Le jeudi 27 juin 2024, le Sénat a accueilli M. Fabrice LENA, Secrétaire général du parti politique Popular Action Party et consultant pour le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale, au Cameroun, au titre du Programme d'invitation des personnalités d'avenir (PIPA) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
M. LENA s'est entretenu avec M. Ronan LE GLEUT, Président délégué pour le Cameroun du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique centrale. Les discussions ont principalement porté sur la nature de l’État camerounais, aujourd'hui unitaire après avoir été fédéral lors de l'accès à l'indépendance en 1960. M. LENA, qui s'est défini comme un "fédéraliste modéré", a regretté que les évolutions introduites par la Constitution de 1996, après une longue période de parti unique, n'étaient que partiellement mises en œuvre. Il a rappelé que la "crise anglophone" de 2016, qui s'était traduite par d'importantes manifestations, causant le mort de nombreuses personnes, dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du pays, trouvait son origine dans la volonté de conserver l'usage de la langue anglaise dans les écoles et les tribunaux de ces régions, avant de dégénérer en un conflit de nature séparatiste. Un Grand dialogue national a été engagé, mais sa proposition d'octroyer un statut spécial aux régions anglophones du pays n’aurait pas eu de suite, selon M. LENA ; par ailleurs, ce dialogue a aussi réaffirmé le processus de décentralisation.
En effet, le Cameroun présente une très grande diversité dans de nombreux domaines, y compris ethnique, linguistique et culturel. Toutefois, la réforme engagée vers davantage de décentralisation demeure peu effective : les gouverneurs, qui exercent la réalité du pouvoir dans les régions, sont nommés par le président de la République, alors que les présidents élus des conseils régionaux ne peuvent librement administrer leurs collectivités qui ne disposent pas de l'autonomie de gestion. Dans ce contexte, la population ne constate aucun changement dans ses conditions de vie quotidienne, ce qui contribue à entretenir le séparatisme.
M. LENA a fait observer que la situation des droits humains au Cameroun régressait et que lui-même avait été placé en garde à vue à plusieurs reprises pour son engagement politique. En outre, les projets de développement et d'infrastructures ne sont pas menés à bien, alors que l'économie camerounaise était prospère jusqu'au début des années 1980. Il a expliqué qu'il militait pour un fédéralisme raisonnable reposant sur la redéfinition des limites de certaines régions du pays de façon à respecter leurs spécificités, sur l'institution d'un État fédéral doté d'un chef de l’État élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, sur la redéfinition des fonctions des préfets et sous-préfets, aujourd'hui tout-puissants, et sur la définition des compétences locales et leur transfert effectif aux collectivités locales. Une politique active de lutte contre la corruption est également indispensable. Notant que le personnel politique camerounais est âgé, alors que la population est très jeune, M. LENA a indiqué qu'il envisageait d’être candidat aux élections législatives prévues début 2025. Il a toutefois regretté la faiblesse du nombre d'inscrits sur les listes électorales et de la participation électorale dans son pays ; son parti a d'ailleurs lancé une campagne en faveur de l'inscription sur les listes électorales, qui fonctionne bien.
Enfin, M. Fabrice LENA a effectué une visite historique et institutionnelle du Palais du Luxembourg.
Xavier DUPRIEZ – Tél : 01.42.34.32.06 – Courriel : x.dupriez@senat.fr