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Lors de son allocution inaugurale, le 5 février, Mathias Cormann, Secrétaire général de l'OCDE, s’est réjoui de la présence de 140 parlementaires représentant 43 pays, ainsi que l’assemblée parlementaire de l’OTAN et le Conseil de l’Europe. Il a annoncé les trois thématiques sur lesquelles son organisation travaillait, en lien avec les parlementaires nationaux : l’élaboration d’une stratégie globale sur l’intelligence artificielle (IA), l’atténuation des changements climatiques et la stabilisation des chaînes d’approvisionnement à l’échelle internationale.
Dans sa présentation sur les perspectives économiques mondiales, Álvaro S. Pereira, chef économiste à l’OCDE, a souligné la résilience globale de l’économie, connaissant un taux de croissance stable de 3,3 %, et ce malgré les deux chocs majeurs qu’ont constitué la pandémie de Covid-19 et le conflit russo-ukrainien, qui ont provoqué une forte pression inflationniste, une hausse des taux d’intérêt et un blocage des chaines d’approvisionnement. La vigueur de l’activité varie cependant selon les pays et régions du monde, l’Europe étant de ce point de vue en-dessous de son potentiel de croissance.
Trois risques globaux pèsent aujourd’hui sur l’économie mondiale : la multiplication des conflits géopolitiques de forte intensité (Moyen-Orient, Ukraine) ; l’accroissement de l’endettement, notamment dans les pays les plus pauvres ; et le développement généralisé de mesures protectionnistes à l’échelle nationale.
En outre, un ralentissement de la hausse du taux de productivité est nettement observable, à l’exception des États-Unis, et plus particulièrement des entreprises américaines des secteurs technologiques. Ce cas particulier états-unien s’explique par les efforts de formation substantiels à destination des travailleurs américains ainsi que par les investissements massifs dans les actifs incorporels, notamment liés à l’IA.
Les parlementaires de plusieurs pays (Turquie, Japon, Chili, Norvège…) ont souligné la nécessité de conserver un ordre international ouvert fondé sur le multilatéralisme, la coopération et le libre-échange.
Dans sa présentation Gouverner avec l’IA, le 6 février, Elsa Pilichowski, directrice de la gouvernance, a détaillé le dernier rapport publié sur le sujet par l'OCDE.
L’IA y est présentée comme essentielle dans le secteur public car permettant d’améliorer la qualité et la réactivité des services publics, d’asseoir la prise de décision sur des analyses précises, d’augmenter l’efficacité des dépenses publiques et d’automatiser les tâches administratives les plus répétitives.
Soulignant le rôle fondamental des institutions parlementaires dans la règlementation et la promotion de l’IA, le rapport met en avant plusieurs exemples d’utilisation de celle-ci dans le secteur public (amélioration de la gestion des contrats publics en France, cartographie intelligente pour une meilleure gestion des territoires en Australie ou surveillance et détection d’événements critiques comme les crises sanitaires ou environnementales en Corée du Sud et au Royaume-Uni).
Les gouvernements doivent relever plusieurs défis : développer des cadres réglementaires et éthiques pour assurer un usage fiable de l’IA, protéger les droits humains, garantir la transparence algorithmique, assurer la cybersécurité, renforcer la confiance du public dans les outils d’IA…
L’OCDE met en avant plusieurs initiatives, qu’elles impliquent plusieurs pays ou villes (le règlement européen sur l’IA, entré en vigueur le 1er août 2024 ; la coalition des villes pour les droits numériques) ou qu’elles soient nationales (l’« Algorithmic Impact Assessment Tool », un outil canadien d’évaluation des impacts algorithmiques ; la désignation de « Chief AI Officers » aux Etats-Unis pour coordonner l’usage de l’IA au sein des agences fédérales).
Un cadre d’action structuré autour de quatre recommandations pour une IA responsable dans le secteur public est promu par l’OCDE : favoriser l’engagement des parties prenantes (citoyens, entreprises, institutions), promouvoir le recours à différents instruments (infrastructures numériques, formation, coopération internationale), mettre en place des garde-fous (régulations, principes éthiques, transparence) et modéliser l’impact attendu sur l’efficacité des services publics (réactivité, productivité, redevabilité).
Une publication mondiale « Gouverner avec l’IA » de l’OCDE est attendue au premier trimestre 2025. Basée sur l’analyse de plus de 100 cas d’usage, elle proposera des recommandations concrètes aux décideurs publics.
Lors de la discussion qui a suivi cette présentation, sont tout d’abord intervenus des membres d’assemblées interparlementaires. Il a été annoncé que l’Assemblée parlementaire de la méditerranée (APM) appellerait, lors de sa 19e session plénière, à un usage responsable de l’IA de nature à renforcer la croissance tout en intégrant ses conséquences radicales sur le marché du travail. Les nombreux travaux de l’Assemblée permanente du Conseil de l’Europe (APCE) sur l’IA ont été mentionnés, tandis qu’a été soulignée l’importance de la convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, premier instrument international juridiquement contraignant dans ce domaine, ouverte à la signature depuis le 5 septembre 2024.
Enfin sont intervenus différents parlementaires nationaux, qui tout en reconnaissant l’immense potentiel de l’IA pour l’amélioration des politiques et des services publics, ont rappelé la nécessité d’un cadre législatif et d’une gouvernance robustes, d’une garantie de qualité et de fiabilité des données utilisées par l’IA, ainsi que d’un contrôle systématique de l’IA par l’humain dans la prise de décision publique.
Voir le programme (PDF - 1.20 Mo)
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Maxime REVERSAT – Tél : 01.42.34.37.95 – Courriel : m.reversat@senat.fr