pouvez-vous évoquer le rôle des PME, tels que les cabinets de consultants ? Y a-t-il de la place pour elles dans le sillage des grands groupes ?
M. Jean-Philippe ARVERT . - Oui. À moins d'être positionné sur une niche, il est difficile pour une PME d'exporter sur la zone. L'ASEAN est restée dans l'ombre de la Chine pour les entreprises françaises, mais elle fait figure à présent de véritable zone de développement pour nos entreprises. En Indonésie, les besoins en investissements et en infrastructures sont grands, notamment en matière de routes, de chemins de fer et d'aéroports, mais aussi d'assainissement des eaux, d'énergie, etc. Le potentiel est donc énorme et le marché complexe.
M. Arnaud FLEURY . - Outre l'Indonésie, les autres pays de la zone permettent de belles possibilités. Certains ont en effet des besoins importants.
M. Jean-Philippe ARVERT . - Les pays émergents, qui ont accumulé du retard du fait d'un manque de financements et de volonté politique, ont effectivement d'importants besoins.
M. Arnaud FLEURY . - Blue Solutions est une filiale de Bolloré cotée en bourse, qui rencontre un succès impressionnant. En Asie, on peut imaginer votre développement dans des villes sophistiquées et occidentalisées, avec des logiques de véhicules propres et connectés. Quelle est la stratégie de Blue Solutions en ASEAN ?
M. Frédéric DITTMAR . - Nous sommes un groupe qui prend des risques. Notre groupe existe depuis 1822 et appartient majoritairement à M. Vincent Bolloré, qui en est propriétaire à 82 %. Cette situation est d'ailleurs plutôt rare, s'agissant d'une entreprise pesant 11 milliards d'euros. Quand M. Vincent Bolloré prend une décision, l'ensemble de l'entreprise l'applique, sans contestation.
Ce mode de fonctionnement nous permet de réaliser des projets un peu fous. Lorsque nous avons mis en oeuvre notre projet de véhicules électriques à Paris, il y a trois ans, nous n'avions encore vendu aucun véhicule, ni même développé une ligne de solution informatique. Nous sommes un tout petit acteur sur le marché de l'automobile, de même que sur celui des solutions informatiques. L'Europe a raté le marché de l'informatique au détriment des Américains et des Japonais et nous estimons que nous pouvons saisir des opportunités en matière de connexions des villes.
En ce qui concerne la propreté, je rappellerai en outre que, si nous avons parfois pointé du doigt Pékin, nous avons connu un important pic de pollution il y a quinze jours à Paris.
M. Arnaud FLEURY . - Effectivement, nous avons connu un pic de pollution à Paris, mais dont les proportions n'ont pas approché celles que nous constatons en Chine.
M. Frédéric DITTMAR . - Certes. Néanmoins, si nous respections les lois en vigueur, 85 % des Parisiens devraient être délogés. Tout le monde a envie de vivre dans une ville propre et les solutions que nous mettons en place dans les villes sont connectées.
Avec notre système, vous pouvez réserver un véhicule à l'avance, puis réserver une place lorsque vous montez dans le véhicule. C'est cette connexion qui permet une valeur ajoutée en termes de service.
Tous les continents, Asie comprise, sont aujourd'hui demandeurs d'indépendance énergétique. En proposant des solutions avec des villes propres, connectées et énergétiquement indépendantes, nous souhaitons approcher le marché de l'ASEAN.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle est votre stratégie sur la zone ?
M. Frédéric DITTMAR . - Notre stratégie est double et permet de s'adresser à l'ensemble des pays, quel que soit leur niveau de richesse.
Nous sommes déjà implantés dans cette région. Ceux qui ont la chance de visiter le site d'Angkor se rendent compte que ce site est très pollué par des véhicules thermiques. Il y a seulement six mois, nous avons mis en place une ferme solaire à l'entrée du temple. Nous stockons ainsi l'énergie du soleil dans des shelters ( abris ) et alimentons nos véhicules électriques. Nous comptons à présent cinq véhicules électriques, ainsi qu'un bus électrique, qui permet de visiter Angkor.
M. Arnaud FLEURY . - Pour l'Autolib, il me semble que vous avez entamé une phase de réflexion avec Singapour.
M. Frédéric DITTMAR . - Effectivement, je vais d'ailleurs devoir vous quitter prématurément pour rencontrer une délégation venant de Singapour, qui souhaite examiner les projets que nous avons mis en place à Paris, Lyon, Bordeaux et Londres. Singapour est beaucoup moins polluée que Paris, mais souhaite s'inscrire dans une logique préventive. À Singapour, 90 % des habitants sont propriétaires de leur logement et seulement 10 % d'entre eux de leurs véhicules, contrairement aux situations que nous rencontrons dans la plupart des autres villes du monde.
M. Arnaud FLEURY . - Dans quelles autres mégapoles de l'ASEAN des systèmes d'Autolib peuvent-ils être mis en place ? Manille, Djakarta, Saïgon, Hanoï ? Est-ce encore trop tôt ?
M. Frédéric DITTMAR . - Pour les villes que vous avez citées, il est encore trop tôt. Il faut d'abord prévoir une solution de transport de masse en effet, pour qu'un système tel que celui d'Autolib prenne du sens pour une mise en oeuvre à grande échelle. Cependant, dans des pays comme le Japon, la Corée ou certaines villes de Chine, Autolib prend tout son sens.
M. Arnaud FLEURY . - D'une façon générale, Bolloré souhaite participer à la création de « cités bleues » 3 ( * ) , d'écosystèmes dans lesquels l'eau, l'électricité et l'éducation sont repensées. Y a-t-il de la place dans les pays de l'ASEAN pour se projeter dans ces villes du futur ?
M. Frédéric DITTMAR . - Oui, c'est possible. Plus de 50 % de la population habite en ville, ce qui est considérable. Aux États-Unis, 85 % de la population habite en ville. De plus, au sein d'un pays riche, certaines zones peuvent être éloignées les unes des autres et les infrastructures électriques qui les relient coûteront donc cher. Nous allons inaugurer la semaine prochaine des blue cities au Niger, en Guinée, au Togo et au Cameroun. Grâce à l'énergie éolienne ou solaire stockée dans nos shelters nous créons des « cités bleues » , avec un hôpital et des espaces d'éducation.
M. Arnaud FLEURY . - Ce modèle est-il duplicable en Asie ?
M. Frédéric DITTMAR . - Ces projets sont parfaitement duplicables en Asie. Nous allons mener des tests dans quatre pays africains en 2014 et avons l'objectif de les dupliquer en 2015.
M. Arnaud FLEURY . - Madame la Présidente, pouvez-vous conclure cette table ronde ?
Mme Catherine PROCACCIA . - Le potentiel de l'ASEAN est considérable. La France et l'Europe se sont concentrées durant des années sur la Chine, l'Inde et le Vietnam pour des raisons historiques. Pendant ce temps, nos concurrents se sont installés en ASEAN, mais le marché y est tellement considérable qu'il y a encore de la place pour les entreprises françaises. Pour s'y rendre, ces dernières doivent être bien informées et prendre attache avec les antennes d'Ubifrance, les chambres de commerce, les ambassades, etc. Je pense aussi aux autres entreprises françaises qui y sont déjà implantées et qui sont sans doute prêtes à leur donner des conseils.
En Indonésie, s'il semble difficile aujourd'hui d'envisager un système de véhicules propres, les problèmes de transport sont cruciaux. Le covoiturage devient dans ce pays un marché et les besoins en matière de transport y sont donc particulièrement importants.
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« Mieux communiquer »
Ont participé à cette table ronde :
M. Jacques LEMANCQ, CEO, Broadpeak
M. Grégory VERET, CEO et Fondateur, Xooloo
M. Frédéric MUSSO, Directeur général, M. Target
M. Frédéric ROSSI, Directeur Ubifrance, Singapour
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M. Arnaud FLEURY . - Monsieur Rossi, pouvez-vous nous rappeler les enjeux attachés à la communication dans la zone ?
M. Frédéric ROSSI . - Les enjeux de la communication dans la zone sont multiples. Le taux d'équipement en mobiles y est très élevé, alors que celui en Smartphones est très disparate. Il est élevé à Singapour, mais suit le niveau de développement pour les autres pays. Les réseaux sociaux, les applications mobiles et l'audiovisuel (tant pour les infrastructures que pour les contenus) y sont également en fort développement. La totalité des pays de la zone, à l'exception des Philippines, a choisi la norme européenne pour la télévision numérique.
Pour le mobile, le revenu moyen par abonné est très faible et il semble donc nécessaire d'identifier de nouveaux business models et faire preuve d'adaptabilité. Cette zone compte en outre l'un des trois gros opérateurs asiatiques, SingTel, basé à Singapour. Il s'agit même de l'un des plus importants opérateurs au monde et du deuxième opérateur australien, présent également au Moyen-Orient et en Afrique. Nous pouvons donc travailler avec lui pour des solutions sur l'ensemble du monde.
