Ses réhabilitations
● La demande de révision du procès
La maréchale et ses quatre enfants souhaitent, immédiatement après l’exécution, la révision du procès. Il faut toutefois attendre la Monarchie de Juillet pour que les choses évoluent. Sur le plan extérieur, il s’agit de ménager les autres États européens et de ne pas remettre en cause l’équilibre créé par les traités de 1815 ; sur le plan intérieur, la chambre est encore composée de pairs qui ont voté la mort du maréchal et qui n’ont pas l’intention de se déjuger.
Le 12 novembre 1831, les députés discutent d’un rapport sur la pétition des habitants de la Moselle demandant que les cendres du maréchal Ney soient translatées au Panthéon et qu’il lui soit élevé un monument aux frais de l’État. À cette occasion, l’avocat Dupin réclame : « (…) la meilleure réparation, c’est la révision et la cassation de l’arrêt qui l’a condamné. » Cette tentative de faire annuler la sentence de la chambre des pairs est vaine, au motif que cela ne relève pas d’une prérogative royale mais du pouvoir judiciaire. On s’oriente dès lors vers une réhabilitation et l’octroi d’honneurs aux héritiers, ce qui ne revêt pas la même importance et signification. Dupin insiste sur l’iniquité du procès, sur la pression étrangère de l’époque, sur le non-respect de la Convention de Paris du 3 juillet 1815.
Dupin rédige une requête en révision (PDF - 60 Ko) le 25 novembre 1831. À cette date, il ne reste que quarante pairs sur les cent soixante-et-un qui ont pris part à l’arrêt, et, parmi eux, certains n’ont pas voté la mort.
L’exécution du maréchal, ses réhabilitations et sa postérité
- L’exécution le jeudi 7 décembre 1815
- La légende aux États-Unis
- La descendance Ney
- Ses réhabilitations
- La postérité
● Les réhabilitations
Parmi elles, celle du peuple est la première.
− Populaire :
◊ le lieu de l’exécution :
De nombreux hommages lui sont rendus et le lieu de l’exécution est vite devenu un sanctuaire, avec dépôt de fleurs, d’ex-voto patriotiques, couronnes mortuaires… Des fleurs sont aussi déposées sur sa tombe. Le maréchal Ney reste glorieux par ses faits d’armes, sa bravoure. Son exécution l’a lavé de ses fautes. Il s’est racheté par son martyre, point de départ du développement de son culte. Son procès et son exécution n’ont donc pas anéanti sa réputation.
Ses origines sociales et son ascension dans l’armée ont aussi contribué à cette réhabilitation populaire.
◊ la pièce de théâtre :
En 1830, un drame historique, intitulé Procès d’un maréchal de France, est écrit par les auteurs Louis-Marie Fontan et Charles Dupeuty. À plusieurs reprises, cette pièce ne peut être jouée sous la pression du ministère de l’Intérieur et intervention de la police, bien que la Charte du 14 août 1830 ait aboli la censure dans son article 7 qui dispose que « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois. - La censure ne pourra jamais être rétablie.»
◊ l’hommage des habitants de Sarrelouis et de la Moselle :
Les premiers, habitants de Sarrelouis, se voient autoriser en 1829 à lancer une souscription pour l’apposition d’une plaque commémorative sur la maison natale du maréchal, indiquant : « Ici est né le maréchal Ney. » Aujourd’hui, sa maison natale est devenue l’« Auberge Maréchal Ney ». Une enseigne représente ses armes (PDF - 106 Ko) sous un drapeau français. À proximité, un musée détient des objets personnels du maréchal, notamment son bâton de maréchal. Enfin, en 1946, une statue du sculpteur Lambert Rucki, représentant le maréchal Ney en uniforme et tenant une épée, est inaugurée île Vauban.
En Moselle, la population demande l’élévation d’un monument aux frais de l’État. En conséquence, une statue est inaugurée en 1860 à Metz. Elle est l’œuvre de Charles Pêtre et représente le maréchal dans un mouvement défensif, fusil à la main, lors de la retraite de Russie. En outre, en 1918, l’ancienne rue de la Citadelle est renommée avenue Ney.
− Étatique sous la Seconde République et le Second Empire :
◊ l’impossible révision :
La demande de révision du procès n’a jamais abouti malgré la volonté très forte de la famille de réhabiliter officiellement le maréchal. Ses fils ont défendu sa mémoire en ripostant à toutes les attaques contre lui. L’aîné, Joseph-Napoléon, nommé pair de France par ordonnance royale du 19 novembre 1831, a refusé de siéger tant que la réhabilitation de son père ne serait pas prononcée. Toutefois, en 1841, il accepte finalement de siéger, ce qui conduit à quelques altercations avec le président de Chambre. Aussi, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, toutes les interventions restent-elles vaines, mis à part la réintégration, en 1831, par Louis-Philippe, du maréchal Ney sur les listes de la Légion d’honneur.
