Le mardi 14 mai 2024, Mme Véronique GUILLOTIN (Rassemblement Démocratique et Social Européen – Meurthe-et-Moselle), présidente du groupe d’amitié France-Moldavie, et MM. Michel CANÉVET (Union Centriste – Finistère) et Bernard FIALAIRE (RDSE – Rhône), se sont entretenus par visioconférence avec M. Graham Paul, ambassadeur de France en Moldavie.
M. Graham PAUL a rappelé que deux scrutins importants seront organisés en octobre 2024 : l’élection présidentielle et le référendum sur l’adhésion à l’Union européenne. La décision d’organiser ce référendum, dont le but est de rendre le processus d’adhésion irréversible, a fait l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle moldave, qui en a validé la procédure.
En attendant ces échéances, la Moldavie fait l’objet d’attaques hybrides nombreuses. Ainsi l’aéroport de Chisinau a connu récemment une vingtaine d’alertes à la bombe. De nombreuses rumeurs circulent, en particulier en Gagaouzie. La nouvelle gouverneure de ce territoire (la « Bashkan »), Evghenia GUȚUL, est une proche de l’oligarque Ilan ŞOR, qui a fui en Russie. Elle était en sa compagnie sur la Place rouge de Moscou le 9 mai 2024, jour que le Gouvernement moldave a institué comme férié pour célébrer l’Europe. Soupçonnée d’avoir acheté des voix, Evghenia GUȚUL est persona non grata auprès des autorités moldaves. L’ambassadeur a indiqué que les relations avec la Gagaouzie s’étaient notablement détériorées, à rebours de celles avec la Transnistrie en raison de l’enclavement de ce territoire du fait de la guerre en Ukraine.
L’opposition à la présidente moldave Maia SANDU est divisée, ce qui est un atout pour sa réélection. Il existe de petits partis-pro européens mais elle seule incarne véritablement l’aspiration européenne. Elle est ainsi donnée en tête au premier tour. Le second tour pourrait en revanche être plus compliqué si l’opposition arrive à se rassembler. Le rôle de la diaspora, riche d’environ un million de personnes, sera décisif, le Parlement venant d’adopter une loi permettant le vote par correspondance. Maia SANDU, pour laquelle la diaspora avait voté à 85 % en 2020, pourrait ainsi être élue avec plus de voix de l’étranger que de Moldavie, ce qui présente un risque en termes de représentativité, possibilité déjà dénoncée par l’ancien président Igor DODON.
La France est intervenue pour aider la Moldavie à stabiliser sa situation sécuritaire. Après un déplacement du ministre de la Défense Sébastien LE CORNU en septembre 2023, l’ambassade s’est dotée d’un attaché de défense résident. L’entreprise Thalès a vendu un radar de haute technologie, le premier équipement d’envergure pour l’armée moldave depuis l’indépendance du pays.
Sur le plan bilatéral, les choses ont aussi avancé avec la récente ratification de la convention fiscale. S’agissant de la reconnaissance des permis de conduire, la décision très attendue d’accorder cette reconnaissance a été prise au niveau politique par le ministre de l’Intérieur français. Le prochain chantier sera celui de la convention de sécurité sociale.
Sur le plan économique, quelques entreprises françaises sont installées en Moldavie : Orange, Pentalog, Up, ainsi que des sous-traitants de groupes automobiles. La société Lagardère Travel Retail, déjà présente à l’aéroport de Bucarest, a cherché à s’implanter à l’aéroport de Chisinau mais rencontre des difficultés dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Privatisé dans des conditions douteuses, ce dernier est actuellement opéré par une société appartenant à Ilan ŞOR. Dans le domaine de l’énergie renouvelable, un appel d’offres est également lancé pour permettre à la Moldavie de remplir les conditions de l’accord de Paris.
Interrogé plus précisément par Mme Véronique GUILLOTIN, présidente, sur la Gagaouzie, M Graham PAUL a souligné la proximité de la nouvelle Bashkan Evghenia GUȚUL avec le président POUTINE et son souhait d’obtenir de la Russie un subventionnement des retraites et un prix du gaz préférentiel, à l’instar de la Transnistrie. L’ancienne Bashkan, Irina VLAH, quant à elle candidate à l’élection présidentielle, se déclare pro-européenne, tout en maintenant une position ambiguë vis-à-vis de la Russie. Elle milite en effet pour la neutralité moldave et, à ce titre, critique l’accord de coopération de défense signé avec la France, susceptible, selon elle, d’entraîner le pays dans la guerre en Ukraine.
Revenant, à la demande de la présidente GUILLOTIN, sur le cas de l’ancien président DODON, l’ambassadeur a rappelé qu’ayant été filmé en train de recevoir un sac de billets remis par l’oligarque PLAHOTNIUC, il avait été assigné à résidence et interdit de voyager. Continuant de s’exprimer dans la presse, il reste crédité de 20 % d’intentions de vote à la prochaine élection présidentielle. Il est très difficile de faire comparaître Igor DODON devant les tribunaux, compte tenu de la corruption du système judiciaire moldave qui se réforme lentement et difficilement. Dernier exemple en date, la décision d’engager le processus d’évaluation de l’intégrité des membres de la Cour de cassation a entraîné la démission de la moitié d’entre eux.
Le climat en Moldavie a changé s’agissant de l’Ukraine, les Moldaves ayant conscience de la fatigue des troupes ukrainiennes. Ils observent attentivement la situation de la ville ukrainienne de Mikolaïv qui, si elle devait tomber, ouvrirait la route d’Odessa aux troupes russes, lesquelles pourraient sans difficulté rejoindre ensuite la Transnistrie, voire Chisinau. Les Moldaves espèrent que les livraisons d’armes américaines vont permettre à l’Ukraine de résister. Tout en insistant sur le fait que « défendre l’Ukraine, c’est défendre la Moldavie », la Présidente SANDU souhaite également bénéficier d’un soutien de ses principaux partenaires, dont la France, pour doter l’armée moldave d’une capacité minimale de dissuasion.
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