M. Arnaud FLEURY . - Monsieur LEMANCQ, votre société Broadpeak, créée en 2010, dispose d'un bureau à Singapour. Vous proposez des solutions de câblage pour des téléphones, de la vidéo à la demande (VOD) et de la télévision directe pour tablettes et Smartphones . Il s'agit de marchés en plein essor. Quelle est votre stratégie dans les pays de l'ASEAN ?
M. Jacques LEMANCQ . - Nous avons choisi de commencer par Singapour pour nous attaquer à l'ASEAN et à l'Asie. Nous avons commencé ce travail au début de l'année 2012 avec l'aide d'Ubifrance et avons mis en place un duo commercial - VIE (Volontariat International en Entreprises) pour l'avant-vente. À Singapour, nous avons signé un contrat avec Starhub, l'opérateur principal de ce pays pour le câble. Nous avons ensuite pu prospecter sur toute cette zone.
M. Arnaud FLEURY . - S'agissait-il d'un contrat important pour vous ?
M. Jacques LEMANCQ . - Ce contrat a nécessité beaucoup de travail localement, chez le client, avec les opérateurs des télécoms ou de câble.
L'Asie-Pacifique représente une région très importante pour nous, et plus particulièrement l'ASEAN. Outre Singapour, nous constatons également des opportunités en Malaisie, avec Telecom Malaisia, au Vietnam, avec de nombreux entrants, en Thaïlande ainsi qu'aux Philippines.
M. Arnaud FLEURY . - Il est donc intéressant d'être positionné à Singapour pour rayonner et attaquer ces opérateurs depuis cette base.
M. Jacques LEMANCQ . - Cette ville n'est pas polluée et il s'agit d'une excellente localisation pour développer une affaire et installer un bureau. De cette place, nous pouvons effectivement rayonner sur l'ASEAN, ainsi que sur l'Asie du Sud. Grâce à ce bureau, nous avons d'ailleurs signé un projet au Sri Lanka, ainsi qu'à Taïwan.
L'année dernière, Broadpeak a réalisé 16 % de son chiffre d'affaires sur la zone Asie-Pacifique.
M. Arnaud FLEURY . - Quel est votre objectif pour 2014 ?
M. Jacques LEMANCQ . - Nous souhaitons faire passer cette part de 16 % à 25 %.
M. Arnaud FLEURY . - Le cloud constitue-t-il la révolution de demain pour l'ASEAN ?
M. Jacques LEMANCQ . - Les coûts des infrastructures réseaux sont encore plus élevés en ASEAN qu'en Europe et aux États-Unis. Les acteurs du cloud peuvent effectivement saisir de nombreuses opportunités dans la zone.
M. Arnaud FLEURY . - Quel message voudriez-vous faire passer en priorité concernant cette zone ?
M. Jacques LEMANCQ . - Singapour constitue une bonne porte d'entrée non seulement pour l'ASEAN, mais aussi pour toute l'Asie. De plus, c'est avec le soutien d'Ubifrance et de deux collaborateurs sur place (un VIE et un commercial) que nous avons pu faire la différence.
M. Arnaud FLEURY . - Monsieur VÉRET, vous êtes le patron de Xooloo, créée il y a 14 ans. Cette entreprise compte 12 collaborateurs et propose des solutions de contrôle parental dans tous les environnements numériques. Quelle est votre stratégie pour l'ASEAN ?
M. Grégory VERET . - Nous nous sommes rendus à un salon des télécoms à Singapour en février 2013, qui s'est très bien déroulé. Nous avons ensuite eu la chance de faire partie de la délégation des PME qui ont accompagné le Premier ministre lors de son voyage officiel en Malaisie.
Quelques semaines plus tard, nous avons signé notre premier contrat à Singapour, avec un opérateur de très haut débit. Nous discutons avec de très importantes entreprises asiatiques, positionnées dans tous les pays de cette région, et nous espérons signer un ou deux contrats en Malaisie et à Singapour avec eux avant la fin de l'année. S'agissant de solutions grand public de protection et d'accompagnement des enfants pour les nouvelles technologies qui comportent également des aspects politiques, nous signons généralement des corporate deals (accords d'entreprises). C'est ainsi le client qui déploie nos solutions dans ses filiales.
M. Arnaud FLEURY . - Souhaitez-vous vous implanter localement ou acheter de l'espace dans les « centres de données » 4 ( * ) ?
M. Grégory VERET . - Nous n'avons pas prévu d'ouvrir de bureau, mais d'occuper des infrastructures techniques, afin d'être en mesure de servir nos clients avec des capacités techniques locales.
M. Arnaud FLEURY . - Singapour représente-t-elle la meilleure porte d'entrée sur l'ASEAN selon vous ?
M. Grégory VERET . - Singapour ou Kuala Lumpur constituent deux portes d'entrées intéressantes. Nous avons été très surpris par l'attitude volontariste des autorités malaisiennes concernant les nouvelles technologies et la création d'infrastructures télécom robustes, ainsi qu'une sorte de Silicon Valley en Malaisie. Pour notre première infrastructure, nous hésitons donc entre Singapour et la Malaisie, bien que notre premier contrat ait été signé à Singapour.
M. Arnaud FLEURY . - À terme, quel pourcentage de votre chiffre d'affaires l'ASEAN pourrait-elle représenter ?
M. Grégory VERET . - 20 %, je pense. Déjà à présent, la majorité de nos revenus proviennent de l'export.
M. Arnaud FLEURY . - Qu'en est-il des pays moins avancés, tels que le Cambodge, l'Indonésie, les Philippines et le Vietnam ?
M. Grégory VERET . - Les opérateurs importants de la zone occupent des positions dans tous ces pays et notre prochaine étape sera de nous implanter en Australie et certainement au Vietnam.
M. Arnaud FLEURY . - Monsieur MUSSO, vous travaillez dans le domaine du marketing mobile par SMS.
M. Frédéric MUSSO . - Nous proposons des solutions de marketing digital par SMS, par courriel et sur Facebook.
M. Arnaud FLEURY . - Vous vous adressez aux opérateurs ainsi qu'à d'autres clients, comme la FNAC ou Darty. Pour votre stratégie en Asie, vous avez débuté par le Vietnam.
M. Frédéric MUSSO . - Nous avons commencé par nous intéresser à des pays présentant de forts taux d'utilisation de mobile, une population jeune et un fort développement dans le domaine des sollicitations par SMS. Nous avons ouvert une filiale au Vietnam et allons ouvrir un bureau de représentation au Cambodge.
M. Arnaud FLEURY . - Vous avez donc créé une filiale, avec un partenaire local.
M. Frédéric MUSSO . - Nous avons nommé un responsable recruté localement, qui travaille cependant exclusivement pour M. Target. Nous avons également signé des partenariats exclusifs, que nous avons identifiés grâce à Ubifrance, et noué des relations avec des opérateurs.
Au Vietnam, il convient de ne pas perdre de vue que le poids de l' intuitu personae est très fort dans le monde des affaires. Il est ainsi nécessaire d'être présent sur place pour développer ses affaires.
M. Arnaud FLEURY . - Les opérateurs se développent dans tous les pays de l'ASEAN et ont donc besoin d'acheter des solutions.
M. Frédéric MUSSO . - Tout à fait. Un opérateur vietnamien est également présent en Afrique, au Cameroun et au Mozambique.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle est la première condition pour réussir ? Faut-il être particulièrement performant sur le prix ?
M. Frédéric MUSSO . - Il faut être très bon sur le prix d'abord, car, au Vietnam, c'est d'abord le prix qui fait la différence, la qualité venant ensuite.
M. Arnaud FLEURY . - Dans tous ces secteurs, avez-vous l'impression que les Français sont conscients du potentiel que l'ASEAN représente ou qu'ils sont en retard ?
M. Frédéric MUSSO . - Selon moi, ils sont en retard. Les entreprises françaises sont en effet très peu présentes dans notre secteur en Asie, même au Vietnam ou au Cambodge, contrairement aux entreprises anglaises. Cette zone présente pourtant de formidables opportunités, avec une population très jeune, qui souhaite consommer et obtenir des informations précises. De leur côté, les marques souhaitent de plus en plus s'adresser à leurs clients, via de nouveaux médias.
M. Arnaud FLEURY . - Les réseaux des pays de cette zone se sont beaucoup améliorés.
M. Frédéric MUSSO . - Oui ; tout le Vietnam est couvert par le réseau 3G.
M. Arnaud FLEURY . - Quels sont vos projets sur cette zone ?
M. Frédéric MUSSO . - Nous souhaitons nous implanter au Cambodge, puis aux Philippines. Nous envisageons également de travailler à Singapour et en Malaisie avec des partenaires locaux.
M. Arnaud FLEURY . - Vous êtes aussi présents en Afrique et l'Asie pourrait faire office pour vous de deuxième support de croissance.
M. Frédéric MUSSO . - Effectivement. Nous proposons et vendons des services en Asie pour toucher l'Europe. De nombreux partenaires souhaitent ainsi envoyer des SMS depuis l'Asie pour cibler des consommateurs européens.
TABLE RONDE 2 - BIRMANIE, LAOS, CAMBODGE : QUEL RÉEL POTENTIEL POUR NOS ENTREPRISES SUR CES MARCHÉS D'AVENIR ?
