Fils de médecin, Marcellin Berthelot naît à Paris le 25 octobre 1827 et devient professeur de chimie. Alors que ses collègues se livrent à l'analyse des molécules, il oriente ses travaux vers la « synthèse chimique » consistant à reproduire les composants de la matière. Président du comité chargé de fabriquer des canons, de la poudre et de la dynamite pendant le siège de Paris, il est élu sénateur inamovible le 16 juillet 1881.
Dans un premier temps, Marcellin Berthelot se contente d'observer le fonctionnement de la Haute Assemblée , sans prendre part aux débats. Mais il est présent dans l'hémicycle et vote les lois soumises au Sénat. En 1884, il est nommé président de la commission relative au projet de loi sur l'organisation de l'enseignement primaire, qui ordonne la laïcisation progressive du personnel des écoles publiques. En séance publique, il n'intervient que brièvement pour donner l'avis de la commission sur tel ou tel amendement, évitant les longs discours. Puis, avec les années et l'habitude des débats parlementaires, ses prises de paroles s'allongent et les thèmes qu'il aborde se diversifient, touchant aussi bien à l'enseignement qu'à la religion, à l'armée ou à la santé publique.
Au sujet de l'organisation de l'enseignement secondaire, Marcellin Berthelot recommande la création de deux catégories de lycées, les uns d'ordre littéraire et les autres d'ordre scientifique. A ses yeux, « cette division des jeunes gens en deux groupes distincts [...] est rendue nécessaire par le développement croissant des sciences. Le cerveau humain n'a qu'une certaine capacité; on ne peut plus aujourd'hui, comme autrefois, y loger l'ensemble des connaissances nouvelles et sans cesse croissantes par suite des développements de la science et des besoins de la civilisation moderne ».
De même, il défend à la tribune du Sénat les bourses d'enseignement supérieur qu'il considère comme une institution profondément républicaine et démocratique : « L'idée supérieure est celle-ci : c'est qu'on doit donner à tous les enfants, aux pauvres comme aux riches, les moyens de développer leur culture intellectuelle, lorsqu'ils possèdent les facultés nécessaires et donnent des espérances suffisantes ».
Le 11 décembre 1886, il est nommé ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts dans le ministère Goblet. A ce titre, il est amené à préciser son opinion sur les rapports entre l'Église et l'État, à l'occasion de l'examen du budget de l'exercice 1887. Pour Marcellin Berthelot, « la religion est une chose profondément respectable, [...] mais c'est une affaire de volonté, de conviction personnelle. La religion, l'Église, ne doivent pas intervenir dans l'État ; elles ne doivent y jouer aucun rôle, parce que lorsqu'elles y jouent un rôle, ce qui en résulte, c'est l'oppression ».
C'est la raison pour laquelle, explique-t-il, le parti républicain a souhaité écarter les congréganistes de l'enseignement public. Interrogé sur les conséquences financières de cette réforme, le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts démontre que la laïcisation d'une école n'entraîne pas de charges considérables pour l'État : « Quand on dit que les congréganistes coûtent beaucoup moins cher que les laïques, on commet une erreur ; la dépense est sensiblement la même ».
Après la chute du ministère Goblet, le 18 mai 1887, Marcellin Berthelot retrouve son fauteuil au Palais du Luxembourg où il affiche ses opinions pacifistes. Il se fait l'apôtre de la paix qu'il considère comme l'idéal des sociétés humaines et civilisées : « Le but auquel tend la France , auquel doivent tendre les nations modernes, ce n'est pas de s'exterminer les unes les autres par des luttes sans fin. [...] Un peuple qui adopterait cet idéal serait, je l'ai dit, un peuple de brigands ». Puis il s'oppose à la proposition du général Campenon, sénateur inamovible, qui porte la durée du service militaire à trois ans. L'ancien ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts estime qu'en amputant de trois années la période d'étude et d'apprentissage des jeunes gens, la France se dotera peut-être de meilleurs soldats, mais qu'elle compromettra son développement intellectuel et scientifique au risque, après la défaite de 1870, de connaître un « Sedan industriel ».
Les questions de santé publique ne lui sont pas étrangères puisqu'il se montre favorable à l'extension à toutes les communes de France des mesures hygiéniques prescrites à Paris pour lutter contre les maladies infectieuses telles que la diphtérie et la fièvre typhoïde. De même, la question des « vins plâtrés » lui procure l'occasion de faire valoir son souci de préserver la santé des consommateurs. En qualité de chimiste, il se montre favorable à l'ajout d'une dose de plâtre dans la vendange afin d'améliorer la conservation des vins résistant mal à l'effet du temps, et permettre leur transport. Mais afin d'éviter des effets indésirables sur l'organisme, il insiste pour limiter cette quantité à 2 grammes par litre.
Nommé ministre des Affaires étrangères dans le cabinet Léon Bourgeois, le 1er novembre 1895, il intervient à la Chambre des députés sur le budget de son département et sur la situation à Madagascar. Mais il démissionne avec tout le ministère, le 23 avril 1896, sans avoir l'occasion de reprendre la parole devant la Haute Assemblée.
De retour au Palais du Luxembourg en qualité de sénateur, il interroge le Gouvernement sur l'état d'avancement du projet d'installation au Panthéon des cendres de Voltaire et de Rousseau, en suspens depuis 1792. Deux ans plus tard, il demande au Sénat de s'associer, par la présence de son bureau et d'une délégation, à la cérémonie du centenaire qui se déroule le 1er mars 1903 à la Sorbonne , en l'honneur du célèbre historien et homme politique français, Edgar Quinet.
Tout en menant sa carrière politique, Marcellin Berthelot poursuit ses travaux scientifiques. Rendu célèbre par ses découvertes en matière d'estérification, de synthèse organique et de thermochimie, il est élu à l'Académie française en 1900.
(JPG - 199 Ko)A la fin de l'année 1903, il dépose le premier amendement de sa carrière, afin de défendre les crédits affectés aux publications de l'Institut de France, dans le cadre de l'examen du projet de loi portant fixation du budget de l'exercice 1904. Quelques jours plus tard, il intervient à nouveau sur cette question pour rappeler que « le Parlement a toujours [...] manifesté sa volonté d'encourager les recherches scientifiques et de leur donner la plus grande publicité possible, en raison de leur grande utilité sociale ». C'est la dernière fois que ses collègues l'entendent prendre la parole en séance publique.
Le 19 mars 1907, le président Antonin Dubost annonce au Sénat le décès de Marcellin Berthelot, survenu la veille à Paris, et prononce son éloge funèbre. Le Gouvernement lui fait des funérailles nationales et la loi du 24 mars 1907 décide le dépôt de ses cendres au Panthéon. Quelques jours plus tôt, le 20 mars, le Sénat adopte une résolution (JPG - 188 Ko) pour apposer une plaque commémorative à la place qu'occupait Marcellin Berthelot en séance publique.