III - LA FRANCE ET LES ÉMIRATS : UNE AMITIÉ SOLIDE
La
délégation sénatoriale a pu constater l'excellent accueil
fait concrètement aux Français. D'une manière
générale, l'image de la France aux Emirats est excellente. Notre
pays reste pour la Fédération, celui du Général de
Gaulle et d'une politique arabe marquée par la justice,
l'équilibre et le soutien à la légitime volonté
d'indépendance des peuples arabes. La France est aussi pour nos amis
émiriens une nation phare de la culture et de la haute technologie.
Ces liens d'amitié qui ont été significativement raffermis
par la visite du Président de la République française aux
Emirats les 15 et 16 décembre 1997, trouvent à se
concrétiser en matière politique, économique et
culturelle.
1 - D'ÉTROITES RELATIONS POLITIQUES
a/ L'amitié franco-émirienne
La
France figure parmi les alliés privilégiés des Emirats
Arabes Unis. Ces liens ont été resserrés par la
participation de notre pays à la guerre du Golfe. Par ailleurs, les
Emiriens apprécient la politique internationale de la France
respectueuse de l'indépendance et de la culture des nations. De
surcroît, la France jour un rôle de contrepoids à
l'omniprésence anglo-américaine dans la région. Enfin, il
est incontestable que la qualité des relations politiques
franco-émiriennes tient aussi à l'amitié
qu'éprouvent les chefs d'Etat des deux pays.
Cette amitié s'est, par exemple, traduite par une multiplication des
visites de responsables français et émiriens depuis
l'élection de Jacques Chirac à la Présidence de la
République. Relevons, par exemple, la visite en France, le 26 mai
1997, de Cheikh Zayed et de Cheikh Mohammed, son fils, Chef de l'Etat-Major des
Armées fédérales. Cheikh Mohammed s'est rendu six fois en
France depuis 1995. Notons les quatre visites de M. Charles Millon,
ministre de la Défense entre 1995 et 1997, les deux visites de
M. Franck Borotra en 1996 et 1997, la mission de M. de Charette,
ministre des Affaires étrangères en juin 1996.
b/ La coopération militaire
Ces
relations trouvent aussi une traduction concrète en matière
d'armement. En effet, une coopération de défense existe depuis
1971 qui s'est notablement intensifiée à la suite de la guerre du
Golfe. Jusqu'alors, elle consistait essentiellement à accompagner
l'évolution des grands contrats d'armement, principalement dans le
domaine aéronautique. Cette coopération militaire assurait la
formation initiale, puis dispensait une assistance dont les Emiriens
reconnaissent l'efficacité.
L'accord de coopération militaire et d'armement du 10 septembre
1991, faisant suite à un accord datant de 1977, a redéfini le
cadre de nos relations de défense et a très vite donné
lieu à des échanges de visites et à des manoeuvres
communes interarmées.
Enfin et surtout, l'
accord de coopération en matière de
défense du 18 janvier 1995
, qui va très au-delà
de l'accord de coopération militaire et d'armement de 1991,
doit
donner un nouvel élan à notre coopération
, à un
moment où les Emirats Arabes Unis recherchent des garanties
auprès d'autres puissances comme le montre, par exemple, l'accord de
défense signé avec les Etats-Unis en juillet 1994.
L'accord franco-émirien de 1995 définit les modalités de
la participation de la France à la défense des Emirats et les
domaines de la coopération militaire bilatérale (renseignement,
entraînement, planification). Dans ce cadre, un
haut comité
franco-émirien
, présidé par les deux chefs
d'Etat-major, a été créé et s'est
déjà réuni trois fois (décembre 1995 à
Paris, janvier 1997 à Abou Dabi, février 1998 à Paris). Il
a pour fonction de suivre la mise en oeuvre des principales dispositions de
l'accord. Un exercice commun, dénommé GOLFE 96, s'est
déroulé du 10 au 31 octobre 1996 et a concerné les trois
armées des deux Etats. Des plans de défense ont été
élaborés et un programme d'entraînement a été
défini, qui doit être conclu par un exercice majeur prévu
pour 1999.
Autre volet de cette politique : la densité des fournitures
d'armement de la France aux Emirats Arabes Unis. Depuis 1976, les forces
armées émiriennes ont acquis plus de 70 % de leurs
équipements en France.
