Le groupe d’amitié France-Saint-Siège, présidé par M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), a reçu, le jeudi 11 mars 2021, S.E. Mme Élisabeth Beton Delègue, ambassadrice de France près le Saint-Siège.
S.E. Mme Élisabeth Beton Delègue (à gauche) et M. Dominique de Legge (à droite)
Outre M. Dominique de Legge, président, étaient également présents M. Pierre Cuypers (LR – Seine-et-Marne), Mme Jacky Deromédi (LR – Français établis hors de France), MM. Bernard Fournier (LR – Loire), Jean-Michel Houllegatte (Socialiste écologiste et républicain – Manche), André Vallini (SER – Isère) et en visioconférence Mmes Joëlle Garriaud-Maylam (LR – Français établis hors de France) et Patricia Schillinger (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants – Haut-Rhin).
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A l’invitation de M. Dominique de Legge, président, S.E. Mme Elisabeth Beton Delègue a, en premier lieu, abordé la visite du Pape François en Irak. Il s’agit d’un voyage historique à tout point de vue. C’est le premier pape à visiter ce pays. Jean-Paul II avait été contraint de renoncer devant les réticences américaines et les risques d’instrumentalisation d’un tel déplacement par le président irakien Sadam Hussein. Ce voyage résulte également de la volonté personnelle du Pape François. Aucun déplacement n’était prévu en 2021, le projet cumulant les difficultés sécuritaires et sanitaires. Il a longuement été préparé par le cardinal Sako, patriarche de l’église chaldéenne, par le cardinal Filoni, ancien envoyé spécial du pape en Irak, et par Mgr Gollnish, directeur général de l’œuvre d’Orient. Alors que nous sommes dans la huitième année du pontificat, il confirme le leadership moral mondial du Pape François, qui s’était affirmé au cours de la crise sanitaire et marque un rebond sur la scène internationale avec le même message : proximité et espérance.
Ce voyage pastoral, effectué en pèlerin, constituait un dosage parfait sur le plan politique. Toutes les composantes de la nation iakienne ont été concernées. Les différentes étapes ont été très symboliques avec des discours forts, sans complaisance, dénonçant la corruption, le terrorisme, l’instrumentalisation des religions et les ingérences étrangères, mais avec une vision d’avenir reposant sur l’unité nationale, le vivre-ensemble, le respect des minorités et l’égale citoyenneté pour tous. Le Pape a par ailleurs pris son temps. Un tel voyage de quatre jours est devenu rare dans les agendas des chefs d’état. Commencé en voiture blindée, il s’est achevé par une messe en plein air, certes de moindre dimension que d’habitude, mais représentant un événement important dans le contexte irakien actuel.
S.E. Mme Élisabeth Beton Delègue (à gauche) et M. Dominique de Legge (à droite)
Ce déplacement a été un succès, avec une couverture presse dans le monde entier mettant en scène un pape qui parle à tous et qui met en pratique son encyclique Fratelli tutti, alliant ainsi les textes et les actes. Pour lui, « l’espérance est audace ». Il propose la fraternité dans tous ses aspects, sans oublier les migrants, ce qui est une constante de son action.
Abordant ensuite les relations entre la France et le Saint-Siège dans le contexte de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, l’ambassadrice a expliqué que la raison de sa présence à Paris était justement de participer à la réunion annuelle de l’instance de dialogue entre le Gouvernement et l’Eglise de France, le nonce étant également présent. Créée en 2006 et présidée par le Premier ministre, c’est un lieu d’écoute où tous les sujets peuvent être abordés. Concernant le projet de loi lui-même, elle a rappelé qu’il n’était pas dans les usages de la Curie de commenter de façon directe les débats politiques internes. Lors de son passage en France cet été, le Secrétaire d’Etat, le cardinal Parolin, avait toutefois exprimé ses doutes sur la nécessité de recourir à un texte législatif et de modifier de manière durable les équilibres de la loi de 1905. Il convient d’ailleurs de noter que ce texte, aujourd’hui consensuel, a été combattu par le Saint-Siège et a été la cause de la rupture des relations diplomatiques avec la France pendant plus de 15 ans, dont on commémore cette année le centenaire de la reprise. L’église n’est pas du tout opposée à ce que l’état lutte contre des dérives, le message du Pape François en faveur de la paix et contre la haine est tout à fait clair à cet égard. Mais l’on peut craindre que certaines règles puissent donner lieu à interprétation et changer de nature selon l’autorité qui les mettrait en œuvre.
Répondant à M. Bernard Fournier sur l’éventualité d’une visite pontificale en France, Mme Beton Delègue a estimé que c’était envisageable à la Toussaint 2021, à Marseille, lors des rencontres ignaciennes, avec une dimension pastorale mais aussi des recontres multiculturelles et interreligieuses, et peut-être également avec des migrants.
Interrogée par M. André Vallini sur l’avancée des réformes de la Curie voulues par le Pape François et les résistances qu’elles suscitaient, l’ambassadrice a rappelé que le souverain pontife avait été notamment choisi pour cela. Le mouvement était déjà enclenché mais il lui a donné une dynamique et un tour systématique, même s’il présente à la fois un aspect progressif et heurté. Sur ce sujet, au-delà de certains comportements répréhensibles, il ne faut pas sous-estimer le manque de compétences juridiques et financières. Beaucoup de travail a été fait depuis huit ans. Il y a maintenant un budget et un véritable ministère des finances contrôlant l’ensemble des ressources. La banque du Vatican a été mise aux normes internationales. Un code des marchés publics et une charte éthique ont été adoptés. C’est de toute façon une nécessité car l’Église est confrontée à une réelle crise financière.
S.E. Mme Élisabeth Beton Delègue
M. Pierre Cuypers ayant dit regretter la faiblesse des prises de position publique du Saint-Siège sur les questions d’éthique et de morale, Mme Élisabeth Beton Delègue a expliqué que le Pape François avait eu une parole forte sur ces sujets, notamment en rappelant son opposition à l’avortement, mais que celle-ci n’était pas spécifiquement dirigée vers la France. L’Académie pontificale pour la vie s’est également saisie des dérives techniques pour s’exprimer contre la marchandisation et l’appropriation de l’humain, contraires au développement intégral promu dans l’encyclique Fratelli tutti. La condamnation de l’euthanasie est également intimement liée à l’attention de la papauté envers les plus vulnérables.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam ayant soulevé la question de l’opportunité d’un voyage du Pape en Haïti, où S.E Mme Beton Delègue fut ambassadrice, celle-ci a jugé favorablement ce projet tout en relevant les difficultés d’en définir le cadre et les objectifs.
Enfin, répondant à Mme Patricia Schillinger qui souhaitait connaître la vision du Vatican sur la crise des vocations et la question des abus, l’ambassadrice a indiqué que la méthodologie de la « commission Sauvé » allait inspirer l’État pour mener un travail similaire sur l’inceste. C’est à la fois intéressant et positif que l’Église de France puisse ainsi contribuer à l’action des pouvoirs publics, a-t-elle estimé. Concernant les évolutions du clergé et d’organisation territoriale de l’Église, elle a souligné que les flux missionnaires s’étaient inversés entre le Nord et le Sud et que le Pape promouvait une Église elle-même plus missionnaire, y compris par une organisation des paroisses davantage orientée autour des communautés que des implantations traditionnelles.
Contact(s)
- M. Matthieu MEISSONNIER
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