Réuni le mercredi 12 mai 2021, sous la présidence de M. François BONNEAU (Union centriste-A – Charente), président délégué pour le Niger, le groupe d’amitié France – Afrique de l’Ouest s’est entretenu avec M. Alexandre GARCIA, Ambassadeur de France au Niger.
A également participé à la réunion : M. Lucien STANZIONE (Socialiste, Écologiste et Républicain – Vaucluse), secrétaire.
M. Alexandre GARCIA a fait observer que le Niger traverse actuellement une période à la fois délicate et inédite. Le pays vient d’achever une longue séquence électorale de plusieurs mois, avec des élections locales, législatives (fin décembre 2020) et présidentielles. Le second tour de ces dernières, qui s’est tenu le 21 février 2021, a vu la victoire, avec 55,5 % des suffrages, de M. Mohamed BAZOUM, face à M. Mahamane OUSMANE, Président de la République de 1993 à 1996, soutenu par le principal opposant, qui ne pouvait être candidat en raison d’une condamnation pénale. M. OUSMANE a obtenu de bons résultats à Niamey, fief de l’opposition. Cette élection est exceptionnelle dans l’histoire du Niger, qui avait été marquée par une succession de coups d’État : c’est en effet la première fois qu’un président élu succède à un autre président élu. La décision du Président Mahamadou ISSOUFOU de ne pas se représenter après deux mandats, geste significatif dans cette région, a contribué au bon déroulement du processus électoral.
M. Mohamed BAZOUM, professeur de philosophie de formation, descendant d’une famille libyenne, appartient à la minorité arabe, qui représente à peine 1 % de la population nigérienne. Il a longtemps été ministre des affaires étrangères puis de l’intérieur. En dépit d’attaques de nature raciste et xénophobe contre M. Bazoum pendant la campagne, les élections se sont plutôt bien déroulées, comme en ont attesté plusieurs missions d’observation électorale, dont celles de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les résultats de ces élections sont crédibles, malgré quelques irrégularités pour partie corrigées par la cour constitutionnelle. Le Président BAZOUM a pris ses fonctions le 2 avril dernier. Deux jours auparavant, une tentative de coup d’État, menée par un capitaine de l’armée de l’air et impliquant une quarantaine d’hommes, avait été déjouée facilement par la garde présidentielle, sans avoir fait de victimes.
L’Ambassadeur a ensuite abordé le contexte sécuritaire très difficile au Niger. Ce pays a des voisins instables : la Libye, au Nord, avec de nombreux trafics, notamment d’armes et de migrants ; le Mali, qui est un pays fragile ; le Nigéria, au Sud, en proie aux exactions de Boko Haram. Par ailleurs, le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, situé en bas du classement de l’indice de développement humain depuis une dizaine d’années. Enfin, la crise tchadienne déclenchée par la mort du Président Idriss DÉBY aggrave encore la situation. La situation sécuritaire du Niger se détériore nettement depuis le début de cette année : environ 400 à 500 victimes civiles sont à déplorer, tandis que les attaques contre des militaires ont repris. Ces actes terroristes ont un impact sur l’opinion publique et fragilisent les nouvelles autorités.
Plus largement, le Niger est confronté à des défis structurels de développement du fait d’un contexte géographique et climatique très difficile. Le taux de natalité y est l’un des plus élevés au monde et 80 % des 23 millions d’habitants ont moins de 18 ans. Le Président BAZOUM est tout à fait conscient de ces défis et a fait de l’éducation des filles une priorité forte de son action. Le système éducatif, qui manque d’enseignants et de locaux, est en effet le principal point faible du Niger. Environ 70 % de la population est analphabète. Si la stabilité, y compris ethnique, et les efforts en matière de sécurité sont à porter à l’actif du bilan du Président ISSOUFOU, ses mandats ont été marqués par cette difficulté à sortir le pays de son extrême pauvreté.
M. Alexandre GARCIA a indiqué que le Niger joue un rôle important en matière de limitation des mouvements de migrants. Les Nigériens migrent très peu vers l’Union européenne, mais le pays constitue un corridor de migration. Le Niger est également un partenaire très fiable de la France dans la lutte contre le terrorisme. L’opération Barkhane bénéficie du hub aérien que constitue la base de Niamey (avions de chasse, drones, ravitaillement) – l’essentiel des moyens militaires français de Barkhane se trouve au Mali. La coopération bilatérale dans le domaine de la défense fonctionne très bien.
En réponse à des questions de MM. Lucien STANZIONE et François BONNEAU, président délégué pour le Niger, M. Alexandre GARCIA a estimé indispensable que la France et l’Union européenne apportent leur soutien au Niger. Même si une approche sur le long terme doit être privilégiée, la stabilité de ce pays est cruciale. L’Ambassadeur a indiqué qu’il existe un véritable sens de l’État au Niger, même si l’État nigérien fonctionne de façon inégale : correctement dans les ministères régaliens, plus difficilement dans d’autres domaines, l’éducation en particulier. La construction de l’État y est un chantier permanent.
L’Ambassadeur a fait observer que le Niger disposait de ressources naturelles importantes. Le pays est ainsi un producteur important d’uranium, mais cette ressource tend à se tarir et le pays, longtemps troisième producteur mondial, occupe aujourd’hui le cinquième rang mondial. Une seule des deux mines exploitées par l’entreprise française Orano (ancienne Areva) reste aujourd’hui en activité. Le Niger produit aussi un peu de pétrole, soit environ 20 000 barils par jour. Les Chinois ont beaucoup investi dans ce secteur récemment et la production pétrolière nigérienne devrait quintupler d’ici l’année prochaine. Le gain de croissance attendu s’établit à 10 % par an. Cette perspective est favorable, mais la redistribution de cette manne pétrolière va soulever des défis pour le pays.
L’Ambassadeur a également appelé l’attention sur la présence turque au Niger. La Turquie a d’ailleurs ouvert de nombreuses ambassades en Afrique au cours des dernières années. Les Turcs investissent non seulement dans les infrastructures (construction du nouvel aéroport de Niamey et d’un hôtel Radisson par exemple), mais aussi dans la coopération caritative musulmane, qui bénéficie d’une image positive dans le pays. En revanche, les Russes sont très peu présents au Niger où ils n’ont pas d’ambassade. Quant aux Américains, leur présence est forte dans le domaine militaire, ce qui apporte une contribution précieuse à l’opération Barkhane en matière de renseignement, mais pas dans le domaine économique ni culturel.
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- M. Xavier DUPRIEZ
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