PARTICIPATION DU GROUPE FRANÇAIS À L’AUDITION PARLEMENTAIRE ANNUELLE DE L’UIP AU SIÈGE DE L’ONU
(New York, 6-7 décembre 2012)
L’Audition parlementaire annuelle de l’UIP, qui a réuni quelque 180 parlementaires du monde entier, s’est tenue les 6 et 7 décembre 2012, à New York au siège de l’ONU.
Elle a été consacrée à l’examen du rôle des Parlements dans la prévention des conflits, la réconciliation et la consolidation de la paix, sur la base notamment de l’évaluation de trois expériences nationales de résolution de crise : au Kenya, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire. Elle s’est achevée par un débat sur la question : Est-ce qu’une composition plus inclusive du Conseil de sécurité permettrait de mieux assurer la sécurité dans le monde ?
Le Parlement français y était représenté par M. Robert Del Picchia, Sénateur (Français établis hors de France) et Président du groupe des 12+ de l’UIP, M. Patrice Martin-Lalande, Député de Loir et Cher, membre du groupe consultatif de la commission des affaires des Nations Unies de l’UIP et Mme Clotilde Valter, Députée du Calvados.
Lors du débat général préalable, M. Robert del Picchia a relevé la pertinence de l’expérience franco-allemande pour ce qui est de la réconciliation des peuples. Il a fait valoir qu’au-delà de l’engagement des principaux responsables politiques des deux pays, ce processus avait pu s’appuyer utilement sur la société civile, en mobilisant en particulier la jeunesse via les échanges universitaires et en permettant la diffusion territoriale de l’esprit de réconciliation par la création des jumelages de collectivités locales.
Il a fait valoir que sur le plan politique intérieur, une démarche post-crise comparable était indispensable, par exemple par une implication accrue des femmes au processus et par le développement du rôle des ONG représentatives et reconnues.
Au cours du premier débat consacré à la prévention des conflits politiques internes au Kenya ‑ quelque quatre ans après les graves émeutes qui avaient suivi les élections de 2007 ‑ M. del Picchia a interrogé M. Kenneth Marende, Président de l’Assemblée nationale du Kenya, sur l’impact politique de la diversité ethnique dans son pays. Le Président Marende a indiqué que les quelque 17 ethnies présentes au Kenya n’avaient certes pas chacune son propre parti politique ; seules quatre ethnies principales se retrouvaient dans des formations politiques spécifiques. Il a cependant fait valoir que la récente réforme électorale avait établi des règles permettant d’éviter l’ «ethnisation » du vote, qui aurait des effets potentiellement dévastateurs sur la paix civile.
Mme Valter a pour sa part observé que deux personnes poursuivies par la Cour pénale internationale (CPI) envisageaient de se présenter aux élections présidentielles et qu’elles figuraient parmi les favoris. S’inquiétant des conséquences de cette situation sur le bon déroulement de la procédure, elle a insisté sur l’importance de la lutte contre l’impunité dans les stratégies de sortie de crise. Dans sa réponse, le Président Marende a considéré que les personnes en cause, présumées innocentes, devaient pouvoir exercer tous leurs droits politiques, soulignant cependant que le Statut de Rome, ratifié par le Kenya en 2005, s’applique aux citoyens kenyans.
Au cours de la discussion relative à la démarche de réconciliation en Côte d’Ivoire, M. Guillaume Soro, Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, a décrit le rôle du Parlement dans ce processus.
En réponse à M. del Picchia qui s’inquiétait des lenteurs de la mise en œuvre effective du programme de désarmement, démobilisation, réintégration (DDR) et qui l’interrogeait sur le retour des réfugiés, M. Soro a fait valoir que ces processus supposaient la reprise du développement économique, notamment dans le secteur agricole pour qu’enfin, jeunes démobilisés comme réfugiés revenus sur leurs terres, puissent se projeter dans un avenir de paix.
M. Patrice Martin-Lalande a participé, lors du débat de conclusion, à la table ronde sur la réforme du Conseil de sécurité.
Il a, dans son exposé liminaire, énuméré les raisons qui militent en faveur d’un élargissement du Conseil de sécurité (changements intervenus depuis 1945 dans le nombre d’Etats, émergence de puissances nouvelles, extension des responsabilités de l’ONU). Après avoir rappelé que plusieurs propositions de réforme avaient été présentées pour rendre le Conseil de sécurité plus représentatif, il a relevé certaines anomalies à corriger : la sous-représentation de l’Afrique alors que la grande majorité des décisions du Conseil la concernent, l’absence de représentation de l’Afrique et du monde arabe ou musulman parmi les membres permanents. Comment, dans ces conditions, accepter qu’après plus de dix ans de négociations intergouvernementales, aucun progrès n’ait été accompli, au moins pour définir quelques orientations consensuelles de réforme sur lesquelles s’appuyer ?
Dans la discussion qui a suivi, il a souligné que la France est favorable à ce que les membres permanents prennent l’engagement de ne pas exercer leur droit de veto lorsqu’il s’agit de protéger des populations face à des atrocités de masse.
Constatant par ailleurs que l'ONU est confrontée de plus en plus souvent à des conflits intra-étatiques, il a souligné que la résolution de ces conflits passe obligatoirement par une médiation extérieure au pays, qui sera d'autant plus efficace qu'elle sera réalisée par ou avec le concours actif des organisations régionales, comme l’Union Africaine ou la CEDEAO. L’amélioration du fonctionnement du Conseil de sécurité nécessite donc de renforcer le lien avec les organisations régionales. Malgré le caractère interétatique de l'ONU, est-il dans ces conditions possible d’envisager une forme de représentation des organisations régionales au sein du Conseil ?
La délégation des parlementaires a par ailleurs été conviée à un dîner de travail par M. Gérard Araud, représentant permanent de la France à l’ONU. Celui-ci a notamment décrit l’action de la France au Conseil de Sécurité, en développant en particulier la question du Nord-Mali et la situation en Syrie. Il a également présenté les conditions et les enjeux d’une éventuelle réforme du Conseil de sécurité.