Ont participé à cette table ronde :
Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Sénateur, Présidente déléguée pour la Birmanie du groupe d'amitié France-Asie du Sud-Est
Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance, Thaïlande, Birmanie
M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance, Vietnam
M. Alexis PREVESIANOS, Directeur des grands groupes et institutions, Euler Hermès
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M. Arnaud FLEURY . - Madame la Présidente, quel message souhaitez-vous faire passer aux entreprises intéressées par la Birmanie ?
Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM . - Ce pays, avec ses 55 millions d'habitants dont près de la moitié ont moins de 25 ans, représente un potentiel exceptionnel. Il connaît une forte croissance, de l'ordre de 6 %, et dispose d'importantes ressources minières. Son positionnement international est très intéressant et il s'agit également d'un point d'entrée possible sur le marché de l'Asie du Sud-Est. Les autorités sont décidées à attirer des capitaux étrangers en accordant des avantages fiscaux aux investisseurs étrangers. Ce pays a accompli des progrès en matière de coopération parlementaire et de coopération médiatique, mais le climat des affaires y reste difficile, du fait de la faiblesse de ses infrastructures, d'un cadre légal encore incertain, de tensions dans les zones ethniques, du poids de l'armée, etc.
Il présente de véritables opportunités et je crains qu'en matière de commerce international, la France ne soit pas suffisamment audacieuse, contrairement aux pays anglo-saxons. Nous rencontrons d'ailleurs ces problèmes dans le monde entier et nous manquons certaines opportunités pour cette raison.
Un intervenant disait tout à l'heure qu'il fallait « assurer une présence dans la continuité ». C'est effectivement essentiel. Les relations humaines ne passent que par une présence dans le pays et une construction de rapports cordiaux avec les personnes sur place.
Le proverbe latin, audaces fortuna juvat - la fortune sourit aux audacieux - me semble encore plus vrai en matière de commerce et d'investissement que dans tout autre domaine.
M. Arnaud FLEURY . - Estimez-vous que la France a bien conscience du potentiel de ce pays ?
Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM . - La France n'est pas suffisamment tournée vers l'international. En Birmanie, nous disposons d'un excellent ambassadeur ainsi que d'une excellente équipe d'Ubifrance. Certains de nos ministres s'y sont rendus et nous avons pu constater une attente très importante. Cependant, nos autres partenaires ou compétiteurs sont beaucoup plus présents que nous. Nous avons ainsi parfois l'impression que la prise de risque est insuffisante en France. Il faut donc continuer à communiquer sur les opportunités que représentent la Birmanie et l'Asie du Sud-Est.
M. Arnaud FLEURY . - Mme Claire Camdessus, vous m'indiquiez qu'il était nécessaire d'insister sur une demande birmane en plein essor concernant certains produits de consommation, comme le vin, le prêt-à-porter, les cosmétiques, etc.
Mme Claire CAMDESSUS . - En Birmanie, nous ne sommes pas trop en retard. Le bureau Ubifrance a été ouvert dans ce pays en février 2013, avant la levée complète des sanctions et, en mars, nous avons monté notre première opération dans ce pays. Depuis l'ouverture de ce bureau, nous avons organisé quatre opérations. Mme Nicole BRICQ est venue inaugurer le bureau au mois de juillet et nous avons rencontré depuis plus de 50 entreprises en Birmanie.
M. Arnaud FLEURY . - Quels types de projets intéressent ces entreprises ?
Mme Claire CAMDESSUS . - La Birmanie ne propose pas uniquement de grands projets d'infrastructure. Des élections y seront organisées l'année prochaine et il est peu probable que de nouveaux grands projets soient lancés avant cette date. Pour autant, il est important d'être présent dès aujourd'hui dans ce pays, dont les besoins couvrent de nombreux secteurs, notamment celui des vins et spiritueux. De nombreux hôtels y sont construits, alors qu'il est très difficile d'y trouver du vin.
M. Arnaud FLEURY . - Le secteur privé commence à être fiable en Birmanie. En quoi le climat des affaires se professionnalise-t-il dans ce pays ?
Mme Claire CAMDESSUS . - Le secteur privé a toujours été présent en Birmanie, même s'il était un peu endormi par le passé.
Ubifrance a participé à une table-ronde du women forum , avec des PME birmanes et françaises à laquelle assistait également Mme Anne LAUVERGEON. Les partenaires privés sont donc bel et bien présents en Birmanie et certaines de nos sociétés réussissent déjà dans ce pays, notamment dans le domaine de l'architecture, des cosmétiques, de la pharmacie, etc. Nos exportations ont ainsi augmenté de 200 % en Birmanie et 33 % d'entre elles sont représentées par des produits pharmaceutiques. Nous organiserons une opération dans ce domaine au mois de juin.
M. Arnaud FLEURY . - Le climat des affaires se professionnalise donc dans ce pays.
Mme Claire CAMDESSUS . - Effectivement. Nous pouvons également retenir une volonté d'y être maître de son destin.
M. Arnaud FLEURY . - Le potentiel de ce splendide pays est donc considérable, tout comme le Laos, d'ailleurs. Comment résumer le Laos ?
Mme Claire CAMDESSUS . - Ce pays connaît la plus forte croissance économique de l'ASEAN. Il est tout petit, enclavé et compte un peu plus de 6 millions d'habitants. Ses besoins sont énormes. Il compte, par exemple, seulement 3,5 kilomètres de voie ferrée. L'influence de la France y est très forte et nous sommes le premier partenaire européen de ce pays.
Les conseillers du commerce extérieur y ont organisé un forum l'année dernière, avec beaucoup de succès.
M. Arnaud FLEURY . - Ce pays compte-t-il des PME et un secteur privé en développement, malgré la situation politique ?
Mme Claire CAMDESSUS . - Oui, le secteur privé s'y développe, avec des partenaires potentiels, dans les domaines de l'hôtellerie, de l'agroalimentaire et de la santé. L'Agence française de développement (AFD) et la Banque mondiale sont présentes dans ce pays, qui fait partie des marchés à ne pas négliger.
M. Arnaud FLEURY . - Ce pays est plus facilement accessible depuis la Thaïlande que depuis le Cambodge ou le Vietnam.
Mme Claire CAMDESSUS . - Tout à fait.
M. Arnaud FLEURY . - Le Laos conserve également des attaches francophones.
Mme Claire CAMDESSUS . - La France y jouit effectivement d'une excellente image.
M. Arnaud FLEURY . - Il s'agit d'un pays très attachant. GDF Suez, Essilor, EDF et la BRED y sont présents. Il ne faut pas le mésestimer.
Le Cambodge est également un pays attachant, en plein essor économique, dont l'activité repose largement sur le textile. Malgré la contestation sociale de ces derniers mois, il est en fort développement et présente de nombreuses opportunités.
Comment qualifieriez-vous le climat des affaires au Cambodge ?
M. Marc CAGNARD . - Il s'agit d'un petit pays, la croissance y est très forte et l'environnement des affaires y est plutôt favorable. Ce pays est très orienté vers le textile, mais s'ouvre à d'autres secteurs, notamment l'agriculture, mais surtout le domaine des infrastructures, des transports et de l'énergie. Nous commençons également à être en mesure d'y positionner des biens de consommation et d'y être présents dans le domaine des nouvelles technologies. Ce pays est porteur d'opportunités, mais il faut l'aborder depuis le Vietnam.
M. Arnaud FLEURY . - Le Cambodge restera-t-il un pays à très bas coût ? Quelle est votre vision concernant son développement économique dans les années à venir ?
M. Marc CAGNARD . - Il s'agit à présent d'un pays à bas coût, ce qui explique les revendications auxquelles nous assistons à présent. Les augmentations salariales récemment consenties dans le secteur du textile ont ainsi été jugées insuffisantes par les ouvriers, dont le salaire oscille entre 80 et 100 dollars mensuels. Ils souhaiteraient gagner de 100 à 150 dollars par mois, ce qui grèverait effectivement l'attractivité de ce pays, par rapport à la Chine et à d'autres pays actifs dans le secteur textile.
M. Arnaud FLEURY . - Ce pays semble en plein essor et a soif de consommation. Il est très attachant et la France y jouit d'une très bonne image, comme au Laos ou au Vietnam.
Nous poursuivons avec l'analyse de M. Alexis PREVESIANOS qui nous présente une approche de la zone ASEAN par les risques.
M. Alexis PREVESIANOS. - Euler Hermès est leader sur son marché, avec 34 % de parts de marché. Notre chiffre d'affaires consolidé se monte à 2,5 milliards d'euros, nous sommes présents dans 50 pays et comptons 52 000 clients. L'export représente l'essentiel de notre activité et nous garantissons près de 800 milliards d'euros, pour environ 40 millions d'entreprises suivies. Nous sommes notés AA- chez Dagong et Standard & Poor's, avec un outlook stable.
L'assurance-crédit a trait en premier lieu à la prévention des risques client, qui est essentielle. Il ne s'agit pas d'une assurance au sens traditionnel, mais nous choisissons les clients, les fournisseurs, etc. Concernant le recouvrement, nous avons monté un partenariat avec Ubifrance. Sur l'ASEAN, le recouvrement correspond à un véritable métier, qui diffère d'ailleurs selon les pays. Le poids de l' intuitu personae est très fort dans le recouvrement sur cette région. Si la prévention et les démarches mises en oeuvre pour le recouvrement ont échoué, nous indemnisons.
