TABLE RONDE 4 - RESSOURCES HUMAINES : QUELLES SOLUTIONS POUR ASSURER SON DÉVELOPPEMENT LOCALEMENT ?
Table ronde animée par M. Axel BAROUX, directeur d'Ubifrance Canada
Ont participé à cette table ronde :
Mme Bénédicte RAYNAUD, chef de Service VIE, Ubifrance
Mme Ambre DUGAS, assistante, chef de produit, Groupe Seb Canada Inc
M. Rénald GILBERT, ministre conseiller du service de l'immigration, Ambassade du Canada en France
M. Alexandre GUILLAUME, directeur du développement international, ERAI
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M. Axel BAROUX . - L'entreprise Rhône-Alpes International (ERAI) est un partenaire de longue date d'Ubifrance, avec lequel nous venons de signer un accord de coopération particulièrement salué.
Mme Bénédicte RAYNAUD . - Le Volontariat International en Entreprise (VIE) est le volet « ressources humaines » géré par Ubifrance. Ce dispositif existe depuis une douzaine d'années. Il permet à une entreprise de recruter un jeune âgé de 18 à 28 ans pour une mission durant de 6 à 24 mois sans engagement via un contrat de travail. En effet, l'ensemble de la gestion du dispositif est assuré par Ubifrance. Par conséquent, nous menons deux relations contractuelles parallèles : l'une avec l'entreprise ; l'autre avec le jeune.
Ce dispositif a trois avantages majeurs :
- il exonère l'entreprise de la gestion de ce personnel, les services de mobilité internationale au sein des grands groupes nécessitant des équipes conséquentes ;
- il est attractif financièrement, la rémunération versée aux VIE étant exonérée de charges et certaines mesures fiscales avantageuses existant (financement de VIE par certaines régions, assurance prospection de la Coface) ;
- il offre aux entreprises un accès à un vivier de 45 000 candidats, le Canada étant une destination très prisée. Ce vivier est permanent et se renouvelle sans cesse. En effet, la « génération Y » souhaite commencer sa carrière à l'étranger.
Au cours des derniers mois, le rang du Canada parmi les pays d'affectation a progressé : de la douzième place il y a un an, il est passé à la septième. 200 VIE sont actuellement présents au Canada dans plus d'une centaine d'entreprises.
Mme Ambre DUGAS. - Je suis en VIE à Toronto dans le domaine du marketing depuis le mois de janvier. Mon contrat a été établi pour un an, renouvelable un an. Cette expérience s'inscrit dans un réel désir de commencer une carrière à l'étranger. A ce titre, le VIE constitue une excellente solution, notamment du fait de l'encadrement offert par Ubifrance du début à la fin du contrat. Ubifrance apporte également aux VIE une valeur ajoutée en termes de réseau.
M. Axel BAROUX . - Comment êtes-vous perçue par votre hiérarchie et l'équipe canadienne en tant que jeune professionnelle française ?
Mme Ambre DUGAS . - Le statut de VIE est spécifique : je ne suis pas employée par le groupe SEB. Cependant, j'avais déjà travaillé pour cette société en France ; c'est pourquoi, j'ai d'abord été perçue comme une jeune française issue du « corporate office » .
Ce dernier, ainsi qu'Ubifrance, doivent expliquer le dispositif aux équipes. En effet, j'ai souvent été présentée comme une « étudiante VIE », alors que je suis diplômée et que le VIE se distingue du stage, ainsi que du contrat d'expatriation. Pour ma part, j'ai la chance de bénéficier de la confiance du directeur général et de la directrice marketing.
M. Rénald GILBERT . - Il importe de mener la préparation administrative adéquate et de disposer du permis de travail approprié avant l'arrivée au Canada. Les jeunes et les employeurs doivent prendre conscience que la culture organisationnelle et le droit du travail diffèrent fortement d'un pays à l'autre. De plus, les mêmes mots ne signifient pas forcément la même chose.
La préparation implique également de discuter avec des personnes ayant vécu l'expérience canadienne, de préférence dans la même entreprise ou la même ville. En effet, la durée du VIE étant courte, l'adaptation à la culture de l'entreprise doit l'être également pour bénéficier au mieux de l'expérience.
M. Axel BAROUX . - Quels sont les obstacles à l'obtention d'un permis de travail ?
M. Rénald GILBERT . - Du fait de la forte progression du nombre de VIE, une entente a été conclue au Québec afin d'exempter l'entreprise de l'obligation de prouver qu'aucun Canadien ne peut occuper le poste. Dans les autres provinces, cette exemption est possible dans le cadre de l'accord de mobilité des jeunes. Lorsque le quota de 14 000 places est atteint, les permis de travail peuvent désormais être émis pour les francophones en dehors du Québec.