(JPG - 1.01 Mo)C’est finalement le Gouvernement provisoire de la Seconde République qui satisfait la famille Ney. Son secrétaire général écrit ainsi au fils aîné du maréchal : « Citoyen, Le gouvernement provisoire de la République réhabilite la mémoire de votre père. Il n’ordonne pas la révision d’un arrêt exigé par l’étranger en armes contre une de nos plus grandes gloires militaires, arrêt que sous la restauration même la voix publique avait qualifié d’assassinat. Il ordonne qu’un monument à la mémoire du maréchal Ney soit élevé sur le lieu même où il a été fusillé. Le ministre de la justice est heureux d’annoncer à votre famille ce grand acte de réparation. »
Lamartine, ministre des affaires étrangères de la Seconde République tient le discours suivant : « Ne pouvant pas le réhabiliter dans la loi, nous l’avons réhabilité dans la gloire. Je ne soupçonnais pas qu’un jour ce bonheur me serait réservé de présenter à la signature du gouvernement provisoire l’acte de réhabilitation du maréchal Ney. J’en bénis le ciel et je suis fier ainsi que tous mes collègues d’avoir été désigné par la Providence pour contresigner le sentiment populaire, pour effacer ce remords de la conscience du pays… » Lamartine remet aussi un mémorandum aux puissances étrangères, disposant que « les traités de 1815 n’ont pas d’existence légale aux yeux de la République française. »
◊ l’érection d’un monument :
Un crédit extraordinaire de cinquante mille francs est ouvert par le Président de la République Louis-Napoléon Bonaparte le 6 avril 1852 pour l’érection du monument. François Rude se voit confier la réalisation d’une statue du maréchal, représenté à la bataille de (JPG - 1.54 Mo)Borodino, dans une attitude guerrière lançant un cri de ralliement, le sabre à la main droite, dans un élan propre au maréchal lorsqu’il entraînait ses soldats avec lui. La statue en bronze est posée sur un piédestal en marbre blanc réalisé par Alphonse de Gisors, architecte du palais du Luxembourg. Le nom et la date des principales batailles auquel le maréchal Ney a participé sont inscrits sur les deux faces latérales du piédestal et la face de derrière comporte ses états de service. Rude a souhaité dans un premier temps représenter Ney juste avant son exécution, attendant dignement et calmement la mort, mais Louis-Napoléon Bonaparte a refusé cette représentation pour ménager ceux qu’il souhaitait rallier.
Le vœu du maréchal est exaucé : « Je fais comme Moreau, j’en appelle à l’Europe et à la Postérité ! » La prophétie de Napoléon également : « Tôt ou tard, la France lui élèvera des statues. »
(JPG - 6.90 Mo)
L’inauguration du monument (PDF - 2.86 Mo) a lieu le 7 décembre 1853, sous le Second Empire donc, à l’endroit même où trente-huit ans plus tôt le maréchal est tombé, à l’angle du boulevard Saint-Michel et du boulevard du Port-Royal, en présence de membres de la famille impériale, de membres du clergé, de maréchaux et hommes politiques du Second Empire, de vétérans de l’Empire et autres représentants de l’armée, une députation de Sarrelouis, de l’avocat Dupin (PDF - 6.70 Mo) qui peut alors dire : « Le maréchal Ney (...) fut l'holocauste en expiation des gloires militaires de l'Empire ; c'était le drapeau tricolore immolé au drapeau blanc!... (...) Honneur aux hommes qu'on évoque ainsi du tombeau et qui se relèvent devant la postérité, au milieu des cérémonies consolantes de la religion, aux acclamations de leurs concitoyens et comme le maréchal Ney, dans l'attitude de commandement! » Ses trois fils encore en vie sont présents, Eugène étant mort en 1845. Le ministre de la guerre, le maréchal de Saint-Arnaud, parle d’ « un grand acte de réparation nationale », rappelle sa brillante ascension dans l’armée, son héroïsme pendant la retraite de Russie… mais la famille Ney n’apprécie guère l’évocation de ses revirements en 1814 et 1815, qui entache sa gloire.
En 1895, la statue dut être déplacée en raison des travaux de prolongement de la ligne de chemin de fer de Sceaux. Elle se trouve désormais à quelques centaines de mètres de son premier emplacement, place Camille Jullian à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue Notre-Dame des Champs.
◊ les autres formes de réhabilitation :
À Paris, un boulevard porte le nom du maréchal depuis 1864. De la même époque date la statue de la rue de Rivoli, par Coutalpas, face au numéro 172, sur la façade nord du Louvre.
Le nom de Ney figure aussi sur l’Arc de triomphe de l’Étoile à Paris, pilier Est, treizième colonne au-dessous du nom de Moreau et entre ceux de Gouvion-Saint-Cyr et de Macdonald, parmi les six cent soixante noms de personnalités ayant servi sous la Révolution française et sous l’Empire.
Concernant sa tombe au cimetière du Père-Lachaise, elle est déplacée en 1903 au sein de la vingt-neuvième division, au carrefour des chemins Masséna et des Acacias. Surtout, un monument funéraire (JPG - 890 Ko) remplace l’ancienne tombe très dépouillée.
Au palais du Luxembourg, une plaque commémorative (JPG - 1.45 Mo) est apposée sur la porte de la chambre qui servit de cellule au maréchal Ney durant son procès à la Chambre des pairs. L’idée de cette plaque vient du sénateur du Haut-Rhin, le général Joseph Bourgeois, alors vice-président du Sénat.
La cérémonie (PDF - 0.96 Mo) a lieu le 20 juin 1935 en présence de Jules Jeanneney, président du Sénat, de plusieurs sénateurs et des membres de la famille Ney représentée par Michel Ney, duc d'Elchingen, arrière-arrière-petit-fils du maréchal ; son épouse la duchesse d'Elchingen ; la princesse de la Moskowa, née princesse Bonaparte ; la princesse Murat, née Ney d’Elchingen ; son fils le prince Joachim Murat, arrière-petit-fils du roi de Naples. Le duc Maurice de Broglie, membre de l'Académie française et arrière-petit-fils du pair de France qui avait voté contre la condamnation du maréchal, et son épouse la duchesse de Broglie étaient également présents.