Dans le domaine de l'assurance-crédit, des moyens sont nécessaires. La région Asie-Pacifique correspond à l'une de nos priorités. Nous comptons 270 collaborateurs sur cette zone, dont 40 à Singapour. Notre volonté consiste à être présents localement. Nous développons ainsi des portefeuilles locaux, afin de faire bénéficier les exportateurs et investisseurs français de ces implantations locales.
Notre chiffre d'affaires a augmenté de près de 25 % en 2013 sur cette région. Nous y avons beaucoup investi, en équipe, avec des collaborateurs internationaux et locaux.
En ASEAN, le Vietnam, l'Indonésie et Singapour sont porteurs de fort développement pour les trois années à venir. Cette région dispose d'un formidable gisement de population et d'un très fort potentiel d'exportation. Sa démographie est galopante et la hausse de ses revenus est très rapide. Nous constatons également une nette dépendance des exportations de l'ASEAN envers la Chine, ce qu'il faut conserver à l'esprit.
Concernant le risque pays, nous raisonnons au cas par cas pour chaque entreprise, même s'il peut être intéressant de conserver une vision générale. Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, l'Indonésie arrivent en tête, avec de bons taux de couverture, correspondant à ceux de pays européens. Ces pays présentent, selon nous, un potentiel très fort.
M. Arnaud FLEURY . - Que pouvez-vous nous dire sur la Thaïlande et les Philippines ?
M. Alexis PREVESIANOS . - La Thaïlande peut-être caractérisée par sa forte résilience, comme nous avons déjà pu l'entendre ce matin. Un rebond y est attendu, ainsi qu'une relance par le pouvoir d'achat. Ce pays s'appuie sur une main-d'oeuvre très qualifiée et de nombreuses usines s'y sont développées.
M. Arnaud FLEURY . - La note que vous portez à ce pays est-elle plutôt en baisse ou en hausse ?
M. Alexis PREVESIANOS . - Elle est plutôt étale, à tendance positive. Pour les Philippines, nous estimons que la situation va s'améliorer. Il s'agit d'un pays qui monte selon nous, avec une croissance robuste, tirée par la consommation des ménages. Ce pays présente donc un très bon potentiel.
Pour l'Indonésie, le Vietnam et la Birmanie, les situations sont plus compliquées. Ces pays correspondent toutefois à de forts potentiels, tant par leurs populations que par leurs ressources naturelles, même s'ils connaissent des problèmes monétaires, environnementaux ou infrastructurels. Il s'agit des marchés d'avenir.
M. Arnaud FLEURY . - La Birmanie présente également une situation particulière, avec un fort potentiel de croissance. Les risques politiques et environnementaux doivent y être surveillés.
Pouvons-nous conclure que les clignotants sont plutôt au vert sur la zone, malgré un petit ralentissement ?
M. Alexis PREVESIANOS . - Exactement. Nous misons sur cette zone, sur laquelle nous sommes particulièrement implantés. Nous sommes donc raisonnablement optimistes et avons la volonté d'accompagner nos clients, selon des objectifs ambitieux.
TABLE RONDE 3 - COMMENT RÉUSSIR VOTRE APPROCHE DES MARCHÉS DE L'ASEAN ?
Ont participé à cette table ronde :
M. Olivier FLURY, Responsable Asie, Egis
Mme Marie-Josée CONNAN, Directrice Ubifrance, Philippines
M. François MATRAIRE, Directeur Ubifrance, Malaisie
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M. Arnaud FLEURY. - Pour synthétiser, que faut-il retenir pour réussir son approche des marchés de l'ASEAN ? Sans doute faut-il en premier lieu définir une stratégie régionale ?
M. François MATRAIRE . - Les marchés de l'ASEAN sont tous très différents les uns des autres, même si nous pouvons esquisser une forte ligne de cohérence entre ces pays. Cette cohérence se retrouve dans l'organisation de l'ASEAN elle-même et dans la mise en place d'un marché unique des pays de l'Asie du Sud-Est à compter de 2015. Des accords de libre-échange, notamment avec la Chine, ont également été signés par des pays de l'ASEAN. Ces derniers présentent des niveaux de développement différents. Il convient dès lors d'adopter une logique régionale pour cette zone et de trouver la porte d'entrée, qui est toujours différente en fonction du produit, du prix et du niveau de développement du pays adressé. Il est donc important de réaliser un indice de référence détaillé, car il n'y a pas de porte d'entrée unique pour la région.
M. Arnaud FLEURY . - Il faut donc bien connaître les réalités de ces pays et oublier les clichés.
M. François MATRAIRE . - Effectivement. Il importe de bien comprendre la réalité du terrain, en prenant des informations auprès d'experts de terrain, et d'oublier les clichés. Par exemple, les pays de cette zone sont consommateurs de vins et spiritueux. Pour autant, il faut savoir qu'il existe des pays musulmans dans cette zone, ce qui impacte fortement les barrières et les opportunités de marché. De même, le marché des produits carnés est bloqué en Malaisie et en Indonésie par des barrières d'accès, ce qui peut constituer une opportunité pour les entreprises qui produisent des produits halal de qualité.
M. Arnaud FLEURY . - Nous avons l'impression que les Philippines constituent avec l'Indonésie le pays à plus fort potentiel. Quels sont les clichés à évacuer concernant ce pays ?
Mme Marie-Josée CONNAN . - Comme cela a été dit ce matin, ces marchés offrent des opportunités en matière de consommation et d'investissement. Les Philippines souffrent d'une image de pays à catastrophes, avec un faible niveau de vie. Pour ces deux dernières années, il affiche pourtant des indicateurs macroéconomiques au beau fixe et sa croissance a été saluée par les agences de notation internationales, qui l'ont classé dans la catégorie des pays à faible risque l'année dernière. Nous constatons également une nette amélioration du contexte général philippin, si bien que ce pays apparaît désormais en bonne place sur le radar des sociétés françaises. Je salue les représentants de sociétés que j'ai pu rencontrer à Manille et qui sont présents aujourd'hui.
La société philippine est une société de consommation, le secteur de la consommation privée augmente de 5 % à 6 % chaque année et la classe moyenne s'y développe pour compter à présent environ 10 millions de personnes. Cette économie va vite et évolue. Ce pays est très ouvert en termes de consommation, sa structure de distribution est très moderne, avec des centres commerciaux et une approche facilitée.
M. Arnaud FLEURY . - L'approche commerciale est-elle facile aux Philippines ?
Mme Marie-Josée CONNAN . - Le contact est facile, car la culture philippine a été influencée par la présence américaine durant cinquante ans. Les contacts philippins sont donc accueillants et ouverts sur l'international. Les Philippines sont classées parmi les dix premiers pays du monde en matière d'utilisateurs de Facebook et certaines marques philippines communiquent uniquement avec leurs comptes Facebook, et non avec leurs sites internet.
Pour ces grands pays émergents, il convient donc d'aller au-delà des idées reçues et d'intégrer leur sophistication relative à certains modes de consommation. La stratégie d'approche doit tenir compte de ces importants marchés porteurs, ainsi que des grands marchés émergents, qui offriront des opportunités conséquentes demain.
M. Arnaud FLEURY . - Egis est l'un des grands groupes d'ingénierie d'infrastructure français, voire le plus gros. Il appartient à la Caisse des dépôts et consignations et travaille également dans le domaine de l'exploitation.
M. Olivier FLURY . - Effectivement, nous exploitons des routes à péage et des aéroports.
M. Arnaud FLEURY . - Quels pays de l'ASEAN voudriez-vous mettre en avant ?
M. Olivier FLURY . - Nous sommes un acteur ancien sur cette zone, sur laquelle nous travaillons depuis vingt-cinq ans, plus particulièrement au Vietnam et en Indonésie. Nous sommes à présent en phase de diversification et nous renouvelons notre approche de ces marchés pour accroître notre spectre, notamment avec le secteur privé. De grands partenaires privés investissent en effet dans des villes nouvelles, par exemple en Indonésie, en Birmanie et aux Philippines. Dans ce pays, de grands partenaires financiers investissent dans d'importants projets, souvent selon des modes PPP, combinant des infrastructures de transport et de développement.
M. Arnaud FLEURY . - Quels sont vos conseils en matière d'approche pour le Vietnam ?
M. Olivier FLURY . - Il s'agit d'un marché important, pour lequel nous nous appuyons beaucoup sur les financements internationaux. Nous y avons cependant connu quelques difficultés de recouvrement, avec quelques clients privés.
Le marché vietnamien est très concurrentiel, très ouvert sur le monde. Dans ce pays, il est difficile de travailler. Il y a encore deux ans, nous étions en perte de vitesse au Vietnam, mais nous venons de signer de beaux contrats dans le domaine de l'entretien routier. Il y a beaucoup de choses à faire dans ce pays.
M. Arnaud FLEURY . - Il n'y a pas de recettes miracles pour les pays de l'ASEAN, qui présentent néanmoins des points communs.
