Une présence discrète
A ces débuts prometteurs des femmes en politique, succèdent des « lendemains qui ne chantent guère ». A partir des élections de juin 1951, s'amorce une lente régression : 22 femmes font leur entrée au Palais Bourbon cette année-là avec une nette prédominance des partis de gauche (15 communistes et 3 SFIO). On retrouve cette répartition de manière encore plus accentuée aux élections législatives de 1956 : 90 % des femmes élues sont de gauche, mais elles ne sont plus que 19. Le jour de la rentrée parlementaire, le président d'âge, le député communiste Marcel Cachin, exprime son espoir d'une féminisation plus importante : « l'intérêt, à nos yeux, évident, de l'Assemblée nationale, c'est que nos compagnes soient de plus en plus nombreuses associées à nos travaux... La participation des femmes à la direction des affaires publiques n'a que trop tardé. »
De plus en plus discrète
Ce mouvement de recul des femmes de la scène politique, esquissé en 1951 et 1956, s'accentue avec l'avènement de la Vème République : de 1958 à 1973, le nombre des députées oscille entre 8 et 11, soit moins de 2 % du nombre total de parlementaires siégeant au Palais Bourbon.
On peut expliquer cet effacement par le changement des modalités de vote : le scrutin uninominal majoritaire à deux tours personnalise davantage les élections et favorise l'émergence de candidatures de notables, des hommes. Les partis politiques invoquent l'absence de candidates : désintérêt ou manque de disponibilité en raison des occupations familiales ? Les femmes soulignent le barrage opposé à leurs candidatures au sein des partis. On peut toutefois établir un parallèle entre cette diminution du nombre de députées et l'effacement progressif de deux partis : le MRP et le parti communiste.
Durant cette période, 28 femmes siègent au Palais Bourbon. La carrière de certaines d'entre elles s'inscrit dans la durée : Jacqueline Thome-Patenôtre, députée radicale, est élue de 1958 à 1973 (après avoir été membre du Conseil de la République de 1946 à 1958) et Marie-Claude Vaillant-Couturier, députée communiste, de 1962 à 1968. A droite, on peut mentionner Nicole de Hautecloque et Marie-Magdeleine Aymé de la Chevrelière respectivement élues de 1962 à 1978 et de 1958 à 1968, ainsi que Marie-Madeleine Dienesch, première femme présidente d'une commission.
Une timide progression
Valéry Giscard d'Estaing conçoit son septennat dans une optique de modernité. L'ouverture du monde politique aux femmes fait partie intégrante de son programme : le premier gage qui leur est donné est la participation au 1er ministère Chirac de trois femmes, dont une avec rang de ministre. En sept ans, neuf femmes accèdent à la fonction ministérielle. Il faut également signaler, à l'initiative du Président de la République, la création d'un secrétariat d'Etat à la condition féminine.
Cependant, les élections de mars 1978 sont loin de refléter cette évolution : 21 femmes seulement sont élues. Remplaçant Achille Peretti, nommé au Conseil Constitutionnel, Florence d'Harcourt, qui a fait son entrée au Palais Bourbon un an plus tôt, en fait cette description : « un hémicycle désespérément gris. Grisaille des costumes, des cheveux et de la pensée... un monde d'hommes fait par les hommes et pour les hommes ».
Sur les 21 élues, 12 sont membres du parti communiste qui, une fois encore, apparaît comme le plus féminisé des groupes de l'Assemblée nationale.
Stagnation
François Mitterrand arrive au pouvoir en 1981. La féminisation du milieu gouvernemental commencée sous Valéry Giscard d'Estaing se poursuit. Elles sont six femmes dans les trois premiers ministères Mauroy et dans le ministère Fabius. Le 15 mai 1991, Édith Cresson est nommée Premier ministre.
