Fils de médecins, Michel Debré naît à Paris le 15 janvier 1912. Après des études de droit, il entre au Conseil d'État en 1935. Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier par les Allemands, mais parvient à s'évader et rejoint la Résistance. A la Libération , il est nommé commissaire du Gouvernement pour la région d'Angers, avant d'être élu conseiller de la République d'Indre-et-Loire, le 7 novembre 1948. Il s'inscrit alors au Groupe du rassemblement des gauches républicaines et de la gauche démocratique. Ses interventions portent essentiellement sur la construction européenne, sur la politique française en Afrique du Nord et sur les institutions de la IVe République.
Il prend la parole sur l'Europe dès 1949, lorsqu'il est nommé rapporteur de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier la convention portant statut du Conseil de l'Europe. A cette occasion, il présente l'union des nations libérales européennes comme une solution à leurs difficultés financières, économiques et sociales. Il estime qu'il est nécessaire d'assurer la sécurité du continent européen, récemment mise à mal par la Seconde Guerre mondiale. Pour ce faire, explique-t-il, « c'est au Gouvernement français que la responsabilité la plus lourde incombe dans les années qui viennent. C'est à lui de prendre les devants, c'est à lui d'assurer, par l'organisation européenne, un accord franco-allemand sans lequel il n'est ni Europe possible, ni paix, ni liberté dans ce vieux continent ».
Toujours présent sur les grands sujets européens, Michel Debré compare, en mars 1952, la Communauté du charbon et de l'acier (CECA) à une nouvelle religion, à laquelle il estime qu'il n'est pas bon d'adhérer. A ses yeux, « la Communauté du charbon et de l'acier est une tentative technique pour se substituer à l'impuissance politique de ces dernières années. Ce n'est pas une idée sans grandeur ; malheureusement, c'est une idée fausse ».
Il préfèrerait que le traité de la CECA soit envisagé dans le cadre plus large d'un traité politique complet avec la République allemande. « En effet, il est vain, il est futile de parler de la Communauté du charbon et de l'acier comme d'un projet isolé. La Communauté du charbon et de l'acier suppose l'Allemagne et la France liées pour le meilleur et pour le pire ; elle suppose, par conséquent, une Allemagne intégrée dans une solide organisation politique de l'Occident ».
Lorsqu'il est question de ratifier le traité instaurant la Communauté européenne de défense (CED) en 1953, Michel Debré craint que la France s'engage dans une quadruple impasse, juridique, nationale, politique et intellectuelle. Il préfèrerait la mise en place d'une « politique de rechange » basée sur trois exigences : « D'abord, la mise au point, la révision de l'alliance Atlantique ; ensuite, une intégration progressive, mais véritable, de l'Allemagne et de son effort militaire ; enfin, une organisation de l'Europe fondée, non sur le transfert de souveraineté, mais sur l'association des souverainetés ».
Trois ans plus tard, au sujet de l'Organisation européenne de l'énergie atomique (Euratom), il s'oppose à ce que la France abandonne ses droits en matière d'armement atomique, craignant de retomber dans les travers de la CED avortée : « Ne recommençons pas, par une nouvelle Communauté européenne de défense, par une nouvelle idéologie impossible à comprendre, le drame national que nous avons vécu ces dernières années ». « L'intérêt de la France , c'est de ne pas faire d'abandons gratuits ; nous avons le droit d'être armés ; nous avons le droit d'avoir une défense nationale moderne ».
Le temps qu'il consacre aux grands thèmes européens n'empêche pas Michel Debré de s'intéresser au fonctionnement des institutions françaises. En 1951, à l'occasion de la discussion d'une résolution décidant la révision de certains articles de la Constitution , il dénonce avec force les institutions de la IVe République. « La faute du constituant de 1946, lance-t-il à la tribune du Sénat, est claire : au lieu de réagir contre les déformations que le temps avait apportées aux lois de 1875, il les accentue, il leur a donné un caractère constitutionnel, il a voulu les rendre définitives ! » Pour mettre un terme à cette « anarchie », il prône une réforme électorale, le rétablissement de l'exécutif et un rééquilibrage des pouvoirs entre l'Assemblée nationale et le Conseil de la République.
Réélu sénateur d'Indre-et-Loire, le 19 juin 1955, il dénonce la politique du Gouvernement en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Au sujet de l'Algérie, lorsque le Gouvernement demande les pouvoirs spéciaux, le 15 mars 1956, Michel Debré considère que la priorité devrait être donnée à la définition d'une politique d'ensemble en Afrique du Nord : « Vous demandez les pouvoirs spéciaux - vous avez raison de les demander - mais comment allez-vous faire face au problème militaire dans les semaines qui viennent ? Quelle est l'unité de votre politique ? [...] Ce n'est pas le vote des pouvoirs spéciaux qui nous rassure totalement. On a tant voté de pouvoirs spéciaux depuis tant d'années et les résultats ont toujours été si décevants ! Ce que la France attend, c'est une politique. Seul aura droit au nom de Gouvernement le ministère qui aura le courage de le comprendre, de le dire et de le faire ».
Trois mois plus tard, il dénonce la perte d'influence de la France en Afrique du Nord. Il perçoit cette situation comme une menace pour la liberté dans cette région du monde et propose trois solutions « pour remonter la pente » : « il faut d'abord - c'est la première condition - retrouver le sens de l'État et de l'honneur français. Il faut, ensuite, définir et appliquer une politique cohérente à toute l'Afrique. Il faut, enfin, préparer avec soin, rigueur et patriotisme, les rapports juridiques à venir entre le Maroc et la Tunisie , d'un côté, et la France , de l'autre ».
Le 1er juin 1958, Michel Debré est nommé garde des Sceaux du dernier gouvernement de la IVe République. Charles de Gaulle, Président du Conseil, obtient les pouvoirs spéciaux pour réformer les institutions. Il charge le ministre de la Justice de rédiger l'avant-projet de la nouvelle Constitution.
(JPG - 198 Ko)Après l'adoption du texte définitif par référendum et la publication de la Constitution de 1958 au Journal officiel, Charles de Gaulle est élu à la présidence de la République. Il choisit Michel Debré comme Premier ministre. Celui-ci reste à Matignon jusqu'en 1962, puis il remplit alternativement les fonctions de député de la Réunion , de ministre de l'Économie et des Finances et de ministre des Affaires étrangères.
Sous la présidence de Georges Pompidou, il est nommé ministre de la Défense nationale. En 1973, il retrouve son siège de député qu'il conserve jusqu'en 1988. Cette année là, il est élu à l'Académie française, au fauteuil du duc de Broglie.
Il décède à Montlouis-sur-Loire le 2 août 1996. Deux ans plus tard, le 17 décembre 1998, le Président du Sénat, Christian Poncelet, dévoile une médaille insérée à la place que Michel Debré occupait dans la salle des séances du Palais du Luxembourg : « En apposant une plaque commémorative, notre Assemblée tient à rappeler que la République a besoin de citoyens courageux animés par le sens de la nation et de l'État ».