M. François MATRAIRE . - Comme dans tous les pays asiatiques, la proximité y est très importante pour les affaires. Si cette proximité n'est pas physique, elle doit être assurée par une correspondance fournie, des visites régulières, l'envoi de voeux, etc.
M. Arnaud FLEURY . - Il faut rester modeste et respecter les conventions. Il convient ainsi de garder ces réalités bien en tête.
M. François MATRAIRE . - Exactement. Les entrepreneurs de ces pays n'apprécient pas du tout que les entreprises occidentales ne viennent y travailler que pour une seule affaire et il est très difficile d'y regagner les clients perdus.
M. Arnaud FLEURY . - Madame Connan, quel est votre sentiment sur ces questions pour les Philippines ?
Mme Marie-Josée CONNAN . - On dit souvent que les Philippines constituent un creuset 5 ( * ) d'influences espagnoles, américaines et asiatiques. J'insisterai pour ma part sur l'ancrage asiatique de ce pays.
Le développement de la relation professionnelle est essentiel dans cet environnement, mais elle prend du temps. Cinq à dix ans sont ainsi nécessaire pour convaincre ces clients et nouer une relation de confiance permettant de faire se succéder les contrats. Il s'agit donc d'un investissement dans la durée et d'un engagement personnel de l'entreprise. Il convient de bien avoir en tête l'importance du contact pour travailler en ASEAN.
M. Arnaud FLEURY . - Cette prospection en ASEAN coûte-t-elle cher ?
Mme Marie-Josée CONNAN . - Il est possible de couvrir toute l'ASEAN assez facilement, mais les coûts sont variables selon les pays. À Singapour, la prospection est très chère par exemple. Aux Philippines, elle doit s'accompagner d'importants efforts de promotion. Il faut ainsi prévoir des engagements en termes de communication et de marketing.
M. François MATRAIRE . - En ASEAN, Ubifrance a défini une stratégie qui va dans ce sens, avec des couples pays/produits toujours variables selon les secteurs, les activités et les besoins des entreprises, qui nous permettent de vous aider à pénétrer ces secteurs. Cette organisation permet également de réaliser des économies d'échelles fortes, en se rendant dans deux à trois pays en une semaine.
M. Arnaud FLEURY . - Quelles sont les options à retenir concernant l'approche des marchés ?
M. François MATRAIRE . - Il est effectivement idéal de trouver un partenaire local, une plateforme commerciale et logistique dans chacun des pays. Ce partenaire peut être un agent distributeur ou un partenaire technique pour les produits complexes. Dans ce cas, nous vous recommanderons de réfléchir à la pérennisation de votre présence sur place. Dans tous les cas, il convient d'assurer une présence locale, avec un partenaire ou une présence physique.
Je rappelle par ailleurs que les secteurs du pétrole et du gaz sont généralement très bloqués en termes d'accès au marché. Il convient néanmoins de conserver un partenaire local sérieux et sur le long terme dans tous les cas.
M. Arnaud FLEURY . - Il est donc risqué de ne travailler qu'avec un agent pour tout l'ASEAN.
M. François MATRAIRE . - Effectivement. Dans ce cas, il convient de prendre en compte les sensibilités inter-pays et de choisir un pays considéré comme neutre par ses voisins.
M. Arnaud FLEURY . - Quels pays apparaissent neutres sur la région ?
M. François MATRAIRE . - Je serai tenté de vous répondre : « aucun ». Les Malaisiens, qui se considèrent relativement avancés sur les sujets de haute technologie, n'apprécieraient sans doute pas de travailler avec une entreprise leur demandant de venir la trouver à Singapour.
M. Arnaud FLEURY . - Que préconisez-vous, Monsieur Flury, concernant l'établissement d'une structure locale ou le travail avec un partenaire local ?
M. Olivier FLURY . - Dans notre domaine des services, dans lequel nous vendons des objets uniques à chaque projet, nous sommes obligés de travailler en proximité avec nos clients et nos marchés. Nous sommes donc amenés à développer des structures locales, comme un bureau de représentation. Nous avons ainsi créé une filiale en Indonésie, à la tête de laquelle se trouve un expatrié. Depuis quelques mois, nous développons notre activité en Birmanie, ce qui a nécessité un long travail pour signer des contrats et l'identification d'un partenaire local complémentaire (en l'occurrence, un architecte). Nos modes d'approche peuvent donc être variables, nous pouvons embaucher un commercial local, organiser un VIE, etc.
M. Arnaud FLEURY . - Une plateforme est-elle nécessaire ?
M. François MATRAIRE . - Elle fait sens en ASEAN, surtout avec du contenu local. Une plateforme permet également de se projeter dans les pays avec lesquels les pays de la zone ont noué des accords, comme la Chine, et de bénéficier d'importations chinoises à des tarifs préférentiels. Dans une logique manufacturière, une plateforme est effectivement cruciale, de même que pour redistribuer des biens de consommation. Singapour se pose ainsi comme un pays d'excellence en la matière, mais la Malaisie peut également être utile dans ce domaine.
Mme Marie-Josée CONNAN . - Du fait d'enjeux de consolidation de flux, il faut privilégier une porte d'entrée qui peut être Singapour, la Malaisie ou encore Hong-Kong, pour accéder aux Philippines.
M. Arnaud FLEURY . - À qui ces activités doivent-elles être confiées ?
M. Olivier FLURY . - Il est difficilement envisageable d'envoyer un Indonésien faire du business au Vietnam, surtout pour représenter un groupe français. Il est cependant envisageable de travailler avec des collaborateurs locaux, et pas uniquement avec des expatriés. Il est ainsi possible de trouver des managers de très bon niveau localement.
M. Gérard PELTIER . - Je dirige une société dans le domaine de la vente de matériel médical, qui est présente en ASEAN. Nous avons déplacé notre plateforme de Singapour à Bangkok pour des raisons de coût. Les prix sont en effet très élevés à Singapour.
M. Arnaud FLEURY . - Nous allons aborder dans la table ronde suivante la question de la pérennisation des relations.
M. François MATRAIRE . - Une société française envoie fréquemment un collaborateur indien pour travailler en Inde, ce qui ne fonctionne pas. Ce collaborateur est jugé hautain par les Asiatiques, mais cette entreprise ne s'en rend pas compte.
M. Pierre MAILLOUX . - Comment les femmes sont-elles perçues dans le monde des affaires en ASEAN ?
Mme Marie-Josée CONNAN . - Aux Philippines, elles sont très bien reçues. D'une manière générale, le secteur privé y est très développé et nous constatons fréquemment la présence des femmes à de hautes fonctions, parfois plus qu'en Europe, d'ailleurs.
M. François MATRAIRE . - Ces affirmations valent d'ailleurs pour les autres pays de l'ASEAN.
M. Arnaud FLEURY . - Et qu'en est-il des pays musulmans ?
M. François MATRAIRE . - Cette situation prévaut également. Nous sommes ainsi nous-mêmes surpris lorsque, dans les grands groupes indonésiens et malaisiens, nous nous retrouvons face à des femmes d'affaires qui ont beaucoup de pouvoir.
M. Arnaud FLEURY . - En quelques mots, pouvez-vous nous dire quelle est l'approche à adopter pour réussir ses affaires en ASEAN ?
Mme Marie-Josée CONNAN . - L'approche couple produit/marché est tout à fait pertinente. Cette zone présente beaucoup d'opportunités, les niveaux de développement sont variables selon les pays et l'approche par secteur d'activité est pertinente. Il faut analyser ses couples produits/marché avec l'aide d'Ubifrance, puis venir sur ces marchés. Ubifrance peut également vous faire gagner du temps dans le domaine de la mise en relation. Ensuite, il s'agit de développer ses contacts.
M. François MATRAIRE . - Ubifrance présente l'avantage de ne pas être en situation de conflit d'intérêts et nous vous parlerons de ce fait avec franchise, en vous orientant si nécessaire vers d'autres pays que ceux que vous visiez initialement. C'est l'avantage de notre réseau, présent partout dans le monde.
TABLE RONDE 4 - COMMENT PÉRENNISER VOS AFFAIRES EN ASEAN ?
Ont participé à cette table ronde :
M. Alain REHOCREUX, Directeur du développement international, Olmix
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER, Responsable du développement international, HSBC
M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance, Vietnam
M. Frédéric ROSSI, Directeur Ubifrance, Singapour
Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance, Thaïlande, Birmanie
M. Eric TAINSCH, responsable projets, BPI France
Mme Martine PARTRAT, Responsable des partenariats Air France
M. Philippe FORESTIER, Directeur général adjoint, Dassault Systèmes
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M. Frédéric ROSSI . - Une fois que vous serez venu nous trouver, que vous aurez sélectionné deux pays et trouvé un distributeur, que vous aurez commencé à développer vos affaires, pour finalement travailler avec un réseau de six distributeurs, par exemple au bout de deux ans, vous vous rendrez alors compte que vous aurez très rapidement besoin d'une présence locale. Il faut dès lors adopter une approche spécifique en fonction du pays. Pour définir cette approche, il faut étudier tous les flux physiques au sein de la zone ainsi que les flux de cette zone vers la France et vers d'autres marchés asiatiques. Il convient donc d'optimiser les flux physiques, ce qui peut passer par une plateforme logistique. Il faut aussi optimiser les flux financiers et se demander combien cette présence locale va vous coûter.
