Fils de médecin, Edgar Faure naît à Béziers le 18 août 1908. Après des études aux collèges de Verdun et de Narbonne, puis aux lycées Janson-de-Sailly et Voltaire à Paris, il achève sa licence en droit, est diplômé de l’école des langues orientales vivantes et devient avocat à la Cour de Paris en 1927.
En 1942, il rejoint Tunis puis Alger. Le général de Gaulle le nomme secrétaire général adjoint chargé des services législatifs de la présidence du Comité français de la Libération, puis du gouvernement provisoire. A la Libération, il remplit les fonctions de procureur général adjoint français au Tribunal militaire international de Nuremberg (1945), avant d’être élu député radical-socialiste du Jura en 1946, maire de Port-Lesney en 1947, et président du Conseil général du Jura en 1949.
La même année, il est nommé secrétaire d’Etat aux finances, puis exerce à plusieurs reprises, sous la IVe République, les responsabilités de président du Conseil et de ministre du budget, de la justice, des finances des affaires économiques et du plan, et des affaires étrangères.
Le 26 avril 1959, il est élu sénateur du Jura, puis nommé membre du Sénat de la Communauté. Ses premières interventions en séance publique portent sur l’Algérie. Lorsque le Gouvernement demande les pleins pouvoirs pour y assurer le maintien de l’ordre, en 1960, Edgar Faure estime qu’il est de son devoir d’accepter « non point certes l’expérience du pouvoir personnel, mais, dans ces circonstances particulières, la personnalisation du pouvoir » en apportant justement à cette expérience « la caution républicaine » de la plus grande majorité possible du Parlement. L’année suivante, il évoque l’« importante et préoccupante question des rapatriés » pour relever que les intentions du projet de loi relatif à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-mer « ne sont pas très claires ».
A l’occasion de la discussion des projets de loi de finances pour 1961 et 1962, il prend la parole pour dénoncer la crise agricole et appeler le ministre à résoudre le problème des marchés, dont le jeu traditionnel « n’est pas admissible pour l’économie agricole ». Il souhaite également que le Gouvernement définisse une politique agricole d’envergure et mette l’accent sur la modernisation de l’agriculture.
Au sujet du projet de loi portant ratification du traité sur la coopération franco-allemande, il reproche au Gouvernement, le 20 juin 1963, de ne pas parler franchement de ses intentions. Il souhaiterait que le pouvoir exécutif précise sa volonté en matière de construction européenne, et il demande au ministre de s’appuyer sur le Sénat : « Pourquoi ne chercheriez-vous pas, pour mener cette politique difficile, la coopération et l’appui de votre Parlement ? […] Ce Sénat, que vous boudez, pourrait vous apporter un appui qui vous serait plus tard peut-être nécessaire. »
Le 17 novembre 1965, il intervient longuement sur le projet de loi portant approbation du Plan de développement économique et social. A ses yeux, « la formule française est à mi-chemin entre ces deux données extrêmes : absence de plan ou plan de pure théorie, d’une part, et, d’autre part, plan totalement obligatoire et nécessairement bureaucratique ». Cette analyse lui permet de placer la France « au point de synthèse prochaine et probable entre le libéralisme et le socialisme ».
Edgar Faure cesse son mandat sénatorial le 8 février 1966 pour devenir ministre de l’agriculture, de l’éducation nationale, puis des affaires sociales. Il est élu maire de Pontarlier, conseiller général et député du Doubs. Au Palais Bourbon, il exerce les fonctions de président de l’Assemblée nationale de 1973 à 1978. Président du conseil de la région Franche-Comté, il figure également parmi les représentants à l’Assemblée des communautés européennes. Titulaire d’une agrégation en histoire du droit romain depuis 1962, professeur à la faculté de Dijon, auteur d’ouvrages politiques et historiques, de romans policiers, de chansons et d’une pièce pour piano, il entre à l’Académie française le 8 juin 1978.
Réélu sénateur le 28 septembre 1980, cette fois dans le département du Doubs, il redevint maire de Port-Lesney en 1983. Au Palais du Luxembourg, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1981, il dénonce « le mode actuel de financement des charges sociales » qu’il estime « pernicieux ». Il préconise de diminuer les charges pour augmenter l’emploi, et conclut en s’adressant au ministre : « je n’ai pas l’intention de faire ici un grand discours. Le budget est comme les mariages : il y en a de bons, il n’y en a pas de délicieux. Mettons que le vôtre n’est pas mauvais ».
Le 30 septembre 1981, lors de la discussion du projet de loi portant abolition de la peine de mort, il accepte l’abrogation de cette sanction tout en demandant qu’elle soit maintenue dans quelques cas précis comme la récidive d’assassinat, le meurtre des agents chargés d’une mission d’ordre, et la mort des enfants qui ont fait l’objet d’un enlèvement crapuleux.
Au cours de l’examen du projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, en 1981 et 1982, il présente ces dernières comme « le cadre de l’optimalité d’existence » des individus, et considère que les régions sont mieux placées que l’Etat ou le département pour développer l’emploi.
Lorsque le Gouvernement présente un projet de loi portant diverses mesures relatives à la Sécurité sociale, Edgar Faure déclare dans l’hémicycle : « je vous le dit franchement, aucune de ces mesures, bien évidemment, ne peut soulever l’enthousiasme ». A ses yeux, le mode de financement de l’assurance sociale est « à tous égards dépassé, notamment sur le plan idéologique » et « devenu tout à fait néfaste sur le plan économique ».
Se remémorant le temps où il était ministre de l’éducation nationale, il appelle à un accord unanime lors de l’examen du projet de loi sur l’enseignement supérieur, en 1983 : « Dans vingt ans, on ne se souviendra plus des votes qui ont eu lieu en 1981. […] Mais toute la vie intellectuelle de notre pays […] dépendra de ce que nous aurons décidé aujourd’hui. Sur ce champ, nous n’avons pas le droit ne nous comporter en combattants qui s’opposent ».
(JPG - 198 Ko)Cette volonté d’aboutir à un consensus politique se retrouve à plusieurs reprises chez Edgar Faure, notamment à l’occasion de ses interventions sur les projets de loi relatifs aux droits d’auteur en 1985, et à la liberté de communication en 1986. A chaque fois, il se montre l’adversaire « des débats de théologie [et] des oppositions ardentes de systèmes ». Il apprécie qu’« en présence d’une réalité évolutive qui impose ses lois et ses contraintes à tous les esprits », le Sénat parvienne « aisément à un climat de sérénité, d’objectivité » lorsqu’il s’agit de travailler sur des « sujets sérieux, importants, culturels ».
Sa dernière intervention au Palais du Luxembourg, le 15 novembre 1987, porte sur le projet de loi relatif au développement et à la transmission des entreprises. Quelques mois plus tard, le 30 mars 1988, Edgar Faure décède à Paris, à l’âge de 80 ans. Son éloge funèbre est prononcé en séance publique le 6 juillet suivant. Le 21 février 2007, le président du Sénat, Christian Poncelet (voir la vidéo) (WMV - 24 Mo), dévoile une plaque commémorative à l’emplacement qu’occupait Edgar Faure dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg.