M. Michel Berson (app. SOC–Essonne), président du groupe interparlementaire d’amitié France-Albanie, a reçu, au Sénat pour un entretien, Mme Mirela Kumbaro, ministre de la culture de la République d’Albanie, accompagnée de Son Exc. M. Dritan Tola, ambassadeur d’Albanie en France. M. Alain Richard (SOC – Val-d’Oise), représentant spécial de la France dans les Balkans, participait également à l’entretien.
Mme Mirela Kumbaro a indiqué qu’elle effectuait une visite de travail en France pour étudier les voies et moyens d’une importante réforme de la politique culturelle dans son pays. Elle a rappelé que le gouvernement issu des élections législatives de juin 2013 avait arrêté deux grandes priorités dans le domaine culturel : l’art et la culture vivante, d’une part, et le patrimoine culturel, d’autre part, ce dernier étant un secteur aux riches potentialités pour l’Albanie (tourisme, développement économique, etc.). Elle a estimé que la culture avait été négligée au cours des législatures précédentes, en termes budgétaires et de priorité politique – sept ministres se sont succédé en huit ans – et que, par conséquent, très peu de projets structurants avaient été conduits.
La ministre a indiqué que l’éducation artistique constituait une priorité pour le gouvernement albanais, en particulier pour former le public de demain dans un pays dont 30 % de la population a moins de 18 ans. Elle a également souligné le décalage considérable entre les institutions culturelles albanaises et le patrimoine de son pays, ce dernier pouvant aussi être utilisé comme un instrument éducatif jusqu’à présent insuffisamment valorisé. Elle a appelé de ses vœux la formation d’un nouveau modèle dans lequel les musées et les sites archéologiques joueraient un rôle pédagogique important.
Rappelant que l’Albanie était dotée d’un riche patrimoine culturel, elle a noté que le coût de son entretien et de sa conservation était très lourd pour l’État et a indiqué que le gouvernement poursuivait l’objectif de responsabiliser les citoyens afin qu’ils se réapproprient leur patrimoine. Elle a ainsi souligné l’important travail de médiation culturelle mené par son ministère.
Mme Mirela Kumbaro a également expliqué sa présence en France par la volonté de renforcer la coopération culturelle entre son pays et le nôtre. Elle a ainsi rencontré de nombreux responsables de la politique culturelle française, à commencer par la ministre, Mme Aurélie Filippetti. Elle a rappelé qu’en décembre dernier, le Premier ministre albanais, M. Edi Rama, avait adressé une lettre au Président de la République, M. François Hollande, pour lui proposer d’organiser une année culturelle croisée entre l’Albanie et la France en 2016-2017. Cette initiative coïnciderait avec le centième anniversaire de la présence française en Albanie et s’inscrit dans un contexte marqué par un renouveau de la francophonie parmi la jeunesse albanaise. La présence culturelle française en Albanie est réelle, mais repose sur des projets sans doute trop ponctuels dont les retombées ne sont pas suffisamment durables. L’organisation d’une année croisée permettrait de remédier à ce caractère éphémère. En outre, l’Albanie pourrait jouer le rôle d’avant-poste dans la diffusion de la francophonie dans les Balkans. Des artistes albanais ou d’origine albanaise de renommée internationale, tels l’écrivain Ismaël Kadaré, le chorégraphe Angelin Preljocaj ou encore la soprano Inva Mula, se mobilisent déjà en faveur de ce projet.
M. Alain Richard a considéré que les arts et la compréhension culturelle contribuent à la diffusion de l’influence française dans cette région de l’Europe et favorisent la coopération entre la France et les États des Balkans. Il a rappelé que le chef de l’État s’était déjà prononcé en faveur d’un rapprochement franco-balkanique, en particulier lors du sommet de Brdo en juillet 2013. Il a fait observer que, dans le domaine culturel, les fonds privés avaient déjà largement pris le relais de ressources publiques nécessairement contraintes, grâce au mécénat. Enfin, il a estimé qu’un événement comme une année croisée pouvait contribuer à modifier la perception de l’Albanie dans l’opinion publique française au moment où ce pays est sur le point d’obtenir le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Il s’est interrogé sur l’existence d’un inventaire du patrimoine culturel en Albanie.
M. Michel Berson a jugé très opportun le projet d’année croisée franco-albanaise, qui permettrait aussi de renouer avec une tradition bien ancrée de relations culturelles entre les deux pays. Il a ajouté que la France possède une riche expérience en matière de coopération culturelle et détient une réelle expertise qui serait très utile à l’Albanie.
Mme Mirela Kumbaro a indiqué que l’Albanie s’était dotée, sous le régime communiste, d’une base de données relative au patrimoine culturel, mais que cet outil avait été mal géré. Elle a indiqué que la mise à jour de l’inventaire du patrimoine, ainsi que sa valorisation, faisaient partie des priorités de son ministère, tout en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un chantier de longue haleine. Elle a mentionné la mise en place d’un groupe de travail réunissant des experts français et albanais sur ce sujet. Enfin, elle a rappelé que le dernier protocole de coopération culturelle entre les deux pays datait de 1989, soit avant l’instauration de la démocratie en Albanie.
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