M. Arnaud FLEURY . - Avez-vous des chiffres à nous donner en matière de retour sur investissement selon les pays de l'ASEAN ?
M. Frédéric ROSSI . - Les retours sur investissement sont très variables selon les secteurs d'activité. Si un marché porteur et un bon distributeur ont été identifiés, le retour sur investissement peut être rapide. Le choix des partenaires constitue un moment clé, pour lequel il convient de prendre son temps. Je conseillerai ainsi de venir deux ou trois fois dans chaque pays, de rencontrer vos contacts à plusieurs reprises, notamment sur des salons et de leur envoyer des mails, pour créer du relationnel. En Asie, vie professionnelle et vie personnelle sont plus mélangées qu'en Europe et il faut commencer à tisser des relations personnelles avec les collaborateurs afin de faire des affaires. Le retour sur investissement dépendra donc beaucoup du choix du partenaire.
M. Arnaud FLEURY . - Qu'en est-il au Vietnam ?
M. Marc CAGNARD . - Le choix du partenaire y est également très important. Le retour sur investissement dépend également beaucoup du pays avec lequel la zone est abordée. Au Vietnam, les temps de réaction et de transformation sont ainsi beaucoup plus longs qu'à Singapour ou qu'en Malaisie. Une entreprise française a besoin d'environ douze mois pour percer au Vietnam, ce qui représente un engagement financier et humain certain.
M. Arnaud FLEURY . - Olmix est une PME bretonne, située dans le Morbihan. Il s'agit d'un spécialiste mondial de la chimie verte sous toutes ses formes. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Au bout de combien de temps avez-vous gagné de l'argent en ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Le retour sur investissement peut être immédiat sur un marché d'opportunités, mais pour s'implanter dans un pays et développer un marché à l'export, le retour sur investissement peut nécessiter plusieurs années. Nous sommes, pour notre part, présents en Chine depuis dix ans et notre retour sur investissement y est toujours négatif. Il faut donc budgéter son projet d'export et définir les endroits sur lesquels il faut absolument être présent.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle est votre stratégie pour l'ASEAN ? Depuis combien de temps êtes-vous présent en Asie ?
M. Alain REHOCREUX . - L'Asie présente de multiples visages selon les pays et les marchés, qui nécessitent donc des approches différentes. Nous avons commencé à être présents en Asie par les Philippines, où nous avons trouvé un contact qui parlait anglais. Nous nous sommes ensuite tournés vers la Thaïlande, après avoir participé à un salon à Bangkok avec Ubifrance. La Thaïlande est vite devenue trop cher pour nous et nous nous sommes dirigés vers le Vietnam.
M. Arnaud FLEURY . - Pour pérenniser son affaire, il faut continuer à être présent durant les coups durs et les crises ou faut-il savoir se couper le bras ?
M. Alain REHOCREUX . - Il ne faut pas baisser les bras pour s'orienter vers l'export. Il ne faut pas couper la branche sur laquelle on est bien assis (l'ASEAN représente cette branche pour nous), mais ne pas hésiter à couper des brindilles gênantes, telles qu'un mauvais distributeur ou un mauvais conseiller. Pour l'export, le partenariat constitue une clé en effet.
M. Arnaud FLEURY . - L'implantation industrielle correspond-elle à la véritable étape de pérennisation en ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Une stratégie à l'export est nécessaire en premier lieu. Nous travaillons dans le domaine de l'agriculture et nous ne pouvons pas nous permettre d'être absents d'Asie. Il faut d'abord prendre la température de la zone, puis choisir un pays pour s'implanter, après que le marché a été testé. Ensuite, vous pourrez commencer à fabriquer dans la région. Il me semble important de ne pas brûler les étapes.
M. Arnaud FLEURY . - Est-il intéressant d'envisager des implantations industrielles au Vietnam ou ailleurs ?
M. Marc CAGNARD . - Nous constatons deux types d'implantations au Vietnam : celles qui ont pour objectif de produire à moindre coût pour réexporter vers l'Europe et les entreprises qui s'installent pour servir le marché local. Ce sont davantage vers les secondes que nous nous orientons. Nous pouvons ainsi citer la société Piriou, qui fabrique des bateaux de pêche, notamment pour servir le marché local avec beaucoup de réussite. Cette société utilise le Vietnam comme plateforme de redistribution et d'expansion sur la zone ASEAN et asiatique.
M. Frédéric ROSSI . - Dans certains secteurs, comme la défense, il est nécessaire d'entrer avec une implantation industrielle pour gagner des contrats. En outre, il ne faut pas se tourner vers les pays de l'ASEAN uniquement pour aller chercher de la compétitivité coût, qui s'érode dans cette zone, tout comme en Chine.
M. Arnaud FLEURY . - Les coûts restent cependant très bas au Vietnam et au Cambodge.
M. Frédéric ROSSI . - Oui, mais ils s'érodent et la main-d'oeuvre disponible est limitée. Il est ainsi difficile de trouver des cadres moyens au Vietnam, ainsi que des ouvriers formés. Il convient donc d'adopter une approche globale de développement au sein de la zone.
M. Arnaud FLEURY . - Quels financements permettent de sécuriser la stratégie dans les pays d'ASEAN ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Cette politique de pérennisation sur les flux financiers est d'actualité lors de l'implantation, mais commence dès la prise de décision d'exportation, en France. En cas d'appel d'offres, l'entreprise propose un prix, elle doit pouvoir évaluer sa probabilité d'obtenir le marché et déjà envisager une couverture par rapport à l'euro. Il s'agit en effet de sa marge commerciale et de sa future capacité à croître.
M. Arnaud FLEURY . - Des garanties sont cependant disponibles pour se prémunir contre le risque de change.
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Effectivement, il existe plusieurs techniques, dont la plus simple semble être la couverture de change à terme, lorsque l'exportateur demande à son banquier de lui garantir un taux de conversion à 60 jours, pour protéger sa marge.
M. Arnaud FLEURY . - Que faut-il faire pour investir durablement dans un pays, en mettant en jeu des sommes importantes ? Quels sont les avantages et les inconvénients d'un financement local ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Lorsqu'une entreprise française crée une filiale à l'étranger, cette dernière ne dispose pas d'antériorité et son bilan est bref. Le dialogue avec un banquier local est donc difficile. HSBC propose de ne pas envisager cette filiale par ce prisme étroit, mais à travers la relation que HSBC entretient en France avec la maison-mère et les autres filiales éventuelles, ce qui facilite l'octroi de crédits au niveau local. Nous avons ainsi mis en place le processus de l'endossement, qui permet à ces filiales d'avoir accès aux financements locaux.
M. Arnaud FLEURY . - Est-il intéressant de se structurer autour d'une place financière, comme Singapour ou Hong-Kong ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Il s'agit effectivement des deux places financières qui offrent le plus de possibilités. La réglementation y est peu contraignante et ces deux places doivent donc être privilégiées. Elles présentent chacune des avantages, elles sont très efficaces et très modernes et permettent de mettre en place des solutions de cash pooling (gestion centralisée de trésorerie).
M. Arnaud FLEURY . - La question des finances locales est-elle cruciale pour une PME telle qu'Olmix ?
M. Alain REHOCREUX . - Oui, c'est le nerf de la guerre ! L'exportation nécessite en effet un retour d'argent pour être intéressante. L'implantation est parfois posée comme une condition nécessaire pour réaliser des affaires dans une zone. Pour cela, il importe de travailler avec une banque qui a pignon sur rue et qui s'appuie sur un réseau. Ensuite, au niveau local, il faut parfois travailler avec des banques locales. Chez Olmix, nous travaillons beaucoup avec des VIE, afin de limiter les risques.
M. Arnaud FLEURY . - Que dire du tissu bancaire local ? J'imagine qu'il est très variable selon les pays.
M. Frédéric ROSSI . - Ce tissu est de bonne qualité à Singapour. Nous travaillons ainsi avec HSBC et trois banques singapouriennes, qui disposent de filiales dans les autres pays de la zone.
M. Marc CAGNARD . - Au Vietnam, le système bancaire souffre beaucoup en ce moment. Nous travaillons dans ce pays avec des relais tels que HSBC et des banques françaises.
M. Arnaud FLEURY . - HSBC essaye donc d'accompagner les PME au maximum et de leur proposer une offre globale relative au grand export ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Tout à fait. HSBC propose des services spécifiquement pour le marché des PME et des ETI. Nous sommes présents dans vingt pays en Asie, dont sept en ASEAN. Nous offrons la possibilité d'ouvrir un compte, ce qui est également possible à distance, à partir de la France. Nous sommes en train de développer des postes de conseillers d'entreprises internationaux. Nous en comptons ainsi plus de 70 en France. Ces collaborateurs sont spécifiquement formés et spécialisés sur le secteur des entreprises internationales.
M. Alain REHOCREUX . - Nous travaillons beaucoup avec HSBC, qui est largement représentée localement. HSBC apporte des services intéressants aux PME, notamment pour nous qui sommes cotés en bourse et souhaitons minimiser nos risques.