En avril 1993, le GIAT a obtenu un contrat majeur, d'un montant de 21 milliards
de francs, portant sur la vente de
436 chars " Leclerc "
dont
88 ont déjà été réceptionnés. Les
forces armées émiriennes souhaitent par ailleurs confier à
une société française (COFRAS) la formation et la
maintenance de leurs unités blindées. En 1995, EUROCOPTER a
conclu un accord portant sur la fourniture d'hélicoptères
à la marine (1,2 milliard de francs) et les Emirats ont
également commandé des hélicoptères de combat
franco-allemands
Tigre (Eurocopter
)
pour 1,2 milliard de francs
,
écartant ainsi le Seahawk américain. En 1996, le montant total
des commandes militaires s'est élevé à 1,5 milliard de
francs.
Lors de la visite du Président de la République, les 15 et 16
décembre 1997, les autorités émiriennes ont annoncé
leur décision de confier à la France la modernisation et le
renouvellement de la flotte aérienne des Emirats
. Ce contrat porte
sur la modernisation des 33 mirages 2000 déjà en service
dans l'armée de l'air émirienne et l'acquisition de
30 nouveaux mirages 2000-9, le tout pour 20 milliards de francs. Il
devait être définitivement signé très prochainement.
Les Emirats ont par ailleurs fait le choix de Thomson-CSF pour leur fournir un
système sophistiqué de communications militaires sol-air. Ce
programme baptisé GATR doit permettre d'assurer les liaisons - en
phonie protégée ou en transmission de données - entre
les stations sol de l'armée de l'air et ses avions ou ses
hélicoptères. Il porte sur un total de 1,2 milliard de
francs.
Une grande déception a été l'annonce en mai dernier de
l'achat de 80 avions F-16 block 60 en lieu et place du Rafale
français. Cependant, tout espoir n'est pas perdu dans la mesure
où le Congrès américain se montre réticent,
conformément à la politique pro-israélienne des
Etats-Unis, à autoriser cette vente. Le F-16 block 60 comporte en effet
d'importantes améliorations par rapport au F-16 block 50 qui
équipe l'armée israélienne : des réservoirs
supplémentaires qui allongent son rayon d'action, des contre mesures
intégrées de guerre électronique, des missiles
sophistiqués anti radar HARM et air-air AMRAAM et un nouveau radar
à antenne à balayage électronique.
En tout état de cause et quelque soit le résultat final de ces
négociations, la délégation sénatoriale doit
constater que la position du Rafale aurait été meilleure si
l'armée de l'air française en avait commandé. En outre, il
y a lieu de s'interroger sur les méthodes permettant une densification
des déplacements de hauts responsables politiques, militaires et
administratifs lors des différentes phases de négociation de
contrats importants. Il semble, en effet, que la présence
française à ces occasions soit bien moindre que celle des
Britanniques ou des Américains.
Lors de son séjour à Abou Dabi, la délégation
sénatoriale a pu visiter le Siroco. Ce navire, qui est un transport de
chalands de débarquement d'une capacité de transport de
1 880 tonnes s'est mué en bateau-vitrine destiné
à favoriser l'exportation des armements français. Des
représentants des industriels, de la délégation
générale pour l'armement et de DCN-International
présentent à chaque escale les matériels exposés et
qui vont des pièces d'artillerie au char Leclerc, aux
hélicoptères Cougar et Gazelle, en passant par des
équipements informatiques de commandement. Le Siroco qui venait du Qatar
devait ensuite se rendre à Singapour, en Malaisie et en Oman.
Cette initiative commerciale est apparue excellente à la
délégation sénatoriale. Au vrai, la Grande-Bretagne
procède d'une façon similaire depuis plusieurs années. Il
y a tout lieu de se féliciter de ce que les tabous, bien
français, qui empêchaient la réalisation de telles
expériences, soient tombés. Car l'opération Siroco
présente de nombreux intérêts. Elle permet bien sûr
de montrer nos matériels et d'effectuer des démonstrations. Elle
assure l'établissement de liens directs entre militaires. Mais, et ce
n'est pas son moindre mérite, elle pousse industriels, militaires,
ingénieurs de l'armement à travailler en étroite liaison.
OEuvre de décloisonnement, elle participe au combat pour l'exportation
qui est le combat pour l'emploi que mène notre nation.