Élevé dans la foi protestante et les idées républicaines, Gaston Doumergue quitte son Languedoc natal pour suivre des études de droit à Paris. Il revient à Nîmes en 1885 et s’installe comme avocat avant d’être nommé juge en Indochine en 1890.
De retour en métropole en 1893, il est élu député du Gard. Il s'inscrit au groupe radical-socialiste et exerce les fonctions de secrétaire de la Chambre des députés en 1895 et 1896.
Il intervient peu en séance publique, mais son ton est incisif et ses prises de paroles claires et structurées. Au cours de son premier mandat, il critique notamment la politique coloniale du Gouvernement estimant qu’elle ne saurait se limiter à un simple déplacement de populations : « Il est vrai que quelques-uns ont prétendu […] que l’île de Madagascar était une sorte d’eldorado qui pourrait servir de débouché au trop-plein de notre population paysanne. C’est un beau rêve, mais c’est un rêve, et il faudrait pour qu’il se réalisât, que ce trop-plein existât. [...] Permettez-moi de vous rappeler un détail. On a fait, il y a quelques années, une expérience très intéressante ; on a amené dans un département d’Algérie un certain nombre de pêcheurs des Pyrénées-Orientales, en leur disant qu’ils trouveraient là un travail plus rémunérateur. Au bout de six mois, on a été obligé de les rapatrier… Voilà un indice de ce que nous pouvons faire en matière de colonisation. Eh bien ! j’estime que si pour peupler et mettre en valeur Madagascar, on ne compte que sur le trop-plein de la population paysanne, cette grande île restera pendant longtemps dans l’état où elle se trouve aujourd’hui. » (1894).
Il est réélu député en 1898 et, son influence au sein de la gauche grandissant, il est nommé ministre des colonies en 1902, portefeuille qu’il conserve jusqu’en 1905. Il retrouve ensuite les bancs de la Chambre des députés dont il devient vice-président, fonction qu'il exerce jusqu’en 1906. Il dénonce à cette époque la convention de commerce avec la Russie : « Pourquoi donc nous présente-t-on une nouvelle convention avec la Russie ? C’est évidemment parce que la convention antérieure ne donnait pas satisfaction aux intérêts économiques de notre pays. Tout le monde le sait ; il n’est pas une région de France qui ne se soit élevée et qui n’ait protesté […] contre le caractère prohibitif du tarif douanier russe. Aussi, au moment où l’on présentait une convention nouvelle, un traité de commerce nouveau dont quelques-uns, les libre-échangistes, acceptaient l’annonce avec beaucoup de satisfaction, s’imaginait-on que la convention allait faire cesser ce caractère et mettre fin à ces plaintes. A la prohibition allait succéder un régime non pas de bienveillance extraordinaire mais tout au moins de tolérance. Or, il n’y a rien de changé : les tarifs qu’on nous présente aujourd’hui sous le nom de tarifs conventionnels sont aussi prohibitifs que les tarifs antérieurs. Personne ne peut prétendre le contraire. » (1906).
Ministre du commerce, de l'industrie et du travail de 1906 à 1908, il marque son passage au Gouvernement par la création de la direction de la marine marchande. Il est ensuite nommé ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, ce qui lui donne l’occasion de défendre le transfert des cendres de Zola au Panthéon. Il répond, à cette occasion, à Maurice Barrès qui s’oppose au projet : « De l’écrivain, M. Barrès n’a pas dit grand-chose. […] il a vite abandonné l’écrivain pour juger et condamner le citoyen en même temps que le grand acte politique accompli par ce dernier. C’est à l’acte de Zola, c’est à son attitude dans l’affaire [Dreyfus] à laquelle M. Barrès faisait allusion au début de son discours, que se sont adressées les plus vives critiques de notre collègue. […] Que voulait donc Zola ? Pourquoi s’était-il jeté dans cette bataille ? On vous l’a dit avec une grande éloquence tout à l’heure, Zola voulait défendre cette vérité et cette justice, sans lesquelles il ne peut y avoir de régime républicain et démocratique durable. » (1908).
Élu sénateur du Gard en 1910, à la faveur d’une élection partielle, Gaston Doumergue s’inscrit au groupe de la gauche démocratique radicale et radicale socialiste, mais il intervient peu en séance publique, si ce n’est pour défendre l’enseignement de la langue arabe : « Ce n’est pas au Sénat que j’ai besoin de rappeler que cette langue est celle de la grande culture du monde musulman. C’est elle qui a enfanté, véhiculé, nourri toute cette civilisation qui présente des côtés si intéressants et parfois si merveilleux. C’est donc par elle, par sa connaissance, que nous pouvons pénétrer d’abord une partie de cette civilisation, et par elle ensuite que nous pourrons y adapter une partie de la nôtre, car il y a beaucoup d’adaptations possibles. […] Je suis donc convaincu que l’honorable ministre des colonies, dont nous connaissons les sentiments, emploiera toute son autorité auprès de l’école coloniale pour […] l’amener à rétablir une chaire d’arabe dans laquelle on enseignera vraiment de l’arabe. » (1911).
