M. Christophe-André Frassa, sénateur (France), président de la Commission politique de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), a présidé la réunion du groupe de travail sur la révision des statuts puis la réunion de la Commission politique les samedis 27 et dimanche 28 avril 2024 à Luxembourg.
Lors de sa réunion des 27 et 28 avril, qui s’est déroulée de M. Francis Drouin (Canada), président de l’APF, et qui a rassemblé des parlementaires issus des sections de Belgique/Communauté Française/Wallonie-Bruxelles, du Bénin, du Cambodge, du Cameroun, du Canada, du Luxembourg, du Québec et de la Suisse, le Groupe de travail a achevé l’examen du règlement financier de l’APF qui définit l’ensemble des procédures budgétaires et comptables de l’Assemblée, ainsi que du Manuel des Procédures, document d’usage interne qui décrit les modalités d’application de celui-ci.
Puis, il a procédé à une révision des Mécanismes de vigilance démocratique de l’APF. Cette révision dont le principe avait été arrêté au bureau de Dakar de janvier 2020, visait à compléter la panoplie de mécanismes afin de permettre une meilleure prise en compte de la diversité des situations politiques dans l’espace francophone et à les assortir de mesures d’accompagnement de nature à développer leur dimension incitative plutôt que punitive. Adoptés en 2017, les Mécanismes de vigilance démocratique actuels sont au nombre de trois : l’alerte, l’observation et la suspension. Les nouveaux Mécanismes comprennent deux nouveaux degrés : la veille préventive, qui se traduit par la mention de tout événement politique notable dans le rapport sur les situations politiques et par un suivi attentif, et la transition, qui pourra s’appliquer lorsqu’à l’issue d’une rupture de l’ordre constitutionnel ayant ou non entrainé l’application d’une mesure de suspension, un pays s’inscrit dans une démarche sincère de transition et de retour à la démocratie et manifeste son attachement à la francophonie et à ses valeurs. La transition ouvre l’accès à des mesures d’accompagnement (programmes de coopération, assistance technique), tout en restant assortie de certaines mesures restrictives (suspension du droit de vote et de l’exercice de postes de responsabilité), constituant un échelon intermédiaire entre l’alerte (qui, dans la nouvelle version des Mécanismes, est placée après l’observation) et la suspension pure et simple.
Le nouveau texte prévoit en outre qu’au sein de la Commission politique, un comité de vigilance démocratique est chargé de proposer à celle-ci les mécanismes à appliquer en fonction de l’évolution des situations politiques. Ce comité de vigilance se réunira avant chaque réunion de la Commission politique dans le format du groupe de travail sur les statuts.
• Réunissant, outre les parlementaires des sections représentées au groupe de travail (cf supra) précités, des représentants des sections de l’Arménie, de la Côte d’Ivoire, de la Nouvelle-Calédonie, de la République démocratique du Congo (RDC), de la Roumanie et du Sénégal, la Commission politique s’est tenue, quant à elle, les 29 et 30 avril. Après une intervention liminaire de M. Claude Wiseler, Président de la Chambre des députés du Luxembourg et une intervention de M. Gilles Baum, président de la section luxembourgeoise, sur la place de la langue française au Luxembourg, M. Christophe-André Frassa, président, a chaleureusement remercié la section luxembourgeoise d’avoir organisé l’accueil, dans des délais très resserrés, de cette réunion, qui initialement devait se tenir dans un autre lieu, rappelant également que c’est à Luxembourg qu’avait été fondée en 1967 l'Association internationale des parlementaires de langue française qui, plus tard, deviendra l’APF.
La Commission politique a tout d’abord pris acte de modifications dans la composition de son bureau : Mme Maryline Picard (Québec) devient vice-présidente suite au départ de M. Eric Lefebvre (Québec) ; M. Assan SeIbou (Bénin) devient également vice-président, en remplacement de M. Kalla Ankourao (Niger) privé de son mandat de parlementaire à la suite du coup d’Etat du 26 juillet 2023 ; M. Pierre Ngayap (Cameroun) est désormais rapporteur, succédant à M. Mesmin Wada (Gabon), en conséquence du coup d’Etat du 30 août 2023 ; enfin M. Khieu Kanharith (Cambodge) remplace à titre intérimaire M. Chea Cheth (Cambodge), qui a achevé son mandat de parlementaire.
La Commission politique a ensuite pris connaissance du rapport de M. Pierre Ngayap (Cameroun) sur les situations politiques au sein de l’espace francophone. Celui-ci relève notamment un durcissement des régimes militaires ayant pris les commandes dans les pays du Sahel, une dégradation préoccupante de la situation sécuritaire en Haïti mais aussi des signaux positifs dans le cadre de certaines transitions politiques en cours). A ensuite été abordé le rapport de M. Nicolas Walder (Suisse) sur la situation des pays au regard de la peine de mort, qui note que si 3/4 des pays francophones ont aboli la peine de mort, des reculs ne sont pas exclus, à l’instar de la récente levée du moratoire en RDC. Puis la Commission a écouté une mise en perspective par M. Désiré Nyaruhirira, conseiller spécial de la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Elle a également entendu le compte rendu, présenté par M. Pierre Ngayap, de la mission de bons offices qui s’est déroulée au Gabon en novembre 2023. Celle-ci a mis l’accent sur un certain nombre de points positifs concernant la transition en cours (consensus politique autour du régime issu du coup d’Etat, calendrier clair de transition …).
Puis la Commission politique a ensuite procédé à l’audition de deux experts, M. Abdoul Karim Saidou, maître de conférences à l’université Thomas Sankara de Ouagadougou et M. Gilles Yabi, analyste politique, fondateur du think tank Wathi à Dakar, sur le thème des transitions politiques dans l’espace francophone. Ils ont souligné que les récents coups d’Etat militaires en Afrique étaient liés à la dégradation de la situation sécuritaire, le besoin de sécurité des populations primant sur leur attachement à la démocratie et à l’ordre constitutionnel. Ces coups d’Etat s’accompagnent d’une rupture avec les organisations internationales et régionales comme la CEDEAO et les partenaires traditionnels, et d’un rapprochement avec la Russie. Face au risque important de remise en cause de l’intégration régionale et d’affaiblissement de la démocratie, il faut maintenir le dialogue et investir dans l’éducation tout en tenant compte du besoin de sécurité des populations. Un débat s’est ensuite noué qui a porté notamment sur la capacité des régimes militaires à gouverner et sur l’opportunité de distinguer ou non entre les régimes issus des coups d’Etat, selon les évolutions constatées.
Puis est intervenu le tour de table des sections qui a donné un aperçu de l’actualité politique, économique et sociale des pays représentés lors de la réunion.
Mme Liliana Tanguy, pour la section française, a évoqué les grandes priorités gouvernementales (la situation internationale, avec la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, le ralentissement économique mondial, la question du déficit public), les avancées législatives récentes (notamment dans le domaine social et dans celui du numérique, sans oublier l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse) et la perspective des prochaines élections européennes, le 9 juin.
La Commission politique s’est ensuite livrée à un exercice inédit consistant en l’audition de représentants de plusieurs sections suspendues, invités à venir s’exprimer à Luxembourg. Cette séquence était destinée à permettre d’apprécier concrètement l’évolution de la situation politique de leurs pays et de réévaluer éventuellement le statut de ces sections au regard des mécanismes de vigilance démocratique rénovés.
Les sections suspendues de Guinée, de Tunisie et du Tchad, qui avaient répondu positivement à l’invitation, ont ainsi été auditionnées, donnant lieu à des échanges qui ont mis en lumière des changements positifs intervenus dans ces pays et leur attachement à la Francophonie. Leurs représentants ont notamment été interrogés sur la situation de leur pays en matière d’Etat de droit, les prochaines étapes de leurs calendriers de transition, la place des femmes dans la sphère politique et les éventuels besoins d’accompagnement de l’APF dans les processus de transition démocratique. Il convient de noter que la section du Gabon avait prévu de rejoindre la réunion par visioconférence mais que cela n’a pas été possible pour des raisons techniques. Néanmoins, la mission de l’APF et le rapport de mission précité avaient permis d’apprécier l’évolution de la situation dans ce pays.
Puis, un point a été fait sur les rapports en cours au sein de la Commission politique. Mme Maryline Picard (Québec) a présenté ses axes de travail sur le thème de la cybersécurité et de l’ingérence électorale, qui avait été proposé par son prédécesseur, M. Eric Lefebvre, lors de la réunion de la Commission en avril 2023 à Paris. Intervenant dans le cadre de son rapport sur le rôle du multilatéralisme dans la promotion de la paix et de la démocratie, M. Philippe Courard (Fédération de Wallonie-Bruxelles) a souligné que, si l’UIP s’était vu reconnaître un statut d’observateur à l’ONU en 2002, l’implication des parlements dans le multilatéralisme était encore insuffisante et gagnerait à être renforcée. M. Christophe-André Frassa, président, a observé que le multilatéralisme procédait d’abord d’un dialogue intergouvernemental tout en soulignant que dans le cas de la francophonie, l’APF avait précédé l’OIF. Il a invité les parlements à faire usage de leur pouvoir vis-à-vis des organisations multilatérales à l’occasion du vote de la loi de finances. Enfin, M. Eric Forest (Canada) a présenté l’état de ses réflexions sur la lutte contre la désinformation et les modèles alternatifs de financement de la presse, mettant l’accent sur les difficultés économiques des médias traditionnels à l’heure du numérique et des réseaux sociaux.
M. Christophe-André Frassa, président, est ensuite revenu sur le chantier de la révision des statuts, que le groupe de travail venait d’achever avec l’adoption du règlement financier et celle des nouveaux Mécanismes de vigilance démocratique. Il a présenté à la Commission politique les grandes lignes de cette révision (cf supra) et ses principaux objectifs (donner un caractère constructif aux Mécanismes, maintenir le dialogue avec les sections concernées, mieux prendre en compte les transitions et renforcer la coordination sur ce sujet avec les autres organisations internationales, notamment l’OIF). Puis il a proposé de réévaluer la situation des différentes sections concernées aux regard des Mécanismes révisés.
Enfin, la Commission politique a adopté un projet de résolution sur la situation en République Démocratique du Congo, qui condamne les incursions militaires répétées sur le territoire de ce pays et les violences, et qui appelle à la désescalade, au dialogue et à la mise en œuvre des processus de paix régionaux. En début de réunion, les représentants de la section de la RDC avaient, en effet, déploré que l’APF ne s’exprime pas sur la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est du pays.