L'accord de mobilité des jeunes est très populaire. Ainsi, en 2012, les 7 000 permis vacances-travail ont été attribués en seulement 48 heures. Toutefois, il est également possible de faire un stage : 4 800 jeunes stagiaires sont présents cette année au Canada. Cette culture du stage est beaucoup moins répandue au Canada. Enfin, 3 000 jeunes professionnels sont aussi concernés par cet accord.
Par ailleurs, de nombreux étudiants peuvent bénéficier d'un permis de travail ouvert, jusqu'à trois ans après la fin de leurs études.
M. Alexandre GUILLAUME . - En début de semaine, lors d'une conférence à Planète PME, la ministre du commerce extérieur a déclaré : « Exporter c'est bien, s'implanter c'est mieux !» Depuis plus de quinze ans, la société ERAI accompagne des entreprises dans leur cheminement, en particulier l'implantation via l'outil Implantis . En effet, nous sommes convaincus que l'implantation est la condition d'une intégration durable sur un marché. Chaque année, nous hébergeons plus de 200 entreprises dans nos 27 incubateurs situés partout dans le monde. Nous enregistrons des résultats probants : en 2011, les 220 entreprises hébergées ont généré plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Implantis est un outil permettant à l'entreprise de s'installer physiquement dans le pays à travers trois étapes :
- Implantis léger : votre entreprise peut obtenir très rapidement une adresse et un numéro de téléphone dans le centre de Québec ;
- Implantis sans coaching : sont mis à votre disposition un bureau, une infrastructure et des réseaux d'avocats et d'experts comptables développés depuis plus de vingt ans ;
- Implantis avec coaching » : lorsque vous démarrez dans un marché, il est essentiel d'être accompagné quotidiennement par une personne référente. Une charte est désormais signée entre l'entreprise française, la personne hébergée en Implantis (commercial, ingénieur-qualité, etc.) et notre directeur du bureau afin de déterminer les objectifs et le plan d'action. Un échange a lieu tous les quinze jours autour d'un compte-rendu rédigé par la personne hébergée par Implantis . Cette démarche favorise la transparence et conforte la légitimité du dispositif.
Depuis le 27 mai 2013 et la signature d'une convention entre Ubifrance et ERAI, nous mettons nos incubateurs à la disposition de toutes les entreprises françaises.
Enfin, j'ai travaillé pour un chocolatier de Saint-Etienne qui vendait ses produits aux États-Unis depuis plus de cinq ans et réalisait 100 000 euros de chiffre d'affaires par an. Suite à un changement de propriétaire, il a été décidé de créer une filiale aux États-Unis. Je me suis alors rendu au bureau d'ERAI à Atlanta. Après quatre à cinq mois de prospection dans des salons, l'activité ne s'intensifiait pas. Puis, le plus gros distributeur en food service des États-Unis m'a finalement invité à présenter mes produits à ses commerciaux. Celui-ci m'a expliqué que la vente d'un produit nécessitant des investissements, il avait préféré vendre le chocolat de mon concurrent, Valrhona, qui disposait d'une filiale sur place. J'ai alors compris combien l'implantation favorise la réussite des projets à l'international.
Je voudrais signaler aussi que les Belges et les Québécois nous envient le dispositif VIE, les formalités administratives étant intégralement prises en charge par Ubifrance à moindre coût. Autre point positif : 80 % des jeunes restent ensuite en poste au sein de l'entreprise.
M. Axel BAROUX . - Quelle est la nature de votre travail à Toronto ?
Mme Ambre DUGAS . - Je suis assistante chef de produit en marketing opérationnel. J'ai d'abord été chargée de travailler sur la marque Tefal, en particulier les produits Blockbuster, dont l'ActiFry. Il s'agit de capitaliser sur des succès internationaux et de se servir de ses bonnes pratiques pour redéployer le succès, tout en l'adaptant aux spécificités du marché. Le fait d'avoir déjà travaillé sur certains de ces produits en France était un avantage pour Seb et pour moi-même.
J'ai désormais changé d'équipe. Je travaille maintenant pour Rowenta et sur un lancement de produits prévu pour l'année 2014, mobilisant le budget le plus important en termes de campagne télévisée. Je travaille donc avec la chef de produit pour mettre tous les outils de lancement à notre disposition.
Par ailleurs, il est très aisé de faire des affaires au Canada. J'ai rencontré une personne possédant une agence de relations publiques, dont les clients les plus importants sont Lacoste et l'Occitane. Je lui ai alors proposé de présenter son agence à ma direction. Cette agence fait désormais partie de notre liste préférentielle pour les relations publiques.
M. Etienne JULIOT . - Quel est votre avis sur les VIE à temps partagé ?
Mme Bénédicte RAYNAUD . - Le temps partagé est un complément intéressant du dispositif, notamment pour des entreprises n'ayant pas besoin d'une personne à temps plein. Cependant, il n'est pas aisé de parvenir à regrouper les entreprises. Dans ce cadre, la personne en VIE ne doit pas travailler pour plus de deux à trois entreprises ; celles-ci ne doivent pas être concurrentes mais plutôt complémentaires et intéressées par un même marché et un même profil.
Un tel projet est complexe à élaborer. C'est pourquoi Ubifrance s'appuie sur des partenaires régionaux coutumiers de ce type de projet et en capacité de rassembler les entreprises.
De plus, le candidat à ce type de poste doit justifier de capacités d'autonomie et de compétences organisationnelles solides. Il importe que ce type de projet soit chapeauté par une structure unique.
Actuellement, sur les 7 600 VIE en cours, une trentaine est à temps partagé. Ce type de projet est actuellement en cours d'élaboration dans le domaine de l'agroalimentaire en Asie.
M. Guillaume BOURDON . - Combien coûte le dispositif VIE ?
Mme Bénédicte RAYNAUD . - Le coût comprend le salaire, qui est fixé dans le contrat conclu avec Ubifrance et varie en fonction de la localisation de l'activité entre 30 000 et 33 000 euros environ. Plus l'entreprise est de petite taille, moins le VIE lui coûte cher, les frais de gestion étant modulés en fonction de la taille de l'entreprise. Le budget global inclut également les dépenses liées aux locaux, à l'encadrement, aux frais de déplacement, etc.
M. Alexandre GUILLAUME . - Une formule « Implantis sans coaching » coûte 900 euros par mois, tandis que la formule avec coaching revient à 1 200 euros par mois. En effet, le coaching implique la présence d'une personne dédiée. Les frais de déplacement et de prospection doivent aussi être pris en compte.
M. Axel BAROUX . - Ce dispositif est-il éligible à la Coface ?
M. Alexandre GUILLAUME . - Oui.
Mme Bénédicte RAYNAUD . - Une ingénierie financière peut également être mobilisée en fonction de la localisation de votre entreprise, ainsi que des mesures fiscales, comme le crédit d'impôt export.
Un intervenant dans la salle . - Comment le salaire du jeune en VIE est-il déterminé ?
Mme Ambre DUGAS . - Le salaire est similaire à celui d'un premier emploi. Il est très compétitif, mais dépend de la localisation géographique et non de l'entreprise. Les barèmes de salaire sont accessibles sur le site Internet d'Ubifrance.
M. Axel BAROUX . - Le salaire d'un VIE travaillant au Canada anglophone s'élève à 2 365 euros par mois, tandis qu'il est de 2 150 euros au Québec. Ces salaires évoluent marginalement tous les trois mois.
Mme Bénédicte RAYNAUD . - Ce salaire représente le coût exact pour l'entreprise qui ne paie aucune charge sur ce montant.
Une intervenante dans la salle . - Je suis étudiante en Master 2 d'affaires internationales. Je cherche un contrat en VIE, mais il existe peu d'offres pour un grand nombre de candidats : comment me faire connaître et trouver l'entreprise recherchant mon profil ?
Mme Bénédicte RAYNAUD . - Il convient de s'acharner, puisque vous êtes effectivement très nombreux à candidater. Cette démarche s'apparente à une première recherche d'emploi. Ainsi, les moyens classiques de recherche d'emploi fonctionnent dans le cadre du VIE.
Nous diffusons sur le site civiweb.com toutes les annonces des entreprises. Toutefois, certains grands groupes choisissent de ne pas publier leurs annonces sur ce site. Par conséquent, il est nécessaire de visiter leur propre site internet.
Dans le cadre d'une offre concernant une destination attractive, nous recevons de 200 à 300 réponses. Nous vous conseillons donc de créer votre propre poste : quotidiennement, de petites entreprises nous contactent suite à la candidature d'un jeune évoquant un contrat VIE.
Mon équipe promeut ce dispositif, mais vous pouvez également contribuer concrètement à cette promotion lorsque vous approchez une entreprise.
Vous pouvez démarcher les filiales localement, dans les pays qui vous intéressent. De même, en France, lorsqu'une entreprise intègre un marché, il peut être pertinent de lui proposer ce dispositif.
Vous n'êtes pas alors confrontés à la même concurrence. Les 45 000 candidats représentent plus d'ambassadeurs de ce dispositif que notre équipe d'Ubifrance n'en comptera jamais.