Il est réélu en 1912. Ses prises de parole se font toujours rares à la tribune, ce qui ne l’empêche pas de voir son autorité grandir au sein de la Haute assemblée. À la fin de l’année 1913, il est ainsi appelé par le président de la République, Raymond Poincaré, à constituer un cabinet d’entente républicaine dans lequel il cumule les fonctions de président du Conseil et de ministre des affaires étrangères.
Pendant la première guerre mondiale, de 1914 à 1917, il exerce les responsabilités de ministre des colonies. En cette qualité, il représente la France à la conférence interalliée de Saint-Pétersbourg, ce qui l’amène à rencontrer le tsar avant qu’éclate la révolution d’octobre.
De retour au Sénat en 1917, il s’inscrit au groupe de la gauche démocratique dont il devient le président. Réélu sénateur du Gard en 1921, il est élu président de la commission de la marine puis de la commission des affaires étrangères en 1922. À cette époque, il s’oppose à la reprise des relations diplomatiques avec le Saint-Siège : « Qu’est-ce que tout cela prouve ? Cela prouve qu’au-dessus de tous les événements humains, au-dessus des batailles des nations et des hommes, le Saint-Siège, dont la pensée prétend dominer les temps et les événements, ne voit que l’intérêt de son gouvernement, de sa propagande, de sa domination morale, qu’il met à profit les moments de dépression et d’angoisse des peuples pour essayer d’obtenir de ces derniers ce qu’ils se refuseraient à lui accorder à d’autres heures. Il y a beaucoup de choses que je ne veux pas dire. Cependant, j’ai entendu cette réflexion : « Si nous avions eu un ambassadeur auprès du Saint-Siège pendant la guerre, le pape aurait peut-être eu à l’égard de la France une attitude toute autre. » Hé quoi ! appartenait-il à un ambassadeur faillible d’enseigner à celui qui est infaillible le côté où se trouvaient la justice et la liberté ? » (1921).
En 1923, Léon Bourgeois, atteint de cécité partielle, abandonne la présidence du Sénat. Gaston Doumergue lui succède alors au Petit Luxembourg avant d’être élu, en 1924, président de la République. Sa bonhommie et son sourire lui vaudront le surnom de « Gastounet ».
Durand son septennat, il doit faire face à la dégradation des finances de la France. En 1926, il demande à Raymond Poincaré de constituer un gouvernement d’union nationale pour sauver le pays de la faillite. La confiance est ainsi ramenée.
À la fin de son septennat, en 1931, il épouse en toute discrétion Jeanne Graves puis se retire dans la propriété de celle-ci – à Tournefeuille, en Haute-Garonne – après avoir transmis les pouvoirs au nouveau président de la République, Paul Doumer.
Pendant trois ans, il vit retiré de la vie politique mais l’affaire Staviski et la démission du président du Conseil, Edouard Daladier, conduisent le président Doumer à venir chercher « le sage de Tournefeuille » dans sa retraite pour lui confier la constitution d’un nouveau cabinet. Gaston Doumergue s’attache alors – selon ses propres mots – à constituer « un gouvernement de trêve, d'apaisement et de justice » qui demande rapidement les pleins pouvoirs pour réaliser par décrets-lois les réformes administratives et financières nécessaires à la France.
C’est à cette époque qu’il adresse aux Français, avec l’accent du Gard et sur le ton de la conversation, des allocutions radiodiffusées où il explique à « ses chers amis » les mesures qu’il est amené à prendre « pour remettre de l’ordre dans la maison ».
La situation politique l’amène également à intervenir personnellement au Parlement, en qualité de président du Conseil, pour défendre certains projets de loi, tel celui concernant les grands travaux contre le chômage : « Beaucoup des observations présentées auraient certainement été accueillies et acceptées par le Gouvernement, si nous nous trouvions dans des circonstances ordinaires. […] Sont-elles ordinaires, messieurs ? Sommes-nous dans une situation normale ? Pouvons-nous, d’un trait de plume, supprimer le chômage ? Car, au fond, l’intérêt du projet que nous vous présentons, c’est de mettre fin à ce chômage dont vous parlait, tout à l’heure avec tant de force, M. le ministre du travail. C’est une plaie pour notre pays. C’est en même temps un danger, par ses conséquences matérielles, par ses conséquences morales. […] Aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre, parce qu’il y a des hommes qui peinent et qui souffrent. Si nous ne leur accordions pas la satisfaction qu’ils espèrent, ils seraient découragés et, messieurs, dans le moment présent, ne décourageons personne en France. » (1934).
(JPG - 198 Ko)Partisan d’une réforme des institutions renforçant les pouvoirs du président du Conseil face au Parlement, Gaston Doumergue est contraint à la démission le 8 novembre 1934, à la suite du départ du cabinet des ministres radicaux, soit neuf mois après avoir été rappelé au pouvoir.
Il quitte ses fonctions en priant tous ses concitoyens « de garder le calme qui est nécessaire pour résoudre les difficultés présentes au mieux des intérêts et de la sécurité de la patrie », et se retire définitivement de la vie publique.
Il meurt trois ans plus tard dans sa maison natale d'Aigues-Vives, âgé de 74 ans.
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Gaston Doumergue était Grand-Croix de la Légion d'honneur.
Le 18 décembre 2013, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance, le Sénat lui rend hommage en posant une médaille à la place qu’il occupait dans l’hémicycle.