Le vendredi 21 octobre 2022, Mmes Catherine Procaccia (Les Républicains – Val-de-Marne), présidente du groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, et Catherine Deroche (LR – Maine-et-Loire), membre du groupe, ont échangé avec M. Sujiro Seam, ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne (UE) pour le Pacifique, de passage à Paris.

M. Sujiro Seam a d’abord indiqué que la délégation, qui emploie 71 personnes, couvre treize pays indépendants du Pacifique. Elle finance 156 projets, pour un budget de 663 millions d’euros, soit un montant plus élevé que l’aide accordée par la Chine aux États de la région. Son action s’inscrit dans le cadre de la stratégie indopacifique de l’UE, dont les six priorités ont été définies par des conclusions du Conseil en septembre 2021 puis par une communication conjointe de la Commission et du Service européen pour l’action extérieure  : la prospérité économique, la transition verte, les océans, la connectivité, le numérique, la sécurité et le développement humain.

Une région au cœur de nouveaux enjeux géopolitiques

Depuis le mois de février 2022, l’attention portée au Pacifique s’est accentuée, dans le contexte de la rivalité géostratégique entre les États-Unis et la Chine. Le secrétaire d’État Anthony Blinken a effectué une tournée dans la région en février. Au mois de mai, le ministre chinois des affaires étrangères s’est à son tour rendu dans la région. En juillet, la vice-présidente américaine Kamala Harris est intervenue en visioconférence devant le Forum des leaders des Iles du Pacifique. Enfin, en septembre, le président américain Joe Biden a convié les États du Pacifique à un sommet à la Maison Blanche.

Les États-Unis entretiennent des relations avec tous les États membres du Forum des Iles du Pacifique (FIP), devenu le cadre de leur partenariat, ce qui n’est pas le cas de la Chine puisque certains États reconnaissent Taiwan. Kiribati a cependant quitté le FIP, en raison des désaccords survenus lors de la désignation du secrétaire général de l’organisation. Les priorités définies par le FIP dans sa Stratégie 2050 recoupent largement celles retenues par l’UE et par les États-Unis, sauf peut-être sur les questions de sécurité.

L’UE gagnerait à travailler elle aussi dans le cadre du FIP, en cohérence avec la Stratégie 2050, en veillant à mettre en œuvre des actions concrètes. Dans le cadre de son action sur le « portail mondial » (Global Gateway), elle mène à ce jour trois projets majeurs :

-          elle a lancé l’initiative Kiwa en 2017, sur la biodiversité et l’adaptation au changement climatique, financée par un fonds doté de 51 millions d’euros ;

-          à Kiribati, sur l’île de Kiritimati, elle investit notamment dans l’eau et l’assainissement, les énergies renouvelables et dans une étude de faisabilité pour la construction d’un port multifonction ;

-          aux Fidji, elle prévoit de participer à un investissement de 250 millions d’euros dans la production d’énergie hydroélectrique.

Malgré l'affirmation de l'importance de la stratégie indopacifique en France et en Europe, les États insulaires du Pacifique ne font pas l'objet d'une attention soutenue des chefs d'États et des responsables européens, alors que la Chine et les États-Unis paraissent plus investis. La commissaire en charge des partenariats, Mme Jutta Urpilainen, va assister en novembre à la conférence de la Communauté du Pacifique (CPS), où l’Union dispose du statut d’observateur permanent, puis au Forum UE-PTOM (pays et territoires d’outre-mer) qui se tiendra à Nouméa. L’UE finance 30% des activités de la CPS, dont elle est le premier bailleur de fonds.

Début décembre, le ministre des affaires étrangères des Iles Salomon rencontrera le Haut-Représentant pour la politique étrangère de l’Union, M. Josep Borell, dans le  cadre du dialogue politique avec l’UE.

La relation entre l’UE et différents États de la région

Au Vanuatu, l’UE reste un important bailleur de fonds, avec 30 millions d’euros investis sur la période 2014-2020, notamment pour soutenir la production de viande de bœuf, de fruits et légumes et de noix de coco. Le Vanuatu est intéressé par la conclusion d’un accord de partenariat économique qui faciliterait son accès au marché européen en échange d’une libéralisation de l’économie vanuatuaise.

La relation avec le Vanuatu est cependant dégradée en raison du problème des « passeports dorés ». Le programme des « passeports dorés » permet à des ressortissants étrangers d’acquérir la nationalité vanuataise en échange d’un investissement minimal de 150 000 dollars. Après cinq ans de dialogue infructueux avec le Vanuatu, l’UE a décidé, en début d’année, de suspendre son accord d’exemption de visa avec le pays. À la suite de cette décision, les revenus tirés par le Vanuatu de la vente de ces passeports ont fondu, leur intérêt pour les ressortissants chinois ou moyen-orientaux résidant dans la facilité d’accès à l’UE qu’ils offraient. L’UE a constaté que les passeports étaient accordés sans contrôle, parfois à des personnes figurant sur les bases de données d’Interpol. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont toujours appliqué une politique plus stricte et refusé d’accorder un accès à leur territoire sans visa.

Deux autres dossiers sont sources de difficultés avec le Vanuatu : le pays est inscrit sur la liste noire des pays non coopératifs en matière fiscale ; il figure également sur la liste des pays présentant un risque élevé pour le blanchiment des capitaux ou le financement du terrorisme. Les Fidji, Samoa et Palaos sont les autres pays du Pacifique inscrits sur la liste des pays non coopératifs en matière fiscale.

Mme Catherine Procaccia, présidente, a demandé quelle était la qualité de la relation bilatérale entre l’UE et les Iles Salomon, où une délégation du groupe d’amitié s’est rendue il y a quelques années.

M. Sujiro Seam a répondu que la relation demeurait de bonne qualité, en dépit de la conclusion d’un accord de sécurité avec la Chine. Les Salomonais insistent sur le fait que cet accord n’offre pas l’accès à un port et que la Chine ne pourrait intervenir qu’à leur demande. Le port de la capitale Honiara ne se prête guère, en tout état de cause, à l’accueil d’un navire de guerre et la Chine peut déjà accéder à un port aux Fidji. La Chine accorde des prêts aux États du Pacifique ou finance des projets de construction dont la réalisation est ensuite confiée à une entreprise d’État chinoise. Avec les Fidji, la Chine a également développé une coopération en matière policière.

En ce qui concerne enfin la situation des États de l’aire micronésienne, il convient de distinguer ceux qui sont associés aux États-Unis, en phase de renégociation de leur accord d’association, de Nauru et Kiribati. Dans ce dernier pays, l’État de droit est malmené en raison d’un conflit ouvert entre le président de la République et l’autorité judiciaire, qui a conduit à la suspension de tous les magistrats du pays.

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