Mais au Parlement, la « vague rose » n'a guère d'incidence sur le nombre de femmes élues : elles étaient 21 en 1978 à l'Assemblée nationale, elles sont 19 en 1981, auxquelles il faut ajouter les 7 suppléantes devenues députées à la suite de l'entrée au gouvernement de parlementaires socialistes. Durant cette législature comportant 5,30 % de femmes, il convient de signaler le choix de Denise Cacheux pour exercer la fonction de questeur.
Les élections de 1986 au scrutin proportionnel, traditionnellement considéré comme favorable à la représentation féminine, suscitent bien des espoirs chez les candidates. Les résultats ne sont pas à la hauteur de leur attente : 34 élues seulement dont 21 députées socialistes. En 1993, le nombre de femmes dans l'hémicycle reste inchangé.
Seule modification, leur répartition au sein des groupes politiques : 80 % des élues sont de droite (12 UDF et 16 RPR).
Cinquante ans après leur accession à la citoyenneté, les femmes sont toujours sous- représentées à l'Assemblée nationale.
Ce constat va s'imposer à presque tous les candidats à l'élection présidentielle de 1995, qui l'évoquent au cours de leur campagne : « nous sommes toujours la lanterne rouge des pays industrialisés avec seulement 5, 7 % de femmes parlementaires !.... Cela illustre tout à fait le mauvais vouloir des partis politiques et l'archaïsme de leurs structures. Nous en sommes tous responsables » proclamait Jacques Chirac.
Son arrivée à l’Élysée entraîne quelques réformes : on assiste notamment en octobre 1995, à la mise en place d'un Observatoire de la Parité chargé « de se prononcer dans tous les domaines qui concernent les femmes, et en particulier celui de la vie politique ». Autre mesure : la participation de 12 femmes au 1er gouvernement Juppé qui, de ce fait, devient durant quelques mois, le gouvernement le plus féminisé de toute l'histoire de la République (28 %), avant le renvoi en novembre de 8 d'entre elles, appelées familièrement « Juppettes ».
Le seuil symbolique de 10 %
Pour les élections législatives de 1997, le parti socialiste décide d'imposer 30% de candidates : cette initiative revient à Lionel Jospin, qui l'a fait approuver par la convention nationale du PS de juin 1996. Le succès est indéniable : le seuil des 10 % d'élues est franchi, 63 femmes entrent au Palais Bourbon dont 51 représentent la gauche plurielle. Prenant acte de cette féminisation encore très relative, le bureau de l'Assemblée nationale décide, le 14 mai 1998, que les femmes élues seront désormais appelées « Madame la Députée ».
Après l'adoption de la loi du 6 juin 2000 favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, le nombre de femmes députées a encore augmenté. Elles sont actuellement 107 à siéger dans l'hémicycle, soit 18,54 %.
Nombre de femmes élues | Nombre total de députés | Pourcentages | |
21-oct.-1945 | 33 | 586 | 5,63% |
2-juin-1946 | 30 | 586 | 5,12% |
10-nov.-1946 | 42 | 619 | 6,79% |
17-juin-1951 | 22 | 627 | 3,51% |
2-janv.-1956 | 19 | 627 | 3,03% |
23-nov.-1958 | 8 | 579 | 1,38% |
18-nov.-1962 | 8 | 482 | 1,66% |
5-mars-1967 | 11 | 487 | 2,26% |
23-juin-1968 | 8 | 487 | 1,64% |
4-mars-1973 | 8 | 490 | 1,63% |
12-mars-1978 | 20 | 491 | 4,07% |
14-juin-1981 | 26 | 491 | 5,30% |
16-mars-1986 | 34 | 577 | 5,89% |
5-juin-1988 | 33 | 577 | 5,72% |
21-mars-1993 | 35 | 577 | 6,07% |
25-mai-1997 | 63 | 577 | 10,92% |
9-juin-2002 | 71 | 577 | 12,31% |
17-juin-2007 | 107 | 577 | 18,54% |