M. Arnaud FLEURY . - Quel est votre chiffre d'affaires ?
M. Alain REHOCREUX . - 60 millions d'euros. Lorsque nous avons commencé, notre entreprise comptait six collaborateurs et c'est l'export qui nous a fait grandir.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle part de votre chiffre d'affaires l'Asie représente-t-elle ?
M. Alain REHOCREUX . - L'Asie représente le tiers de notre chiffre d'affaires.
Intervenant de la salle - Des pôles de compétitivité ont-ils été mis en place en ASEAN ? Quels sont vos liens avec les universités ?
M. Frédéric ROSSI . - Des clusters (pôles de compétitivité) ont été mis en place localement, notamment à Singapour. Ils ont trait aux nouvelles technologies par exemple. Les pôles de compétitivité français sont très timides sur cette zone du monde et nous souhaiterions qu'ils soient plus présents. Les pôles PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) et Bretagne seront présents à Kuala Lumpur et à Singapour à la fin de l'année et nous envisageons de travailler l'année prochaine avec des pôles de biotechnologie.
M. Arnaud FLEURY . - Les écoles de commerce s'installent quant à elles massivement à Singapour.
M. Frédéric ROSSI . - Cinquante chercheurs français travaillent à Singapour. Les deux pôles les plus importants sont le Vietnam, pour des raisons historiques, et Singapour, pour la haute technologie. Le CNRS 6 ( * ) dispose d'un bureau au Vietnam et montera un bureau régional à Singapour dans quelques mois. L'EDHEC 7 ( * ) , l'ESSEC 8 ( * ) , l'INSEAD 9 ( * ) et la Sorbonne sont également présents à Singapour.
M. Marc CAGNARD . - L' IRD 10 ( * ) et le CIRAD 11 ( * ) sont aussi présents au Vietnam et notre coopération décentralisée est historique avec ce pays, si bien que de nombreuses universités françaises y ont mis en place des programmes. L'Université des Sciences et Technologies de Hanoï rassemble 45 universités françaises en un consortium . Ce projet d'université d'excellence est en cours et fait appel à des coopérations fortes en ce moment.
De la salle - Comment abordez-vous les risques politiques dans les différents pays de l'ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Lorsque la flamme olympique est passée à Paris, tous nos partenaires chinois m'ont fait savoir qu'ils ne souhaitaient plus travailler avec nous. J'ai alors utilisé mon antenne du Vietnam pour régler ce problème. L'implantation dans plusieurs pays peut ainsi vous aider en cas de risques politiques.
M. Arnaud FLEURY . - Et qu'en est-il du risque politique dans les pays de l'ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Il n'y en a pas.
M. Frédéric ROSSI . - Votre avocat constitue également un partenaire important, ce que nous n'avons pas évoqué. Dans cette zone, la culture orale et la relation personnelle sont importantes, mais il importe également de travailler avec un bon avocat, pour que vos contrats soient solides. Certaines entreprises ont en effet rencontré d'importantes difficultés du fait de manquements juridiques.
M. Arnaud FLEURY . - Je cède à présent la parole à Eric TAINSH, responsable projets à BPI France pour un exposé sur le financement de projets dans cette zone.
M. Éric TAINSH. - Les difficultés rencontrées par les entrepreneurs français à l'international sont souvent liées à des questions de préparation. La phase de préparation en France est en effet très importante. Ces difficultés sont également souvent liées à des aspects de trésorerie et à des manques de fonds de roulement. Il convient donc de maximiser sa trésorerie en monétisant, mobilisant et préfinançant ce qui peut l'être. Un client a ainsi récemment cédé ses biens immobiliers par le biais d'une cession-bail, pour disposer de davantage de liquidités. Il est également possible de préfinancer certains crédits d'impôts, avec le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE). Les assurances prospection peuvent en outre être facilement mobilisées auprès d'une banque.
BPI France Export est un label derrière lequel est rassemblée la totalité de l'offre publique disponible en matière d'accompagnement et de financement à l'international dans les directions régionales de BPI France. Nous vous aidons ainsi à hisser votre niveau de connaissance sur les pays que vous prospectez et réfléchissons avec vous au bon mode d'entrée dans ces pays. La prospection peut durer de quelques mois à plusieurs années. Durant cette étape, vous pouvez faire prendre en charge le risque financier grâce à l'assurance prospection Coface, disponible dans les directions régionales de BPI France. Si la prospection fonctionne, vous remboursez, si elle fonctionne moyennement, vous remboursez une partie et si c'est un échec, vous ne remboursez rien.
Si la prospection fonctionne et que vous vous enhardissez, vous pouvez décider d'investir sur place, d'organiser un réseau de distribution, de prendre une participation dans une entreprise dont l'activité peut vous être très utile, etc. Pour ces opérations, les investissements seront lourds et il faut disposer d'un bilan conséquent. BPI France a justement pour rôle de muscler le bilan des entreprises, en entrant dans leur capital, pour les aider à prendre des paris osés, notamment en ASEAN.
Cependant, les entrepreneurs ne veulent pas tous ouvrir leur capital et, dans ce cas, nous avons développé des financements sous forme de prêts sur une durée de sept ans, qui ne sont remboursables qu'à partir de la troisième année et qui donnent du temps à l'entrepreneur, afin que l'investissement donne lieu à de premiers retours. Ces prêts sont sans garantie, ce qu'il faut noter.
Nos investissements dans ces pays sont en général risqués et nous pouvons aider les banques en partageant le risque. Nous pouvons ainsi prendre en charge jusque 60 % du risque.
Les créations ou rachats d'entreprises lointaines correspondent également à des investissements risqués, se montant souvent à plusieurs millions d'euros. Si les choses tournent mal, la société basée en France peut se retrouver en danger. Nous avons développé un produit, « la garantie de projet à l'international », qui permet de garantir à hauteur de 50 % les fonds propres que vous injectez pour créer la filiale. Cette garantie permet de sauver des entreprises qui connaissent des revers loin de leurs bases.
Nous croyons donc beaucoup dans la préparation. Les chargés d'affaires internationales d'Ubifrance sont des experts ayant vocation à vous aider à hisser votre niveau de connaissance des marchés et à déposer vos marques. Vous pouvez également assurer votre prospection, pour être remboursé à hauteur de 60 % ou de 75 %. Nous pouvons, en outre, vous aider à investir. Cette année, nous comptons ainsi investir 2 milliards d'euros en financements dans les bilans des entreprises françaises qui souhaitent s'internationaliser.
Mme Claire CAMDESSUS. - Pour information, Ubifrance Thaïlande-Birmanie organise ses rencontres d'affaires du 18 au 21 novembre à Bangkok et à Rangoon. Nous sommes prêts à vous accueillir, avec nos amis des Chambres de commerce. Ensemble, nous continuerons ainsi à combattre les clichés. La Thaïlande n'est pas un pays de vacances, mais il s'agit d'un pays pour réaliser des affaires.
Nous organiserons des ateliers sectoriels avec le Conseil du Commerce Extérieur de la France (CCEF), que vous pourrez également rencontrer en visioconférence, ainsi que dans nos bureaux. Nous organiserons aussi des rendez-vous avec vos partenaires potentiels.
Mme Martine PARTRAT. - En ce qui concerne Air France, à l'été 2014, plus de 90 vols seront opérés par notre groupe sur l'ASEAN. Nous avons récemment développé la desserte de Kuala Lumpur, à raison de quatre fréquences par semaine. Singapour est desservie à hauteur de dix fréquences par semaine et Bangkok, à raison de cinq fréquences par semaine. Air France va également ouvrir une liaison quotidienne avec Djakarta au 1 er juillet 2014, sous réserve de l'obtention des droits de trafic.
Air France KLM, Alitalia et Delta ont par ailleurs mis en place un produit de fidélisation pour les PME-PMI. Et nous avons développé un partenariat fructueux avec Ubifrance, puisque, pour chaque mission collective et individuelle, nous offrons des tarifs avantageux avec des contraintes minimales.
M. Philippe FORESTIER - Je suis frappé par le fait que, même s'il s'agit de pays hétérogènes, l'ASEAN correspond à une géographie à part entière. Dassault Systèmes a choisi de faire de l'ASEAN une région particulière, au même titre que l'Amérique du Nord ou l'Amérique latine.
Nous étions une dizaine à développer Dassault Systèmes il y a plus de trente ans et nous sommes à présent 12 000 collaborateurs. Nous sommes numéro 1 mondial dans notre secteur et nous couvrons douze secteurs industriels. Les pays de l'ASEAN sont prêts à s'ouvrir aux nouvelles technologies et nous nous y développons bien.
Dassault Systèmes fournit aux entreprises et à la société des outils de simulation virtuels en 3D, permettant de réaliser des innovations durables pour harmoniser des produits, la nature et la vie. Les innovations et les inventions du 20 ème siècle se simulent presque toutes, même dans des domaines tels que la santé. Il est ainsi possible de simuler la propagation du cholestérol dans les cellules. Nous fournissons donc des solutions aux entreprises qui inventent et innovent. Nous comptons 190 000 clients dans le monde, nous sommes répartis dans plus de cent pays et avons décidé de nous diviser en douze zones géographiques, dont l'ASEAN.
