Mérimée est d'emblée admiratif des fresques de Saint-Savin (Vienne) et saisit immédiatement leur intérêt. Il est en revanche désolé de constater les dégâts causés par le temps, les intempéries et les badigeonneurs, comme en témoigne une lettre à Guizot (31 octobre 1835) : « La voûte de la nef, surtout dans la partie qui touche au vestibule (...) est dans l'état le plus déplorable. De larges crevasses la sillonnent. (...) Si l'on ne s'empresse d'y porter remède, le mal sera bientôt irréparable. Je n'hésite pas à dire, Monsieur le Ministre, que dans aucun pays je n'ai vu de monument qui méritât à un plus haut degré l'intérêt d'une administration amie des arts. ». Dans ses Notes de voyage, il ajoute : « Quelle que soit la date des peintures de Saint-Savin, elles n'en sont pas moins un des monuments les plus précieux d'un art à son enfance, dont si peu d'ouvrages sont parvenus jusqu'à nous. »

En 1838, rien n'a encore été fait et il s'inquiète : « L'hiver dernier à détruit un tiers des fresques, car la toiture est si mauvaise qu'il fallait entendre la messe sous un parapluie.. (...) Le cas est urgent, car si l'hiver est pluvieux tout ce qui reste de peintures est perdu. » Les architectes initialement nommés sont maladroits et paresseux. Le premier surtout accentue les dégâts par un colmatage désastreux des crevasses. « J'ai le coeur brisé du vandalisme de MM. Les Poitevins. Ils ont fait mille horreurs à Saint Savin. » écrit Mérimée à Joly-Leterme, le 16 juillet 1840. Il n'est guère plus tendre avec son successeur, un certain M. Dulin, qu'il décrit ainsi à Ludovic Vitet (14 juillet 1840) : « C'est un homme tout à fait sans éducation et remarquablement bête comme j'ai eu tout le temps de m'en assurer ».

Mérimée obtient enfin que le chantier soit confié à Joly-Leterme.  Il n'est cependant pas au bout de ses peines. Car si l'architecte, pour l'essentiel (assainissement et consolidation du bâtiment), exécute correctement sa tâche, il a parfois de fâcheuses négligences, oubliant de surveiller un peintre engagé pour restaurer les fresques. Lors d'une tournée, Mérimée, accompagné alors de Viollet-le-Duc, reçoit un choc : « En ouvrant la porte de l'église, j'ai manqué tomber à la renverse (...) Après être demeuré stupide pendant un grand quart d'heure, j'ai retrouvé la voix pour entrer dans une colère telle que Leduc craignait à chaque instant de me voir disparaître par un des trous de l'échafaud. » Car le peintre a barbouillé de couleurs trop vives une grande partie de l'église et surtout il a orné le choeur de motifs déplaisants :

« Voici ce qu'il a fait : 1° Un père éternel dans une gloire, barbe grise, louchant horriblement. 2° A côté de lui, il avait trouvé un bec d'oiseau. C'était probablement l'aigle de Saint Jean. Il en a fait un coq avec une belle queue (...) Tout cela était exécrable. » (lettre à L. Vitet, 3 septembre 1844). L'indignation de Mérimée est telle que les peintures encore fraîches sont immédiatement ôtées.

La restauration se poursuit ensuite sans incident. Mérimée publie sur cette église qui lui tient tant à coeur une superbe étude que salue le Bulletin monumental, qui affirme qu'aucune commande de gouvernement « n'est plus importante, pour l'histoire de l'art, que ce beau volume in-folio, accompagné de planches coloriées, qui renferme la description des peintures à fresque de Saint-Savin ».

Peintures de l'église de Saint-Savin


Dans l'église Saint-Savin

Peintures de l'église