L’Union interparlementaire (UIP) et le programme européen INTER PARES de coopération interparlementaire ont organisé, le mardi 21 mai 2024, un webinaire portant sur le thème « Connecting the superpowers of ‘digital natives’ with Parliament ».

Le webinaire était dispensé sous le format d’une table ronde où deux modérateurs de l’UIP et d’INTER PARES interrogeaient quatre intervenants : M. Pradip KHATIWADA, directeur de l’ONG népalaise Youth Innovation Lab; Mme Hanah LAHE, parlementaire estonienne ; M. Andres LOMP, chargé de l’engagement communautaire du parlement de l’État australien de Victoria, et Mme Nerima WAKO, directrice de l’ONG kényane SIASA Place.

1. Le Parlement et les « natifs du numérique »[1]

Le concept de « natifs du numérique » désigne le segment de la population née et ayant grandi avec les outils du numérique dont les technologies de l’information et de la communication, ainsi que les réseaux sociaux, les messageries instantanées et tout dispositif donnant un accès quasi immédiat à l’information via Internet. Cette génération entretient un rapport singulier avec les institutions parlementaires et l’expression de son comportement politique se fait par des canaux différents de ceux employés par les générations précédentes. De plus, les « natifs du numérique » hiérarchisent différemment les enjeux politiques en accordant, par exemple, un intérêt élevé au changement climatique. Ainsi, chaque intervenant s’est exprimé sur son expérience et ses interactions avec cette jeunesse dans le cadre de ses activités.

Mme Hannah LAHE, parlementaire estonienne élue à l’âge de 23 ans, appartient à la catégorie des « natifs du numérique ». Elle évoque notamment sa participation au sein des commissions des affaires européennes et du développement durable. Son engagement lui permet de défendre les préoccupations des jeunes générations dans un parlement dont l’âge moyen est nettement plus élevé. Il s’agit, selon elle, d’un défi pour convaincre ses aînés de l’importance des questions numériques et environnementales.

M. Pradip KHATIWADA, directeur d’une ONG engagée auprès de la jeunesse, a présenté ses travaux visant à réduire la fracture numérique au Népal. En effet, un segment non-négligeable de la jeunesse n’a pas les compétences requises pour utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou n’y a pas accès. Cette situation désavantage structurellement ces jeunes dans leur recherche d’emploi et le renforcement de leur capital humain.

M. Andres LOMP, chargé des relations communautaires du parlement de Victoria en Australie, travaille à renforcer la participation des « natifs du numérique » dans les affaires parlementaires. La communication du parlement est en effet centrale pour interagir avec cette génération et les faire participer aux travaux législatifs. Il est important de développer une stratégie de communication institutionnelle qui puisse à la fois diffuser les débats parlementaires que collecter les idées et propositions des jeunes de 18 à 30 ans.

Mme Narima WAKO, à la tête d’une ONG, rappelle les enjeux de la représentation et de la participation politique de la jeunesse kényane dans un pays où l’âge moyen est de 19 ans. De fait, les outils numériques peuvent contribuer à renforcer la proximité de la jeunesse avec les responsables politiques et, le cas échéant, les tenir responsables de leurs actes.

2. Les outils du numérique et le Parlement

Se référant à ces expériences, les intervenants ont été appelés à répondre à la question suivante  : dans quelle mesure les outils du numérique peuvent-ils transformer l’activité du Parlement et renforcer son interaction avec les « natifs du numérique » ?

Mme Hannah LAHE affirme qu’en dépit du rythme inhérent aux travaux et à la procédure parlementaires, les outils du numérique peuvent toutefois permettre des innovations. Par exemple, l’intelligence artificielle, dont Chat GPT, a simplifié la transcription des interventions parlementaires. Puis, en termes de communication politique et institutionnelle, les réseaux sociaux sont devenus des canaux essentiels pour diffuser l’activité du parlement au plus grand nombre. Elle estime à ce titre que les assemblées parlementaires pourraient recruter davantage de stagiaires dans ces domaines afin de renforcer leurs compétences.

M. Pradip KHATIWADA insiste sur l’omniprésence des réseaux sociaux dans les campagnes électorales et sur l’introduction de nouveaux outils comme l’intelligence artificielle. Bien qu’il s’agisse d’une opportunité pour mettre à l’agenda l’enjeu de la régulation des nouvelles technologies, il fait observer qu’une partie de la population n’y a pas accès et n’est donc pas prête à participer à ce débat, ce qui soulève des questions d’adaptation  et de démocratisation.

M. Andres LOMP évoque le potentiel des outils numériques dans l’implication de la jeunesse dans les travaux des commissions parlementaires. L’organisation de forums et tables-rondes en ligne pourrait faire participer les jeunes électeurs aux débats des commissions . Il  estime que les nouvelles technologies ont fait évoluer la communication institutionnelle et que les « natifs du numérique » peuvent également y contribuer de façon à encourager le reste de leur génération à s’intéresser aux activités du parlement.

Mme Narima WAKO conclut ce tour de table en indiquant que les hommes politiques kényans disposent à présent d’une large communauté sur les réseaux sociaux. L’implication de la jeunesse dans la vie politique du Kenya est dès lors plutôt acquise. Cependant, le dialogue avec les parlementaires reste insuffisant en dépit des avantages des outils numériques. Dès lors, un objectif serait d’encourager la classe politique à échanger plus substantiellement avec son jeune électorat et d’être tenu responsable devant lui.

3. Conclusion

Les quatre intervenants ont évoqué le potentiel des outils numériques pour inclure la jeunesse dans les débats qui comptent le plus pour cette catégorie de la population comme le changement climatique. Cependant, la réduction de la fracture numérique constitue en soi un objectif urgent pour permettre cette transformation. Enfin, le parlement doit donner les moyens à la jeunesse, particulièrement aux « natifs du numérique », de participer à ses activités en la sollicitant par le biais des nouvelles technologies.

Xavier DUPRIEZ – Tél : 01.42.34.32.06 – Courriel : x.dupriez@senat.fr


[1] Traduction littérale de « digital natives » proposée par l’UIP et Inter Pares.