Cette région représente 2 % de nos affaires, soit 5 000 clients. Nous avons choisi de travailler selon une approche indirecte, avec 45 à 50 collaborateurs à Singapour et une quinzaine en Indonésie, ce qui est peu pour Dassault Systèmes. Nous avons ainsi privilégié un mode de travail avec des partenaires externes. Quarante-cinq partenaires distribuent nos solutions dans les six pays principaux de l'ASEAN.
Nous nous développons dans les domaines de l'aéronautique, des sciences de la vie, etc. et avons décidé de porter une attention particulière aux aspects santé et énergie dans les années à venir. Nous mettons également beaucoup l'accent sur l'éducation. La moyenne d'âge de ces pays est en effet bien inférieure à 30 ans et nous avons besoin que nos clients aient accès à des talents scientifiques, alors que le monde actuel n'en génère pas suffisamment pour soutenir l'activité mondiale. Le monde fabrique ainsi 2 millions d'ingénieurs chaque année, alors qu'il en faudrait 3 millions. Nous avons négocié des accords particuliers en Malaisie, pour y transformer l'enseignement secondaire. Nous avons également mis des actions en place à Singapour, en Indonésie, au Vietnam, etc.
Nous allons continuer à nous développer de manière importante, en sélectionnant nos partenaires pour aller dans le sens des industries que nous entendons couvrir. Une structure locale est en effet nécessaire pour nous, afin de travailler en confiance avec nos partenaires.
CLÔTURE
Mme Catherine PROCACCIA, Présidente du groupe d'amitié France-Indonésie et Timor-Est
Il me revient l'honneur et la difficulté de clôturer cette troisième rencontre économique organisée au Sénat et consacrée aux pays de l'ASEAN. Une fois encore, je constate l'intérêt grandissant des entreprises françaises, qui ont pu bénéficier de l'éclairage particulier des directeurs d'Ubifrance dans chacun de ces pays en pleine croissance. Les témoignages des entreprises présentes ont dû susciter des vocations. Cette région de l'ASEAN recèle un potentiel de développement considérable et, si vous êtes présents aujourd'hui, c'est, je présume, que vous en êtes conscients.
C'est en tant que Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Indonésie et Timor-Est du Sénat que je m'exprime devant vous. L'Indonésie compte 245 millions d'habitants, elle est placée au quatrième rang des pays les plus peuplés de la planète, il s'agit d'un géant de l'Asie du Sud-Est. Sa croissance économique est située entre 5 % et 6 % depuis dix ans et cette croissance est tirée par la consommation intérieure, avec ses quelque 50 millions d'habitants composant sa classe moyenne, ce chiffre augmentant chaque année. Ce marché intérieur en expansion crée de formidables opportunités pour les entreprises françaises, car cette population a de nombreux besoins en accédant à un nouveau niveau de vie.
Le groupe d'amitié s'est déplacé en septembre en Indonésie et nous avons rencontré de jeunes entrepreneurs à Djakarta, qui m'ont impressionnée. Ces jeunes entrepreneurs misent eux aussi sur cette nouvelle classe moyenne et se développent dans l'agroalimentaire, les cosmétiques, les télécommunications et l'environnement. En 2013, les Galeries Lafayette ont ouvert un magasin à Djakarta, ce qui illustre les perspectives offertes par le marché indonésien. 40 % des marques vendues dans ce magasin sont françaises et l'ambition affichée est de valoriser la réputation de la France dans les domaines de la mode, du luxe et de la gastronomie. L'Oréal a ainsi installé sa plus grande usine mondiale en Indonésie.
Outre ce marché intérieur important, l'Indonésie peut aussi intéresser des entreprises à la recherche de matières premières. Le sous-sol indonésien est riche de ressources en tous genres, énergétiques et minérales. Total est d'ailleurs présent en Indonésie depuis plus de quarante ans, au large de Bornéo.
L'Indonésie est aussi une très grande puissance agricole, qui exporte du caoutchouc et cette fameuse huile de palme consommée par des centaines de millions de personnes à travers le monde, ingrédient indispensable à l'industrie agroalimentaire européenne. Il s'agit aussi de l'un des premiers pays pour la pâte à papier, qui s'engage dans une démarche de production durable.
Je vous invite donc tous à vous intéresser à ce marché indonésien, qui a été fermé pendant très longtemps. Ce pays connaît des difficultés, les barrières protectionnistes existent dans certains de ses secteurs, comme la pharmacie, la bureaucratie y est souvent tatillonne et lente, et la corruption existe, il s'agit même d'un mode de fonctionnement historique. Il y a également des règles contraignantes en matière d'embauche du personnel. Les embauches de non Indonésiens doivent ainsi être accompagnées du double d'embauches d'Indonésiens, ce qui n'est pas toujours facile.
Ubifrance et une CCI franco-indonésienne, particulièrement impliquées et dynamiques, vous aideront à surmonter ces obstacles et vous montreront qu'il est possible d'y réaliser des affaires. Je note d'ailleurs avec satisfaction que notre balance commerciale a été pour la première fois excédentaire en 2013, ce qui s'explique par la vente de 230 Airbus à la compagnie Lion Air. Ce pays présente d'ailleurs un immense potentiel dans le domaine du transport et l'on s'y déplace surtout en avion.
Notre groupe s'occupe aussi depuis peu du Timor Oriental. Il s'agit d'un petit pays indépendant situé à l'Est de l'Indonésie, très proche de l'Australie, qui ne compte qu'1,2 million d'habitant. Il n'a certes pas le même potentiel que son grand voisin, mais tout reste à construire dans ce pays. Il peut intéresser des entreprises ayant l'habitude de travailler avec les pays en voie de développement. Toutes les institutions internationales sont positionnées dans ce pays, qui a besoin d'infrastructures, de ports, de routes, d'hôtels, d'agroalimentaire, de logistique, etc.
Le Timor oriental compte des ressources pétrolières et gazières qui lui permettent de financer ses projets de développement. Cette manne pétrolière est certes en partie utilisée par les pays étrangers, qui l'exploitent, mais ce pays a l'intention d'en récupérer une partie. Je précise en outre qu'on y parle le portugais.
En ASEAN, il s'agit maintenant de faire valoir nos produits et notre expertise, qui est reconnue. La demande existe, la compétition avec les autres pays est rude, mais vous avez les atouts pour réussir. Nous n'avons pas à rougir de la qualité de nos produits et de notre savoir-faire, en particulier dans les secteurs que nous avons évoqués ce matin. Il s'agit de poursuivre notre offensive en matière d'innovation et de créativité.
Cependant, la qualité de notre offre ne suffira pas à nous positionner sur ces nouveaux marchés, car il nous faut aussi nous atteler au renforcement de la compétitivité économique de notre pays, en réduisant les coûts de production. Sur ce plan, la situation de la France s'est considérablement dégradée, notamment par rapport à nos voisins européens.
C'est le défi que doit relever le Gouvernement qui vient d'être nommé ; il est de taille. Pour ma part, et en dehors de toute prise de position partisane, je souhaite que la prise de conscience de l'exécutif concernant l'importance du rôle et de la compétitivité des entreprises françaises pour les emplois perdure, se concrétise et réussisse. Pour que notre balance commerciale soit réellement améliorée, il est indispensable que l'allègement du coût du travail bénéficie à toutes les entreprises, en particulier à celles qui tentent la concurrence internationale et l'exportation et à celles qui innovent. Peut-être conviendrait-il de cesser de cibler uniquement les bas salaires pour les abaissements des charges, mais aussi de se tourner vers la main-d'oeuvre qualifiée, celle qui permet l'innovation et l'exportation.
Pour remporter cette bataille de la compétitivité et se positionner sur ces marchés porteurs, la France doit agir avant qu'il ne soit trop tard. Je pense que nous avons - grâce à vous - les atouts pour réussir. Je formule le voeu à chacun d'entre vous, individuellement, qui avez formé un projet pour partir dans l'un des nouveaux pays de l'ASEAN, de le réussir et je crois que vous pouvez compter sur Ubifrance, les chambres de commerce et nos ambassades.
* 1 Obligations les moins risquées émises par les emprunteurs qui reçoivent une note allant de AAA à BBB- par les agences de notation selon l'échelle établie par Standard& Poors, par opposition aux « non investment grade », également appelées « speculative grade » ou « high yield », bien plus risquées (notes allant de BB+ à D), mais permettant d'obtenir en contrepartie une meilleure rémunération.
* 2 Mesures de politique monétaire non conventionnelles, consistant par exemple à acheter des obligations ou des billets de trésorerie émis par les entreprises, ou encore à reprendre les actifs douteux de banque ou à les garantir.
* 3 « Blue cities » dans le texte.
* 4 Data center, dans le texte.
* 5 Melting-pot, dans le texte.
* 6 Centre national de la Recherche scientifique
* 7 École Des Hautes Études Commerciales du Nord
* 8 École supérieure des sciences économiques et commerciales
* 9 Institut européen d'administration des affaires
* 10 Institut de Recherche pour le Développement
* 11 Centre de coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement