Réuni le mercredi 21 juin 2023 sous la présidence de M. Joël LABBÉ (Écologiste – Solidarité et Territoires – Morbihan), président délégué pour la Guinée-Bissau, le groupe d’amitié France – Afrique de l’Ouest s’est entretenu, par visioconférence, avec M. Terence WILLS, Ambassadeur de France en Guinée-Bissau.
A également participé à la réunion : M. Bruno BELIN (Les Républicains – Vienne), président délégué pour le Burkina Faso.
M. Terence WILLS a rappelé que la Guinée-Bissau avait été colonisée pendant 500 ans par le Portugal, mais qu’elle n’avait jamais été une colonie de peuplement, de telle sorte que le colonisateur portugais y avait construit peu d’infrastructures. La Guinée-Bissau était même considérée comme la « colonie d’une colonie », car les Cap-Verdiens, eux-mêmes colonisés par le Portugal, constituaient l’essentiel des cadres administratifs jusqu’à l’indépendance du pays, en 1973. La présence française a souvent été forte dans l’histoire de la Guinée-portugaise. La Casamance, jusqu’alors portugaise, a été rattachée aux colonies françaises en en 1886. La Guinée-Bissau n’a jamais véritablement rattrapé son retard de développement. La première école secondaire y a été créée en 1964, et le pays était dépourvu d’université lors de son indépendance. La guerre de libération a été menée par Amilcar CABRAL, qui mourut juste avant la proclamation de l’indépendance, et son Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Son demi-frère, Luis CABRAL, devint le premier président du pays indépendant entre 1973 et 1980, et mena une politique d’industrialisation. Toutefois, les quelques acquis de cette courte période furent annihilés par la politique de libéralisation des années 1980 et 1990, qui fut un échec. La guerre civile de 1998, en provoquant la fermeture de plusieurs ambassades et le départ de leurs coopérants, notamment les Suédois et les Américains, constitue une césure dans l’histoire du pays ; elle mit également fin à l’essentiel de la coopération avec la France.
L’ambassadeur a indiqué que la Guinée-Bissau était confrontée à trois principaux défis systémiques : une Constitution dysfonctionnelle ; une langue nationale, le portugais, qui ne permet pas de communiquer en dehors des centres urbains, l’essentiel de la population parlant créole ; et une économie qui ne produit aucune valeur ajoutée, les richesses agricoles n’étant ni transformées sur place ni exportées, à l’exception de la noix de cajou, dont 80 % de la population dépend, et en l’absence d’une véritable classe d’hommes d’affaires locale. Le pays connaît en ce moment une crise agricole qui se traduit sur le marché local par une baisse du prix payé aux producteurs de cajou et une forte hausse du prix du riz, qui est pour l’essentiel importé. Cette crise a sans doute pesé sur le résultat des élections législatives du 4 juin dernier, l’opposition ayant obtenu la majorité absolue aux dépens du parti du Président SISSOCO, élu en 2019. Le budget de l’État ne permet que de payer les fonctionnaires, mais non de financer des investissements qui préparent l’avenir. La communauté internationale soutient certes la Guinée-Bissau, mais pas suffisamment pour permettre une évolution des structures du pays. En revanche, ce dernier ne connaît pas de tensions ethniques.
M. Terence WILLS a fait observer que le Président SISSOCO était bien conscient des difficultés de son pays, et qu’il avait pour objectif de lutter contre son enclavement et de le promouvoir sur la scène internationale. Le Président effectue de nombreux déplacements à l’étranger, notamment en Afrique, sur la scène de laquelle il a replacé son pays, et cherche à se poser en médiateur en parlant à tout le monde – ainsi s’est-il entretenu à la fois avec les Présidents POUTINE et ZELENSKI. La Guinée-Bissau connaît un véritable renouveau diplomatique, conforté par la présidence de la CEDEAO en 2022.
L’ambassadeur a indiqué que le Président SISSOCO connaissait parfaitement les différents réseaux d’influence sahéliens. Historiquement, la Guinée-Bissau avait joué un rôle dans la Révolution des Œillets, les militaires portugais s’étant rebellés à la perspective d’une défaite militaire inéluctable en Guinée-Bissau. L’influence chinoise dans le pays est actuellement prédominante : la quasi-totalité des infrastructures, telles que le port de Bissau, et les bâtiments des administrations publiques sont construits par les Chinois – à tel point que les investissements chinois y semblent même disproportionnés ; ceux-ci bénéficient également de positions préférentielles pour les droits de pêche. Si la Russie est peu présente depuis la guerre civile de 1998, l’influence de l’ancienne Union soviétique s’y fait encore sentir – l’URSS avait soutenu la rébellion pendant la guerre d’indépendance et avait formé beaucoup de cadres du pays ; ces derniers, notamment dans l’armée, parlent souvent russe, tout comme un quart des ministres. Du reste, la France a pu être déçue par les premiers votes de la Guinée-Bissau à l’ONU sur la guerre en Ukraine, le pays soit s’étant abstenu soit n’y ayant pas pris part. Le Président SISSOCO entretient de bonnes relations avec son homologue turc. Les Turcs fournissent la totalité de l’énergie du pays, grâce à un générateur placé sur un bateau, et vont rénover l’aéroport de Bissau. La France a un rôle à jouer en Guinée-Bissau. Si les relations bilatérales ne sont pas revenues à leur niveau d’avant 1998, le contact politique régulier entre les Présidents SISSOCO et MACRON est excellent, et la situation au Sahel donne lieu à une véritable convergence de vues. La première visite d’un président français à Bissau, en juillet 2022, a donné un momentum à nos relations bilatérales : ouverture à Bissau d’une école française internationale en septembre 2023, octroi d’une aide budgétaire de 5 millions d’euros en décembre 2022, envoi de quinze jeunes agronomes bissau-guinéens à l’École supérieure d’agronomie de Yamoussoukro en 2022 et reprise d’une coopération militaire à partir de l’été 2023.
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